B. LA DÉLIVRANCE DES TITRES SÉCURISÉS, UNE INÉVITABLE NUMÉRISATION AUX BÉNÉFICES ENCORE PEU APPARENTS

Alors que la chaîne de délivrance des titres sécurisés a fait l'objet d'une réorganisation en profondeur censée tirer parti des progrès technologiques pour obtenir des gains de productivité, une amélioration du service et des progrès d'efficacité contre les fraudes et falsifications, certaines interrogations subsistent face au bilan de ces réformes.

1. Une modernisation au bilan financier incertain

D'un point de vue budgétaire, les crédits de l'action 02 du programme 307 « Réglementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance des titres » (715,4 millions d'euros en 2019 en intégrant les fonds de concours et attributions de produits) restent, pour l'heure, inertes malgré les réformes.

Les dépenses prévues en 2019 sont supérieures de près de 20 millions d'euros à celles de 2015 malgré la restructuration intervenue.

Moyennant quelques approximations résultant de changements de présentation de la répartition des effectifs du programme, un peu plus de 1 100 ETPT auront été détachés de cette action de fin 2015 à 2019.

Il faut certes reconnaître que, sans cette dernière évolution, la charge budgétaire de l'action aurait été supérieure, s'agissant des dépenses de personnel, de l'ordre de 64 millions d'euros sur la base d'un coût unitaire de 58 000 euros par agent, qui surestime sans doute les rémunérations associées aux emplois supprimés.

Mais, face à ces « dépenses évitées », il faut prendre en compte un certain nombre de charges supplémentaires qu'il s'agisse des investissements mis en oeuvre pour financer les projets, des transferts de charges pesant sur les usagers ou des compensations versées aux communes sélectionnées pour recueillir les données en lieu et place des antennes du réseau préfectoral.

En l'absence de document de politique transversale, ou, à tout le moins d'une présentation systématique des coûts complets de la fonction de production des titres sécurisés, il est impossible de chiffrer ces charges.

Néanmoins, pour les seules compensations versées aux communes dotées de stations d'accueil, elles s'élèvent à près de 40 millions d'euros, ce qui suggère qu'en l'état le bilan financier de la modernisation n'a pas été positif.

Il est vrai, cependant, que certaines dépenses récurrentes ont pu être évitées de sorte qu'à terme la dématérialisation, qui a été le pivot de la réforme, devrait produire des économies durables.

2. La fermeture presque complète des guichets du réseau préfectoral et la cessation forcée d'un service de proximité rendu par les communes

La numérisation du processus de délivrance des titres sécurisés s'est accompagnée d'une importante réduction des points de contact avec les usagers. Dans un premier temps, limitée aux passeports biométriques, elle concerne désormais de nombreux autres titres sécurisés, dont la carte nationale d'identité.

La fermeture des guichets a été concomitante avec le lancement des « centres d'expertise et de ressources titres » CERT.

Un redéploiement d'emplois massif concernant 1 786,35 ETPT affectés dans les CERT à la fin de juillet a été mis en oeuvre, en recourant largement aux emplois contractuels.

Le déploiement des CERT

27 CERT cartes nationales d'identité et passeports (CNI-PSP) : Hors sites pilotes, le déploiement de l'ensemble des CERT dédiés à l'instruction des demandes de carte nationale d'identité (CNI) et de passeports sécurisés a été réalisé entre le 21 février et le 29 mars 2017, à raison d'une à quatre régions par semaine. 21 CERT sont désormais opérationnels en plus de celui de la préfecture de police de Paris et des 5 CERT Outre-mer.

21 CERT Permis de conduire (PC) et 1 CERT dédié exclusivement aux permis internationaux et étrangers : L'ouverture des CERT PC est intervenue le 6 novembre 2017, excepté pour les deux CERT pilotes : celui de Cergy, pilote départemental, a démarré son activité le 15 mai 2017, et celui de Mulhouse, pilote régional, a ouvert le 6 juin 2017. Les dossiers d'échange de permis de conduire étrangers et de demande de permis de conduire internationaux (cas particuliers) ne sont pas dématérialisés et sont traités exclusivement par le CERT de Nantes, hors demandes parisiennes traitées par le CERT de Paris .

6 CERT certificat d'immatriculation des véhicules (CIV) : L'ouverture des CERT CIV est intervenue le 6 novembre 2017, excepté pour le CERT de Besançon qui a ouvert le 2 octobre 2017 en qualité de CERT pilote. Le CERT de la Préfecture de police de Paris est spécifique puisqu'il centralise les demandes liées aux immatriculations diplomatiques de l'ensemble du territoire et le traitement de l'ensemble des autres demandes pour les personnes résidant à Paris

3 CERT ultramarins mixtes : Les CERT CIV implantés en Outre-mer sont des CERT mixtes et traitent également les permis de conduire. Ils sont implantés en Guadeloupe, à la Réunion et à Mayotte.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ce processus s'est accompagné de la fermeture de nombreux points d'accès auparavant accessibles dans les antennes du réseau préfectoral, mais surtout dans les communes, qui se sont trouvées forcées d'interrompre les services rendus à leurs administrés.

Dans ce contexte, un report de charges sur les usagers et certaines mairies est intervenu.

La mise en place du passeport biométrique, en 2009, s'est accompagnée du déploiement de dispositifs de recueil dans un nombre réduit de mairies, dans le réseau préfectoral et les postes consulaires ou diplomatiques. Un nombre de 3 500 dispositifs de recueil ont été installés par l'agence nationale des titres sécurisés, en 2009, auprès de 2 062 communes , de l'ensemble des préfectures et de certaines sous-préfectures, et de 212 postes diplomatiques de la France à l'étranger.

Ces dispositifs ont vocation à permettre le recueil de l'ensemble des pièces constituant la demande ainsi que son envoi dématérialisé aux services instructeurs mais également le recueil des données biométriques (empreintes digitales et photographie).

