B. UN RECOURS À CETTE DOTATION QUI INTERROGE DANS SON PRINCIPE, ET QUI S'ACCOMPAGNE D'UN MANQUE D'INFORMATION REGRETTABLE
1. Une dérogation au principe de spécialité budgétaire qui est aujourd'hui devenu systématique
Comme les années passées, l'ouverture de crédits sur le programme 551 pour financer des mesures de revalorisation indemnitaire peut interroger, alors même que celles-ci ont été décidées depuis plusieurs mois. Il semble désormais assez clair que le recours à cette dotation est aujourd'hui devenu systématique. Ce constat est confirmé par les prévisions indicatives pour les exercices 2024 et 2025, élaborées dans le cadre la présentation de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2023-2027, et présentées dans le projet annuel de performance (PAP). Elles font état d'une estimation de 190 millions d'euros en AE et en CP, soit le double du montant demandé en 2023, sans toutefois donner la moindre indication sur la méthodologie ayant poussé à retenir ces montants.
Même si elle représente un montant infime par rapport aux dépenses totales de l'État, cette dotation déroge au principe de spécialisation des crédits , et il n'est jamais satisfaisant que l'affectation de crédits de titre 2 demeure ainsi inconnue jusqu'à la fin des débats parlementaires . Cette absence de répartition peut même se prolonger bien au-delà de la discussion parlementaire, puisque les crédits prévus pour l'année 2022 sur cette dotation n'ont pour l'instant fait l'objet que d'une répartition partielle et tardive , par l'arrêté du 25 octobre 2022 33 ( * ) , soit près de 10 mois après le vote de la LFI pour 2022, et pour un montant de 329,7 millions d'euros, contre 423,7 millions d'euros initialement ouverts en LFI.
Les rapporteurs spéciaux ne peuvent donc qu'inviter le Gouvernement à entreprendre au plus vite la répartition de ces crédits, afin de garantir une meilleure information du Parlement .
2. Une information sur l'estimation du montant des mesures financées qui demeure lacunaire
Il est par ailleurs regrettable, au regard de la systématisation du recours à cette dotation , de constater le caractère lacunaire des informations transmises par le Gouvernement au Parlement sur ces mesures. Il convient par exemple de souligner que les réponses au questionnaire budgétaire ne consistent en effet chaque année qu'à une reprise mot pour mot des éléments transmis dans le projet annuel de performances (PAP).
Ainsi, ni les documents budgétaires, ni les réponses au questionnaire budgétaire ne détaillent la ventilation des crédits entre les différentes mesures . En effet, et comme c'était déjà le cas l'an dernier, aucune de deux mesures financées au titre de ce programme ne fait l'objet d'une estimation précise de son coût.
Le Gouvernement a toutefois transmis des éléments permettant de justifier ces difficultés d'estimation , ce qui constitue une progression par rapport la budgétisation précédente.
Il serait en effet difficile d'estimer aujourd'hui le coût budgétaire du cumul du forfait mobilités durables et de l'indemnité liée aux frais de transport en commun, dans la mesure où il impliquera une augmentation du nombre de bénéficiaires dans des propositions difficiles à évaluer. Le Gouvernement s'est également efforcé de fournir un ordre de grandeur du coût du forfait mobilités durables au regard de son périmètre actuel, qui s'élève pour l'instant, pour l'année en cours 34 ( * ) , à 15,52 millions d'euros pour un total de près de 76 000 ETPT concernés .
S'agissant de la réforme de la haute fonction publique, la dotation ne peut être déterminée avec précision car les règles de reclassement de la seconde vague d'intégration dans le corps des administrateurs de l'État, et le nouveau régime indemnitaire qui en découlera, ne sont pas encore définitivement fixés.
En dépit de ces justifications, et bien que les montants en cause soient modestes à l'échelle du budget de l'État, il n'est pas satisfaisant que cette dérogation au principe de spécialité soit systématiquement doublée d'une information incomplète.
Il convient également de rappeler qu'en 2021, les crédits de la dotation ont été exécutés pour financer plusieurs mesures qui n'avaient pas de tout été annoncées dans la programmation initiale 35 ( * ) , ce qui constitue un contournement du principe selon lequel l'autorisation budgétaire est accordée par le Parlement au Gouvernement. Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement vigilants à ce que cette situation ne se reproduise pas lors des prochains exercices budgétaires.
* 33 Arrêté du 25 octobre 2022 portant répartition de crédits.
* 34 Au 31 août 2022.
* 35 Rapport n° 792 (2021-2022) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022.