II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL : LA POURSUITE DE CHANTIERS ET DE PRIORITÉS IDENTIFIÉS DEPUIS DE NOMBREUSES ANNÉES

Quatre chantiers prioritaires ont été identifiés par le rapporteur spécial lors de ses auditions : la mise en place du nouveau réseau de proximité de la direction générale des finances publiques, la résorption de la dette technologique des administrations, la lutte contre les flux illicites et une prise en compte plus concrète et quotidienne des impératifs liés à la transition écologique. Certains chantiers sont identifiés de longue date et se poursuivent, en respectant plus ou moins leur calendrier initial.

A. LA FINALISATION DU NOUVEAU RÉSEAU DE PROXIMITÉ DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

1. Les trois volets de la réorganisation territoriale de la DGFiP

La transformation du réseau de la DGFiP fait partie des éléments jugés prioritaires dans le cadre du plan de transformation ministériel. Elle comprend la mise en place du « nouveau réseau de proximité « (NRP), l'installation des conseillers aux élus locaux et la délocalisation de certains services des métropoles vers les villes moyennes.

a) Le nouveau réseau de proximité, une mise en place progressive et un nouveau report

La rationalisation du réseau territorial de la DGFiP, par le biais de fusions ou de suppressions, est en oeuvre depuis plusieurs années : le réseau déconcentré de l'administration fiscale a connu une importante perte de ses emprises. À titre d'exemple, le nombre de services d'impôts des particuliers (SIP) passerait de 501 en 2017 à 281 en prévision en 2024, soit une diminution de près de 44 %. La DGFiP a toutefois annoncé en audition au rapporteur que le réseau ne devrait plus être amené à bouger d'ici 2027, que ce se soit en termes d'équipes, de structures ou de lieux d'implantation.

La méthode retenue a toutefois fait l'objet d'une inflexion en 2019, après plusieurs années de critiques de la part des élus locaux, des agents de l'administration, de la Cour des comptes et des parlementaires, notamment de la commission des finances. Ils estimaient que les suppressions et les fusions étaient faites « à vue «, sans vision de long terme, au gré des résistances rencontrées sur place et sans projection sur les besoins et les effectifs.

Un processus de concertation a donc été lancé au début du mois de juin 2019 afin de définir, dans chaque département et par le biais d'une contractualisation, la nouvelle carte des implantations territoriales de la DGFiP. Réunissant les élus locaux, les directeurs départementaux des finances publiques et les préfets, il a mené à la mise en place du « nouveau réseau de proximité « (NRP), qui doit répondre à un double-objectif : poursuivre la rationalisation du réseau de la DGFiP, dont les métiers évoluent fortement, et renforcer la proximité de ces services publics. Le NRP ne se traduit pas pour autant par une interruption des fermetures de trésoreries ou de services d'impôt aux particuliers : le but n'est pas de préserver le réseau des sites permanents en l'état, mais de multiplier les points de contact à l'échelle d'un département.

Dans le cas du NRP, une charte est signée avec chaque département : elle décrit les services présents, y compris les conseillers aux décideurs locaux, les modalités de présence, l'offre de service, la contribution de la DGFiP au fonctionnement des accueils de proximité. Elle entérine également l'instauration d'un comité de suivi présidé par le directeur départemental des finances publiques et chargé de suivre la bonne application de ces dispositions.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, la DGFiP avait admis au rapporteur spécial que le déploiement du NRP avait été plus lent qu'anticipé et qu'il était probable que sa finalisation n'intervienne pas avant la fin de l'année 2023. Or, le nouveau réseau ne devrait pas non plus être achevé en 2023. Au 30 juin 2023, 51 chartes avaient été signées avec des présidents de conseils départementaux, c'est-à-dire seulement quatre de plus qu'un an auparavant, 629 chartes avec des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (617 en 2022) et 75 avec des communes ou des associations locales de maires (72 en 2022)10(*). La généralisation du NRP apparaît donc encore lointaine.

b) Les conseillers aux décideurs locaux, une montée en charge plus lente qu'anticipée

Le réseau des conseillers aux décideurs locaux (CDL), qui ont vocation à devenir les interlocuteurs privilégiés des ordonnateurs des collectivités territoriales, devait se déployer progressivement pour atteindre 1 200 CDL à la fin de l'année 2022. Cette cible n'a toutefois pas été atteinte, du fait d'une montée en charge plus lente que prévue : 447 conseillers aux décideurs locaux sont entrés en fonction en 2021, 883 au 30 juin 2023 et ils devraient être environ 1 013 d'ici à la fin de l'année11(*). Chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) disposerait alors de son conseiller.

