EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 25 octobre 2023, sous la présidence de M. Jean-Baptiste Blanc, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières, ainsi que ceux du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit une hausse de 8 % des crédits de la mission, plus modérée que l'an passé, qui les porterait à 883,5 millions d'euros.
Cette progression des crédits à hauteur de 66 millions d'euros par rapport à 2023, est en partie liée à un effet de périmètre sur le programme 165 consacré aux crédits alloués aux juridictions administratives. En effet, le projet de loi de finances prévoit, à partir du 1er janvier 2024, le rattachement à ce programme de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), juridiction administrative spécialisée mise en place en 2018. Précédemment, le tribunal judiciaire intervenait pour les forfaits post-stationnement.
Les magistrats administratifs mis à disposition de la CCSP entraient déjà dans le champ de ce programme, à la différence des agents de greffe et des dépenses de fonctionnement de la CCSP, qui relevaient, pour leur part, du budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Le rattachement de la CCSP, qui porte sur 143 emplois et 11,4 millions d'euros, implique aussi le transfert progressif de la gestion de la commission au Conseil d'État, en lieu et place du ministère de l'intérieur et des outre-mer. J'estime que ce rattachement est bienvenu en termes de simplification : toutes les juridictions administratives ont vocation à être placées dans le giron budgétaire du Conseil d'État.
J'attire toutefois votre attention sur les défis en termes de maîtrise des entrées contentieuses et des stocks de cette commission. Les entrées sont en effet passées de 61 327 en 2018 à 163 464 en 2022, tandis que les délais de jugement sont de l'ordre de deux ans. De surcroît, la CCSP présente un stock qui s'élevait au 31 décembre 2022 à 183 429 dossiers : des postes de magistrats et d'agents de greffe supplémentaires devront inévitablement être ouverts sur les prochains exercices afin de maintenir des délais raisonnables de jugement.
Cela m'amène à évoquer la place prépondérante des magistrats au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
La hausse des dépenses s'explique également par le choix qui a été fait de rémunérer correctement les magistrats administratifs et financiers, en leur assurant un traitement qui tend vers celui des administrateurs de l'État. Gage de qualité de notre État de droit, la rémunération décente de nos magistrats est aussi un facteur d'attractivité de ce métier par rapport à d'autres emplois dans la fonction publique.
En outre, je rappelle qu'au regard du poids des dépenses de personnel au sein de la mission - quasiment 80 % des crédits demandés - le volume du budget de la mission est très sensible aux moindres variations des dépenses de personnel.
Au-delà du relèvement du point d'indice de la fonction publique de 1,5 % au 1er juillet dernier, un alignement indiciaire sur la grille des administrateurs de l'État a été effectué pour les magistrats administratifs et financiers. Il vient compléter les revalorisations indemnitaires instaurées en 2022.
Un décret du 21 juin 2023 a procédé à cette revalorisation pour les magistrats financiers à partir de juillet 2023. Cette revalorisation représente un coût de 1,7 million d'euros en année pleine. Pour les magistrats administratifs, le coût s'élèvera en 2024 à 2,4 millions d'euros, en année pleine également.
La hausse des dépenses de personnel pour le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » s'explique également par le relèvement de 41 équivalents temps plein (ETP) du schéma d'emplois pour l'année 2024, dont 40 seront utilisés pour les tribunaux administratifs, et l'ETP restant pour la création d'un emploi de membre du Conseil d'État.
Enfin, ma préoccupation porte sur les crédits du Cese, plus particulièrement ceux qui sont alloués à la participation citoyenne que j'avais contrôlés en juin dernier.
La documentation budgétaire ne mentionne aucunement l'enveloppe dédiée à la participation citoyenne. La justification au premier euro est muette sur le sujet. Seul un indicateur relate le pourcentage des travaux associant les citoyens, mais sans détailler les méthodes de calcul. Cette situation n'est donc pas satisfaisante.
Il ressort des échanges avec le Cese que le montant de cette enveloppe est maintenu à 4,2 millions d'euros. Or, faute de convention citoyenne annoncée par le Président de la République en 2024, cette assemblée ne justifie pas de besoins à la hauteur de l'enveloppe.
Les seuls travaux d'ampleur annoncés, si l'on peut dire, sont l'organisation des États généraux de l'information (EGI) à la demande de l'État, avec des estimations divergentes : la direction du budget chiffre le coût de l'événement à 0,35 million d'euros, tandis que le Cese avance un coût compris entre 0,7 million d'euros et 1 million d'euros. Au regard du coût de la convention citoyenne sur la fin de vie, les estimations de Bercy me semblent plus vraisemblables.
En ce qui concerne les autres dispositifs participatifs, les dépenses annuelles n'ont jamais dépassé 0,5 million d'euros depuis la réforme du Cese opérée par la loi organique du 15 janvier 2021.
Il ressort de ces éléments chiffrés que les dépenses du Cese en matière de participation citoyenne sont pour 2024 de l'ordre de 1,5 million d'euros, en se basant sur l'hypothèse maximaliste d'évaluation des coûts des EGI par le Cese.
La progression des crédits des juridictions, mineure à l'échelle du budget de l'État, n'est, quant à elle, pas à déplorer. Elle vise en effet à s'assurer que les magistrats soient présents en nombre suffisant pour faire face à une pression contentieuse continue, à leur garantir une juste rémunération et à poursuivre des travaux immobiliers d'ampleur, afin de garantir une meilleure accessibilité des locaux pour les justiciables. Au contraire, il m'apparaît majeur de donner à des institutions essentielles à notre démocratie les moyens d'accomplir leurs missions.
