EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 54 undecies (nouveau)

Ouverture d'un droit d'accès au Ficoba pour les agents de l'Agence
de services et de paiement

Le présent article autorise les agents de l'Agence de services et de paiement (ASP) à accéder au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). Ce fichier liste l'ensemble des comptes bancaires de toute nature ouverts en France et des coffres forts loués (article 1649 A du code général des impôts). Il réunit également les informations relatives aux opérations d'ouverture, de modification et de clôture d'un compte. Cet accès doit permettre à l'ASP, qui gère de plus en plus de dispositifs, dont l'activité partielle, de limiter les risques de versement au mauvais bénéficiaire et de mieux lutter contre la fraude.

Les rapporteurs spéciaux y sont favorables, sous réserve d'une modification visant à mieux encadrer les conditions de désignation des agents habilités à accéder à ces informations. La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ACCÈS AU FICHIER FICOBA A ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ÉTENDU À DIVERS ADMINISTRATIONS ET ORGANISMES

A. LE RESPECT DU SECRET FISCAL ET L'ACCÈS AUX DONNÉES DÉTENUES PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

La direction générale des finances publiques (DGFiP) est tenue au respect du secret fiscal , défini à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales : « l'obligation du secret professionnel, telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts ».

Toutefois, elle est déliée de cette obligation dans certains cas limitativement énumérés par la loi, notamment dans le cadre des échanges d'informations avec certaines administrations, autorités administratives, collectivités, services et organismes publics, pour les seules informations nécessaires à l'exercice de leurs missions respectives .

Chacun de ces dispositifs d'échange d'informations dispose d'une base juridique propre, voire de plusieurs . Ces dispositions, adaptées par le législateur au cas par cas et de manière progressive , présentent des modalités hétérogènes. Les échanges peuvent ainsi être, selon les cas :

- à la demande, spontanés ou automatiques , sous forme d'accès directe à certaines bases de données ;

- limités à certaines missions limitativement énumérées des administrations et entités concernées, ou prévus pour l'ensemble de leurs missions respectives ;

- réciproques ou à sens unique .

En revanche, les garanties qui s'attachent à la protection des données personnelles ainsi qu'au secret fiscal, médical ou encore de la défense nationale relèvent de dispositions législatives ou constitutionnelles de portée générale. Les éventuelles dérogations, qui sont rares, doivent être expressément prévues par la loi.

L'Agence de services et de paiement (ASP) fait partie des personnes avec lesquelles la DGFiP peut échanger des informations fiscales . Aux termes de l'article L. 119 du livre des procédures fiscales, elle peut en effet avoir accès, à sa demande, aux informations nominatives nécessaires à l'instruction des demandes d'indemnités compensatoires de handicaps naturels , dans le cadre du soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), selon des modalités fixées par décret.

Les dispositifs d'accès aux informations détenues par la DGFiP sont essentiellement prévus par le livre des procédures fiscales .

Personnes publiques avec lesquelles la DGFiP réalise
des échanges d'informations fiscales
(articles L. 115 à L. 135 ZI du livre des procédures fiscales)

- le Défenseur des droits ;

- la direction générale de la concurrence et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ;

- l'Autorité de la concurrence ;

- la direction générale des finances publiques (DGFiP) elle-même, dans le cadre des échanges avec d'autres services internes ;

- l'Agence de services de paiement ;

- les commissaires du Gouvernement auprès d'un conseil de l'ordre des experts-comptables ;

- le ministère du logement ;

- l'observatoire nominatif des logements indignes et des locaux impropres à l'habitation ;

- les services municipaux chargés du logement ;

- les agents de l'État chargés de la constatation, de la poursuite et de la répression de certaines infractions ;

- la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ;

- Pôle Emploi ;

- la cellule de renseignement financier Tracfin ;

- l'Autorité des marchés financiers (AMF) ;

- les chambres de commerce et d'industrie (CCI) ;

- les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) ;

- la Banque de France ;

- les agences de l'eau ;

- les services de renseignement ;

- l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) ;

- les officiers de police judiciaire et la gendarmerie nationale ;

- le ministère des transports ;

- la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ;

- l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Source : commission des finances

B. FICOBA, UN FICHIER UTILE À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE, DONT L'ACCÈS A ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ÉTENDU

Ficoba fait partie des quatre applications 68 ( * ) de la DGFiP contenant des données susceptibles d'être particulièrement utiles à des tiers dans le cadre de la lutte contre la fraude et de l'amélioration du recouvrement.

