E. LE TRANSFERT À LA DGFIP DU RECOUVREMENT DES IMPOSITIONS JUSQU'ICI GÉRÉES PAR LA DOUANE N'EN EST QU'À SES PRÉMICES
Le transfert à la DGFiP de la gestion, du recouvrement et du contrôle de la plupart des taxes et produits relevant aujourd'hui de la DGDDI fait également partie des objectifs prioritaires de modernisation du ministère . L'article 184 de la loi de finances pour 2020 54 ( * ) a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures permettant d'assurer le transfert de diverses taxes sur les véhicules, de diverses taxes sur les produits énergétiques, les droits d'accises et les amendes de nature autre que fiscale. L'article 33 du présent projet de loi de finances vise à octroyer au Gouvernement une nouvelle habilitation pour continuer ces transferts afin de créer un nouveau code des impositions sur les biens et les services .
Le transfert du recouvrement vers la DGFiP ne doit pas s'appréhender comme une reprise « tels quels » des modes d'organisation de la Douane dans le domaine fiscal. L'administration fiscale entend ainsi intégrer les nouvelles taxes ou impositions qu'elle reçoit à sa propre organisation, en les rattachant à des « pôles » ou à des projets, avec l'objectif affiché d'obtenir des gains d'échelle et de temps. Pour conserver une expertise métier, la DGFiP a indiqué néanmoins qu'elle serait amenée à proposer à une partie des douaniers chargés de la gestion des impositions 55 ( * ) d'intégrer l'administration fiscale.
Il convient de rappeler ici que ce processus de transfert est complexe et doit s'opérer sans pour autant fragiliser ni les recettes ni les procédures de contrôle propres à chaque imposition. Pour chaque taxe, une série d'ateliers et de comités opérationnels est donc organisée, pour définir notamment les compétences en matière de gestion et de contrôle, et l'étude des raccordements des systèmes d'information. Se posera également la question du transfert des restes à recouvrer, dans un délai qui reste encore indéterminé.
Ainsi, en 2022, 144 équivalents temps plein travaillé (ETPT) seraient transférés du programme 302 (DGDDI) au programme 156 (DGFiP) au titre du transfert des missions fiscales. En termes de crédits, cela se traduit par un transfert sortant de 9,6 millions d'euros en titre 2 (dépenses de personnel) et 360 000 euros hors titre 2.
Les rapporteurs spéciaux considèrent que l'unification du recouvrement sous l'égide d'une seule administration pourra à terme permettre de générer des économies , liées à la mutualisation et à la spécialisation des tâches. Surtout, ils soutiennent le projet d'un resserrement de la Douane sur ses missions fondamentales , le contrôle et la surveillance des flux de marchandises et de passagers. Le transfert du volet fiscal doit en effet inviter la Douane à se recentrer et à réfléchir sur ce que constitue le coeur de son métier, une recommandation également défendue par la Cour des comptes. Dans un rapport publié en septembre 2020, elle invitait la DGDDI à élaborer un plan stratégique fondé sur une revue de ses missions 56 ( * ) .
À cet égard, les rapporteurs spéciaux s'étaient enquis l'année dernière de l'absence de contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la DGDDI . Celui signé par la DGFiP a en effet permis à cette dernière de formaliser ses engagements et ses priorités, de les décliner sous la forme de « jalons » directement et concrètement observables (ex. avancée d'un projet informatique, cible à atteindre dans la mise en oeuvre du réseau de proximité ou la dématérialisation des démarches) et de bénéficier en contrepartie d'une vision pluriannuelle sur ses investissements ou ses dépenses informatiques.
D'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, le transfert à la DGFiP des impositions jusqu'ici recouvrées par la DGDDI a effectivement conduit cette dernière à s'interroger sur ses missions fondamentales et ses priorités pour les années à venir . Cette réflexion devrait s'achever d'ici la fin de l'année 2021 : le format du pendant budgétaire de cette démarche stratégique n'est toutefois toujours pas défini, expliquant l'absence de document de contractualisation. Ce délai est à regretter : les administrations bénéficient d'une vision claire et pluriannuelle sur leurs investissements et leurs dépenses stratégiques, d'autant plus cruciales pour la Douane qui dispose d'importants équipements aéro-maritimes et de contrôle.
L'unification du recouvrement revêt enfin un aspect informatique , sous le pilotage de la mission interministérielle « France Recouvrement », dont les crédits sont portés par le programme 218. L'objectif est de mettre en place un portail commun du recouvrement fiscal et social - Portailpro.gouv.fr - partagé entre les trois administrations concernées que sont la DGFiP, la DGDDI et l'Urssaf Caisse nationale.
* 54 Article 184 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 . Pour une description détaillée de ces transferts, se reporter au commentaire de l'article 61 du projet de loi de finances pour 2020, dans le tome III du rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.
* 55 Potentiellement 700 équivalents temps plein selon les données communiquées par la directrice générale des douanes et des droits indirects, Mme Isabelle Braun Lemaire, lors de son audition par la commission des finances le 6 avril 2021 .
* 56 Cour des Comptes, « La direction générale des douanes et des droits indirects. Exercices 2013-2019. Un recentrage nécessaire », septembre 2020.