B. DANS LE PLAN DE RELANCE, DES DISPOSITIFS NOUVEAUX DOIVENT ÊTRE MIS EN oeUVRE
1. Le recours à des foncières pour sauver les commerces, un outil séduisant mais probablement insuffisant
a) Le recours aux foncières d'aménagement, un outil séduisant et à fort effet de levier
Pour soutenir les commerces de proximité, la Banque des Territoires a débloqué une enveloppe de 300 millions d'euros visant à financer une partie des foncières de redynamisation territoriale. Le Gouvernement affiche un objectif de restructuration de 6 000 commerces grâce à ce dispositif.
Les foncières doivent en effet permettre de faire évoluer l'offre de commerces et à redynamiser certaines espaces en transformant les centres-villes. Les foncières peuvent être uniquement commerciales (objectif de 25 % du total) ou relever de plusieurs types d'actifs (objectif de 75 % -commerces, logements, locaux d'activités artisanaux et industriels, maisons de santé...)
Leur intervention peut être de plusieurs ordres : acquisition, aménagement (démolition, remembrement...), construction (réhabilitation, requalification, neuf), gestion, cession. D'après les informations fournies aux rapporteurs spéciaux « la foncière de redynamisation investit dans les coeurs de villes et les centres-bourgs (opérations complexes), les quartiers en redéveloppement, mais également sur des marchés moins exposés (locaux d'activités, centre-ville dynamique...) . »
Les foncières sont généralement des sociétés d'économie mixte (SEM). En général, les projets des foncières visent un rendement locatif de longue durée (15 ans). L'objectif de la Banque des territoires serait ainsi d'accompagner une centaine de foncières. L'Agence nationale de la cohésion des territoires dispose également d'une compétence grâce à l'absorption de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) qui intervient régulièrement dans les quartiers politique de la ville (QPV). L'ANCT pourrait ainsi intervenir de manière subsidiaire sur certains projets.
La Banque des Territoires débloquerait une enveloppe globale de 6 millions d'euros pour les études et l'accompagnement du montage de la société et investirait 300 millions d'euros de fonds propres ou quasi-fonds propres dans les SEM. Ces crédits permettraient de mobiliser 500 millions d'euros de prêts de moyen ou long terme.
Le plan de relance prévoit une subvention de 60 millions d'euros, afin de renforcer l'effet de levier des crédits engagés par la banque des territoires. Complété par la mobilisation de diverses lignes et l'entrée en capital éventuelle de l'ANCT, il est estimé que le montant final des investissements pourrait atteindre 1,2 milliard d'euros .
b) Le dispositif de foncières ne permettra pas de répondre à la situation de certaines villes ou communes
D'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, les projets des foncières porteraient sur des projets supérieurs à une certaine taille critique. En deçà, les projets ne seront pas rentables et ne présenteront, pour les investisseurs, qu'un intérêt limité.
Les exemples d'échecs de foncières cités auprès des rapporteurs relèvent de villes moyennes (notamment Gonesse ou Périgueux), de sorte qu'ils s'inquiètent pour le commerce de proximité des villes petites ou moyennes.
Dans le contexte de crise majeure pour le commerce de proximité, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il est indispensable de disposer d'un outil d'intervention afin de soutenir certains commerces qui étaient déjà menacés avant la crise. Le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce doit ainsi être remobilisé.
La disparition du FISAC
Entre 2010 et 2018, la dotation du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) est passée de 64 millions d'euros à 16 millions d'euros, soit une baisse de 80 %. En moins de dix ans, le nombre d'opérations conduites a été divisé par dix.
Le Fisac a été placé en « gestion extinctive » à partir de 2019, seuls 2,8 millions d'euros étant prévus en CP pour 2020 afin de financer les opérations déjà décidées : malgré le vote du Sénat lors de la discussion du PLF pour 2019, le FISAC n'a pas été reconduit cette année. .