1. Le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba)

Aux termes de l' article 1649 A du code général des impôts (CGI), toute personne qui reçoit en dépôt des valeurs mobilières, titres ou fonds doit déclarer à l'administration des impôts l'ouverture et la clôture des comptes de toute nature ainsi que la location de coffres forts . Les administrations publiques, les établissements ou organismes soumis au contrôle de l'autorisé administrative et les établissements financiers et de crédits sont également visés par cette obligation pour leurs opérations avec des résidents français. L'article impose par ailleurs aux personnes physiques, associations ou sociétés n'ayant pas la forme commerciale de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger .

Le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) 69 ( * ) liste ainsi tous les comptes bancaires ouverts en France, en indiquant les opérations d'ouverture, de modification ou de clôture de ces comptes. Il réunit les informations suivantes :

- le nom et l'adresse de la banque qui gère le compte ;

- l'identité du ou des titulaires ;

- les caractéristiques dites essentielles du compte (numéro, type de compte) ;

- la date et la nature de l'opération déclarée.

Ce fichier est actualisé par les banques : sa constitution ne nécessite donc pas l'intervention des personnes visées, qui n'ont par conséquent pas non plus la possibilité de s'opposer à l'inscription de leurs comptes dans Ficoba.

Il existe deux types d'accès au fichier :

- le premier concerne le titulaire du compte, son curateur (tuteur) ou son héritier. Il n'a accès qu'à ses propres comptes. Les demandes d'accès aux informations sur l'état civil doivent être adressées au service des impôts de rattachement, celles sur les comptes bancaires à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, celles sur les comptes d'une personne décédée au centre national de traitement FBFV. Les titulaires ou héritiers disposent alors d'un droit de rectification, exerçable auprès du centre des impôts du lieu de résidence du requérant ;

- le second concerne l'accès ouvert à d'autres personnes ou organismes pour l'exercice de leurs missions , tels que l'administration fiscale, les Douanes, les agents de l'Autorité des marchés financiers, les agents de Tracfin, les officiers de police judiciaire, certains juges, les notaires en charge d'une succession, les huissiers ou encore les agents, sous conditions, de la Caisse d'allocations familiales (CAF).

2. L'extension de l'accès des administrations et des organismes au Ficoba

L'accès au Ficoba est en effet octroyé par voie législative et les modalités d'habilitation et de désignation des agents par voie règlementaire . Les modifications les plus récentes sont intervenues en loi de finances initiale pour 2016 70 ( * ) , avec l'ouverture d'un accès aux officiers de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmerie nationale mais également aux agents des douanes et des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires pour les besoins de l'accomplissement de leur mission, ainsi qu'en 2018, avec la loi relative à la lutte contre la fraude 71 ( * ) .

La liste exhaustive des personnes et organismes, autres que les titulaires et héritiers, ayant accès au Ficoba, est défini à l'article 3 de l'arrêté du 14 juin 1982 , modifié le plus récemment par un arrêté du 26 octobre 2020 72 ( * ) . Y ont été ajoutés, en vertu des articles L. 135 ZK et L. 135 ZJ du livre des procédures fiscales (LPF), introduits dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la fraude 73 ( * ) :

- les agents de contrôle de l'inspection du travail ;

- les agents des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et de la caisse de la mutualité sociale agricole (MSA), pour les seules missions relatives à la lutte contre le travail illégal et à la lutte contre la fraude aux prestations sociales ;

- les agents spécialisés détachés de la DGFiP affectés au sein des juridictions 74 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE EXTENSION DE L'ACCÈS AU FICOBA POUR LES AGENTS DE L'AGENCE DE SERVICES ET DE PAIEMENT

