SECONDE PARTIE :
ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET ASILE » 

A. EN DÉPIT D'UNE BAISSE APPARENTE DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT, LES CRÉDITS CONSACRÉS À L'ASILE RESTENT ÉLEVÉS

En 2024, les dépenses d'asile, regroupées au sein de l'action n° 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile », continuent de concentrer l'essentiel des dépenses de la mission. Elles représentent 55,3 % des AE et 65,3 % des CP de la mission. Les crédits de cette action s'établissent à 975,4 millions d'euros en AE et à 1,41 milliard d'euros en CP.

En 2024, les AE de cette action sont en baisse de 48,6 % (- 921,8 millions d'euros), tandis que les CP augmentent de 11,0 % (+ 139,5 millions d'euros). En neutralisant les évolutions de périmètre28(*), en 2024, les AE baissent de 1,048 milliard d'euros (- 55,3 %) et les CP augmentent de 13,4 millions d'euros (+ 1,1 %). La baisse des AE s'explique largement par l'importante baisse des AE s'agissant de l'hébergement des demandeurs d'asile par rapport à 2023, année au cours de laquelle avaient été ouvertes ponctuellement de nombreuses AE pour financer le renouvellement des conventions de gestion des HUDA et CADA et par le fait que de nombreuses AE ont déjà été ouvertes sur ces postes depuis plusieurs années. En outre, le budget de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) baisse en AE, alors que celui des CADA (centres d'accueil des demandeurs d'asile) et de l'Ofpra (Office français pour la protection des réfugiés) augmente. La hausse des CP est quant à elle liée principalement au transfert entrant de crédits29(*) et, dans une moindre mesure, à la hausse modérée d'un certain nombre de postes de dépenses, parmi lesquels l'hébergement des demandeurs d'asile (CADA, CAES30(*) et HUDA31(*)) et la subvention à l'Ofpra, en dépit de la baisse de l'ADA.

B. LA POURSUITE DU DÉVELOPPEMENT DU PARC D'HÉBERGEMENT POUR DEMANDEURS D'ASILE ET POUR RÉFUGIÉS VULNÉRABLES

La plus grande part des dépenses d'asile de la mission concerne l'hébergement des demandeurs et des réfugiés vulnérables, qui représente 564,2 millions d'euros en AE et 995,7 millions d'euros en CP (57,8 % des AE et 70,8 % des CP de l'action en 2024), en intégrant les centres provisoires d'hébergement, nouvellement transférés à l'action32(*). Les dépenses d'ADA représentent quant à elles 30,1 % des AE et 20,0 % des CP de l'action.

Les principaux types d'hébergement des demandeurs d'asile,
ainsi que des réfugiés vulnérables

Les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) permettent une prise en charge de premier niveau des personnes migrantes, y compris administrative, en amont de leur orientation vers les lieux d'hébergement, notamment en cas d'afflux massif dans certains territoires. Ils sont également le point d'entrée des personnes faisant l'objet d'une orientation régionale depuis l'Île-de-France. Le parc de CAES représentera, en 2024, 7 622 places.

Les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) correspondent au mode normal d'hébergement des demandeurs d'asile. Ces centres, dont les missions sont définies par l'arrêté du 19 juin 2019 relatif au cahier des charges des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, offrent aux demandeurs d'asile un hébergement, ainsi que des prestations d'accompagnement social et administratif. Le parc des CADA représentera, en 2024, 49 742 places.

L'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) correspond à un dispositif d'urgence. Une part de ce dispositif, offrant des prestations et des conditions d'accueil similaires à celles observées en CADA, est considérée comme de l'hébergement pérenne, permettant une prise en charge des demandeurs tout au long de leur procédure. Les structures n'offrant pas un tel niveau de prestations, tels que les dispositifs hôteliers, sont quant à elles destinées à accueillir, à titre transitoire, des demandeurs d'asile préalablement à leur admission éventuelle dans un hébergement pérenne. L'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile orientés vers les dispositifs hôteliers est pris en charge par les structures du premier accueil des demandes d'asile (SPADA) pilotées par l'OFII. Le parc d'HUDA représentera, en 2024, 52 950 places.

Les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) visent à favoriser l'accompagnement linguistique, social, professionnel et juridique des réfugiés qu'ils hébergent, présentant des vulnérabilités particulières et nécessitant une prise en charge complète dans les neuf premiers mois suivant l'obtention de leur statut. Ces structures, qui font l'objet d'un encadrement juridique spécifique depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, sont des centres d'hébergement de réinsertion sociale (CHRS) spécialisés. Le parc de CPH représentera, en 2024, 11 418 places. S'y ajoutent d'autres types d'hébergement pour réfugiés, pour 850 places.

