DEUXIÈME PARTIE
LES COMPTES DE
L'ÉTAT EN 2023
I. L'AGGRAVATION DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE PLUS DE 20 MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À L'ANNÉE PRÉCÉDENTE CONFIRME L'ABSENCE DE MAÎTRISE DES COMPTES DE L'ÉTAT
Alors même que l'année 2023 n'a été marquée par aucune crise majeure, le déficit budgétaire de l'État s'est aggravé de 21,5 milliards d'euros par rapport à 2022, pour atteindre 173,0 milliards d'euros. Il est ainsi confirmé que la crise sanitaire, dont les effets propres ont pourtant été temporaires, a marqué une nouvelle étape dans la très importante dégradation des finances publiques depuis 2017.
A. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE EXÉCUTÉ S'AGGRAVE DE 8 MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À LA PRÉVISION EN LOI DE FINANCES INITIALE
Le déficit budgétaire constaté, à un niveau de 173,0 milliards d'euros, est en dégradation de 8,0 milliards d'euros par rapport au montant de 164,9 milliards d'euros prévu en loi de finance initiale pour 2023 et de 1,7 milliard d'euros par rapport à celui de 171,2 milliards d'euros prévu par la loi de finances de fin de gestion.
Évolution des prévisions de déficit en 2023
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Pour mémoire, la dégradation de la prévision de déficit entre la loi de finances initiale et la loi de finances de fin de gestion s'expliquait d'abord par un surcroît estimé de dépenses nettes de 4,4 milliards d'euros (dû en particulier à un surcroît de charge de la dette de 3,8 milliards d'euros) et un niveau de recettes non fiscales moindre de 4,4 milliards d'euros (révision à la baisse des prévisions de dividendes et du versement prévisionnel au titre du financement du plan de relance par l'Union européenne dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience), tandis que les recettes fiscales nettes, elles, étaient estimées en hausse de 2,4 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale.
Cette hausse des recettes fiscales ne s'est pas réalisée et a été suivie d'une très sévère correction de - 7,7 milliards d'euros entre la loi de finances de fin de gestion et l'exécution.
Cette chute des recettes est attribuée par le Gouvernement au ralentissement de l'activité économique à la fin 2023 et aurait été compensée par une maîtrise des dépenses des ministères13(*). La Cour des comptes constate au contraire que cette chute n'est pas liée à un contexte macro-économique plus dégradé qu'anticipé puisque la croissance du PIB en valeur s'est révélée très proche des prévisions retenues par le Gouvernement14(*).
L'examen de l'exécution budgétaire, comme l'a déjà montré la mission d'information de la commission des finances sur la dégradation des comptes15(*), permet également de constater l'insuffisance des explications avancées par le Gouvernement.
En premier lieu, cette chute des recettes ne peut être utilisée comme paravent du niveau considérable du déficit, dont elle ne constitue qu'un léger surcroît.
L'impact de la chute des recettes en fin d'année sur le déficit
(en milliards d'années)
Recettes fiscales nettes et non fiscales, diminuées des prélèvements sur recettes.
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
En outre, si l'exécution des recettes s'est révélée inférieure aux prévisions, c'est moins en raison d'un ralentissement économique que parce que les estimations du produit de certains impôts avaient été fixées à un niveau bien trop élevé, s'agissant aussi bien du produit de l'impôt sur les sociétés que de celui de la contribution sur la rente inframarginale d'électricité. Ces points, déjà mis en avant par la mission d'information précitée, seront rappelés infra lors de la présentation des recettes.
Malgré des recettes fiscales très inférieures au niveau attendu, le présent projet de loi ne constate qu'une dégradation assez limitée du déficit, qui est de 173 milliards d'euros en exécution, par rapport à celui prévu fin 2023 en loi de finances de fin de gestion (171,2 milliards d'euros).
Facteurs d'évolution du solde entre la loi de finances initiale, la loi de finances de fin de gestion et le projet de loi relatif aux résultats de la gestion
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir de l'exposé des motifs du projet de loi relatif aux résultats de la gestion
L'explication est une très nette sous-exécution des dépenses, inférieures de 7,7 milliards d'euros au niveau prévu en loi de finances de fin de gestion.
Cet écart présenté par le Gouvernement comme un effort de « maîtrise des dépenses des ministères »16(*) résulte plutôt, comme l'a déjà constaté la mission d'information sur la dégradation des finances publiques précitée, d'une série d'expédients budgétaires qui ne correspondent pas à de véritables mesures d'économie, avec notamment le report à 2024 de dépenses sur la mission « Défense » et du financement de la fin du guichet « aide aux entreprises énergo-intensives ».
Grâce à ces mesures qui vont en réalité contribuer à l'accroissement des dépenses en 2024, l'écart entre la loi de finances de fin de gestion et l'exécution, qui est de 1,7 milliard d'euros, est moindre que les années récentes, qui avaient vu des évolutions très importantes du solde entre l'estimation faite lors de la présentation de la loi de finances rectificative de fin d'année et le déficit constaté en loi de règlement.
Écart entre le solde budgétaire
prévu en fin d'exercice
et celui constaté en
exécution
(en milliards d'euros)
Note de lecture : différence entre le solde budgétaire exécuté et le solde prévu dans le tableau de financement de la dernière loi de finances rectificative promulguée ou de la loi de finances de fin de gestion de l'exercice.
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
* 13 Projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023, exposé des motifs.
* 14 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire relative aux recettes fiscales en 2023.
* 15 Dégradation des finances publiques : entre pari et déni, rapport d'information n° 685 (2023-2024) fait par Jean-François Husson au nom de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, déposé le 12 juin 2024.
* 16 Exposé des motifs du présent projet de loi relatif aux résultats.