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue députée Cendra Motin, adopté avec un avis favorable du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Alexandre Holroyd, et du Gouvernement. Il complète l'article L. 119 du livre des procédures fiscales afin de donner accès aux agents de l'Agence de services et de paiement (ASP) au Ficoba .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ÉLARGISSEMENT DE L'ACCÈS À FICOBA À SOUTENIR, SOUS RÉSERVE D'UN MEILLEUR ENCADREMENT

A. UN ÉLARGISSEMENT DU DROIT D'ACCÈS AU FICOBA À SOUTENIR...

Le présent article prévoit de renforcer l'accès aux informations utiles à l'accomplissement des missions de contrôle et de versement des prestations des agents de l'Agence de services et de paiement (ASP), en leur donnant accès au fichier des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). Les rapporteurs spéciaux y sont favorables sur le fond, au regard des missions exercées par l'ASP .

L'ASP est un établissement public administratif, placé sous la tutelle des ministères de l'agriculture et de l'alimentation et du travail, qui verse plus de 200 aides publiques européennes, nationales et locales à 18 millions de bénéficiaires, dans de nombreux domaines (agriculture, travail, chèque énergie). Relèvent de ses missions le traitement des demandes d'aides et le contrôle de leur attribution, ainsi que le paiement des bénéficiaires (plus de sept millions d'opérations de paiement pour un montant total de 19 milliards d'euros en 2019 et 100 000 opérations de recouvrement). Elle s'appuie pour cela sur un dispositif de lutte anti-fraude, sur une inspection générale et sur un service d'audit interne.

Elle exerce ses activités pour le compte de nombreux ministères, collectivités territoriales et établissements publics. Elle est notamment en charge du versement des aides de la politique agricole commune (PAC), ainsi que de l'activité partielle 75 ( * ) , dispositif particulièrement mobilisé dans le contexte de crise sanitaire et économique actuel et autour duquel la commission des finances a souligné à plusieurs reprises le risque de fraude .

La plupart des dispositifs dont l'ASP est chargée font l'objet de démarches en ligne , y compris la déclaration des coordonnées bancaires, avec un risque avéré d'erreurs ou de fraudes . Par exemple, une personne peut déposer une demande au nom d'une entreprise éligible, mais substituer ses coordonnées bancaires à celles de l'entreprise, puis ensuite transférer les fonds vers des comptes à l'étranger, rendant quasiment impossible leur récupération. L'accès au Ficoba doit donc permettre aux agents de l'ASP de réduire ces risques sur un grand nombre de demandes, sans passer par une demande au cas par cas des données auprès de la DGFiP.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, l'étude d'impact de l'article 3 précisait notamment que l'identification des comptes bancaires en France pouvait constituer « un indice particulièrement intéressant dans une enquête visant à démontrer que l'entité du prestataire étranger est économiquement organisée et dirigée sur le sol national. Une recherche FICOBA est en outre une clé d'entrée habituelle pour mettre en évidence un montage frauduleux complexe en identifiant les comptes détenus par les personnes physiques et morales qui interviennent dans ce montage, ce qui permet par la suite de retracer les flux financiers, l'organisation économique réelle au-delà des apparences contractuelles. » Le fichier FICOBA peut également servir à obtenir l'adresse d'un employeur ou encore à distinguer un gérant de fait du gérant apparent.

B. ... SOUS RÉSERVE D'UN ENCADREMENT SIMILAIRE À CELUI PRÉVU POUR LE DROIT D'ACCÈS DES AUTRES ADMINISTRATIONS ET ORGANISMES

Si les rapporteurs spéciaux sont favorables au dispositif prévu au présent article, qui s'inscrit dans la continuité d'extensions précédentes, ils souhaitent néanmoins prévoir des garanties similaires à celles retenues dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la fraude .

En effet, les dispositions législatives qui donnent accès au Ficoba aux agents de certains organismes ou administrations précisent le plus souvent le besoin auquel répond cet accès 76 ( * ) et renvoient systématiquement à un décret la définition des conditions dans lesquelles ces agents sont habilités à accéder au fichier et les données auxquelles ils peuvent accéder. Ce décret définit notamment les autorités pouvant habiliter les agents à accéder aux fichiers, le caractère individuel de l'habilitation ainsi que l'autorité responsable de la traçabilité des consultations.

