DES POINTS DE VIGILANCE DANS LES FILIÈRES SENSIBLES
Pour la France , les principaux enjeux offensifs se concentrent sur le volet non tarifaire : allègement des procédures sanitaires et phytosanitaires, meilleure protection de la propriété intellectuelle, reconnaissance des indications géographiques, moindres barrières aux investissements et ouverture des marchés publics fédéraux et subfédéraux. Des enjeux tarifaires sont à signaler sur l'automobile, le secteur ferroviaire, les machines agricoles et les boissons alcoolisées. Les intérêts défensifs français relèvent principalement du secteur agricole : viande (bovine et ovine), sucre (sensibilité des régions ultra périphériques) et produits laitiers.
Pour l'Union européenne , les intérêts offensifs portent sur l'ouverture des marchés publics et sur les secteurs des produits pharmaceutiques, de la machinerie et des équipements de transports, mais également sur les mesures SPS australiennes et néo-zélandaises, pour lesquels une levée de ces obstacles serait dans l'intérêt de l'UE et permettrait une hausse des importations agricoles dans ces deux pays. Les intérêts défensifs de l'UE relèvent pour la plupart du secteur agricole, notamment sur des domaines aussi variés que la viande (bovine et ovine), le sucre ou les produits laitiers, hormis quelques sensibilités sur les équipements électriques.
Pour la Nouvelle-Zélande , son principal intérêt offensif repose sur les produits laitier s dont elle est aujourd'hui le plus grand exportateur au monde. Les secteurs bovin et ovin sont également à signaler. Pour l'Australie , ses principaux intérêts offensifs reposent sur l'industrie sucrière, ainsi que sur les secteurs bovin et ovin .
On voit bien que les intérêts offensifs de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande correspondent aux intérêts défensifs de la France et que les uns et les autres se concentrent dans le domaine agricole. Le volet agricole sera donc particulièrement sensible pour la France , l'Australie et la Nouvelle-Zélande étant des acteurs importants sur le marché mondial et des concurrents directs dans de nombreux secteurs. Ces deux pays bénéficient en effet de coûts de production plus faibles, grâce à des économies d'échelle (taille des exploitations) et des exigences plus faibles en matière sanitaire et phytosanitaire, de bien-être animal ou encore de protection de l'environnement. Des concessions tarifaires pourraient donc fragiliser certaines filières agricoles européennes, en particulier la viande bovine (l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont respectivement le 4 ème et le 6 ème fournisseurs de l'UE -avec 12 % et 6 % de ses importations- et bénéficient de coûts de production 70 % moins élevés qu'en Europe), les produits laitiers (l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont respectivement les 2 ème et 1 er exportateur mondial de produits laitiers), le sucre et l'éthanol ou encore les céréales (pour ce qui est de la viande ovine, le contingent actuel octroyé par l'UE n'est rempli qu'à 70 %).
Cela justifie une vigilance toute particulière. La prise en compte de la sensibilité de ces filières dès le mandat de négociation avec la possibilité de négocier des contingents pour les produits dont la vulnérabilité est avérée sera un enjeu important pour la France .
Cette vigilance est d'autant plus nécessaire que le contexte global est par ailleurs défavorable aux filières agricoles sensibles :
- d'une part, les négociations sur le Mercosur sont un vrai sujet d'inquiétude pour le monde agricole, qui craint la conclusion d'un accord déséquilibré comprenant des concessions européennes dans le domaine des productions agricoles sensibles en contrepartie d'ouvertures commerciales dans d'autres secteurs (industrie, marchés publics...) ;
- d'autre part, il existe une incertitude créée par le contexte du Brexit. Comment les quotas négociés dans des accords commerciaux incluant le Royaume-Uni vont-ils se répartir à l'avenir dans l'Europe à 27 ? L'UE va-t-elle devoir absorber les quotas d'importations qui entraient précédemment au Royaume-Uni ? Par ailleurs, est-ce que les viandes irlandaises qui sont aujourd'hui beaucoup vendues en Angleterre ne vont pas venir saturer le marché continental ?
Les concessions qui seront faites devront prendre en compte les concessions déjà faites par l'UE dans les autres négociations commerciales et la capacité du marché européen à absorber des produits importés, ce qui souligne l'importance de la prise en compte de la notion d'enveloppe globale pour les produits sensibles.
Concessions de l'UE pour les produits agricoles sensibles au niveau multilatéral et dans le cadre des accords de libre-échange
Le total du volume actuellement octroyé dans le cadre des contingents multilatéraux et bilatéraux est de 273 300 tonnes métriques (t), soit 354 900 tonnes équivalent carcasse (téc).
Viande bovine |
Nom d'usage du contingent |
Volume |
Droits de douane |
Accès |
OMC |
« Panel Hormones » (2009) |
48 200 t |
0 % |
USA, Canada, Australie, NZ, Uruguay, Argentine |
OMC |
« Hilton » (1997) |
67 250 t Contingent sous-divisé en plusieurs contingents (dont 11 500 t pour Etats-Unis et Canada) |
20 % |
Erga omnes |
OMC |
GATT 1 - Congelé |
53 000 t |
20 % |
Erga omnes |
OMC |
GATT 2a - Congelé pour transformation |
43 000 téc |
20 % |
Erga omnes |
OMC |
GATT 2b - Congelé pour transformation |
11 703 téc |
20 % + 0,994 à 2,138 €/kg |
Erga omnes |
Bilatéral |
Ukraine |
15 600 téc |
0 % |
Ukraine |
Bilatéral |
Communauté andine |
10 075 téc + 1 008 téc/an |
0 % |
Pérou, Colombie |
Bilatéral |
Amérique centrale |
10 000 téc + 600 téc/an |
0 % |
Salvador, Guatemala, Costa Rica |
Bilatéral |
Canada |
45 800 téc (en six ans à compter de 2017) |
0 % |
Canada |
Source : DG Trésor