II. LA RÉFORME DES RENTES AT-MP EST INSUFFISAMMENT MÛRE POUR ÊTRE ADOPTÉE

L'article 39, supprimé dans le texte transmis, entendait transposer l'accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023, signé unanimement, pour garantir que la rente viagère versée aux victimes d'AT-MP présentant une incapacité permanente supérieure à 10 % couvrait à la fois le déficit professionnel encouru par les pertes de salaires et le déficit fonctionnel permanent, qui retrace les préjudices extraprofessionnels. Pour ce faire, il entendait réformer les modalités de calcul de la rente AT-MP pour séparer une part professionnelle et une part fonctionnelle.

Le caractère dual de la rente AT-MP avait en effet été infirmé par la Cour de cassation dans un revirement de jurisprudence du 20 janvier 2023, considérant que la rente, compte tenu de son mode de calcul indexé sur le salaire, ne pouvait pas couvrir le déficit fonctionnel, par nature extraprofessionnel. Ce revirement avait suscité l'enthousiasme des associations de victimes dès lors qu'il ouvrait droit, en cas de faute inexcusable de l'employeur (FIE), à une réparation intégrale devant le juge du déficit fonctionnel permanent auparavant inclus forfaitairement dans la rente, mais l'inquiétude des organisations patronales, qui craignaient une judiciarisation des AT-MP et des conséquences financières néfastes pour les entreprises condamnées pour une FIE.

Le manque de préparation évident de cette réforme emporte des conséquences regrettables : mal compris et inapplicable en l'état, l'article 39 a irrité les associations de victimes et exacerbé les tensions entre partenaires sociaux et menace dès lors les avancées pourtant notoires prévues par l'ANI en matière de prévention. C'est pourquoi la commission souhaite que le Sénat confirme la suppression de l'article 39.

Il importe désormais que les partenaires sociaux maintiennent le dialogue pour dégager, par la négociation, une position commune sur le devenir de la rente AT-MP, qui puisse, sinon satisfaire, du moins convenir à toutes les parties, y compris les associations de défense des victimes. Il s'agit d'une condition sine qua non à la transcription de l'intégralité de l'ANI, qui pourra avoir lieu dans un projet de loi ad hoc afin de ne pas retarder excessivement sa mise en oeuvre.

III. D'AUTRES MESURES UTILES, MAIS SANS IMPACT SIGNIFICATIF SUR L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA BRANCHE

L'article 26 ouvre la possibilité pour les médecins du travail de déléguer à des infirmiers en santé au travail certains actes pour le renouvellement périodique de l'examen médical d'aptitude à destination des salariés agricoles bénéficiaires du suivi individuel renforcé. Cette délégation, définie par le médecin dans les limites des compétences des infirmiers qualifiées en santé au travail et selon un protocole dont les modalités ont été précisées et sécurisées par un amendement adopté par la commission, devrait permettre d'accroître l'accessibilité aux médecins du travail et de renforcer l'attractivité des services santé sécurité au travail.

L'article 39 bis permettra de sécuriser, pour le passé et pour l'avenir, deux prestations du régime spécial des marins dont la légalité a été remise en cause et le versement interrompu.

L'article 39 ter vise à renforcer les moyens du Fiva pour identifier les bénéficiaires potentiels de ses prestations et lutter contre le non-recours, qui frapperait plus de 50 % des victimes de mésothéliome. Il instaure notamment un cadre de transfert de données au profit du Fiva, modifié par la commission pour garantir une meilleure protection des données personnelles.

Partager cette page