B. UNE PROPOSITION TENDANT À RENFORCER LA DÉPENDANCE AUX IMPORTATIONS DE L'UNION EUROPÉENNE, À REBOURS DES AMBITIONS AFFICHÉES EN TERMES DE SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

La mise en oeuvre du plan d'action de la Commission se traduirait inévitablement par une baisse des volumes débarqués au sein de l'Union européenne.

Alors que la consommation européenne de produits de la mer n'a cessé d'augmenter depuis les années 1960, passant de 9 à 20 kilogrammes par personne en 2018, et progressant encore de 0,5 % entre 2019 et 202037(*), toute diminution des approvisionnements d'origine européenne entraînerait nécessairement une hausse des importations en provenance de pays tiers.

Or, l'Union européenne est déjà le premier importateur mondial de produits de la pêche et de l'aquaculture. Ainsi, en 2020, les importations européennes de produits de la mer ont atteint 6,15 millions de tonnes pour une valeur de 24,2 milliards d'euros, soit une hausse de 8 % en volume et 19 % en valeur depuis 2011.

Par conséquent, non seulement l'autosuffisance de l'UE - c'est à dire sa capacité à satisfaire la demande à partir de sa propre production, calculée comme le rapport entre la production intérieure et la consommation intérieure - en produits de la mer n'était que de 41,2 % en 2019, mais en plus cet indicateur évolue à la baisse depuis 2010, témoignant d'une diminution des captures européennes et d'une hausse des importations.

Taux d'autosuffisance de l'Union européenne en produits de la mer

Source : Observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture.

L'interdiction de la pêche de fond serait d'autant plus préjudiciable que l'autosuffisance totale de l'UE pour les trois espèces de poissons de fond les plus consommés - cabillaud, merlu et lieu noir - est particulièrement faible, de l'ordre de 18 % en 2019. Selon l'Observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture, ce déclin résulte d'une augmentation de la consommation associée à une chute des captures européennes.

Taux d'autosuffisance pour les poissons de fond les plus consommés

Source : Observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture.

Alors que dans le contexte de la crise ukrainienne, l'Union européenne a progressivement fait du renforcement de son autonomie alimentaire une priorité, il est pour le moins paradoxal que la Commission européenne plaide en faveur de mesures qui contribueraient très directement à amplifier la dépendance de l'Union aux importations.

Le rapporteur souligne, à cet égard, que plus d'un quart des importations européennes proviennent de Norvège, pays dans lequel le chalutage de fond, déployé à très grande échelle, est nettement moins encadré que dans l'Union européenne.

De la même manière, l'accroissement de notre dépendance alimentaire à l'égard des États-Unis, du Vietnam, de la Chine ou encore du Maroc, qui représentent respectivement 4 %, 3 %, 7 % et 5 % de nos importations, constituerait une évolution d'autant plus regrettable que les produits de la mer y sont souvent pêchés par des engins interdits en Europe.

Principaux pays d'origine extra-UE en 2020

(en volume)

Source : EUMOFA.

Le risque que fait peser le plan d'action de la Commission sur la souveraineté alimentaire justifierait à lui seul un réexamen des mesures proposées, ce d'autant que la sécurité de l'approvisionnement alimentaire fait partie des objectifs de la PCP.

Néanmoins, au-delà de ces considérations d'ordre économique, le rapporteur regrette particulièrement le signal symbolique très négatif ainsi envoyé à la filière pêche européenne, dont la compétitivité pâtirait très fortement d'une mise en oeuvre du plan d'action de la Commission, alors même qu'elle figure parmi les plus vertueuses et les plus réglementées au monde.


* 37 Observatoire Européen des Marchés des Produits de la Pêche et de l'Aquaculture, Le marché européen du poisson, novembre 2021.