L'enquête menée par la DGFiP a démontré un haut niveau de satisfaction des élus locaux sur les prestations effectuées en 2021 par les conseillers aux décideurs locaux, avec un taux de satisfaction qui s'établirait à 88,3 %, pour 400 000 prestations réalisées en 2022. Parmi les sollicitations, 54 % ont concerné du conseil budgétaire et comptable (préparation et présentation budgétaire, qualité et fiabilisation des comptes), 8 % du conseil fiscal et 8 % du conseil en matière de recettes12(*).

Au-delà du niveau de satisfaction et de la progression du nombre de conseillers aux élus locaux, le rapporteur spécial souligne qu'une attention particulière doit être portée à leur répartition sur le territoire, afin que les communes rurales, souvent les moins à même de disposer d'une expertise technique en interne, puissent aisément recourir à ces conseillers.

La commission des finances a demandé à la Cour des comptes de réaliser, sur le fondement de l'article 58, 2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), une enquête sur les relations de la DGFiP avec les collectivités territoriales. La répartition des conseillers mais aussi des points de contact sur le territoire fait partie des points de vigilance soulignés par le rapporteur spécial.

c) La délocalisation de certains services, une finalisation en vue pour 2026

Auparavant dénommée « démétropolisation «, la relocalisation de certains services publics des métropoles vers les territoires périurbains et ruraux a été inscrite comme un objectif prioritaire à l'issue du quatrième comité interministériel de la transformation publique, le 15 novembre 201913(*). Si l'ensemble des administrations de l'État sont concernées, la DGFiP devrait être le contributeur le plus important à ce processus : 2 582 agents seront concernés, sur un objectif total de 6 000 emplois d'État transférés.

Après un appel à candidatures lancé au mois d'octobre 2019, 50 premières villes ont été choisies au mois de septembre 2020, puis 16 autres au mois de décembre, sur plus de 408 candidatures. Trois critères ont conduit à leur sélection : la capacité immobilière de la ville, l'existence de compétences métiers et la situation géographique (bassin d'emploi dynamique, proximité avec le service de la métropole dont l'activité est transférée)14(*).

Le calendrier a donc finalement été publié et finalisé au début de l'année 2021 : les transferts sont effectués par étape et regroupements successifs, parfois sur deux à trois ans, et peuvent évoluer au cours du temps. Alors que, l'an dernier, la DGFiP annonçait le déménagement de 25 services et de 905 effectifs, en prévisionnel, ce sont finalement 1 164 emplois qui ont été transférés dans les territoires, pour 47 services « délocalisés ». Après quelques délais dans la mise en oeuvre de la relocalisation des services publics, le déploiement s'avère finalement plus dynamique qu'anticipé - les efforts de la DGFiP en ce sens doivent être salués.

Nombre de services et d'emplois délocalisés

Aucun service ou commune ne sont prévus en 2025 et 2026 : les emplois créés ont vocation à soutenir la consolidation des services existants.

Source : commission des finances, d'après les données transmises au rapporteur en audition par la direction générale des finances publiques

Le plus gros des transferts a été effectué : si 656 emplois devraient être créés en 2023, ce chiffre ne serait plus que de 444 en 2024, 74 en 2025 et 244 en 2026, soit au total 2 582 personnes. La DGFiP aurait donc tenu ses engagements (2 500 personnes). S'agissant toutefois des services, il n'y en a plus que 17 qui seraient créés en 2023 et neuf en 2024 : tous les emplois ne sont pas transférés en même temps que leurs emplois - il existe un léger décalage temporel entre les deux.

