D. UN EFFORT, QUI RESTE LIMITÉ, CONCERNANT LES CRÉDITS DESTINÉS À LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
L'action 03 du programme 303 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière finance trois principaux postes :
- les dépenses de fonctionnement et d'investissement dans les centres (CRA) et locaux de rétention administrative (LRA) et zones d'attente (ZAPI) ;
- les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière ;
- diverses subventions aux associations chargées du suivi sanitaire, social et juridique des étrangers retenus.
Elle voit ses crédits augmenter de 46,0 % en AE (+ 94,5 millions d'euros) et de 53,8 % en CP (+ 91,2 millions d'euros) en 2024, pour s'établir à 300,0 millions d'euros en AE et 260,7 millions d'euros en CP.
1. Des crédits dédiés aux frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière en hausse
La hausse des crédits dédiés aux frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière sont en hausse en 2024 de 19,6 millions d'euros en AE et en CP (+ 44,4 %), pour s'établir à 63,8 millions d'euros.
Le projet annuel de performances explique cette hausse par plusieurs éléments :
- l'achat de matériels de lutte contre l'immigration irrégulière, pour 12 millions d'euros en AE=CP (drones, intercepteurs nautiques, moyens de projection et moyens aériens, etc.) ;
- une action diplomatique auprès des pays tiers en vue de faciliter les retours ;
- l'impact de l'inflation sur les prix du carburant.
En 2024, les dépenses directement liées à l'éloignement des migrants en situation irrégulière représentent 24,5 % des CP de l'action et 3,0 % des CP de la mission.
Ces dépenses portent notamment sur l'organisation des procédures d'éloignement par voie aérienne et maritime des étrangers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement dont la mise en oeuvre revient à la police aux frontières (PAF) : principalement les frais de billetterie centrale (avions commerciaux, trains et bateaux), les coûts des aéronefs de type Beechcraft (19 places) et Dash, et les dépenses locales de déplacement supportés par la police notamment.
Pour mémoire, le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), qui constituent la quasi-totalité des mesures d'éloignement prononcées42(*), est en baisse depuis plusieurs années. Après avoir atteint 22 % en 2012, il a connu une forte baisse, ne dépassant plus les 15 % depuis 2016, et atteignant moins de 13 % en 2018 comme en 2019. Son niveau est inférieur à 10 % depuis 2020. Il s'établit à 6,0 % en 2021 et à 6,9 % pour la première partie de 202243(*).
2. Les dispositifs de préparation au retour (DPAR)
Les dispositifs de préparation au retour hébergent en priorité des familles séjournant irrégulièrement sur le territoire français, majoritairement après avoir été déboutées de leur demande d'asile et en présence indue dans le dispositif national d'accueil, volontaires au retour aidé de l'Ofii ou susceptibles de l'être, pour lesquelles il existe une perspective raisonnable d'éloignement. 2 151 places ont été ouvertes depuis l'expérimentation de ce dispositif en 2015.
En 2023, les dépenses liées aux dispositifs de préparation au retour (DPAR) augmentaient de 309 % en AE (+ 29,1 millions d'euros) et de 104,5 % en CP (+ 8,4 millions d'euros), pour s'établir à 38,5 millions d'euros en AE et 19,3 millions d'euros en CP.
En 2024, ces crédits sont en forte baisse en AE, pour s'établir à 1,0 millions d'euros, soit - 37,5 millions d'euros. Cette situation s'explique mécaniquement par le fait que le conventionnement avec les opérateurs de ces structures a été renouvelé en 2023 pour deux ans et que 1 100 places financées par le plan de relance en 2021 et 2022 ont été intégrés à compter de 2023 dans la présente mission. Les CP sont quant à eux en hausse en 2024, pour s'établir à 20,3 millions d'euros, soit + 1,0 millions d'euros.
Les conditions de versement de l'aide au retour volontaire ont été modifiées par un arrêté du 9 octobre 2023 relatif à l'aide au retour et à la réinsertion44(*).
3. Une hausse des crédits centrée sur les dépenses d'investissement des centres et locaux de rétention administrative
L'essentiel des hausses de crédits de l'action n° 03 du programme 303 portent en réalité sur les dépenses d'investissement des centres de rétention administrative (CRA), des locaux de rétention (LRA) et des zones d'attente (ZAPI) et, dans une moindre mesure, sur leurs dépenses de fonctionnement.
Le parc d'hébergement en CRA (26 centres de rétention administrative) fait face à une hausse constante des besoins. Ces structures logent les étrangers ayant fait l'objet d'une décision d'éloignement du territoire, dans l'attente de son exécution. Elles concourent à la lutte contre l'immigration irrégulière.