Identifier l'objectif de l'extension de l'accès au fichier et renvoyer à un décret permettent de strictement encadrer l'accès à ces données sensibles et de garantir un équilibre entre, d'une part, la confidentialité des données et, d'autre part, la lutte contre la fraude et l'efficacité du recouvrement et du versement des prestations . Il doit donc être préservé . Aucune de ces deux précautions n'ayant été inscrite dans le présent dispositif, les rapporteurs spéciaux proposent un amendement II-18, afin de retenir une rédaction identique à celle qui existe déjà dans le livre des procédures fiscales, avec l'objectif premier que l'application de ce dispositif ne soulève pas de problème d'ordre juridique .

L'amendement précise l'objectif de l'accès au fichier, renvoie à un décret et prévoit clairement que les agents de l'ASP ayant accès au Ficoba soient dûment habilités et individuellement désignés à cet effet. Il ne modifie donc pas la finalité poursuivie par le présent article, il en ajuste simplement la rédaction pour assurer un même niveau de protection aux détenteurs de comptes, ainsi qu'un encadrement similaire des conditions d'accès au fichier entre les divers organismes et administrations.

Décision de la commission : la commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 54 duodecies (nouveau)

Ouverture d'un droit d'accès des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics sociaux et médico-sociaux aux référentiels de la direction générale
des finances publiques

Le présent article autorise les collectivités territoriales, les établissements publics qui leur sont rattachés ainsi que les établissements publics sociaux et
médico-sociaux à obtenir communication des éléments d'identification de leurs débiteurs, afin d'améliorer le recouvrement des créances qui leur sont dues.

D'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, la présentation du dispositif étant peu claire, cette demande d'accès vise les référentiels fiscaux tenus par la direction générale des finances publiques (DGFiP), soit le référentiel d'identification des personnes physiques et morales et le référentiel des occurrences fiscales. Ces données sont couvertes par le secret fiscal, leur transmission nécessite donc une autorisation législative.

L'article précise que l'accès à ces données doit permettre d'améliorer les procédures de recouvrement, en identifiant correctement les redevables. Il renvoie également à un décret le soin de préciser le champ des informations pouvant être transmises. L'un des objectifs poursuivis serait de mettre en oeuvre l'espace numérique sécurisé unifié, qui permet à un même contribuable de voir l'ensemble des créances dont il est redevable, que ce soit auprès de la DGFiP, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public social
ou médico-social.

Dans la lignée de l'amendement proposé à l'article 54 undecies , les rapporteurs spéciaux ont souhaité mieux encadrer les conditions de désignation des agents habilités à accéder à ces informations, en ajoutant que le décret doit également définir ces modalités d'habilitation. La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DROIT DE COMMUNICATION ET L'ACCÈS AUX INFORMATIONS DÉTENUES PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES ONT ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ÉTENDUS

Les rapporteurs spéciaux invitent à se référer au commentaire de l'article 54 undecie s ( cf. supra ) pour une description détaillée des règles relatives au secret fiscal et à l'accès à certains fichiers de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

La DGFiP met également en oeuvre certains référentiels , dont le référentiel d'identification des personnes physiques et morales (PERS) et le référentiel des occurrences fiscales (OCFI), qui contiennent des données couvertes par le secret fiscal . Le PERS attribue un identifiant unique à toutes les personnes physiques et morales et permet la gestion fiscale de plus de 38 millions de foyers fiscaux et de près de quatre millions de contribuables professionnels. L'OCFI gère quant à lui l'ensemble des obligations fiscales d'un usager.

Par ailleurs, les articles L. 81 à L. 84 du livre des procédures fiscales (LPF) prévoient une série de droits de communication de l'administration fiscale , pour l'exercice de ses missions, à l'égard d'administrations, d'entreprises publiques, d'établissements ou d'organismes administratifs. Ce droit de communication concerne principalement l'administration fiscale. Lorsque ces droits de communication sont réciproques, ils constituent une base juridique « générale » pour les échanges d'informations entre les administrations concernées. Par exemple, l'article L. 83 A du LPF permet les échanges réciproques entre la DGFiP, la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ; l'article L. 83 D fait de même pour la DGFiP et l'Agence nationale de l'habitat.

