LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION
Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.
En revanche, le Gouvernement a retenu son amendement portant article additionnel tendant à déplafonner les recrutements de conseillers maîtres sur le fondement de l'article L. 112-5 du code des juridictions financières26(*).
Enfin, un amendement du député Daniel Labaronne, rapporteur spécial de la mission, complète de façon bienvenue plusieurs indicateurs de performance du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » afin d'y intégrer l'activité de la Commission du contentieux du stationnement payant.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE 50 F
(nouveau)
Relèvement du plafond de conseillers
maîtres en service extraordinaire prévu à
l'article L. 112-5 du code des juridictions financières
Le présent article vise à relever la limite de six conseillers maîtres en service extraordinaire (CMSE), recrutés à raison de leur expérience et leur expertise particulières nécessaires aux activités et missions de la Cour des comptes, sur le fondement de l'article L. 112-5 du code des juridictions financières. Le nombre de recrutements serait ainsi porté à douze.
Au regard de l'absence de procédure de sélection, faisant notamment intervenir la commission d'intégration de la Cour des comptes, et de garanties d'indépendance définis par les textes, un tel relèvement du plafond de recrutement des CMSE « experts » ne paraît pas opportune. Par ailleurs, il semble difficilement absorbable sous plafond d'emplois.
La commission des finances propose de supprimer cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : LE RECRUTEMENT DES CONSEILLERS MAÎTRES EN SERVICE EXTRAORDINAIRE DITS « EXPERTS », NOMMÉS SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L. 112-5 DU CODE DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES, EST AUJOURD'HUI LIMITÉ À SIX PERSONNES
A. LA COEXISTENCE DE DEUX MODES DE RECRUTEMENT TEMPORAIRE DE CONSEILLERS MAÎTRES EN SERVICE EXTRAORDINAIRE RÉPONDANT À DES CATÉGORIES LÉGALES DIFFÉRENTES
Le statut de conseiller maître en service extraordinaire (CMSE) a été créé par la loi n° 76-539 du 22 juin 1976 de finances rectificative pour 1976.
Deux catégories de personnes peuvent être recrutées en tant que CMSE :
- d'une part, les CMSE dits « historiques », nommés sur le fondement de l'article L. 112-4 du code des juridictions financières, choisis parmi des « fonctionnaires appartenant au corps de contrôle des ministères ou des personnes ayant exercé des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes soumis au contrôle des juridictions financières » ;
- d'autre part, les CMSE dits « experts », nommés sur le fondement de l'article L. 112-5 du code des juridictions financières, « dont l'expérience et l'expertise particulières sont nécessaires aux activités et missions de la Cour des comptes ».
Cette seconde catégorie de CMSE a été créée par l'article 63 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, afin de poursuivre un effort de diversification des personnels de la Cour des comptes.
Tous les CMSE sont nommés temporairement, pour une période de cinq ans non renouvelables27(*).
Il convient de relever qu'il n'existe pas de passerelle entre les deux catégories : un CMSE recruté sur le fondement de l'article L. 112-4 du code des juridictions financières ne pourra pas être nommé par la suite en qualité de CMSE « expert », et inversement.
1. Une harmonisation de la procédure de nomination marquée par la place prépondérante du Premier président de la Cour des comptes
a) Le rôle de proposition du Premier président
Jusqu'au 1er janvier 2022, les conseillers maîtres en service extraordinaire mentionnés à l'article L. 112-4 du code des juridictions financières étaient nommés par décret pris en Conseil des ministres, après avis du Premier président de la Cour des comptes, tandis que ceux relevant de l'article L. 112-5 du même code étaient nommés par décret pris en Conseil des ministres, sur proposition du Premier président de la Cour des comptes.
Ainsi, le Premier président n'émettait qu'un avis simple pour les CMSE dits « historiques ».
Depuis l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, l'article L. 112-6 du code des juridictions financières dispose que tous les CMSE, quelle que soit la catégorie, sont nommés par décret en conseil des ministres sur proposition du Premier président.