En cumulé, le parc dédié aux demandeurs d'asile et aux réfugiés serait ainsi de 122 582 places en 2024.

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances associé au PLF pour 2024

Après 5 900 places supplémentaires en 202333(*), la création de places d'hébergement pour les demandeurs d'asile et réfugiés vulnérables se poursuit en 2024, avec un total de 1 500 places créées. 1 000 places seraient ainsi créées pour les demandeurs d'asile, dont 500 en CADA et 500 en CAES. 500 places seraient en outre créées dans les centres provisoires d'hébergement (CPH), destinés à accueillir temporaire des bénéficiaires de la protection internationale particulièrement vulnérables.

Par ailleurs, 500 places de sas d'accueil temporaire ouvertes en 2023 hors Île-de-France dans le cadre des opérations de mises à l'abri conduites en Île-de-France seraient transformées en places pérennes de CAES, portant le total de places créées en 2024 à 2 000.

Au total, les crédits dédiés à l'hébergement sont en baisse de 906 millions d'euros en AE (- 61,6 %) et en hausse de 155,1 millions d'euros en CP (+ 15,6 %). En neutralisant les crédits entrants au sein de l'action n° 2 qui concernent les places d'hébergement en CPH, en provenance de l'action n° 15 du programme 104 (pour un montant de 126,2 millions d'euros en AE=CP en 2024), la baisse est de 1 032,2 millions d'euros en AE et la hausse de 28,9 millions d'euros en CP.

L'évolution significative en AE s'explique principalement par la baisse des crédits de l'HUDA (- 857 millions d'euros par rapport à 2023) et des CAES (- 187 millions d'euros). Cette évolution est liée selon le Gouvernement au fait qu'un nombre important d'AE avaient été ouvertes ponctuellement en 2023 pour renouveler les conventions pluriannuelles avec les gestionnaires des HUDA et CAES. En outre, on peut penser qu'elle s'explique également par le fait que de nombreuses AE ont déjà été ouvertes dans les années récentes.

En CP, la hausse est imputable aux CADA (+ 11 millions d'euros par rapport à 2023), aux CAES (+ 10 millions d'euros) et aux HUDA (+ 8 millions d'euros).

Au total, le parc d'hébergement pour demandeurs d'asile et réfugiés vulnérables pourrait atteindre 122 582 places en 2024.

Répartition des crédits de paiement par type d'hébergement
des demandeurs d'asile en 2024 (action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile »)

Source : commission des finances

1. Un budget de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) qui ne prévoit pas de nouvelles places

Le parc du dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) est composé de différents dispositifs, à savoir principalement les hébergements d'urgence pour demandeurs d'asile gérés à l'échelle déconcentrée par les préfets (structures collectives, en diffus ou en hôtel) et les hébergements du programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile (PRAHDA), le plus souvent sous une forme collective.

Les crédits affectés à l'hébergement d'urgence étaient en diminution de 2019 à 2021. Pour 2022, les AE avaient augmenté de 95 % en raison de la reconduction du PRAHDA pour 5 ans. En 2023, les crédits demandés augmentaient de 105,3 % en AE (+ 456,5 millions d'euros, soit 67 % de la hausse des AE de la mission en 2023). Cette hausse était principalement liée en 2023 au renouvellement pour trois ans des conventions pluriannuelles de l'HUDA. Elle couvrait, en outre, la création de places. Les crédits demandés au titre de l'HUDA s'élevaient à 890,0 millions d'euros en AE et à 395,0 millions d'euros en CP (en hausse pour leur part de 12,4 %).

Pour 2024, les AE se réduisent fortement et s'établissent à 32,6 millions d'euros, en baisse de plus de 857 millions d'euros. Cette évolution s'explique selon le Gouvernement par le fait qu'un nombre important d'AE avaient été ouvertes ponctuellement en 2023 pour renouveler les conventions pluriannuelles avec les gestionnaires des HUDA, ce qui a un effet mécanique à la baisse en 2024. Néanmoins, ce point ne suffit pas à expliquer l'ampleur de la baisse, probablement également attribuable, d'une part, au fait que les hausses d'AE de 2022 et 2023 ont généré aujourd'hui surtout des besoins en CP et, d'autre part, au fait qu'il n'est pas prévu de créations de places en HUDA en 2024. Les CP s'établissent quant à eux à 402,7 millions d'euros, en hausse de 7,7 millions d'euros.