Enfin, la suppression du Fisac a impliqué la fin des aides aux stations-service de proximité, qui y étaient éligibles depuis la suppression du Comité professionnel de distribution des carburants (CPDC) en 2015. Alors que celles-ci contribuent au maillage de nos territoires, leur nombre ne cesse de diminuer, au profit notamment des stations adossées aux grandes et moyennes surfaces. La France, qui comptait 33 000 stations-service traditionnelles en 1985, n'en compte plus que 5 000 aujourd'hui.
Afin de garantie le maintien des commerces, des services et de l'artisanat sur l'ensemble du territoire , il est indispensable de préserver un dispositif d'intervention spécifique . Le fonds de solidarité mis en oeuvre par le Gouvernement pour faire face à la crise permet de couvrir partiellement les pertes de chiffre d'affaires mais ne permet pas d'aider spécifiquement à la création, à la transmission, au maintien ou à la modernisation des entreprises et des commerces dans les territoires les plus fragiles.
Le Fisac constitue un outil bien identifié par les élus locaux et les commerces et artisans intervenant en milieu rural. C'est la raison pour laquelle la commission a adopté un amendement n° II-2 visant à rétablir le Fisac avec une dotation de 30 millions d'euros (AE=CP).
2. Le retour d'une logique de guichet pour accompagner les entreprises
Au sein du plan de relance, plusieurs dispositifs de soutien et d'accompagnement des entreprises relèvent d'une logique de guichet. Il s'agit à la fois d'une logique d'appels à projet en faveur des relocalisations et de dispositifs de soutien direct à la numérisation des PME.
a) Les appels à projet en faveur de la relocalisation d'activités et de la décarbonation de l'économie
Depuis la rentrée, plusieurs appels à projet ont été lancés, visant à relocaliser des activités stratégiques, à soutenir des projets industriels ou encore à participer à la décarbonation de l'économie.
Concernant la relocalisation des activités stratégiques, cinq appels à projet ont d'ores et déjà été lancés sur les thèmes des produits de santé, des intrants critiques, de l'électronique, de l'agroalimentaire et des télécommunications. L'enveloppe totale dédiée à ces appels à projet devrait s'élever à 600 millions d'euros sur deux ans.
Par ailleurs, 400 millions d'euros devraient être consacrés au soutien à des projets industriels, afin de soutenir des dynamiques de territoires.
Enfin, concernant la décarbonation, un appel à projet a été lancé pour financer « toute opération permettant une amélioration de l'efficacité énergétique du site industriel, que ce soit pour des usages énergétiques au niveau des procédés industriels ou des équipements produisant des utilités industrielles, menant à une réduction des émissions de gaz à effet de serre (CO2) ».
Ces opérations doivent ainsi permettre :
- un gain d'efficacité énergétique en énergie primaire ;
- une réduction des émissions de gaz à effet de serre en tonnes équivalent CO2 ;
- un montant d'investissement supérieur à 3 millions d'euros (coût total du projet).
Les rapporteurs spéciaux saluent l'approche adoptée par le Gouvernement, qui permet d'accompagner des projets industriels et de préserver l'emploi tout restant attentif à la question de l'empreinte environnementale des entreprises françaises.
b) Le soutien à la numérisation des PME
Alors que le suramortissement de l'investissement des PME dans la numérisation et la robotisation arrive à échéance au 31 décembre prochain, le Gouvernement a fait le choix de remplacer ce dispositif par une logique de guichet. En effet, même si le suramortissement permettait d'amortir 140 % du prix de l'achat, un tel dispositif permet seulement de réduire le résultat imposable et non pas directement l'imposition. Ainsi, d'après les informations fournies aux rapporteurs spéciaux, ce dispositif représentait en réalité une aide allant de 10 à 15 % du montant de l'investissement.
Le dispositif proposé au sein de la mission « Plan de relance » devrait permettre, par une logique de guichet, de considérablement renforcer la part de financements publics (jusqu'à 40 %).
Les financements devront porter sur des technologies innovantes ou reposer sur de l'intelligence artificielle. Au total, 385 millions d'euros sont prévus sur la durée du plan de relance.
Comme pour les appels à projet, les rapporteurs spéciaux sont favorables au dispositif de guichet proposé. Celui-ci permettra de renforcer nettement la participation de l'État au financement de la modernisation de l'appareil productif .