TROISIÈME PARTIE
LA MISSION « TRANSFORMATION
ET FONCTION PUBLIQUES »

I. L'ÉVOLUTION DE LA MISSION : LE NIVEAU D'ENGAGEMENT DES CRÉDITS ET LE CHANGEMENT DU PÉRIMÈTRE DE LA MISSION INTERROGENT SUR SES OBJECTIFS

A. DES CRÉDITS EN HAUSSE AFIN DE CONCRÉTISER LA MONTÉE EN CHARGE DE LA MISSION

1. Un changement de périmètre qui se traduit par l'intégration du programme 148 « Fonction publique »

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, la mission « Action et transformation publiques » voit son périmètre modifié par l'intégration du programme 148 « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Renommée « Transformation et fonction publiques », la mission se compose donc désormais de cinq programmes, à vocation interministérielle :

- le programme 148 « Fonction publique » , qui se compose de trois actions, au poids très inégal dans le programme. Il s'agit de la formation des fonctionnaires, qui comprend les subventions pour charges de service public versées à l'École nationale d'administration (ENA) et aux instituts régionaux d'administration (IRA), de l'action sociale interministérielle et de l'action appui et innovation des ressources humaines. Il est placé sous la responsabilité de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) ;

- le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » , qui doit financer la rénovation des sites occupés par plusieurs services de l'État et de ses opérateurs. L'État compte 56 cités administratives dans son réseau déconcentré dont 39 bénéficiaires du programme. Doté d'un milliard d'euros sur cinq ans, ce programme est placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État. C'est le seul programme de la mission qui ne relève pas du ministère de la transformation et de la fonction publique mais de celui de l'économie, des finances et de la relance. ;

- le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » (FTAP), qui doit soutenir les réformes porteuses d'économies à moyen terme en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une telle réforme dans sa phase initiale. Doté de 700 millions d'euros sur cinq ans, il est placé sous la responsabilité de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) ;

- le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines » (FAIRH), créé par la loi de finances initiale pour 2019, qui doit supporter, sous la responsabilité de la DGAFP, une partie des coûts de transition induits par la mise en oeuvre de réformes structurelles à forte dimension ressources humaines. Il sert donc de relais de financement à certains projets portés par les plans de transformation ministériels ( cf. supra ) et permet d'accompagner les mobilités (géographique et fonctionnelle), ainsi que les actions de formation ;

- le programme 352 « « Innovation et transformation numériques » , dont le nom est modifié dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 (auparavant Fonds pour l'accélération des start-ups d'État). Placé sous la responsabilité de la direction interministérielle du numérique (Dinum), il vise à financer l'émergence et le développement de produits et services numériques innovants pour moderniser l'État et les services publics. Il participe également au cofinancement des recrutements dans le cadre du programme « entrepreneurs d'intérêt général ».

2. Au regard des sous-exécutions constatées chaque année sur la mission, les prévisions de crédits sont difficiles à apprécier

Les crédits demandés pour 2021 connaissent deux trajectoires contraires, pour s'établir, en périmètre constant (2020) , à :

- 110,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une baisse de 67,39 %. Cette baisse très significative des AE s'explique en grande partie par le principe de fonctionnement de la plupart des programmes de la mission : une ouverture des autorisations d'engagement dès la première ou la seconde année, puis une couverture annuelle en CP des dépenses ainsi engagées ;

- 496,83 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 14,26 %.

Les crédits demandés au titre du programme 148 « Fonction publique » connaissent quant à eux une double hausse de 6,93 % en AE et de 3,54 % en CP, pour atteindre respectivement 224,49 millions d'euros et 217,37 millions d'euros .

Évolution des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques »

(en millions d'euros et en %)

2019 (LFI)

2019 (exécution)

2020 (LFI)

Annulations PLFR IV 2020

2021 (PLF)

Évolution PLF 2021/LFI 2020

[348] Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants

AE

900

93,46

80,00

0

0,00

- 100,00 %

CP

100

11,89

168,00

- 162,43

277,49

65,17 %

[349] Fonds pour la transformation de l'action publique

AE

250

65,33

200,00

- 8,29

50,00

- 75,00 %

CP

160

37,60

205,61

- 127,94

158,74

- 22,80 %

[351] Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines

AE

50

0,00

50,00

- 31,67

50,00

0,00 %

CP

50

0,00

50,00

- 31,67

50,00

0,00 %

[352] Innovation et transformation numériques

AE

7,2

7,36

9,20

0

10,60

15,22 %

CP

2,1

5,97

11,20

- 1,5

10,60

- 5,36 %

[148] Fonction publique

AE

209,94

0

224,49

6,93 %

CP

209,94

0

217,37

3,54 %

Total (hors P148)

AE

1 207,20

166,15

339,20

- 39,96

110,60

- 67,39 %

CP

312,10

55,46

434,81

- 323,54

496,83

14,26 %

Total (P148 inclus)

AE

-

-

549,14

-

335,09

- 38,98 %

CP

-

-

644,75

-

714,20

10,77 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Toutefois, au regard des sous-consommations constatées chaque année sur la quasi-totalité des crédits de la mission, les rapporteurs spéciaux considèrent que l'appréciation de ces crédits perd de son sens, et avec elle l'autorisation parlementaire.

