N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2023,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11a
Écologie, développement et mobilité durables

(Programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité », 181 « Prévention des risques »,
174 « Énergie, climat et après-mines », 345 « Service public de l'énergie », 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires »)
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE
Rapporteur spécial : Mme Christine LAVARDE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3

Sénat : 32 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Sur l'exercice 2023, les dépenses de la mission s'élèvent à 41,3 milliards d'euros en AE et à 40,3 milliards d'euros en CP, ce qui représente des augmentations respectives de 3,1 % et 11,8 % par rapport à l'exécution en 2022. Au niveau de l'ensemble des programmes de la mission, l'exécution des crédits de la mission en 2023 s'est révélée quasiment conforme aux prévisions inscrites en loi de finances initiale : le taux d'exécution de la mission est de 100,3 % en AE, et de 100,04 % en CP. En comparaison, les crédits avaient fortement été surexécutés en 2022 (+ 65 % pour les AE et + 52,3 % pour les CP). Toutefois, cette apparente stabilité masque des différences parfois importantes entre les programmes.

2. Tous les programmes n'ont en effet pas eu une exécution conforme aux prévisions. En premier lieu, certains ont été surexécutés, et notamment ceux relatifs aux transports. Le programme 205 « Affaires maritimes, pêche et agriculture », a connu une dépense de 368,0 millions d'euros en AE et 356,6 millions euros en CP, alors que 257 millions d'euros en AE et 251 millions d'euros en CP étaient inscrits en loi de finances initiale. Le programme 203 « Infrastructure et services de transport » a connu également une consommation de 8,1 milliards d'euros en AE et 8,6 milliards d'euros en CP, contre des prévisions de respectivement 6,3 milliards d'euros et 6,2 milliards d'euros.

3. Inversement, plusieurs programmes ont été sous-exécutés. Alors que 21 milliards d'euros étaient inscrits en AE et CP sur le programme 345 « Service public de l'énergie », 20,2 milliards d'euros (AE et CP) ont finalement été consommés. Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique » a été exécuté en AE conformément aux prévisions, mais en CP il a connu une sous-consommation de 198,3 millions d'euros, ce qui correspond à 39,7 % des crédits du programme. Un milliard d'euros inscrits sur MaPrimeRénov' (programme 174, « Energie, climat et après-mines ») n'ont pas non plus été consommés. Les sur-exécutions et sous-exécutions des différents programmes de la mission en 2023 se ainsi sont compensées les unes les autres pour aboutir à une exécution très proches des prévisions, et il est nécessaire d'étudier chacun des programmes pour avoir un profil réel de l'exécution budgétaire.

4. Le plafond d'autorisations d'emplois (PAE) de la mission, fixé pour 2023 à 35 478 ETPT, est respecté. En exécution, il s'est élevé à 35 166, soit une sous-exécution de 312 ETPT, contre une sous-exécution de 349 ETPT en 2022 et de 149 ETPT en 2021. L'année 2023 poursuit le processus de « requalification » des emplois du ministère de la transition écologique, initié en 2022 : 187 emplois de catégorie A ont été créés par rapport au schéma d'emploi initial, tandis que 207 emplois de catégorie C ont été supprimés par rapport à ce même schéma.

5. Avec 301,7 millions d'euros consommés alors que 500 millions d'euros étaient prévus, le taux d'exécution en CP du programme 380 « fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », dit « fonds vert », s'établit seulement à 67 %. De nombreux projets subventionnés n'ont en effet pas pu être engagés en 2023, et ne le seront qu'en 2024. Toutefois, l'annulation de crédits décidée en février 2024 sur le fonds vert, ainsi que la très importante mise en réserve des crédits décidée au même moment, à hauteur de deux-tiers des crédits restants, interroge fortement sur la capacité du fonds à accompagner les projets lancés en 2023 et à subventionner de nouveaux projets en 2024.

6. Portés par le dynamisme du dispositif du bonus électrique, les crédits consommés au titre des aides à l'acquisition de véhicules propres ont progressé de 17 % en 2023.

7. Jusqu'en 2023, les aides à l'acquisition de véhicules propres financées par les contribuables français revenaient à subventionner l'industrie automobile chinoise. Le rapporteur spécial avait alors vivement dénoncé cette situation, appelant le Gouvernement à concevoir d'urgence un mécanisme tenant compte de l'empreinte carbone des véhicules sur l'ensemble de leur cycle de vie. À la fin de l'année 2023, le Gouvernement avait fini par mettre en oeuvre un dispositif de conditionnement du bonus électrique qui répond à la recommandation qu'avait formulé le rapporteur.

