II. LES FONDS DE TRANSFORMATION : UNE MULTIPLICITÉ DE VECTEURS BUDGÉTAIRES POUR UNE EFFICACITÉ QUI RESTE ENCORE À DÉMONTRER
A. LA RÉNOVATION DES CITÉS ADMINISTRATIVES ET DES SITES MULTI-OCCUPANTS : DES RETARDS SIGNIFICATIFS ET DES INDICATEURS DE PERFORMANCE À RÉVISER
En termes budgétaires, le programme 348 est le plus important de la mission, puisqu'il est doté d'un milliard d'euros sur cinq ans . Il répondait à deux priorités du GPI : l'accélération de la transition énergétique et la construction de l'État à l'âge du numérique. Il doit financer des opérations permettant de réduire la consommation énergétique de ces bâtiments et de lutter contre leur obsolescence . Ces travaux visent également à densifier les sites sous-occupés , réduisant par là-même la surface occupée par les services de l'État, avec l'objectif de se rapprocher de l'indicateur cible de 12 m² de surface utile nette par poste. La rénovation de 35 cités administratives et la reconstruction de quatre d'entre elles, ce qui inclut au total 150 bâtiments, permettraient de réaliser un gain énergétique de 139 millions de kWh d'énergie primaire par an et l'optimisation des surfaces occupées devrait réduire le parc immobilier de l'État de 239 000 mètres carrés de surface utile brute , réduisant ainsi les frais liés aux loyers, aux charges et à la facture énergétique.
Les crédits pour 2021 traduisent ces règles d'engagement : il n'y a plus d'AE, qui ont été engagées les premières années de la mission, mais seulement des crédits de paiement. Leur évolution très élevée entre la LFI pour 2020 et la LFI pour 2021 (+ 65,17 %, de 168 millions d'euros à 278 millions d'euros) traduit l'objectif d'une montée en charge sur le programme, avec la mise en oeuvre des premiers travaux et opérations . Ils sont néanmoins pour l'instant, en cumulé, bien en deçà du niveau d'un milliard d'euros attendus sur le programme d'ici 2022, l'ensemble des opérations sélectionnées ayant été évaluées à 989 millions d'euros.
Si le Gouvernement assure que les montants seront bien décaissés, les rapporteurs spéciaux estiment peu probable, en l'état actuel des informations dont ils disposent, que ces projets soient réellement achevés d'ici 2022 , en particulier avec l'allongement des délais supplémentaire dû à la crise sanitaire. Ce programme de la mission pourrait donc être prolongé. Dans son rapport d'activité, la direction de l'immobilier de l'État estime être « en mesure de faire un premier état des lieux des premières livraisons à partir de 2022 ».
Le programme n'est en effet pas non plus exempt de critiques sur son exécution. D'après les informations transmises dans les documents budgétaires, sur les 39 projets sélectionnés en 2019, trente d'entre eux seulement ont été validés au 4 septembre 2020 (pour un montant de 823 millions d'euros) et trois d'entre eux ont vu leurs travaux immobiliers engagés en 2020 (pour un montant total de 117 millions d'euros). Les rapporteurs spéciaux considèrent que c'est bien trop peu pour un programme qui devait a priori connaître une montée en charge rapide des crédits et qui devrait avoir fini d'engager tous les crédits de paiement pour ses opérations de grande ampleur d'ici 2022 .