Le dépôt des demandes de passeports biométriques est régi par le principe de déterritorialisation si bien qu'il n'est pas nécessaire d'être résident de la commune pour présenter une demande à la mairie de celle-ci. C'est une solution naturellement recommandable sans laquelle seuls les résidents des communes dotées de dispositifs de recueil de données pourraient ambitionner d'accéder aux titres concernés par la numérisation. Mais, cette déterritorialisation pose bien entendu des difficultés sérieuses, tant aux usagers qu'aux communes qui assument la charge du nouveau dispositif.

Quant aux charges supportées par les communes gestionnaires des dispositifs nécessaires à la formulation des demandes, elles peuvent dépasser largement les compensations prévues selon les témoignages de nombreux responsables locaux.

Ces difficultés n'ont pas ralenti le processus de numérisation que le ministère a souhaité étendre à la carte nationale d'identité.

Désormais recueillies selon les mêmes modalités techniques que le passeport, les demandes de titres d'identité ne peuvent être déposées qu'auprès de mairies équipées d'un dispositif de recueil.

Dans ce contexte, l'inspection générale de l'administration a préconisé le déploiement de 228 dispositifs de recueils complémentaires , qui viennent s'ajouter au parc déjà existant.

Le déploiement effectif a concerné 278 nouveaux dispositifs de recueil auprès de communes déjà équipées et de communes souhaitant maintenir ce service aux usagers. Par ailleurs, 250 nouveaux dispositifs de recueil sont en cours de déploiement.

Au total, seules désormais 2 157 communes se trouvent équipées de 3 833 stations, chiffre en augmentation par rapport à 2013 où 3 522 stations étaient déployées dans 2 085 communes, mais, évidemment sans commune mesure avec les plus de 36 600 points d'entrée accessibles avant la dématérialisation de la chaîne de délivrance des titres d'identité.

L'éloignement des points d'entrée est le principal problème supporté par les usagers résidant dans les dizaines de milliers de communes non équipées, d'autant que le nouveau système peut être sensible à de menues perturbations.

Cet éloignement peut aller jusqu'à remettre en cause l'égale accessibilité aux droits, inquiétude formulée par votre rapporteur spécial l'an dernier et traduite dans le dernier rapport du Défenseur des droits.

Celui-ci se fondant sur « de nombreux appels reçus sur la plateforme téléphonique » indique avoir « pu percevoir que le transfert des compétences des préfectures vers l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) s'était traduit, dans certains départements, franciliens notamment, par une fermeture prématurée des guichets avec un stock de dossiers non traités et de multiples difficultés liées à l'informatique et aux ressources humaines ».

Il recommande que lorsqu'une procédure est dématérialisée, une voie alternative - papier, téléphonique ou humaine - soit à chaque fois proposée.

Cette recommandation paraît tomber sous le sens à votre rapporteur spécial qui la fait évidemment sienne.

S'agissant de l'indemnisation, il a été décidé de compléter l'indemnisation forfaitaire déjà versée pour les passeports biométriques par une indemnité forfaitaire par dispositif de recueil pour couvrir le traitement des demandes de CNI émanant des demandeurs non-résidents.

Longtemps mal compensées, les communes ont bénéficié de l'amélioration apportée par l'article 168 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 qui a modifié le dispositif précédent et prévu une augmentation du montant de la dotation.

Selon les données transmises par le ministère, le total des compensations versées aux communes atteindrait 39,2 millions d'euros en 2019.

Évolution du régime des compensations financières
apportées aux communes disposant d'une station

(en euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Montant unitaire de la dotation

5 030 par station en fonctionnement au 1er janvier de l'année

5 030 par station en fonctionnement au 1er janvier de l'année

5 030 par station en fonctionnement au 1er janvier de l'année

5 030 par station en fonctionnement au 1er janvier de l'année

5 030 par station en fonctionnement au 1er janvier de l'année

8 580 par station en fonctionnement au 1er janvier de l'année
et
3 550 par station ayant recueilli plus de 1 875 demandes de titres l'année précédant la répartition

Nombre de communes bénéficiaires

2 085

2 086

2 088

2 089

2 088

2 157 communes pour la dotation forfaitaire
et 951 communes pour la majoration

Nombre de stations

3 522

3 528

3 527

3 527

3 547

3 833 stations pour la dotation forfaitaire et
1 772 pour la majoration

Montant total des crédits versés de la DTS

17 715 660

17 745 840

17 740 810

17 740 810

17 841 410

39 177 740

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

3. Un raccourcissement des délais très relatif

Le projet annuel de performances présente le raccourcissement du délai moyen de délivrance des titres (passeports biométriques, cartes nationales d'identité, permis de conduire) comme l'un des troisobjectifs les plus représentatifs de la mission.

Il est naturellement important que les titres permettant l'exercice de grandes libertés publiques et, tout simplement, l'existence quotidienne, puissent être remis aux demandeurs dans les meilleurs délais .

Force est de constater que les performances atteintes en la matière ne sont pas au niveau attendu.

À titre d'exemple, alors que le PAP présenté dans le cadre du projet de de loi de finances pour 2018 prévoyait que 85 % des passeports biométriques soient mis à disposition dans les 15 jours, cette cible a dû être revue à la baisse pour ne plus concerner que 76 % des titres en cause. C'est cette même cible qui était fixée pour les cartes nationales d'identité.

Encore faut-il relever que les performances du dispositif sont jaugées à partir de critères peu exigeants, d'autant qu'ils ne recouvrent pas l'ensemble des délais entre la première démarche du demandeur et sa satisfaction pleine et entière. Les délais de référence (15 jours pour les passeports et les cartes nationales d'identité, 19 jours pour les permis de conduire) doivent être jugés d'autant plus élevés que leur computation ne recouvre pas l'ensemble de la démarche entreprise par l'usager. Elle ne débute qu'à partir de la réception de la demande au CERT, étape susceptible d'être précédée de bien d'autres démarches dont la durée moyenne n'est pas envisagée.

Par ailleurs, il faut tenir compte des importantes disparités territoriales qu'occulte la référence à une cible moyenne.

Elles avaient pu faire l'objet d'une présentation détaillée par département dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2018.