2. Une baisse également forte des AE dédiées aux centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) et une légère hausse des CP

Lancés en 2018, la capacité d'accueil des CAES est en hausse constante.

Le présent projet de loi de finances prévoit le financement des CAES à hauteur de 15,8 millions d'euros en AE et de 77,3 millions d'euros en CP en 2024, respectivement en baisse de 186,3 millions d'euros (- 92,2 %) et en hausse de 10 millions d'euros (+ 14,9 %).

La baisse des AE, de manière similaire aux HUDA, s'explique selon le Gouvernement par le fait qu'un nombre important d'AE avaient été ouvertes ponctuellement en 2023 pour renouveler les conventions pluriannuelles avec les gestionnaires des CAES, ce qui a un effet mécanique à la baisse en 2024. Néanmoins, ce point ne suffit pas à expliquer l'ampleur de la baisse, possiblement également attribuable à une succession d'ouvertures d'AE sur les dernières années, générant aujourd'hui surtout des besoins en CP.

La hausse des CP permet notamment de financer en 2024 la création de 500 places supplémentaires et, d'autre part, la pérennisation, sous la forme de CAES, de 500 places de sas d'accueil temporaire ouvertes en 2023 hors Île-de-France dans le cadre des opérations de mises à l'abri conduites en Île-de-France.

La capacité d'accueil des CAES, fixée à 2 986 places en 2018, devrait ainsi atteindre 7 622 places à fin 2024.

3. Une légère augmentation des crédits dédiés aux centres d'accueil pour demandeur d'asile (CADA) et une création de 500 nouvelles places...

Le nombre de centres d'accueil pour demandeur d'asile (CADA) est en augmentation constante ; il s'élève à plus de 360 centres aujourd'hui.

Le présent projet de loi de finances prévoit l'ouverture de 389,6 millions d'euros en AE et en CP, soit une augmentation de 11,3 millions d'euros par rapport à 2022 (+ 3,0 %).

En 2024, cette dotation permettra le financement du parc, qui sera étendu avec la création de 500 places supplémentaires. La capacité d'accueil des CADA devrait ainsi atteindre 49 742 places à fin 2024.

4. ... de même que pour les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH)

Jusqu'en 2023, les dépenses liées aux CPH et aux autres structures dédiées à l'accueil temporaire des réfugiés vulnérables étaient portées par l'action n° 15 « Accompagnement des réfugiés » du programme 104.

À compter de 2024, ces crédits sont transférés à l'action n° 2 du programme 30334(*). Ces crédits représentaient 118,7 millions d'euros en AE=CP en 2023. En 2024, ils seraient de 126,2 millions d'euros, soit une hausse de 7,5 millions d'euros (soit + 6,3 %).

En 2024, 500 nouvelles places en CPH seront créées, portant le parc à près de 11 418 places au total. S'y ajoutent d'autres types d'hébergement temporaires pour réfugiés vulnérables, pour 850 places.

5. Une dynamique globale de création de places d'hébergement qui ne suffit pas à optimiser la prise en charge des demandeurs d'asile

Les efforts budgétaires consacrés à la création de places d'hébergement des demandeurs d'asile ont pour objectif d'optimiser leur prise en charge, tant du point de vue de leurs besoins essentiels (hébergement, alimentation, etc.) que concernant leur accompagnement social et pour la procédure de demande d'asile.

Or, en dépit de l'augmentation significative du nombre de places d'hébergement, la part des demandeurs d'asile hébergés à titre gratuit demeure faible. Elle était de 58 % en 2021 et 2022. En 2023, elle serait de 59 %, pour un objectif fixé à 70 % initialement. La cible pour 2024 est ainsi abaissée, à 64 %, par rapport à celle de 2023.

Par ailleurs, la part des places occupées par des personnes qui ne devraient pas ou plus y séjourner35(*), qui était de 16 % en 2021, a atteint 22 % en 2022. Alors que la cible était fixée à 16 % en 2023, le taux réel devrait être de 21 %.


* 28 Voir supra.

* 29 Idem.

* 30 Centres d'accueil et d'examen des situations.

* 31 Hébergement d'urgence des demandeurs d'asile.

* 32 Voir supra.

* 33 Selon les chiffrages du Gouvernement.

* 34 Voir supra.

* 35 Sont autorisés à y séjourner les demandeurs d'asile, les bénéficiaires d'une protection dans un délai de six mois maximum après notification de la décision et les déboutés dans un délai d'un mois maximum après notification de la décision. Dans le cas où une solution d'hébergement ou de logement ne peut être trouvée durant cette période, les bénéficiaires de la protection internationale basculent en présence indue.

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