Ils s'interrogent également sur les raisons qui expliquent ce retard et ne sont nullement convaincus par celles apportées. Il est vrai que 2018 et 2019 ont constitué deux années de transition, la première pour conduire les audits, la seconde pour sélectionner les projets (les 39 sites retenus ont été annoncés au mois de juillet). Le Gouvernement tend à se défendre en expliquant que la véritable montée en charge du programme, qui devait avoir lieu en 2020, a été interrompue par la crise sanitaire . Les rapporteurs estiment que cet argument est en partie faussé : tous les projets n'étaient de toute façon pas prêts pour 2020 ! Les informations transmises dans le questionnaire budgétaire en témoignent : les procédures qui ont pris du retard sont d'abord celles qui devaient conduire à notifier les marchés à la fin de l'année 2020, sur des projets qui n'étaient donc pas finalisés, près d'une année et demie après leur sélection. De plus, concernant les chantiers eux-mêmes, la plupart des opérations structurantes conduites à partir du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » ont pu continuer, les opérations du programme 348 auraient donc été plus pénalisées que ces dernières, pour des raisons inconnues.
Les rapporteurs spéciaux estiment qu'il existe d'autres explications que celle de la complexité des projets . La gestion du programme est en effet confiée la direction de l'immobilier de l'État (DIE), qui est habituée aux opérations structurantes et qui recourt assez fréquemment aux marchés globaux de performance. Les neuf autres projets font encore l'objet d'itérations entre, d'une part, les équipes de la direction de l'immobilier de l'État et, de l'autre, les porteurs.
Par ailleurs, à l'instar des années précédentes, aucune évolution n'étant intervenue sur ce point, les indicateurs de performance du programme ne sont pas suffisants pour permettre aux rapporteurs spéciaux et, plus généralement, aux observateurs extérieurs de se rendre compte de l'avancée réelle des projets et de leur efficacité .
En effet, les indicateurs montrent seulement les économies d'énergie et de surface attendues, sans précision sur les progrès accomplis sur ces deux points, ainsi que le coût du kWh/EP économisé (prévision à 7,1 euros). Ces trois indicateurs sont fixés à partir des données transmises par les porteurs de projets et les résultats seront constatés une fois les travaux achevés, il n'y a donc pas de mesure en cours de projets ou de processus permettant d'actualiser ces prévisions d'une année sur l'autre.
De plus, les rapporteurs spéciaux relèvent que ce n'est pas le programme 348 qui a été choisi pour porter le plan de rénovation thermique des bâtiments publics souhaité par le Gouvernement , mais le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». Dans ce cadre, l'action 01 « Rénovation thermique » est dotée de près de six milliards d'euros, dont quatre milliards d'euros pour les bâtiments publics . 300 millions d'euros seraient octroyés aux régions et un milliard d'euros serait à la main des préfets pour les bâtiments des collectivités locales. Il resterait ainsi 2,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État, dont plus de la moitié pour les établissements publics de l'enseignement supérieur . Ils ont chacun fait l'objet d'un appel d'offre séparé, entre le 7 septembre et le 8 octobre 2020.
Les candidatures reçues portent sur un montant de plus de huit milliards d'euros. Plus que du succès que de la démarche proposée, ce montant témoigne de l'urgence à engager un programme ambitieux de rénovation thermique, dans lequel l'État se montrerait exemplaire. Les administrations font état de besoins très importants. Les projets seront sélectionnés d'ici au 30 novembre 2020 selon le processus de labellisation habituel : les projets inférieurs à cinq millions d'euros (huit millions d'euros en Ile-de-France) seront présentés en Conférence régionale de l'immobilier public, réunie sous l'égide du préfet, tandis que les projets dont le coût est supérieur à ces seuils seront présentés devant la Conférence nationale de l'immobilier public, réunie en formation spécifique « Plan de relance ». En parallèle des performances et des gains énergétiques permis par le projet, un critère de sélection sera primordial : la maturité des projets, c'est-à-dire leur capacité à être engagés rapidement, à être notifiés d'ici la fin de l'année 2021 voire avant et à produire, pour certains d'entre eux, leurs effets sur l'économie dès l'année 2021 . Les rapporteurs spéciaux relèvent en effet qu'au regard des délais, très longs, de contractualisation pour les opérations structurantes du programme 348, ce critère de sélection est très important si l'on souhaite qu'une partie des projets sélectionnés sur le programme 362 agisse vraiment en soutien à la relance.