Rappel des constatations exposées en 2017

S'agissant des permis de conduire , pour le seul délai moyen de traitement des demandes de permis de conduire imputable à la préfecture (mesuré à partir du nombre de jours séparant la date de réception par le service instructeur de l'ensemble des éléments constitutifs du dossier et la date d'envoi au centre de traitement des numérisations des documents nécessaires à l'édition du titre), l'hétérogénéité est considérable. Pour une moyenne nationale en 2016 de 10,5 jours, le délai est de 1,5 jour dans le Jura et la Creuse mais de 45,4 jours en Corse du Sud (25 jours en Haute Corse). Si le flux des demandes peut jouer (ainsi, dans le Rhône, le délai est de 23 jours), il n'est manifestement pas un déterminant mécanique. En Essonne, le délai est de 3,1 jours, tandis qu'en Seine-et-Marne il atteint 21,9 jours.

De mêmes constats s'imposent en ce qui concerne la carte nationale d'identité . Pour un délai moyen de 7,9 jours en 2016 apprécié à partir d'une donnée incomplète (le nombre de jours séparant la date de réception de la demande par le service instructeur et la date d'envoi de la demande par ce service au centre de fabrication, qui n'incluent pas les délais imputables aux autres maillons de la chaîne - mairie, centre de fabrication, livraison...), on observe un délai effectif d'une journée dans le Territoire-de-Belfort, de 4,4 journées en Ardèche, mais de 39,8 jours dans le Rhône et 12,8 jours à Paris. Les performances là aussi ne semblent pas corrélées avec des données sociodémographiques, pas davantage d'ailleurs qu'avec les performances obtenues dans la délivrance d'autres titres.

Quant aux passeports biométriques , qui sont de longue date délivrés dans le cadre d'un processus de dématérialisation, l'inégale efficacité des traitements s'impose aussi comme un constat. Pour une moyenne nationale de 12,9 jours en 2016, le délai tel qu'il est suivi par le ministère était en 2016 de 30,5 jours en Auvergne-Rhône-Alpes pour 7,2 jours et 7,4 jours en Corse et dans les Hauts-de-France, respectivement.

Source : commission des finances du Sénat. Rapport sur la mission. Loi de finances pour 2018

Le ministère indique ne plus suivre les performances du système au niveau du département depuis l'an dernier du fait du déploiement des centres de ressources et expertises titres (CERT).

Cet appauvrissement du suivi des performances doit être déplorée d'autant qu'elle s'intègre dans un courant de modernisation qui devrait, au contraire, permettre une estimation plus fine de l'action de l'administration.

Il a certes pour incidence d'améliorer optiquement les performances réalisées puisque les écarts locaux sont écrasés, mais votre rapporteur spécial estime qu'un indicateur n'a pas à flatter l'action de l'administration, devant, bien différemment, permettre à celle-ci d'améliorer, le cas échéant, ses services.

En toute hypothèse, même dans ce cadre « favorisant », les performances atteintes ressortent comme très hétérogènes ainsi qu'il avait été exposé en détails dans le rapport de l'an dernier.

Le point le plus noir concerne les cartes grises pour les demandes transitant par les CERT. Le délai moyen dépasse 35 jours et va même jusqu'à 38 jours pour le CERT de Poitiers. Dans ces conditions, il est heureux que seules 8 % des demandes transitent effectivement par les plateformes.

La plupart des demandes de cartes grises sont désormais traitées directement par les professionnels, qui les délivrent en trois jours.

Le ministère explique la longueur des délais constatés pour les demandes passant en CERT par les difficultés particulières des demandes qu'ils traitent.

Votre rapporteur spécial veut bien en convenir, mais doit observer que d'autres causes sont à trouver dans les difficultés techniques rencontrées du fait des défauts des systèmes informatiques. Ceux-ci, au demeurant, se répercutent sur les usagers par les difficultés rencontrées pour répondre aux exigences du système.

4. La lutte contre la fraude documentaire, quels résultats ?

La lutte contre la fraude documentaire est présentée comme un des déterminants majeurs des évolutions de stratégie mises en oeuvre ces dernières années dans le cadre du remodelage des attributions et des moyens des réseaux d'administration générale de l'État.

Les résultats obtenus en 2017 témoignent de ce que la fraude aux titres sécurisés est un phénomène préoccupant. Elle correspondrait à environ 0,8 % des dossiers traités par les services.

Résultats de la lutte contre la fraude documentaire en 2017

En 2017, les procédures d'examen mises en oeuvre et les outils techniques déployés ont permis de détecter :

3 160 demandes frauduleuses de titres de séjour ;

1 985 échanges indus de permis de conduire étranger ;

2 978 tentatives d'obtention frauduleuse d'une carte nationale d'identité

2 216 demandes frauduleuses de passeports ;

416 usurpations d'identité à l'échelle de plusieurs départements ;

2 520 demandes frauduleuses de permis de conduire ;

1 108 demandes frauduleuses de certificats d'immatriculation des véhicules.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

La cible fixée par le projet de loi de finances initiale pour 2018 (2,7 % des dossiers) témoigne des inquiétudes du ministère, même si leur fondement n'est guère explicité.

Selon le Gouvernement, les types de fraudes ont changé ces dernières années justifiant un déploiement de moyens vers de nouvelles solutions.

La fraude documentaire par falsification ou contrefaçon aurait été endiguée du fait de la mise en oeuvre au cours des dernières années des titres de nouvelle génération, qui, dotés de différentes sécurités, nécessitent des moyens techniques dont le coût devient un élément dissuasif pour ce type de fraudes.

En revanche, l'analyse des fraudes démontrerait que les failles existent dans la chaîne de délivrance des titres de sorte que ce n'est plus le document lui-même qui fait l'objet de falsification ou de contrefaçon mais les pièces justificatives présentées à l'appui de la demande de titre.

Afin de lutter contre les obtentions indues (obtention d'un vrai titre sur présentation de pièces justificatives falsifiées), l'effort porte sur la sécurisation de la chaîne de délivrance des titres et sur la traçabilité des titres édités .