Le 8 de l'article 1617-5 du code général des impôts (CGI), qui a trait aux dispositions applicables aux comptables des collectivités territoriales , dispose que ces derniers, dans leur mission de recouvrement, ne peuvent pas se voir opposer le secret professionnel lors de leur demande de communication des informations et renseignements nécessaires à l'exercice de leur mission. Ils disposent donc d'un droit de communication auprès des collectivités territoriales, de leurs établissements publics locaux, des administrations et des entreprises publiques, des établissements et des organismes de sécurité sociale. Les informations et les renseignements pouvant être communiqués sont toutefois strictement définis (état civil, domiciliation des débiteurs, de leurs employeurs et des organismes auprès desquels ils détiennent des fonds et valeurs, immatriculation du véhicule).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : OUVRIR UN DROIT DE COMMUNICATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, À LEURS ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL POUR AMÉLIORER LEURS PROCESSUS DE RECOUVREMENT

Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale avec un avis personnel favorable du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Alexandre Holroyd.

Il complète le II de la section II du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, « Dérogations au profit de certaines administrations, autorités administratives, collectivités, services et organismes publics », d'un article L. 135 ZN afin de permettre aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux établissements publics sociaux et médico-sociaux d'obtenir communication des éléments d'identification de leurs débiteurs .

La formulation proposée ouvre ainsi un droit de communication de ces informations aux collectivités et établissements publics visés, afin de contribuer à l'exercice de leurs missions, notamment en matière de recouvrement . Ainsi, d'après les informations transmises par la secrétaire d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable, Mme Olivia Grégoire, lors de l'examen de cet amendement 77 ( * ) , les ordonnateurs des entités visées par le dispositif bénéficieraient d'un accès dématérialisé aux référentiels fiscaux de la direction générale des finances publiques .

Un décret doit venir préciser les modalités d'application du présent article, ainsi que la nature des informations transmises.

L'adoption de cet article s'est accompagnée de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de crédit majorant de 102 000 euros les crédits du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques » , afin de permettre la mise en oeuvre d'une interface de programmation applicative (API) pour permettre cet accès dématérialisé. Cette API doit permettre de simplifier et de sécuriser l'exercice d'émission du titre de recettes par les ordonnateurs.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LE DISPOSITIF PRÉSENTÉ DOIT PERMETTRE D'AMÉLIORER LE RECOUVREMENT ET DE SIMPLIFIER L'ACCÈS DES CONTRIBUABLES AUX CRÉANCES DONT ILS SONT REDEVABLES

Les rapporteurs spéciaux partagent les objectifs du présent article :

- améliorer la qualité des titres de recettes des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics des secteurs social et médico-social. Mieux identifier les débiteurs permettra ensuite d'améliorer le recouvrement de ces créances, en évitant les incidents, les délais et les erreurs d'imputation. En effet, toute erreur sur l'identification précise du débiteur (nom, prénom, adresse complète) entache d'irrégularité le titre, qui peut donc être contesté par le redevable ;

- offrir aux contribuables un nouveau service en leur permettant (enfin) d'avoir accès, sur un même espace, à l'ensemble des créances dont ils sont redevables, via l'espace numérique sécurisé unifié (ENSU) sur le site internet de la DGFiP. La mise en place de l'ENSU, qui n'est pas directement prévue par le présent dispositif, ne relève en effet pas du domaine législatif.

Les rapporteurs spéciaux ont regretté manque de précisions apportées par le Gouvernement sur le présent article, sur ses objectifs et sur les informations visées. Toutefois, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux par l'administration, les référentiels visés par le présent article sont le PERS et l'OCFI . Or, une partie de ces données sont couvertes par le secret fiscal, ce qui justifie l'adoption d'une mesure législative pour en ouvrir l'accès aux ordonnateurs des collectivités, de leurs établissements publics et des établissements publics du secteur social et médico-social. Les dispositions prévues à l'article L. 1617-5 ne sont en effet pas suffisantes pour octroyer un tel droit de communication et lever le secret fiscal.

