BRANCHE VIEILLESSE

Bien que la réforme des retraites ait permis de réduire d'un tiers le déficit de la branche vieillesse à l'horizon de 2027, elle ne suffit pas à redresser une trajectoire financière dont la dégradation serait rapide à compter de 2024, avec un déficit prévisionnel de l'ordre de 11 milliards d'euros en 2027.

Dans le cadre du PLFSS pour 2024, la commission propose plusieurs mesures visant notamment à garantir l'autonomie de gestion des régimes de retraite complémentaire des salariés et des travailleurs indépendants et à lutter contre la fraude aux pensions de retraite à l'étranger.

I. UNE DÉGRADATION PRÉVISIBLE DE LA TRAJECTOIRE FINANCIÈRE DE LA BRANCHE MALGRÉ LA RÉFORME DES RETRAITES

Avec un déficit de 1,1 milliard d'euros en 2023, la branche vieillesse (régimes obligatoires de base et Fonds de solidarité vieillesse - FSV) poursuit son redressement fondé sur la dynamique de croissance post-crise sanitaire, et ce malgré la forte revalorisation des pensions liée à l'inflation et la mise en oeuvre de la revalorisation exceptionnelle des petites pensions prévue dans le cadre de la réforme des retraites de 2023, qui a amorcé sa montée en charge le 1er septembre dernier.

La trajectoire financière de la branche devrait toutefois s'inverser dès 2024 en raison, notamment, du vieillissement démographique, du ralentissement de la croissance de la masse salariale du secteur privé et des difficultés financières du régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, pour atteindre un déficit de 11,2 milliards d'ici à 2027.

Ces déficits auraient été encore bien plus lourds sans la réforme des retraites, qui permettrait d'améliorer le solde de la branche vieillesse de 6,3 milliards d'euros en 2027.

Évolution du solde de la branche vieillesse
des ROB et du FSV de 2019 à 2027

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après la LFSS pour 2022 et le PLFSS pour 2023

II. DES MESURES DE BON SENS VISANT À ASSURER LA JUSTICE ET L'ÉQUITÉ DU SYSTÈME DE RETRAITES

A. RETRAITES COMPLÉMENTAIRES : GARANTIR LA LIBERTÉ DE GESTION DES PARTENAIRES SOCIAUX

1. L'Agirc-Arrco doit demeurer libre de contribuer ou non au financement des déficits du régime général

Pour compenser les effets de leur fermeture aux nouveaux entrants, qui entraîne une contraction progressive des cotisations collectées, les régimes spéciaux fermés (SNCF, RATP, industries électriques et gazières, clercs de notaire, notamment) seraient adossés au régime général (article 9). Celui-ci serait donc chargé de les équilibrer financièrement à compter de 2025 et recevrait en contrepartie une contribution de l'État et de l'Agirc-Arrco.

De plus, une autre contribution serait demandée à l'Agirc-Arrco « au titre de la solidarité au sein du système de retraite », en compensation des gains qu'elle tire de la réforme des retraites, estimés à 1,2 milliard d'euros en 2026 et à 3,1 milliards en 20301(*).

Les excédents de l'Agirc-Arrco appartiennent à ses seuls cotisants.

Soucieuse de préserver l'autonomie de gestion des partenaires sociaux et de garantir à l'Agirc-Arrco la propriété des réserves constituées au prix d'efforts conséquents, la commission propose la suppression des dispositions prévoyant cette dernière contribution, ce qui n'empêcherait pas pour autant les partenaires sociaux de décider d'eux-mêmes d'en verser une2(*).

Il est également proposé de rejeter le « gel » de la contribution tarifaire d'acheminement (CTA), payée par le consommateur d'énergie pour financer les droits spécifiques des assurés du régime des industries électriques et gazières, qui doit s'éteindre au même rythme que ces droits.

2. La neutralité financière de la réforme de l'assiette sociale des indépendants doit être assurée dans le respect des prérogatives des organisations professionnelles

Les articles 10 ter et 10 nonies mettent en oeuvre la réforme très attendue de l'assiette sociale des indépendants. Ceux-ci sont en effet redevables, proportionnellement, de plus de CSG-CRDS que les salariés et de moins de cotisations créatrices de droits. Leurs deux assiettes sociales seraient dorénavant unifiées au sein d'une seule assiette, à laquelle serait appliqué un abattement, de façon à leur permettre, à niveau global de prélèvement constant, de cotiser davantage et de verser moins de CSG-CRDS, c'est-à-dire de s'ouvrir plus de droits sociaux.

Projet d'assiette sociale unique des travailleurs indépendants

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Bien que le Gouvernement n'ait communiqué aucune précision sur son coût et ses effets exacts, cette réforme, qui devrait être avantageuse à une majorité écrasante de travailleurs indépendants, pourrait coûter 1,4 milliard d'euros, une somme qui serait divisée par deux par le relèvement des taux et des barèmes des cotisations d'assurance vieillesse et d'assurance maladie des indépendants. Le Gouvernement souhaite que le reliquat soit compensé par une augmentation de leurs cotisations de retraite complémentaire, qu'il pourrait lui-même mettre en oeuvre si les régimes concernés ne formulaient pas de propositions dans ce sens.

La commission propose de s'en remettre à la responsabilité des organisations professionnelles pour assurer la neutralité financière de la réforme et de refuser d'accorder au Gouvernement cette faculté, qui constituerait un dangereux précédent.


* 1 Gains bruts, sans prise en compte des mesures adoptées par les partenaires sociaux dans le cadre de l'ANI 2023-2026 (cumul emploi-retraite créateur de droits, suppression du « bonus-malus » et revalorisation des pensions à un niveau proche de l'inflation), qui représenteraient un coût de 2,7 milliards d'euros en 2027.

* 2 Y compris sous la forme d'un « swap » de cotisations d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire.

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