La sécurisation de la chaîne de délivrance a été renforcée par deux dispositifs :

- la transmission dématérialisée via COMEDEC des actes de naissance entre les communes et les centres d'expertise et de ressources titres (CERT) chargés de l'instruction des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ;

- le dispositif 2D-Doc de sécurisation des justificatifs de domicile par lecture d'un code-barres à deux dimensions apposé sur certains documents servant de justificatifs de domicile.

De nouveaux dispositifs devraient être déployés.

- la solution JUSTIF'ADRESSE qui, en application de l'article 44 de la loi pour un État au service d'une société de confiance, va permettre d'expérimenter l'automatisation de la vérification du domicile ;

- l'outil d'analyse des données SELFIM (système expert de lutte contre la fraude à l'immatriculation), qui procède à la détection automatisée des tentatives de fraude au certificat d'immatriculation (CIV), renforçant ainsi significativement l'expertise des cellules chargées, dans les CERT CIV, de la lutte contre la fraude

En ce qui concerne la traçabilité des titres édités , les outils employés proviennent principalement de bases de données dont la qualité dépend de l'exhaustivité et de l'accessibilité.

Dans sa réponse au questionnaire du rapporteur spécial, le ministère évoque les données relatives aux titres perdus ou volés versées dans les fichiers de police internationaux (système d'information Schengen (SIS) et Interpol) ainsi que l'application DOCVERIF déployée depuis le 1 er septembre 2016, qui permet aux services de police et de gendarmerie de vérifier la validité des CNI et des passeports présentés lors des contrôles d'identité. Sous réserve de l'avis que doit rendre la CNIL, l'application devrait être déployée fin 2018 notamment auprès des établissements bancaires, organismes de crédit et administrations, et intégrera la possibilité de consulter la validité des titres de séjour des étrangers.

Par ailleurs, les applications de gestion nécessaires aux changements apportés aux procédures de délivrance des titres par la dématérialisation des demandes présentées par les usagers intègrent des moyens nouveaux. Il est ainsi précisé que « l'enregistrement des demandes de CNI est effectué depuis le début de l'année 2017 au moyen des dispositifs de recueil utilisés pour les passeports qui disposent de moyens (transmission électronique des données de l'état civil, vérification instantanée de l'inscription au fichier des personnes recherchées, vérification des empreintes au moment de la remise du titre) plus développés que la précédente application » .

Face à certains développements, la commission des lois du Sénat a pu exprimer la préoccupation que la lutte contre la fraude n'aboutisse pas à la constitution de fichiers qui, soit par leur vulnérabilité, soit par une accessibilité insuffisamment encadrée se retourneraient contre les libertés de nos compatriotes et produiraient des effets inverses à ceux recherchés.

Votre rapporteur spécial les partage pleinement et complète cette juste position par quelques interrogations.

L'articulation entre les moyens techniques et l'évolution des personnels affectés à la lutte contre la fraude est l'une d'elles.

Le contexte de développement technologique et d'expansion des fichiers et l'automatisation des processus n'empêchent pas la programmation d'un renforcement des personnels dédiés à la lutte contre la fraude, le nombre de personnes dédiées à la lutte contre la fraude documentaire devant être accru de l'ordre de 180 ETPT au terme de la mise en oeuvre du PPNG dans le cadre de la création de cellules de lutte contre la fraude dans les CERT.

Cet objectif demeure toutefois à atteindre puisque le nombre des renforts n'a été jusqu'à présent que de 89. En toute hypothèse, à ce stade, les projets du ministère ne rendent pas évidente la lecture des effets de la technologisation des procédures sur le niveau des emplois.

Une seconde question concerne plus particulièrement les charges impliquées par le système pour les communes . La loi de modernisation de la justice du XXI e siècle a rendu obligatoire (au 1 er novembre 2018) le dispositif COMEDEC pour les communes qui sont ou ont été siège d'une maternité.

L'application COMEDEC est une plateforme informatique d'échanges de données d'état-civil, en production depuis le 1 er janvier 2014. Or, celle-ci demeurait plutôt confidentielle puisqu'au 31 août 2017, seules 366 communes étaient raccordées à ce dispositif. La situation paraît avoir évolué dans le bon sens, mais demeurent des failles.

Au 21 août 2018, 636 communes sont raccordées à ce dispositif. 1 100 communes supplémentaires seraient en cours de raccordement, après avoir signé une convention avec l'ANTS et le ministère de la justice.

Il est heureux que le versement d'une aide aux communes utilisatrices de la plateforme, ait pu enfin être instauré (décret n°2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l'état civil). Il reste que les versements effectifs qui devraient débuter en octobre 2018 auront nécessité des délais bien trop élevés.

Par ailleurs, ces conditions tendent à désinciter les communes présentant un moindre potentiel. En effet, les premiers versements ne bénéficieront qu'aux communes ayant généré, sur la période du 10 mai 2017 au 9 mai 2018, plus de 1 000 réponses à destination des notaires. Enfin, l'on doit regretter que le versement soit affecté d'un terme puisqu'il devrait cesser au bout d'une période de 7 ans.

5. L'équilibre financier de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) reste, malgré certains progrès apparents, une source de perplexité

En plus des crédits de l'action n° 02 du programme 307 (663,1 millions d'euros en 2019), dont la majeure partie couvre des frais liés à la délivrance des titres, il faut prendre en compte les coûts de cette prestation pris en charge par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Celle-ci opère pour le compte de l'État, un certain nombre d'activités, de conception et de gestion de la fabrication et de l'acheminement des titres principalement, dont le financement n'est pas assuré par une subvention pour charges de service public, comme c'est souvent le cas, mais par l'attribution d'une partie d'un certain nombre de droits perçus auprès des usagers.

