N° 494
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 avril 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à proroger la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l'assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété,
Par M. André REICHARDT,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
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22 et 495 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
Alors que la Corse subit, en conséquence de l'arrêté « Miot » de 1801, un désordre foncier préjudiciable à son développement, caractérisé par une absence de titres sur une part très significative des biens cadastraux de l'île, le législateur a mis en place, au cours des trente dernières années, plusieurs dispositifs dérogatoires pour accompagner un mouvement de titrement unanimement considéré comme nécessaire. Parmi ces dispositifs, figure la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l'assainissement cadastral et à la résorption de la propriété, adoptée avec le soutien du Sénat. Cette loi comporte des dérogations au droit civil commun, en facilitant notamment le recours aux actes notariés de notoriété acquisitive pour attester de la possession d'un immeuble situé en Corse, ainsi que trois exonérations fiscales portant sur les droits de succession. Ces dérogations et exonérations sont, en l'état actuel du droit, applicables jusqu'au 31 décembre 2027.
Bien que, depuis 2017, ce mouvement de titrement ait progressé, plus de 300 000 parcelles sont encore considérées comme appartenant à des personnes présumées décédées, illustrant l'ampleur de la tâche restant à accomplir. C'est pourquoi la présente proposition de loi, déposée par Jean-Jacques Panunzi, tend à proroger l'application de la loi n° 2017-285 de dix ans, soit jusqu'au 31 décembre 2037.
Souscrivant à l'objectif d'assainissement du cadastre en Corse et estimant que le bilan de la loi n° 2017-285 était encourageant, la commission a adopté la proposition de loi sans modification.
I. UNE SPÉCIFICITÉ CORSE : UN DÉSORDRE FONCIER PRÉJUDICIABLE AU DÉVELOPPEMENT DE L'ÎLE
La Corse se caractérise par une situation cadastrale et foncière particulièrement dégradée depuis plus de deux siècles, résultant pour partie de mesures fiscales dérogatoires et de l'abrogation des sanctions encourues en cas d'absence de déclaration de succession instaurées par l'arrêté « Miot » du 10 juin 1801. Le fort exode rural qui touche l'île jusqu'au milieu du XXème siècle a en effet renforcé l'abandon, l'indivision et la non-délimitation des parcelles et des biens des zones rurales et montagneuses de l'île.
Ainsi, en 2016, il était estimé que 35 % des parcelles étaient toujours détenues par des personnes physiques nées avant 1910. En outre, la persistance de l'inexactitude cadastrale entraîne l'existence de biens non délimités sur 6,4 % des parcelles corses en 2012 (63 800 biens), contre 0,4 % sur l'ensemble du territoire.
L'absence de titres de propriété et la pérennisation de l'indivision successorale entraînent des conséquences sérieuses pour les citoyens comme pour la puissance publique. Les situations d'indivision privent les usufruitiers du plein exercice de leur droit de propriété et les placent dans une situation d'insécurité juridique, limitant les incitations à préserver et entretenir leur bien. À l'échelle de l'île, la multiplication des successions non réglées conduit à une dégradation des terres et des biens, non entretenus, ainsi qu'à une raréfaction des biens immobiliers pouvant contribuer à une hausse des prix. Pour la puissance publique, le désordre foncier entraîne en outre une perte de recettes fiscales et limite la capacité des collectivités à entretenir leur territoire.