S'agissant des dépenses d'investissement, en 2022, les crédits demandés pour le parc d'hébergement des CRA avaient augmenté de 51,1 % en CP pour financer la tranche 2022 du plan d'extension des CRA, notamment les opérations d'Olivet (90 places) et de Bordeaux (140 places). Si les crédits d'investissement étaient en baisse en 2023 (de 5,7 millions d'euros en AE et de 5,8 millions d'euros en CP), des investissements immobiliers devaient être réalisés pour financer la tranche 2023 du plan d'extension des CRA, notamment les opérations d'Olivet (90 places), de Bordeaux (140 places) et de Perpignan (12 places). En 2023, la capacité des centres de rétention administrative était ainsi portée à 1 857 places (contre 1 490 en 2017).
En 2024, ces dépenses d'investissement connaissent une forte augmentation, s'établissant à 136,6 millions d'euros en AE et 89,9 millions d'euros en CP, respectivement en hausse de 103 millions d'euros et 63,4 millions d'euros. Cette forte hausse s'explique par plusieurs facteurs :
- l'extension du parc de locaux de rétention administrative (LRA), dans le cadre de la circulaire du 3 août 2022 visant la poursuite de l'exécution du plan de renforcement des capacités de rétention administrative, qui demande à l'ensemble des préfets de zone de diversifier les lieux de placement en développant les capacités de LRA d'au moins un tiers de celles existantes. 66 places supplémentaires en LRA sont ainsi programmées en 2024 ;
- l'appel à projet CRA du 10 janvier 2023 visant à permettre l'augmentation du nombre de places de rétention en application de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) qui vise à porter le nombre de places en CRA à 3 000 d'ici 2027. Il est prévu l'ouverture de 120 millions d'euros en AE et 60 millions d'euros en CP en 2024 ;
- les travaux de sécurisation des CRA qui doivent se poursuivre en 2024. En effet, conformément à l'instruction ministérielle en date du 3 août 2022, la rétention est désormais prioritairement destinée aux étrangers présentant un profil pouvant constituer une menace pour l'ordre public et aux étrangers radicalisés. Afin de tenir compte des exigences de sécurité face à ce public plus difficile, des chantiers de sécurisation des sites sont nécessaires.
Les taux d'occupation, qui ont connu une baisse pendant la crise sanitaire, ont retrouvé des niveaux proches de ceux qui prévalaient les années précédentes. Le taux d'occupation des CRA de métropole a fortement augmenté depuis l'automne 2017, puisqu'il s'élevait en moyenne à 86 % en 2019 contre 68 % en 2017. En 2020, avec la crise sanitaire qui s'est traduite par des restrictions en termes de places ouvertes en rétention, il s'établissait à 61 % en métropole. Pour 2021, il s'élevait à 82 %.
S'agissant des dépenses de fonctionnement, ils sont en 2024 de 68,7 millions d'euros en AE et à 56,8 millions d'euros en CP, en hausse respective de 7,2 millions d'euros et 4,6 millions d'euros.
* 42 Les autres mesures sont les interdictions de territoire et les expulsions, qui connaissent des taux d'exécution bien supérieurs à celui des OQTF.
* 43 Voir également les graphiques supra sur l'évolution du nombre d'OQTF prononcées et exécutées et de leur taux d'exécution.
* 44 Cette aide composite est constituée par une aide administrative (dont un billet d'avion), une allocation forfaitaire d'un montant plafonné, versée en une fois, et éventuellement une aide à la réinsertion dans le pays d'origine. Elle était proposée jusqu'ici par l'OFII aux personnes en situation irrégulière, aux déboutés de la demande d'asile ou aux personnes visées par une OQTF. Désormais, son versement est adossé « au prononcé de l'OQTF » (et, pour les ressortissants de pays tiers, au fait que l'OQTF soit adossée à une interdiction de retour) pour les personnes qui y vivaient depuis au moins trois mois (contre six mois auparavant), en appliquant un principe de dégressivité de l'aide dans le temps. Ainsi, si l'aide est doublée dans le premier mois après la notification de l'OQTF (pour les ressortissants des pays soumis à visa, pas pour les autres pays), elle chute d'un premier niveau si elle est sollicitée deux à quatre mois après la procédure d'expulsion, puis de nouveau ensuite, selon un tableau annexé à l'arrêté. Si une personne sollicite l'aide au retour quatre mois après une OQTF, elle ne pourra également plus prétendre à l'aide pour la réinstallation.