À ce titre, elle bénéficie de près de 200 millions d'euros de produits, de sorte qu'au total, la fonction de délivrance des titres, qui mériterait d'être isolée dans un support budgétaire ad hoc mobilise, sans doute 9 ( * ) , autour de 600 millions d'euros, soit environ un cinquième des crédits de la mission et un tiers des crédits du programme d'administration territoriale.

a) Le financement de l'ANTS repose sur des taxes affectées correspondant à une fraction des produits perçus par l'État à l'occasion de la mission de délivrance des titres sécurisés

Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur, l'ANTS a pour mission de développer et d'assurer la production de titres sécurisés . Initialement compétente pour les passeports électronique et biométrique, le certificat d'immatriculation des véhicules, le titre de séjour électronique, la carte nationale d'identité électronique (CNIe) et le visa biométrique, l'Agence a vu ses attributions progressivement étendues à d'autres documents comme le permis de conduire ou, plus récemment, le titre d'identité et de voyage et la carte de frontalier 10 ( * ) .

Le projet de loi de finances ne rend pas bien compte de la mobilisation des finances publiques au service de l'ANTS, non plus que de la productivité pour l'État de la gestion des titres sécurisés.

Le budget n'assure qu'une partie minoritaire des ressources de l'ANTS sous la forme du reversement à l'agence du produit de la redevance d'acheminement des certificats d'immatriculation des véhicules (32,56 millions d'euros pour 2019, contre 32 millions d'euros en 2018, ces chiffres intégrant des produits issus de l'exercice précédent). Ces sommes ne sont pas inscrites dans les crédits initiaux du projet de loi de finances mais rattachées en cours de gestion selon un circuit complexe.

Surtout, le financement de l'agence sollicite les finances publiques au-delà de cette redevance puisqu'il repose sur des recettes affectées.

Le produit de ces droits affecté à l'ANTS est plafonné (en 2018 à 195 millions d'euros, pour un produit envisagé de 194 millions d'euros 11 ( * ) ) mais il s'élève à plus de 10 % des dotations en crédits du programme 307 dont il convient donc d'apprécier le niveau sur une base augmentée d'autant.

Les taxes affectées et la redevance d'acheminement susmentionnée apporteraient en 2019 226 millions d'euros à l'agence .

Ces ressources, qui sont à peu près stabilisées ces dernières années, tout en ayant connu une légère augmentation depuis 2015, dépendent des tarifs appliqués et du volume des opérations.

Les taxes affectées à l'ANTS sont des droits de timbre acquittés lors de la délivrance de certains titres dont elle a la charge. La recette la plus productive provient du droit de timbre relatif à la délivrance des passeports biométriques (126,1 millions d'euros en 2018, soit plus de la moitié des recettes), sur la délivrance des certificats d'immatriculation des véhicules (36,2 millions d'euros) et de la carte nationale d'identité (11,25 millions d'euros).

Les titres de séjour et de voyage des étrangers engendrent une somme très significative (14,6 millions d'euros) au vu du volume qui est le leur, nettement inférieur à celui impliqué par les autres opérations.

Les taxes affectées à l'ANTS entre 2015 et 2018

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

Produit

Plafond

Produit

Plafond

Produit

Plafond

Plafond

Total

357,17

193,19

379,17

187,69

372,2

195,00

195,00

Passeport

257,64

118,75

259,15

118,75

276,10

126,06

126,06

Certificat d'immatriculation- Taxe de gestion

50,64

38,70

50,02

36,20

47,20

36,20

36,20

Titres de séjour et de voyage (TSVE)

19,93

14,49

16,67

14,49

19,30

14,49

14,49

Carte nationale d'identité (CNI)

20,30

11,25

20,67

11,25

19,80

11,25

11,25

Permis de conduire

8,66

10,00

11,99

7,00

9,80

7,00

7,00

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Comme on le constate dans le tableau ci-dessus, les produits affectés à l'agence ne rendent pas compte de la totalité des recettes que l'État se procure du fait de la délivrance des titres sécurisés.

En dehors des dépenses de l'ANTS revenant à la mission AGTE (voir infra ), il convient de tenir compte des produits de ces taxes reversés au budget général.

En effet, hormis pour la redevance d'acheminement, le produit des taxes attribuées à l'ANTS est plafonné comme c'est le cas général des taxes affectées dans le cadre des normes budgétaires appliquées aux opérateurs. En cas de recettes supérieures au plafond fixé chaque année en loi de finances, l'excédent est reversé au budget général de l'État.

L'information fournie par le document « Voies et moyens », annexé au projet de loi de finances relève la contribution du plafonnement des cinq taxes affectées à l'ANTS au financement du budget général. Il indique que sur les 719 millions d'euros de recettes procurées à l'État par le plafonnement des taxes affectées aux agences, 154 millions d'euros sont venus, en 2017, du plafonnement de l'affectation à l'ANTS dont 119 millions d'euros au titre du passeport biométrique.

Votre rapporteur spécial relève que cette estimation est en-deçà de celle résultant de la réponse à son questionnaire, qui suggère un apport au budget de l'État supérieur (177 millions d'euros).

Une clarification s'impose.

Par ailleurs, l'agence dégage des ressources propres 12 ( * ) , pour un montant de plus en plus significatif.

Évolution des ressources propres de l'ANTS entre 2015 et 2018

(en millions d'euros)

2015

(réalisé)

2016

(réalisé)

2017

(réalisé)

2018

(prévisions)

Recettes diverses

2,19

7,65

7,27

10,7

Téléservices

0,09

0,12

3,21

6,78

Timbres dématérialisés

0,08

0,04

0,91

1,28

COMEDEC

0,01

0,08

2,3

5,50

Services de confiance

1,72

2,39

1,61

2,414

Innovation

0

1,92

0

1,02

Autres

0,38

3,22

0,7

0,49

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

La prévision pour 2018 ressort à 10,7 millions d'euros soit une multiplication par un facteur proche de 5.

Elles sont en voie d'expansion, ce dont il faudrait se féliciter- même s'il n'entre pas dans la vocation d'un établissement public administratif de développer une activité commerciale, il n'apparaît que souhaitable que les savoir-faire de l'agence soient mieux valorisés - si cette progression se produisait pour de bonnes raisons.

Or, votre rapporteur spécial est conduit à s'interroger sur la contribution des téléservices à la dynamique de ces ressources.