Le Gouvernement peut dès lors toujours refuser une nomination, mais si le Premier président ne propose pas cette nomination, alors la personne ne pourra être nommée.
b) Une absence de procédure normalisée de recrutement
Si ces nominations sont désormais à la main du Premier président, ce qui permet d'adapter le profil des nominations aux besoins immédiats de la juridiction, force est de constater qu'il n'existe pour l'heure pas de procédure de sélection formelle avec un jury, ni de contrôle déontologique au moment de leur recrutement. Ainsi, le processus de sélection de tous les conseillers maîtres en service extraordinaire, qu'il s'agisse de ceux de l'article L. 112-4 ou bien L. 112-5 du code des juridictions financières, se limite à un entretien mené par le Premier président et la Secrétaire générale de la Cour des comptes.
La commission d'intégration28(*), prévue par l'article L. 122-9 du code des juridictions financières, n'intervient à aucun stade de la procédure, alors même qu'elle émet un avis simple pour les nominations de conseillers maîtres au tour extérieur depuis le 1er janvier 2023.
L'intervention de la commission
d'intégration pour les nominations
de conseillers maîtres au
tour extérieur
Pour les conseillers maîtres nommés au tour extérieur, la procédure de nomination est prévue à l'article L. 122-6 du code des juridictions financières. La commission d'intégration prononce un avis, après entretien avec le candidat, qui tient compte des fonctions antérieurement exercées par l'intéressé, de son expérience et des besoins du corps, exprimés annuellement par le premier président.
Le sens de l'avis sur les nominations prononcées est publié au Journal officiel en même temps que l'acte de nomination. L'avis peut aussi être communiqué à l'intéressé sur sa demande.
En revanche, après leurs nominations, les CMSE prêtent serment29(*) et sont soumis aux mêmes obligations déontologiques que les autres conseillers maîtres.
L'absence de procédure fixée par les textes faisant intervenir la commission d'intégration dans le processus de sélection en amont de leur recrutement pose question au regard de l'extension de leurs compétences. En effet, au fil de la pratique, le champ de leurs attributions, à l'origine limité à la vérification des comptes et de la gestion des entreprises publiques, s'est élargi, si bien qu'ils peuvent exercer, depuis 202130(*), une activité juridictionnelle.
2. Une distinction organique opérée par la loi se traduisant par un statut et des conditions financières différents
En dépit des similitudes procédurales de recrutement des deux catégories de conseillers maîtres en service extraordinaire, il existe malgré tout bien deux catégories légales, avec des publics visés différents. Tandis que la première catégorie (article L. 112-4 du code des juridictions financières) est réservée aux fonctionnaires ou aux personnels d'organismes soumis au contrôle des juridictions financières, pour assister la Cour dans ses missions, la seconde catégorie (article L. 112-5 du code des juridictions financières) ne cible pas spécifiquement les fonctionnaires, mais inclut de façon assez large des personnes dont l'expérience ou l'expertise particulières sont nécessaires à la Cour des comptes.
Cette différenciation organique a plusieurs conséquences statutaires et financières.
Les CMSE « historiques » sont mis à disposition par leur administration d'origine. Cette dernière assure donc toujours la rémunération du CMSE, la Cour des comptes se limitant à verser un complément de revenu.
S'agissant des CMSE « experts », lorsqu'ils ne sont pas agents publics, ils sont recrutés sur contrat. Ainsi, leur rémunération est entièrement prise en charge par la Cour des comptes. Initialement reclassés sur une grille indiciaire ad hoc, les CMSE « experts » recrutés sur contrat sont reclassés, depuis le 1er juillet 2023, sur la même grille indiciaire que les autres conseillers maîtres31(*).
B. UN PLAFONNEMENT DES CMSE « EXPERTS » EN DEÇA DE CELUI DES CMSE « HISTORIQUES », DONT LE NOMBRE PEUT ATTEINDRE DOUZE PERSONNES
Initialement limité à dix personnes, le plafond des CMSE « historiques » a été relevé à douze avec la loi n° 2006-769 du 1er juillet 2006 portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes32(*). L'article L. 112-4 du code des juridictions financières dispose actuellement que « leur nombre ne peut être supérieur à douze ».
Depuis la création de la catégorie des CMSE « experts » par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, leur plafond a toujours été maintenu à six personnes.
II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN DÉPLAFONNEMENT DES CMSE « EXPERTS » AU MÊME NIVEAU QUE LES CMSE « HISTORIQUES »
Le présent article est issu de l'amendement n° II-4141 du Gouvernement, retenu dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.