Le maintien de l'enveloppe de 4,2 millions d'euros dédiée à la participation citoyenne est en revanche difficilement justifiable en l'état. Je vous propose donc un amendement tendant à minorer les crédits du programme 126, c'est-à-dire le budget du Cese, de 2,5 millions d'euros, par souci de sincérisation de la budgétisation initiale, ce qui laisse une enveloppe de 1,7 million d'euros pour les activités de participation citoyenne au cours de l'année 2024.
Celle-ci pourrait évidemment tout à fait être revue à la hausse par un décret d'avance ou un projet de loi de finances rectificative, au cas où le Président de la République viendrait à annoncer la tenue d'une nouvelle convention citoyenne.
En conclusion, je vous invite donc à adopter les crédits de la mission ainsi amendés.
M. Marc Laménie. - Je souhaiterais savoir comment se répartissent les effectifs des juridictions financières et des juridictions administratives entre Paris et les territoires.
Mme Isabelle Briquet. - La progression des crédits et le renforcement des effectifs des juridictions administratives sont source de satisfaction dans un contexte de hausse continue du contentieux. De la même manière, la revalorisation indiciaire des magistrats administratifs et financiers est à saluer.
En revanche, une attention particulière doit être accordée aux délais de jugement, qui ont de nouveau tendance à repartir à la hausse après une période de baisse. La situation la plus préoccupante est celle de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), avec en particulier des délais de procédure accélérée dépassant les cinq mois, pour un objectif de quelques semaines. L'augmentation des moyens paraît indispensable afin d'apporter une réponse aux justiciables dans des délais raisonnables.
S'agissant du Cese, veillons à ce que la participation citoyenne puisse s'exercer dans des conditions correctes. Existe-t-il véritablement une surestimation des crédits alloués, ou la progression budgétaire peut-elle s'expliquer par des actions spécifiques ?
M. Didier Rambaud. - Ancien rapporteur spécial de cette mission de 2017 à 2020, je suis particulièrement intéressé par ses évolutions. Je déplore également l'allongement des délais de jugement, avec un nombre considérable d'affaires en attente dans les tribunaux administratifs. Il convient donc d'ajuster les effectifs en conséquence.
Existe-t-il, par ailleurs, des projets de construction de nouveaux tribunaux administratifs ?
Pour ce qui concerne le Cese, l'état de notre démocratie doit nous inciter à engager une réflexion sur les moyens d'encourager la participation citoyenne. Je serai, pour ma part, plus prudent quant à la perspective de réduire les crédits correspondants.
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - S'agissant de la répartition territoriale des magistrats, pour les juridictions financières, 60 % des effectifs sont à Paris pour 40 % dans les CRTC. Pour les juridictions administratives, les effectifs de magistrats se répartissent comme suit : 128 membres du Conseil d'État, 288 magistrats en cours administratives d'appel et 903 magistrats dans les tribunaux administratifs. Pour connaître la répartition territoriale plus précise, le site de chaque juridiction détaille les magistrats qui y sont affectés.
La revalorisation des salaires des magistrats était à la fois nécessaire et juste ; elle permet de garantir l'attractivité de ces postes auprès des hauts fonctionnaires.
S'agissant de la CNDA, le projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, prévoit une territorialisation de la Cour. Des chambres territoriales pourraient être créées à Lyon, Marseille, Nantes, Bordeaux, Nancy ou, le cas échéant, Toulouse, où la Cour pourrait, le cas échéant, utiliser les salles d'audiences des cours administratives d'appel. Je compte d'ailleurs effectuer un contrôle budgétaire sur la CNDA au prochain semestre, afin d'évaluer les effets de cette réforme sur les délais de jugement.
Concernant le Cese, nous avions eu un débat l'année dernière sur l'ampleur des crédits accordés à cette institution, et notamment ceux dédiés à la participation citoyenne. Il était ressorti de nos débats le caractère quasi évaluatif des crédits relatifs au coût de la convention citoyenne sur la fin de vie. Cette année, le président de la République n'a annoncé aucun thème de convention citoyenne, dont l'organisation pourrait être confiée au Cese. Dans ce contexte, je vous propose de minorer les crédits de l'enveloppe de la participation citoyenne de 2,5 millions d'euros, même si, je le concède, rapportée au budget de l'État, une telle économie de 2,5 millions d'euros peut paraître assez anecdotique.
En termes de projets immobiliers, 30 millions d'euros en crédits de paiement sont programmés, notamment pour continuer les travaux de relogement de la CNDA et du tribunal administratif de Montreuil, mais aussi celui de Guyane.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie le rapporteur pour son rapport qui dresse un constat objectif des rôles et missions des organes de conseil et de contrôle de l'État. Je tiens à souligner les innovations de la Cour des comptes afin de mieux communiquer sur ses travaux et d'associer davantage les citoyens aux décisions politiques et à leur compréhension.
Sur le Cese, je souscris à la volonté de maîtriser les dépenses exprimée par le rapporteur - d'autant que la réalité des dépenses liées à la participation citoyenne manque de clarté pour l'année à venir -, mais je suis également attentif au respect de la liberté de chacune des assemblées. Par conséquent, à ce stade, je ne souhaite pas que le Cese, assemblée consultative, soit privé d'une telle part de ses moyens.
En revanche, nous devons être attentifs à l'exécution de ce budget pour l'année 2024. Si l'enveloppe de 4,2 millions d'euros n'est pas entièrement exécutée, cette sous-consommation devra être prise en compte lors de l'exercice suivant. Même si je m'associe à ce devoir de vigilance, les relations entre les différentes assemblées doivent être préservées.
M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - Cette solution me semble équilibrée. Dans ces conditions, je retire mon amendement FINC.1.
Article 35
L'amendement FINC.1 est retiré.
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Elle a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 50 F.