Les prévisions pour 2019 semblent intégrer la dynamique des produits de consultation de l'état civil dématérialisé à travers l'application COMEDEC par les notaires. L'incidence finale est sans doute reportée sur les clients des charges notariales représentant pour eux une charge supplémentaire.

En outre, il faut remarquer que la fermeture de nombre de services assurés aux guichets des préfectures mais aussi, et surtout des mairies, s'accompagne d'une progression significative des appels téléphoniques adressés au centre de contact de l'ANTS, de la part des usagers mais aussi des mairies.

Il est précisé que la mise en place progressive de la dématérialisation de plusieurs nouveaux titres et de traitement des demandes via des CERT spécialisés s'est accompagnée d'un triplement des appels en 2017 auprès du centre de contact citoyens, progression confirmée lors du premier semestre 2018 et qui devrait se maintenir en 2019.

Ainsi, ont été comptabilisés au 30 juin 2018 :

• pour les demandes de certificats immatriculation, 4 500 appels et 2 000 courriels par jour contre 2 000 appels et 500 courriels avant la mise en oeuvre de PPNG ;

• pour les cartes nationales d'identité et les passeports, 400 appels par jour contre 0 avant le PPNG;

• pour les permis de conduire, 650 courriels par jour contre aucun avant le PPNG et 3000 appels/ jour.

Cette inflation de communications, outre qu'elle pèse sur le pouvoir d'achat des usagers et sur les budgets des communes, traduit certaines difficultés d'adaptation aux nouvelles procédures.

Le passage de la délivrance des titres à celle de la télé-procédure a conduit l'agence à engager un processus lourd de réformes internes et d'ajustement des systèmes d'information dont elle a la responsabilité, afin qu'ils fonctionnent.

Votre rapporteur spécial, fort de l'expérience des communications avec certains centres d'appels, ne peut qu'exprimer une certaine inquiétude quant aux effets de la suppression systématique des accueils au guichet des entités du réseau préfectoral. Il s'interroge sur l'accessibilité de ces centres aux différents intervenants de la chaîne de délivrance des titres, rappelant qu'en cas de défaillance, les guichets de première entrée, le plus souvent localisés en mairie devront faire face à des demandes mal satisfaites.

Au total, les recettes perçues auprès des usagers dans le cadre de la délivrance des titres s'élèvent à 391 millions d'euros, dont 60 % abondent le budget de l'ANTS.

Compte tenu de dépenses de l'ordre de 600 millions d'euros (voir supra ), le coût budgétaire net de la délivrance des titres peut être estimé à 200 millions d'euros pour l'État.

b) Des charges difficiles à maîtriser

Les dépenses prévisionnelles de l'agence s'établissent à 235,9 millions d'euros pour 2018.

Elles semblent bien maîtrisées puisqu'elles s'inscrivent en repli de l'ordre de 6 % par rapport aux charges constatées en 2017.

Toutefois, elles sont tributaires d'évolutions que l'agence ne maîtrise pas pleinement, qu'il s'agisse de son fait ou du contexte de son activité.

On rappelle que les charges de l'ANTS avaient connu une forte augmentation entre 2011 et 2014 (+ 32,5 %) liée principalement à la mise en oeuvre du nouveau permis de conduire au format européen ainsi qu'aux surcoûts dus à la maintenance du système d'immatriculation des véhicules (SIV), pour illustrer la volatilité des coûts qu'elle peut être conduit à supporter.

Cette sensibilité s'exerce notamment sur les investissements. Pour l'heure, la section d'investissement porte 20,2 millions d'euros de crédits de paiement en 2019, quasiment inchangée par rapport au budget précédent (mais en forte baisse par rapport à 2017, - 8millions d'euros). Toutes dépenses confondues, les investissements occupent une place modérée dans l'ensemble avec moins de 10 % des engagements.

Toutefois, la perspective de la mise en oeuvre d'un nouveau projet européen en matière de sécurisation des titres pourrait se traduire par d'importants besoins nouveaux.

L'Europe réglemente les titres sécurisés nationaux

Le règlement (CE) No 2252/2004 du conseil du 13 décembre 2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres modifié par le règlement (CE) 444/2009 du Parlement européen et du Conseil du 28 mai 2009 établit un ensemble de prescriptions s'imposant à la production des passeports.

Une proposition de règlement du Parlement et du Conseil renforçant la sécurité des cartes d'identité des citoyens de l'Union et des titres de séjour délivrés aux citoyens de l'Union et aux membres de leur famille exerçant leur droit à la libre circulation promeut un nouveau projet pour harmoniser les normes de sécurité applicables aux cartes d'identité délivrées par les États membres. Il prévoit notamment un passage au format carte bancaire avec insertion d'un composant électronique. Les négociations sont actuellement en cours.

On reconnaît là le retour d'un projet de carte nationale d'identité électronique, qui avait été abandonné, après avoir suscité d'importants coûts, à la suite de la censure partielle des dispositions de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité par le Conseil constitutionnel.

Celui-ci n'avait pas censuré le principe d'une CNI dotée d'un composant électronique contenant l'état-civil du titulaire avec sa photographie et ses empreintes digitales, mais les dispositions afférentes à la mise en place d'une base commune aux deux titres CNI et passeport, dotée d'une fonction d'identification du demandeur à partir de ses données biométriques, a eu pour conséquence de « geler » les travaux réglementaires de mise en oeuvre de la loi, mais aussi le projet de développement industriel de la CNIe.

Dans le budget initial de l'opérateur, les charges de fonctionnement sont largement prédominantes. Elles baissent (208 millions d'euros en 2018 contre 215,9 millions d'euros en 2017). Il faut s'en féliciter, mais les perspectives de flexibilité de ce poste de charges sont entourées d'incertitudes (voir infra ).

Quant aux dépenses de personnel, elles s'élèvent à 7,2 millions d'euros, soit 3,1 % du total des dépenses. Elles connaissent une forte augmentation, de 20 % par rapport aux 6 millions d'euros constatés en 2017.