Les données seront transmises par le biais d'une interface de programmation applicative , un dispositif technique qui, d'après les informations des rapporteurs spéciaux, ne permettra qu'aux agents dûment habilités de disposer des données nécessaires à la fiabilisation de l'identité des redevables. Le dispositif devrait ainsi exiger des entités concernées la mise en place de dispositifs de traçabilité des consultations et de contrôle interne.

Au regard des objectifs poursuivis en matière de recouvrement, les rapporteurs spéciaux soutiennent ce dispositif, à la condition que le décret prévoit également de définir les modalités selon lesquelles les agents des collectivités et des établissements visés seraient habilités à accéder aux informations ainsi transmises . Ils ont présenté un amendement en ce sens (II-19). La rédaction du présent article serait ainsi similaire à celle retenue dans le cadre de l'élargissement du droit d'accès de divers organismes et administrations à certains fichiers de la DGFiP ( cf. supra ).

Décision de la commission : la commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 54 terdecies (nouveau)

Demande de rapport sur la mise en place d'une gouvernance dédiée à la politique de responsabilité sociale et environnementale de l'État
en matière d'achats publics

Le présent article demande au Gouvernement de remettre au Parlement avant le 1 er juin 2021 un rapport évaluant l'opportunité de la mise en place d'une gouvernance dédiée à la politique de responsabilité sociale et environnementale de l'État en matière d'achats publics durables. Sur le fond, les rapporteurs spéciaux relèvent que des travaux sont en cours sur le sujet et que la direction des achats de l'État doit intégrer des objectifs environnementaux et durables dans sa stratégie d'achats. Il n'est donc pas certain qu'un rapport apporte davantage d'informations sur ce sujet. Sur la forme, ils relèvent que cet article pourrait s'apparenter à un cavalier législatif. La commission des finances propose donc de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 1 er du décret du 3 mars 2016 78 ( * ) crée la direction des achats de l'État (DAE), placée auprès du ministre chargé du budget. Elle est chargée de définir la politique des achats de l'État, à l'exception des marchés publics de défense ou de sécurité. L'article 2 du décret précise que la DAE doit s'assurer que les achats de l'État, des établissements publics et des organismes concernés « respectent les objectifs de développement durable et de développement social ». Un arrêté 79 ( * ) est venu préciser que la DAE comprenait une sous-direction « politique et stratégies achat » , chargée du pilotage des stratégies interministérielles d'achat et d'un rôle de conseil achats auprès de ses interlocuteurs.

Par ailleurs, lors de son audition, la secrétaire générale du ministère de l'économie, des finances et de la relance a présenté aux rapporteurs spéciaux le plan « Bercy vert » , qui a pour objectif de répondre à la circulaire du Premier ministre sur les administrations écoresponsables 80 ( * ) . D'autres ministères devraient adopter des plans similaires puisque, parmi les 20 engagements prioritaires identifiés par la circulaire, plusieurs concernent la DAE et la politique des achats de l'État. Une section, intitulée « L'État s'engage en faveur d'achats plus responsables », est ainsi spécifiquement dédiée à ce thème . Les mesures suivantes font partie des engagements inscrits dans la circulaire :

- l'État s'engage à accélérer l'installation de bornes de recharge pour véhicules électriques et à s'assurer qu'au moins 50 % des véhicules de service et de fonction acquis par les services de l'État et de ses établissements publics soient des véhicules électriques ou hybrides rechargeables ;

- l'État s'engage à ne plus acheter de plastique à usage unique ;

- dès janvier 2021, lors du renouvellement de ses marchés, l'État intégrera dans ses appels d'offres des dispositions prenant en compte le risque de déforestation ;

- l'État s'engage à utiliser du papier bureautique recyclé ;

- l'État, dès juillet 2020, met en oeuvre les objectifs d'approvisionnement en produits de qualité et durables (au moins 50 % dont au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique) dans ses services de restauration collective.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE DEMANDE DE RAPPORT SUR LA POLITIQUE DES ACHATS DE L'ÉTAT

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue députée Stéphanie Kerbarh, adopté avec un avis défavorable du rapporteur spécial de la commission des finances et un avis de sagesse du Gouvernement.