La commission des finances a fait part à plusieurs reprises de ses réserves quant à la capacité des directions responsables de programmes à mobiliser les crédits à un rythme aussi soutenu que celui qui était envisagé lors de la création de la mission en 2018, interrogeant ainsi la sincérité de la budgétisation des programmes. Elle a également souligné que ces sous-consommations s'expliquaient également par un écart entre les besoins réels des porteurs de projets sur une année n et les besoins anticipés par les directions . Après près de trois ans de fonctionnement, et alors que la mission est supposée faire l'objet d'un suivi approfondi et novateur des projets qu'elle finance, il serait plus que temps de réduire ces écarts.

Lors de l'examen de la mission dans le cadre du PLF 2020, les rapporteurs spéciaux relevaient de nouveau que 2020 ne ferait sans doute pas exception à ces sous-consommations . Le projet de quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a confirmé ces crainte s : 39,96 millions d'euros ont été annulées en AE, et 323,5 millions d'euros en CP.

D'après les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, les taux de consommation constatés au 31 août 2020 sont en outre particulièrement faibles, comme l'illustre le tableau ci-dessous 61 ( * ) .

Taux de consommation des crédits de la mission
« Transformation et fonction publique »

(en millions d'euros et en %)

LFI 2020

Exécution constatée
au 31 août 2020

Taux de consommation
au 31 août 2020

Programme 348

AE

80

49,6

62,0 %

CP

168

10,7

6,4 %

Programme 349

AE

200

36

18,0 %

CP

205,61

26

12,6 %

Programme 351

AE

50

nd

-

CP

50

16,819*

33,6 %

Total

AE

330

85,6

25,9 %

CP

423,61

122,3

28,9 %

* Le comité de sélection du fonds a retenu 15 projets pour l'année 2020. Ces projets bénéficient d'un cofinancement, dont le plafond s'élèverait pour l'année à 16,82 millions d'euros.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le Gouvernement tend à rejeter la faute de ces sous-exécutions sur la crise sanitaire , après l'avoir attribuée à la « jeunesse » de la mission en 2019. Pour les rapporteurs spéciaux, cette explication est à la fois tronquée et partielle : le Gouvernement ne peut pas se dédouaner de ses responsabilités en rejetant l'entière responsabilité de la gestion catastrophique des crédits de la mission sur la crise sanitaire .

La comparaison entre les opérations structurantes financées via le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et celles portées par le programme 348 est de ce point de vue particulièrement étonnante. Dans le premier cas, les opérations ne seraient que peu affectées par la crise sanitaire (annulation de crédits de paiement à hauteur de 32,14 millions d'euros sur les 275 millions d'euros ouverts en LFI 2020), dans le second, elles seraient très fortement affectées (annulation de crédits de paiement à hauteur de 162,43 millions d'euros sur les 168 millions d'euros prévus en LFI 2020). De même, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, il est encore impossible d'évaluer l'impact de la crise sanitaire sur la concrétisation des projets financés par le programme 349 (un bilan devrait être fait en début d'année 2021), tandis que son impact sur les programmes 351 et 352 est jugé minime, voire nul.

À noter que, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, le niveau des crédits de la mission présenté dans le PLF 2021 se conforme aux orientations pluriannuelles, sans modification majeure due à la crise sanitaire.

Les rapporteurs spéciaux sont donc de nouveau obligés d'appeler à la plus haute vigilance sur les prévisions de crédits pour l'année 2021, d'autant que le second reconfinement pourrait à nouveau ralentir l'exécution des projets soutenus par les fonds de la mission, en créant un décalage dans les procédures ou en retardant encore davantage les procédures de contractualisation. Les écarts constatés ces trois dernières années ne font que confirmer leurs inquiétudes sur la capacité des directions responsables de ces programmes à mobiliser ces crédits à un rythme aussi soutenu alors que quatre des programmes de la mission atteignent déjà plus de la moitié de leur durée d'existence programmée .

Les rapporteurs spéciaux regrettent de ne disposer que de peu d'informations sur la gestion concrète des crédits de la mission et sur le calendrier de leur déploiement. Il n'y a que trop peu de détails sur les raisons de ces délais de latence trop longs entre la sélection des projets, la contractualisation avec les porteurs, le déblocage des crédits et le lancement des projets.

Au regard des objectifs ambitieux de cette mission, que ce soit au titre de la transition énergétique ou de la transformation de l'État, ces sous-exécutions constatées chaque année sont particulièrement dommageables quand on sait l'importance politique que revêt la transformation publique dans le discours gouvernemental .

Les sous-exécutions sont plutôt de nature à légitimer les critiques qui jugent que cette mission relève avant tout d'un « effet de communication » : la création de programmes ad hoc pour renforcer la visibilité de ces crédits, au lieu de doter directement les programmes et les administrations des moyens nécessaires à leur transformation ou au soutien de leurs réformes, semble avoir atteint ses limites. S'ils comprennent la volonté du Gouvernement d'isoler les crédits dédiés à la mise en oeuvre de réformes structurelles, les rapporteurs spéciaux estiment, qu'en l'état actuel, avec ses règles de fonctionnement, la mission n'a pas donné satisfaction et que les informations sur les ministères, les administrations et les collectivités bénéficiaires devraient être clarifiées.


* 61 Le programme 352 n'est pas inclus dans ce tableau, faut de données communiquées en réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.

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