Le plafond d'emplois de l'ANTS compte 137 ETPT en 2019 contre 128 en 2017 et 129 l'an dernier, traduisant les besoins résultant des difficultés rencontrées dans la délivrance de certains titres sécurisés après la mise en oeuvre du PPNG.

Cette structure de dépenses traduit la fonction de l'ANTS qui, outre des missions de conception et de conduite de projets, exerce essentiellement un rôle de maître d'ouvrage et de plaque tournante de distribution de titres.

Parmi les dépenses de l'ANTS, il convient de relever le poids de celles qui sont effectuées au bénéfice du programme 307.

Il s'agit des flux récapitulés dans l'encadré ci-dessous.

Versements de l'ANTS à la mission AGTE

Divers remboursements de l'ANTS profitent à la mission AGTE :

- le remboursement annuel des dépenses liées à la production des cartes nationales d'identité (CNI) qui reste assurée par le centre national de production des titres (CNPT) du ministère. Pour 2018, son montant maximum est fixé à 17 millions d'euros ;

- le reversement par l'ANTS au ministère de 3 euros pour chaque titre de séjour (TSE) délivré. Le reversement est prévu par une convention de juillet 2014 dans la limite de 2,29 millions d'euros. Les sommes correspondantes sont rattachées au programme 307 via le fonds de concours n° 138. Elles sont affectées au financement des coûts immobiliers et de conduite du changement induits dans les préfectures par la mise en oeuvre des dispositifs de gestion des titres de séjour et de voyage des étrangers. Le ministère indique que le montant du reversement est estimé pour 2018 à 14,50 millions d'euros, ce qui est difficilement compréhensible compte tenu de la convention mentionnée ;

- le remboursement des dépenses liées à l'exploitation et l'hébergement de l'application SIV (système d'immatriculation des véhicules) sur le réseau informatique du ministère. Il est rattaché au programme 216 (conduite et pilotage des politiques de l'intérieur) via les fonds de concours n° 676 et 842. Le remboursement estimé au titre de 2018 est de 3 millions d'euros.

Ces dépenses représentent près de 35 millions d'euros de charges pour l'agence. Une rationalisation pourrait sans doute intervenir par une meilleure intégration de certains processus au sein d'une même entité.

Au total, l'ANTS dégagerait un léger excédent de 493 000 euros .

Cette stabilisation des perspectives financières de l'agence qu'il faut saluer est toutefois fragile. Le développement des recettes de téléservices y est pour beaucoup. Or, ces recettes ne sont pas appelées à se pérenniser. Elles correspondent certes à des charges qui seront évitées à l'avenir, mais le bilan du dénouement du processus est incertain. Il faut en outre compter avec de nouveaux développements.

c) Des problèmes structurels demeurent

Afin de rétablir son équilibre budgétaire, l'ANTS est engagée dans une démarche de maîtrise des dépenses qui passe notamment par la réduction du coût de production des titres.

Le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) 2018-2020 signé le 6 juillet 2018 par le secrétaire général du ministère et le directeur de l'Agence fixe comme objectifs à l'agence d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers, de renforcer l'action de l'ANTS en matière de sécurité des systèmes d'information, de protection des données et de lutte contre la fraude, d'innover dans la conceptions et la délivrance des titres et d'améliorer l'efficacité et le pilotage de l'action.

Ces objectifs ne sont assortis d'aucune perspective de renforcement des ressources de l'agence.

Autant dire qu'ils ne sont pas financés.

Le précédent contrat (2015-2017) exigeait la diminution du coût de production du passeport de 5 % et du permis de conduire de 30 % d'ici 2017 .

Selon les données du tableau ci-dessous, qui récapitule les évolutions des coûts de production unitaire des titres produits par l'Imprimerie nationale tels qu'appréhendés par l'ANTS, ces objectifs, qui pèsent moins sur l'ANTS elle-même que sur ses partenaires, en particulier sur l'Imprimerie nationale, semblent avoir été à peu près tenus.

Néanmoins, certaines évolutions paraissent sans rapport avec les coûts qu'extérioriserait une comptabilité analytique rigoureuse puisqu'elles sont expliquées par des changements dans les conventions entre l'ANTS et l'Imprimerie nationale. Dans d'autres cas, les variations enregistrées correspondent à des modifications substantielles des cahiers des charges. Ainsi, en est-il allé pour le permis de conduire, le projet d'insertion d'une puce ayant été abandonné.

Il convient de rappeler que la réalisation des titres sécurisés est un monopole confié par la loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 à l'Imprimerie nationale, société anonyme détenue à 100 % par l'État. L'ANTS se trouve par conséquent dans une situation particulière qui ne lui permet pas de faire jouer la concurrence.

Coûts de production des fournitures en titres

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Passeports

13,30€

13,24€

13,47€

13,06€

11,94€

12,07€

Certificats d'immatriculation

0,74€

1,04€

1,06€

1,06€

1,07€

1,07€

Titres de séjour (1)

12,70€

12,84€

11,07€

10,47€

10,52€

10,54€

Visa (1)

0,80€

0,83€

0,83€

0,66€

0,66€

0,66€

Permis de conduire (2)

/

9,99€

10,02€

8,69€

6,84€

6,84€

Cartes agent

/

11,59€

11,62€

11,58€

11,58€

11,58€

Cartes d'accès sécurisé

/

9,39€

9,44€

9,41€

9,44€

9,50€

Permis Bateau

/

/

3,19€

3,20€

3,19€

3,19€

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Globalement, la réduction des coûts de production des titres a eu son pendant dans l'évolution des coûts de transport. Cependant, ces coûts sont sensibles à un effet de volume. Le transport des passeports, des titres de séjour, des cartes d'accès sécurisées et des cartes agent est assuré par colis. Si la production augmente, le nombre de titres par colis augmente et les coûts moyens unitaires diminuent. C'est sans doute pour cette raison que les coûts unitaires ont connu une certaine tension en 2017 et qu'ils diffèrent selon le titre considéré.

Par ailleurs, les options d'acheminement peuvent être plus ou moins coûteuses.