8. En 2023, les crédits consommés sur le programme 345 « Service public de l'énergie » se sont élevés à 20,2 milliards d'euros, en hausse de 67 % par rapport à 2022 en raison du coût des mesures de soutien exceptionnelles mises en oeuvre pour atténuer les effets de la crise des prix de l'énergie qui s'est déclenchée à l'automne 2021. Ainsi, en 2023, 75 % des crédits consommés sur le programme 345 l'ont été pour financer le coût net de ces dispositifs d'aides aux consommateurs d'énergie.

9. La crise des prix de l'énergie a profondément affecté le mécanisme de compensation des charges de service public de l'énergie (CSPE) suivi sur le programme 345. Aussi, en 2023, en raison de l'augmentation inédite des prix de l'électricité sur les marchés de gros, le fonctionnement habituel des mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) s'est inversé pour constituer des prélèvements sur les revenus exceptionnels perçus par les producteurs. Le traitement individuel de la situation de chaque producteur a conduit le ministère de la transition énergétique à constater des recettes exceptionnelles à hauteur de 11,5 milliards d'euros au cours de l'exercice 2023.

10. La situation de crise a mis en exergue les imperfections du fonctionnement du programme 345. Il n'est pas acceptable qu'en gestion, les versements effectués à EDF au titre des compensations de CSPE jouent le rôle de variable d'ajustement budgétaire du programme. En effet, par pure opportunité, pour lisser de façon pluriannuelle la consommation des crédits, l'État ajuste ses versements à EDF. Cette pratique, qui conduit à procéder à des reports de charges significatifs et très fluctuants d'une année sur l'autre, entache l'autorisation budgétaire, le principe d'annualité ainsi que la sincérité des crédits inscrits au programme 345 en loi de finances initiale.

11. La sortie de crise qui doit s'accompagner d'un bilan approfondi des conséquences de celles-ci sur le modèle actuel mais aussi des mesures dérogatoires qui ont été prises pour l'ajuster, semble être un moment idoine pour concevoir une réforme du mécanisme de compensation des charges de service public de l'énergie et de sa traduction budgétaire. Deux lignes directrices devraient guider cette réforme : lisibilité et respect du principe d'autorisation budgétaire donnée par le Parlement.

12. Au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial s'était indigné de l'insuffisance manifeste des informations retracées dans le projet annuel de performances ainsi que dans les objets d'amendements déposés par le Gouvernement de l'époque, en cours d'examen, et qui avaient pourtant profondément bouleversé l'équilibre budgétaire du programme 345. Certes l'information contenue dans les annexes budgétaires a depuis été améliorée mais le rapporteur spécial regrette de constater à nouveau des incohérences manifestes de chiffres dans le contenu du rapport annuel de performances 2023.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2023 : UNE EXÉCUTION PROCHE DES PRÉVISIONS À L'ÉCHELLE DE LA MISSION, QUI CACHE TOUTEFOIS DES DISPARITÉS IMPORTANTES ENTRE LES PROGRAMMES.

Avec 41,3 milliards d'euros en AE et 40,3 milliards d'euros en CP, le niveau de dépenses de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en 2023 est supérieur en AE et en CP de ce qu'il était en 2022 : il est en progression respectivement de 3,1 % et de 11,8 %.

Cette hausse est cependant faible en comparaison de l'écart entre la prévision et l'exécution de la mission en 2022. En effet, à la fin de l'année, les dépenses de la mission s'étaient élevées à 40,1 milliards d'euros en AE et 36 milliards d'euros en CP, contre respectivement 24,3 milliards d'euros et 23,7 milliards d'euros en loi de finances initiale. Le taux d'exécution était alors de 165 % en AE et 152,3 % en CP.

En effet, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » a connu de très nombreuses ouvertures de crédits dans le sillage des dispositifs d'aide exceptionnels mis en place pour répondre à la crise énergétique, à la suite de la guerre en Ukraine. En particulier, les crédits du programme 174 « Energie, climat et après-mines » avaient quasiment triplé (de 3,2 milliards d'euros en prévision à 9,2 milliards d'euros en exécution), et 3,7 milliards d'euros avaient été ouverts sur le programme 345 « Service public de l'énergie ».

Par conséquent, alors que l'année 2022 était une année caractérisée par des mouvements de crédits majeurs au sein de la mission, l'année 2023 est davantage celle de la stabilisation et de la poursuite des « aides énergie ».

Par conséquent, l'écart entre la prévision et l'exécution des crédits de la mission est loin d'être aussi important en 2023 qu'il l'était en 2022, même si cette apparente stabilité cache des différences significatives entre les différents programmes.