Il demande au Gouvernement de remettre au Parlement, d'ici le 1 er juin 2021, un rapport évaluant l'opportunité de la mise en place d'une gouvernance dédiée à la politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE) de l'État en matière d'achats publics durables . L'objet de l'amendement précise que ce rapport doit également explorer l'opportunité de créer un poste de directeur RSE de l'État en charge de la commande publique et placé sous l'autorité du Premier ministre.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DEMANDE DE RAPPORT PEU JUSTIFIÉE

La demande de rapport prévue au présent article paraît peu justifiée .

Sur le fond, d'abord , la demande semble largement satisfaite par des dispositifs ou travaux existants. Le plan « achats » confié à la direction des achats de l'État (DAE) pour la période 2020-2023 intègre une partie des préoccupations exprimées dans le présent dispositif sur les achats durables. Il est d'ailleurs bien précisé dans le décret ayant conduit à la création de la DAE que cette dernière doit tenir compte dans la politique des achats de l'État des objectifs de développement durable et social.

Le « budget vert », introduit par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi de finances, a également vocation à intégrer cette dimension de l'action de l'État et à en retracer les objectifs et les résultats. Notre collègue députée Cendra Motin a par ailleurs précisé en séance 81 ( * ) , lors de l'examen de cet article, qu'une mission avait été confiée sur ce même sujet au député Didier Baichère et à Thibaud Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises. Ils sont notamment chargés de rédiger un rapport sur les clauses susceptibles de rendre les contrats plus responsables, qu'ils soient passés par les entreprises ou par l'État.

Certes, l'État doit se montrer exemplaire en matière de responsabilisation des achats, mais il est peu probable, au regard de l'ensemble des dispositions déjà prises en la matière, que cette demande de rapport y contribue .

Sur la forme, ensuite , les rapporteurs spéciaux craignent par ailleurs que cet article ne s'apparente à un cavalier budgétaire. Dans son considérant de principe, le Conseil constitutionnel considère que « quel que puisse être l'intérêt de la production par le Gouvernement de rapports sur des politiques publiques, seuls peuvent être prévus par une loi de finances, en vertu de cette loi organique, des rapports susceptibles d'améliorer l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. » 82 ( * )

Le Conseil constitutionnel opère donc une distinction entre les demandes de rapport concernant les politiques publiques et les demandes concernant l'information et le contrôle sur la gestion des finances publiques. Pour les rapporteurs spéciaux, la demande de rapport prévue au présent article semble davantage relever de la première catégorie et présente donc le risque d'être jugé irrecevable par le Conseil .

Les rapporteurs spéciaux proposent de supprimer cet article.

Décision de la commission : la commission propose de supprimer cet article.


* 68 Les trois autres applications sont le fichier « Ficovie » (fichier des contrats d'assurance-vie), la base « Patrim » (recherche des transactions immobilières) et la base « BNDP » (base nationale des données patrimoniales).

* 69 Ce traitement automatisé a été mis en place par l'arrêté du 14 juin 1982 relatif à l'extension d'un système automatisé de gestion du fichier des comptes bancaires.

* 70 Article 126 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 71 Article 6 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* 72 Arrêté du 26 octobre 2020 modifiant l'arrêté du 14 juin 1982 relatif à l'extension d'un système automatisé de gestion du fichier des comptes bancaires.

* 73 Articles créés par l'article 6 de la loi relative....

* 74 Il s'agit des agents de l'administration fiscale affectés au sein des juridictions spécialisées dans la lutte contre la délinquance économique et financière. Ils peuvent être sollicités par les magistrats du siège et du parquet à tout moment de l'enquête aux fins d'assistance dans leurs dossiers.

* 75 Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l'activité partielle.

* 76 À l'exception de l'accès ouvert aux assistants spécialisés de la DGFiP affectés au sein des juridictions et aux officiers de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmer nationale.

* 77 Assemblée nationale, séance publique du 09 novembre 2020 .

* 78 Décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'État et relatif à la gouvernance des achats de l'État.

* 79 Arrêté du 7 mars 2020 portant organisation de la direction des achats de l'État.

* 80 Circulaire du Premier ministre du 25 février 2020 relative aux engagements de l'État pour des services publics écoresponsables.

* 81 Assemblée nationale, séance publique du 09 novembre 2020 .

* 82 Décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017, sur la loi de finances pour 2018.

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