Coûts d'acheminement des titres

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Passeports (1)

1,38€

1,17€

1€

1,08€

1,12€

1,04

Certificats d'immatriculation

2,85€

2,85€

2,86€

2,81€

2,76€

2,76€

Titres de séjour (1)

1,38€

1,17€

1€

1,08€

1,12€

1,11

Visa

0,02€

0,01€

0,01€

0,02€

0,01€

0,01€

Permis de conduire (2)

/

3,09

2,87

1,85€

1,88€

2,01€

Cartes agent (1)

/

1,17€

1€

1,08€

1,12€

Cartes d'accès sécurisé (1)

1,17€

1€

1,08€

1,12€

Permis Bateau

Tarif Ecopli

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Les enjeux d'une réduction du coût unitaire de production et d'acheminement des titres peuvent être appréhendés à partir des prévisions de production en volume.

Ainsi, d'ici 2030, 33 millions d'anciens permis de conduire vont devoir être renouvelés et remplacés par des permis de conduire au format européen. De même, les demandes de passeport biométrique sont en augmentation : 3,88 millions de passeports devraient être produits en 2015 contre 3,78 millions en 2013 et 3 millions en moyenne les années antérieures.

La réduction des coûts de production devrait s'accompagner d'une réduction des droits acquittés par les usagers. Celle-ci ne s'est pas matérialisée.

Interrogé sur la comparaison des coûts de production des titres dans les pays européens, le ministère a fourni des indications sur les tarifs appliqués. On ne peut en déduire la réponse à la question posée du fait de différences institutionnelles.

On relèvera cependant que la France pratique des tarifs très coûteux pour les passeports (près de 45 % de plus qu'en Allemagne).

À l'inverse, la gratuité de la carte d'identité ressort comme une particularité française.

Tarifs de la carte d'identité et du passeport dans différents pays européens

France

Alle-magne

Grande-Bretagne

Estonie

Dane-mark

Pays-Bas

Belgi-que

Irlande

Luxem-bourg

Autri-che

Coût
CNI

gratuite

28.80€

Pas de CNI

25€

Pas de CNI

64.44€

À partir de 12€

Pas de CNI

14€

61.50€

Coût Passeport

86€

À partir de 59€

72.50£

40€

626DKK

50.40€

65€

80€

50€

75.9€

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

On peut mettre en rapport les coûts unitaires mentionnés plus haut avec le tarif des différents droits perçus par l'ANTS.

Les tarifs demandés aux usagers ressortent comme sensiblement supérieurs aux coûts , ce qui n'est pas juridiquement injustifiable, les taxes différant des redevances pour lesquelles une proportionnalité doit être respectée entre coûts et tarifs, mais mérite d'être mieux justifié d'autant que des phénomènes de péréquation paraissent à l'oeuvre .

Les taxes affectées acquittées par les usagers suivent les tarifs suivants pour la délivrance :

- du certificat d'immatriculation : 4 euros,

- du passeport : 86 euros pour un majeur, 42 euros pour un mineur de plus de 15 ans, 17 euros avant cet âge,

- de la carte nationale d'identité : gratuité ou 25 euros à la suite d'une perte ou d'un vol,

- du titre de séjour ou de voyage des étrangers : 19 euros,

- du permis de conduire à la suite d'une perte, d'un vol ou en cas de détérioration : 25 euros.

Le poids prépondérant des recettes associées au droit de timbre à la charge des demandeurs d'un passeport biométrique dans le financement de l'agence a été souligné ci-dessus (126,1 millions d'euros, soit plus de la moitié des ressources de l'agence). Celle-ci indique que les dépenses correspondantes s'élèvent à 88,3 millions d'euros (37,7 % du total des dépenses).

Votre rapporteur spécial s'interroge sur les conditions dans lesquelles sont fixés les tarifs des droits de timbre des différents titres développés par l'ANTS. Il observe qu'en dépit des informations transmises qui tendent à extérioriser une réduction des différents coûts unitaires supportés par l'ANTS, ses recettes, même si elles ont été globalement insuffisantes pour couvrir les charges de l'ANTS, ont connu une forte augmentation, en lien avec des volumes traités en expansion, dans un contexte où les tarifs unitaires ont eux-mêmes augmenté et laissent apparaître une forte discordance avec les coûts de chacun des titres concernés. Il convient en particulier de vérifier que les produits versés à l'ANTS par les ministères auxquels l'agence fournit des cartes agents couvrent convenablement les coûts d'une activité que l'agence entend développer considérablement.

Par ailleurs, il faut tenir compte d'un certain nombre de risques pesant sur l'ANTS.

À ce sujet, un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) a préconisé l'adoption d'une politique de maîtrise des risques plus complète et plus systématique dont les recommandations doivent donner lieu à des suites effectives.

Par ailleurs, dans le contexte des réorganisations en cours visant à ôter au réseau préfectoral son rôle dans la chaîne de traitement des titres, excepté pour les titres liés à la situation des étrangers, le risque d'un transfert de charges récurrent aux dépens de l'ANTS n'est pas négligeable. On a déjà indiqué que le retrait de l'État territorialisé des missions qu'il exerce jusqu'à présent dans ce domaine se traduit par de premières créations d'emploi tandis que le plafonnement des taxes affectées à l'établissement exerce une contrainte financière maintenue, susceptible de poser à terme plus ou moins proche un problème de cohérence.


* 9 À défaut d'une publication systématique de la comptabilité analytique correspondant à la programmation budgétaire de la mission, il est impossible d'aller au-delà des conjectures, ce qui est tout à fait regrettable.

* 10 Décret n° 2014-512 du 20 mai 2014 modifiant le décret n° 2007-255 du 27 février 2007 fixant la liste des titres sécurisés relevant de l'Agence nationale des titres sécurisés.

* 11 Source : Voies et moyens pour 2019.

* 12 Ces recettes propres sont par exemple liées à la fabrication des cartes d'agents pour différents ministères ou à l'utilisation du système de transmission électronique des données d'état civil COMEDEC.

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