Évolution des crédits de la mission
« Écologie, développement et mobilité durables »
entre 2022 et 2023

(en millions d'euros)

Programme

2022

2023

Exécution
/prévision 2023

Exécution 2022/2023

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

En volume

En %

En volume

En %

203 « Infrastructures et services de transport »

AE

6 502,3

10 887,8

6 341,9

8 113,5

1 771,6

28,0

- 2 774,3

- 25,5

CP

6 243,0

8 755,1

7 116,7

8 624,0

1 507,3

21,2

- 131,1

- 1,5

205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture »

AE

197,1

263,1

257,0

368,0

111

43,2

104,9

39,9

CP

197,7

240,0

251,0

356,6

105,6

42,1

116,6

48,6

113 « Paysages, eau et biodiversité »

AE

254,1

316,5

280,9

326,2

45,3

16,1

9,7

3,1

CP

254,1

310,7

280,9

339,3

58,4

20,8

28,6

9,2

159 « Information géographique et cartographique »

AE

471,1

480,3

499,8

497,6

- 2,2

- 0,4

17,3

3,6

CP

471,1

479,8

499,8

497,2

- 2,6

- 0,5

17,4

3,6

181 « Prévention des risques »

AE

1 074,4

1 029,4

1 146,9

1 107,2

- 39,7

- 3,5

77,8

7,6

CP

1 079,2

1 041,1

1 149,9

1 109,3

- 40,6

- 3,5

68,2

6,6

174 « Énergie, climat et après-mines »

AE

3 620,2

11 184,4

5 792,9

4 864,3

- 928,6

- 16,0

- 6 320,1

- 56,5

CP

3 197,3

9 218,0

5 563,8

4 986,8

- 577

- 10,4

- 4 231,2

- 45,9

345 « Service public de l'énergie »

AE

8 449,3

12 139,3

21 000

20 169,9

- 830,1

- 4,0

8 030,6

66,2

CP

8 449,3

12 138,8

21 000

20 170,2

- 829,8

- 4,0

8 031,4

66,2

217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables »

AE

2 886,9

2 966,6

2 989,8

2 965,5

- 24,3

- 0,8

- 1,1

0,04

CP

2 929,5

3 015,5

3 006,9

2 994,4

- 12,5

- 0,4

- 21,1

- 0,7

355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État »

AE

836,0

824,4

900

905,4

5,4

0,6

81

9,8

CP

836,0

824,4

900

905,4

5,4

0,6

81

9,8

380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires »

AE

-

-

2 000

1 999,4

- 0,6

- 0,03

-

-

CP

-

-

500

301,7

- 198,3

- 39,7

-

-

Total

AE

24 291,1

40 091,8

41 209,2

41 317,0

107,8

0,3

1 225,2

3,1

CP

23 657,3

36 023,4

40 269,0

40 284,8

15,8

0,04

4 261,4

11,8

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

À première vue, l'exécution des crédits de la mission en 2023 semble être, fait rare, quasiment conforme aux prévisions inscrites en loi de finances initiale. En effet, lorsque l'on considère les chiffres totaux, le taux d'exécution de la mission est de 100,3 % en AE, et de 100,04 % en CP.

Cependant, cette correspondance entre la prévision et l'exécution n'est plus constatée à l'échelle des programmes :

- le programme 203, « Infrastructure et services de transport » a connu une consommation de 8,1 milliards d'euros en AE et 8,6 milliards d'euros en CP, contre des prévisions de respectivement 6,3 milliards d'euros et 6,2 milliards d'euros ;

- le programme 205 « Affaires maritimes, pêche et agriculture », a été exécuté à hauteur de 368,0 millions d'euros en AE et 356,6 millions d'euros en CP, contre des prévisions de 257 millions et 251 millions d'euros ;

- alors que 21 milliards d'euros étaient inscrits en AE et CP sur le programme 345 « Service public de l'énergie » 20,2 milliards d'euros (AE et CP) ont finalement été consommés ;

- le programme 174, « Energie, climat et après-mines » a également une sous-exécution importante. Alors que 5,8 milliards d'euros en AE et 5,6 milliards d'euros en CP étaient prévus en loi de finances initiales, ce sont 4,9 milliards d'euros en AE et 5 milliards d'euros en CP qui auront finalement été consommés. La majeure partie des crédits non consommés étaient inscrits sur le dispositif « MaPrimeRénov' » ;

- enfin, bien que le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique » a été exécuté en AE conformément aux prévisions, en CP il a connu une sous-consommation de 198,3 millions d'euros, soit de 39,7 % des crédits du programme.

Les sur-exécutions et sous-exécutions en 2023 des différents programmes se sont ainsi compensées les unes les autres pour aboutir à une exécution très proches des prévisions, mais cette égalité est seulement un hasard mathématique, et dit en réalité peu de choses de l'exécution réelle des crédits de la mission. Il convient donc d'examiner séparément chacun des programmes, pour avoir une véritable vue d'ensemble de l'exercice budgétaire de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en 2023.

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