N° 301
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 février 2018 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de résolution européenne présentée par MM. Pascal ALLIZARD et Didier MARIE au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 quater du Règlement, sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre - échange entre l' Union européenne et l' Australie , d'une part, et la Nouvelle - Zélande , d'autre part,
Par Mme Anne-Marie BERTRAND,
Sénateur
et TEXTE DE LA COMMISSION
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , président ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mmes Michelle Gréaume, Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mme Patricia Morhet-Richaud, MM. Robert Navarro, Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, MM. Dominique Théophile, Jean-Claude Tissot . |
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Sénat : |
229 (2017-2018) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le 13 septembre 2017, la Commission européenne a présenté deux recommandations au Conseil en vue d'autoriser l' ouverture de négociations commerciales avec l'Australie et avec la Nouvelle-Zélande . Cela a conduit nos collègues sénateurs Pascal Allizard et Didier Marie à déposer une proposition de résolution européenne traitant des enjeux soulevés par ces négociations. Cette proposition a été adoptée à l'unanimité par la commission des affaires européennes du Sénat le 18 janvier 2018. En application de l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, la commission des affaires économiques a procédé à son tour à l'examen de ce texte le 14 février 2018.
La négociation de ces accords soulève un certain nombre d' enjeux économiques importants. La libéralisation des échanges avec ces deux pays pourrait ouvrir aux entreprises françaises et européennes de nouvelles opportunités commerciales et renforcer l'excédent de la France avec ces deux partenaires commerciaux. L'enjeu est également d'exporter non seulement des biens et des services, mais aussi nos normes sociales et environnementales, ainsi que nos normes en matière de protection des données et de sécurité alimentaire. Enfin, ces accords permettront aussi d'ancrer ces deux pays dans un système commercial fondé sur des règles. Alors que le cadre multilatéral se porte mal, l'enjeu de faire de l'Union européenne le moteur et le point d'agrégation d' un commerce mondial respectueux des règles est un enjeu stratégique.
Mais il faut bien entendu rester vigilant et défendre les intérêts de la France sans naïveté . En particulier, il est clair que les filières bovine, ovine, laitière et sucrière françaises , déjà fragilisées, ne devront pas être impactées négativement par un éventuel accord. Tout cela justifie évidemment que le Sénat s'intéresse de près à la manière dont ces accords vont être négociés. La proposition de résolution demande que ces produits sensibles, en particulier les produits de l'élevage ou les sucres spéciaux, fassent l'objet de contingents limités . Elle demande également qu'ils puissent bénéficier de mesures de sauvegarde spécifiques et effectives mises en oeuvre sans délai. La commission des affaires économiques soutient sans réserve ces recommandations. Elle a également adopté, sur proposition de votre rapporteur, deux amendements en vue de donner encore plus de poids à ces dispositions.
Au-delà des enjeux spécifiques à ces deux accords commerciaux, un second motif pour s'intéresser à l'annonce de l'ouverture prochaine des négociations avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, c'est que cette annonce prend place à un moment charnière dans l'histoire de la politique commerciale européenne . Après l'échec du TTIP et l'accouchement difficile du CETA, au terme d'une séquence de plusieurs années marquée par la montée des critiques à l'encontre des accords commerciaux de nouvelle génération, l'Union européenne doit montrer qu'elle a entendu les demandes exprimées par les opinions publiques et les pouvoirs publics nationaux et qu'elle est capable d'infléchir sa politique commerciale européenne vers plus de transparence, de réciprocité et vers une prise en compte corrective des impacts asymétriques négatifs sur certaines filières et certains territoires.
La France est depuis le début en pointe dans le combat. En particulier, le Sénat , à l'initiative de sa commission des affaires européennes, a adopté depuis 2013, sur la base d'un large accord transpartisan, plusieurs résolutions européennes pour essayer de peser sur la négociation des accords commerciaux. Il est important par ailleurs de noter que, sur ces sujets, quelles que soient les majorités au pouvoir, la voix du Sénat a toujours été concordante avec celle du Gouvernement . Il est essentiel en effet que la France parle d'une seule voix. C'est encore le cas aujourd'hui. De façon manifeste, la proposition de résolution sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part, reprend plusieurs points majeurs du plan d'action relatif à la mise en oeuvre du CETA adopté le 25 octobre 2017 par le Gouvernement dans le prolongement du rapport Schubert.
On peut s'en féliciter, car ce sont des propositions ambitieuses . Tous les États membres n'ont pas des positions aussi offensives que la France en la matière. Néanmoins, notre pays, qui a souvent été pionnier (par exemple sur la question de la transparence ou des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États), a déjà vu plusieurs de ses attentes satisfaites. Il doit donc continuer à mettre l'Union européenne sous pression pour faire avancer ses vues. C'est un combat ; rien n'est acquis. Il faudra se montrer résolus et convaincants auprès de nos partenaires en exploitant les opportunités ouvertes par un contexte relativement ouvert .
Il faut en effet profiter du fait que la Commission européenne est soucieuse actuellement de restaurer le consentement des peuples et des États membres au projet européen d'ouverture des marchés , ce qui ne sera possible que si la politique commerciale est perçue comme efficace, juste, transparente et respectueuse des préférences démocratiques nationales. En octobre 2015, elle a déjà proposé une nouvelle stratégie de commerce et d'investissement pour l'Union, intitulée : « Le commerce pour tous : vers une politique de commerce et d'investissement plus responsable ». Cela a abouti à quelques mesures concrètes, quoiqu'encore modestes, dans le domaine de la transparence.
Plus récemment, en septembre dernier, la Commission a rendu public un nouveau paquet « commerce » qui entend mettre en place « une politique commerciale équilibrée et novatrice ». Le président Jean-Claude Juncker a déclaré à cette occasion : « Je voudrais que nous renforcions encore notre programme commercial. L'Europe est ouverte au commerce, oui. Mais réciprocité il doit y avoir. Il faudra que nous obtenions autant que ce que nous donnons . » Dans ce paquet « commerce », la Commission européenne a annoncé en particulier de nouvelles mesures pour plus de transparence. Elle a décidé que seraient désormais systématiquement publiées toutes ses recommandations concernant des directives de négociation en vue de la conclusion d'accords commerciaux (ce qu'on appelle les « mandats de négociation »). Cette décision générale a trouvé une première application immédiate avec la publication des projets de mandats pour la négociation d'accords commerciaux avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. C'est une avancée considérable . De même, la commission a publié des études d'impact ex-ante approfondies, malheureusement seulement en langue anglaise.
Au total, la proposition de résolution sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part, apparaît à la fois complète et pertinente dans le fond comme dans la forme. La commission des affaires économiques l'a approuvé à une large majorité après avoir adopté trois amendements, l'un à l'initiative de notre collègue Marc Daunis et deux autres à l'initiative de votre rapporteur.
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Réunie le 14 février 2018 sous la présidence de Mme Sophie Primas, la commission a adopté la proposition de résolution européenne sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part , dans la rédaction issue de ses travaux. |