Les principaux services concernés par la relocalisation sont des services d'impôt pour les entreprises et des centres d'appels, ainsi qu'une vingtaine de services d'appui à la publicité foncière, qui traiteront à distance une partie de l'activité des services de publicité foncière des grandes villes afin de les désengorger. La création de centres d'accueil téléphonique est tout à fait bienvenue pour pallier les effets de la dématérialisation croissante des démarches sur certains publics vulnérables ou dont la situation ne correspond pas aux situations les plus communes.

2. La nécessité de maintenir un accueil physique de qualité

Le Gouvernement cible une augmentation des « points de contact mobiles « de 30 %, avec un accès à un accueil de proximité à moins de 30 minutes dans l'ensemble des cantons. Selon les données transmises par le ministre de la transformation et de la fonction publiques, M. Stanislas Guérini, 92 % de la population française se situe désormais à moins de 20 minutes d'un accueil de proximité et 98 % à moins de 30 minutes.

D'après le sous-indicateur de performance dédié à cet objectif et les données transmises au rapporteur par la DGFiP, cette dernière devrait atteindre et même dépasser l'objectif qu'elle s'était fixée d'ici la fin de l'année 2023, à savoir augmenter de 30 % le nombre de communes dans lesquelles elle dispose d'un accueil de proximité par rapport à 2019, soit 2 570 communes. En tenant compte des relocalisations de services (cf. supra), la DGFiP serait même présente dans 3 000 communes, que ce soit dans un point d'accueil spécifique à la DGFiP ou dans une structure tierce (Maisons France Services, permanence en mairie ou dans d'autres lieux). Le déploiement des points de contact s'accompagne en outre de la mise à disposition, en ligne, d'une carte interactive, avec plus de 15 000 points de contact déjà géo-localisés.

Il faut toutefois bien distinguer ce que recouvrent ces points de contact, entre le passage d'un bus itinérant ou la tenue d'une permanence une demi-journée par semaine.

Le rapporteur spécial a eu l'occasion ces dernières années de rappeler que les objectifs d'accueil ne pouvaient pas être seulement quantitatifs, en affichant des points sur la carte : la qualité du service doit être préservée, et conciliée à un maillage fin du territoire.

Certains de nos concitoyens sont en effet dans l'incapacité d'effectuer leurs démarches par internet et les services sont difficilement joignables par téléphone : dans ce contexte, il faut conserver un accueil physique des contribuables. Les difficultés rencontrées par la mise à disposition de l'application « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) a parfaitement illustré ce que le rapporteur spécial souligne depuis de nombreuses années.

Le service en ligne « Gérer mes biens immobiliers »

GMBI est un service en ligne pour les usagers particuliers comme professionnels et offrant une vision d'ensemble des propriétés bâties sur lesquelles l'usager détient un droit. Les contribuables ont eu l'obligation, au premier semestre 2023, de déclarer l'occupation de tous leurs locaux d'habitation, soit près de 33 millions de biens.

Face aux difficultés et interrogations suscitées par cette obligation déclarative, la date limite a été décalée à deux reprises, du 31 juillet au 1er août puis au 10 août. L'administration fiscale avait également annoncé qu'elle ferait preuve de « bienveillance » envers les retardataires de bonne foi, s'agissant d'une nouvelle obligation. Les sanctions ne devraient ainsi être mises en place qu'à partir du 1er janvier 2024, après des rappels aux propriétaires concernés.

En audition, la DGFiP a reconnu que le retour d'expériences était « mitigé », lié aux incompréhensions de cette nouvelle obligation déclarative. De fait beaucoup de contribuables se sont inquiétés des conséquences de cette obligation et, pour la première fois en six ans, le nombre de personnes se déplaçant dans un centre des impôts a augmenté. La DGFiP a convenu d'un passage « difficile », tant pour les agents que pour les contribuables.

Source : commission des finances, d'après les informations transmises en audition et en réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial


* 10 D'après les données transmises par la direction générale des finances publiques en réponse au questionnaire du rapporteur.

* 11 D'après les données transmises en réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 12 Ibid.

* 13 Il reprenait un engagement du président de la République au mois d'avril 2019, à l'issue des conclusions du grand débat national.

* 14 Selon les informations transmises dans le dossier de presse du ministère de l'économie, des finances et de la relance sur la relocalisation des services des finances publiques dans les territoires, 30 septembre 2020.

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