Cet article prévoit un rehaussement à douze personnes du plafond des conseillers maîtres en service extraordinaire nommés sur le fondement de l'article L. 112-5 du code des juridictions financières.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : RELEVER À DOUZE LE NOMBRE DE CMSE « EXPERTS » PARAÎT DIFFICILEMENT ABSORBABLE SOUS PLAFOND D'EMPLOIS ET N'EST PAS SATISFAISANT EN L'ÉTAT AU REGARD DE L'ABSENCE DE RÉELLE PROCÉDURE DE SÉLECTION
D'après les informations fournies au rapporteur spécial, le déplafonnement proposé par le présent article résulte d'une demande exprimée par la Cour des comptes. Cette dernière le présente comme un moyen de diversifier le vivier des recrutements, de les féminiser et les rajeunir, dans le contexte de la réforme de la haute fonction publique qui a eu pour effet de créer des échelons beaucoup plus longs, avec des obligations renforcées de mobilité.
Au préalable, le rapporteur spécial souhaite souligner son attachement au respect des catégories définies par le législateur. Il ne souscrit pas à la ligne défendue par la Cour des comptes, qui entend faire des conseillers maîtres en service extraordinaire une catégorie unifiée, en faisant abstraction des critères et publics différents, établis par la loi.
Ensuite, le rapporteur spécial émet des doutes quant au respect des plafond et schéma d'emplois des juridictions financières présentés dans le projet de loi de finances pour 2024.
En effet, le plafond d'emplois du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » est en légère progression de + 5 ETPT par rapport à 2023, à raison de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2023. Cette évolution ne satisfait pas la Cour des comptes, qui a relevé que si une partie des besoins nouveaux, liés à la diversification des missions des juridictions financières, ont été gagés sur les effectifs en fonction, il ressort déjà un besoin net non financé de 12 ETP. Pour autant, le relèvement du plafond de recrutement des CMSE « experts » à douze personnes ne s'est pas accompagné d'une évolution des crédits du programme 164.
Dans ces conditions, et eu égard à la prise en charge complète par la Cour des comptes de la rémunération des CMSE « experts », recrutés sur contrat sur le fondement de l'article L. 112-5 du code des juridictions financières, le déplafonnement de leur nombre paraît difficilement absorbable sous plafond d'emplois.
Enfin, le rapporteur spécial estime que les modalités de recrutement des CMSE sont à revoir. Il considère que la refonte de la procédure, faisant intervenir notamment la commission d'intégration, est une condition sine qua non avant tout déplafonnement.
S'il souscrit entièrement au fait que le recrutement de conseillers maîtres en service extraordinaire peut venir enrichir le travail de la Cour des comptes, et qu'ils constituent en ce sens des « experts de haut luxe » dans des domaines très techniques33(*), dans la pratique, le rapporteur spécial relève que cette modalité de recrutement a permis la nomination de deux anciens ministres et d'ambassadeurs. Si la Cour des comptes a bien précisé que les ministres nommés n'étaient pas affectés dans des chambres relevant du portefeuille de leur ancien ministère, avec le souci d'être attentif aux conflits d'intérêts, le rapporteur spécial questionne l'expertise qu'ils pourraient dès lors apporter à la Cour dans un domaine étranger à leur parcours et leur expérience professionnels.
Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.
* 26 Voir infra.
* 27 Article L. 112-6 du code des juridictions financières.
* 28 La commission d'intégration est composée du Premier président ou de son représentant, d'un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant au moins le grade de conseiller maître et un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant le grade de conseiller référendaire, de deux personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences dans le domaine des finances publiques et de l'évaluation des politiques publiques, nommées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, et d'une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines, nommée par le Président de la République.
* 29 Ils ne portent toutefois pas la robe.
* 30 Article 8 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État.
* 31 Décret n° 2023-481 du 21 juin 2023 portant reclassement et modifiant le statut des magistrats de la Cour des comptes, des magistrats des chambres régionales des comptes et des agents occupant les emplois de conseiller maître en service extraordinaire, de conseiller référendaire en service extraordinaire et d'auditeur à la Cour des comptes.
* 32 Cette loi a également étendu les critères de sélection pour accéder à cette fonction en visant désormais tous les organismes soumis au contrôle des juridictions financières (publics et privés), mais a aussi allongé d'un an la durée d'exercice des fonctions de quatre à cinq ans.
* 33 Rapport n° 410 (2005-2006) de M. Bernard SAUGEY fait au nom de la commission des lois du Sénat et relatif au projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes.