C. UNE PLACE À TROUVER EN PLEINE « GUERRE FROIDE DES MÉDIAS »
L'absence de moyens accordés à notre ambition tranche avec les politiques d'influence développées par les grandes puissances (États-Unis, Russie ou Chine) mais aussi par nos partenaires européens (Allemagne, Grande-Bretagne). Votre rapporteur spécial relève ainsi les éléments constitutifs d'une véritable « guerre froide des médias », pour reprendre les termes de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice-générale de FMM.
Ainsi, aux États-Unis, l'agence gouvernementale United States Agency for Global Media (USAGM), anciennement Broadcasting board of governors , a vu ses missions confirmées par l'administration Trump, en dépit des velléités isolationnistes de celle-ci. Le dispositif regroupe cinq réseaux de médias : les radios Voice of America , Radio Free Europe/Radio Liberty et Radio Free Asia , et les groupes audiovisuels Radio and TV Martí (Cuba) et Middle East Broadcasting Networks ( Alhurra TV et Radio Sawa ). La chaîne Current Affairs , en langue russe, a ainsi été lancée en 2017. La section africaine de Voice of America a, dans le même temps, été redynamisée avec la mise en place d'une chaine en anglais et le déploiement de fréquences FM en français, l'objectif assumé étant de concurrencer France 24. Une plateforme comparable au site InfoMigrants mis en place par France Médias Monde est d'ailleurs en cours d'élaboration. L'USAGM revendique 345 millions de contacts hebdomadaires. Elle bénéficie d'une dotation annuelle de 719 millions d'euros.
Le lancement de Russia Today (RT) en français en 2017 a, de son côté, témoigné de la volonté russe de poursuivre l'approfondissement de sa présence en France mais aussi en Afrique francophone, concurrençant là encore France 24. RT développe également son réseau en Europe, en Amérique latine et aux États-Unis. La chaîne, créée en 2005, émet désormais en allemand, en anglais, en arabe et en espagnol. L'agence de presse multimédia internationale Sputnik , lancée en 2014, contribue également largement à la présence russe audiovisuelle dans le monde. Elle regroupe plus de 30 sites et ses rédactions travaillent dans plus de 30 langues
L'audiovisuel extérieur chinois a vu son développement accéléré ces dix dernières années, via un investissement massif évalué à environ 6 milliards d'euros sur la période. Ce montant aurait depuis augmenté pour atteindre 1,3 milliard d'euros par an. China Media Group / Voice of China , regroupe notamment le réseau China Global Television Network , soit 5 chaînes d'information en continu (anglais, français, arabe, russe, chinois) diffusées dans 140 pays et qui emploie plus de 10 000 personnes , et China Radio International , qui émet en 65 langues depuis plus de 70 stations à l'étranger. Le groupe audiovisuel est placé sous le contrôle direct du Département central de la propagande du Parti. Voice of China planifie des opérations de promotion des intérêts chinois, destinées notamment à concurrencer les médias occidentaux. CGTN Africa émet ainsi en anglais depuis Nairobi et des stations de radio en langues locales ont été constituées. Voice of China a également renforcé sa présence en Europe, ( CGTN Europe ), via l'implantation d'un centre de production à Londres. 90 journalistes locaux ont été recrutés.
Nos partenaires européens ne sont pas en reste. BBC World service , soutenue par le ministère des affaires étrangères, bénéficie d'une dotation annuelle de 282 millions d'euros sur la période 2016-2020, montant sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Elle dispose, de surcroît, d'une dotation complémentaire de 98 millions d'euros versée au titre des crédits de l'aide publique au développement. Elle est placée au coeur de cette stratégie offensive en faveur d'un pays dont l'image est fragilisée par le Brexit. BBC World Service revendique 319 millions de contacts hebdomadaires. Outre des subventions, la chaine BBC World News , qui n'est pas intégrée au périmètre de BBC World services , perçoit, de son côté, 57 millions d'euros de recettes commerciales
La Deutsche Welle (DW) allemande bénéficie quant à elle d'un budget de 400 millions d'euros en 2020, soit une progression de 123 millions d'euros par rapport à 2013. Cette somme est supérieure au budget cumulé de France Médias Monde et TV5 Monde (340 millions d'euros en 2020). DW entend, d'ici 2021, approfondir sa présence au sein du monde arabe et en Turquie, de la zone Iran-Pakistan-Afghanistan, en Afrique subsaharienne et dans le monde slave. DW bénéficie d'une aide de 30 millions d'euros par an au titre de l'aide publique au développement. Les effectifs de DW sont estimés à 3 000 ETP. Elle revendique 162 millions de contacts hebdomadaires
La stratégie d'influence de ces différents acteurs s'inscrit de surcroît dans un contexte marqué par l'émergence des géants du secteur du numérique et pae leur importance croissante dans le paysage médiatique.