II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. EN NE PROPOSANT PAS AU PARLEMENT DE PROGRAMMATION DES INVESTISSEMENTS DANS LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORTS, L'ANCIEN GOUVERNEMENT S'ÉTAIT MIS « HORS-LA-LOI »

1. Pourtant moins exposées aux volatilités de la conjoncture, les recettes de l'AFIT ont été inférieures de 64 millions d'euros à la prévision initiale

Le panier de ressources affectées à l'AFIT a longtemps été caractérisé par sa volatilité qui était contraire à la dimension structurelle et pluriannuelle des dépenses portées par l'agence. La crise sanitaire, qui s'était traduite par un effondrement du rendement de plusieurs d'entre-elles avait illustré ce phénomène, menaçant la pérennité des investissements dans les infrastructures de transport du pays.

À ce titre, le rapporteur salue l'augmentation substantielle en 2023 du montant d'accise sur les énergies2(*) affecté à l'AFIT. Prévue dans la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 20233(*), cette mesure rend le panier de ressources de l'agence moins volatile.

À la faveur de la sortie de crise du secteur, le montant de l'écocontribution versée par le transport aérien a nettement progressé en 2023, atteignant un niveau de 226 millions d'euros très proche du plafond d'affectation à l'agence qui était alors fixé à 230 millions d'euros4(*). Le produit de la redevance domaniale versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) a également poursuivi son redressement après une baisse conjoncturelle liée aux répercussions de la crise sanitaire sur le trafic autoroutier. Les recettes issues des amendes de radars automatiques se sont maintenues en 2023 mais à un niveau inférieur de 30 % à la prévision initiale.

Depuis 2021, l'AFIT est la victime collatérale d'un différend entre l'État et les SCA. Engagées dans un contentieux relatif à l'indexation de la TAT, les SCA refusent de s'acquitter de la contribution annuelle de 60 millions d'euros qu'elles doivent à l'AFIT. « Otage de ce conflit », l'AFIT a d'ores et déjà subi un déficit de recettes cumulé de 180 millions d'euros entre 2021 et 2023.

Les recettes de l'AFIT en 2023

(en millions d'euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

LFI 2023

Exécution 2023

Variation exécution 2023/2022

Variation LFI 2023 / exécution 2023

Taxe d'aménagement du territoire

472

523

459

561

561

561

561

-

-

Redevance domaniale

347

357

365

336

370

370

402

+ 8,6 %

+ 8,6 %

Amendes radars

248

228

167

271

178

250

178

-

- 28,8 %

TICPE

1 028

1 206

1 587

1 285

1 248

1 908

1 908

+ 52,9 %

-

Écocontribution billets d'avion

-

-

-

-

138

163

226

+ 63,8 %

+ 38,7 %

Plan de relance autoroutier

100

60

58

-

-

-

-

-

-

Produits exceptionnels

35

89

-

-

2

3

4

+ 100,0 %

33,3 %

Dotations budgétaires diverses de l'État

-

-

250

100

82

-

-

-

-

Versements de la mission « Plan de relance »5(*)

-

-

-

599

660

498

409

- 38,0 %

- 17,9 %

Total

2 231

2 462

2 886

3 152

3 239

3 753

3 689

+ 13,9 %

- 1,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les budgets et rapports d'activité de l'AFITF

Bien qu'elles progressent, les ressources encaissées par l'AFIT en 2023 ont une nouvelle fois été inférieures aux prévisions de la LFI. Cet écart de 64 millions d'euros est cependant en nette amélioration par rapport à celui qui avait constaté les années précédentes6(*). Il résulte des recettes issues des amendes de radars automatiques.

2. Comme chaque année, les dépenses effectives de l'AFIT ont été inférieures aux prévisions du budget initial

Jusqu'en 2023, les dépenses annuelles7(*) de l'AFIT étaient prévues par la programmation figurant à l'article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM).

Dépenses de l'AFIT prévues à l'article 2 de la LOM
exprimées en crédits de paiement sur la période 2019-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après l'article 2 de la LOM

La consommation d'AE de l'AFIT a représenté 3,5 milliards d'euros en 2023, en baisse de 8 % par rapport à 2022. Ce montant est également inférieur de 17 % par rapport au budget initial de l'agence (4,2 milliards d'euros).

Comme il a pu le souligner dans ses précédents rapports budgétaires, le rapporteur s'interroge sur la récurrence de ces sous-consommations de crédits. Tous les ans, les dépenses exécutées sont nettement inférieures aux prévisions du budget initial.

Ces sous-consommations observées sur les autorisations d'engagement s'expliquent principalement par le caractère structurellement très inférieur aux prévisions des appels de fonds des collectivités concernant les appels à projets relatifs aux transports collectifs en site propre (TCSP). Une des raisons de ce phénomène est l'insuffisante régularité de ces appels à projets qui conduit certaines collectivités à déposer des projets non matures de peur de rater l'opportunité offerte par un appel à projet et parce qu'elles n'ont aucune visibilité sur la date à laquelle le suivant sera lancé.

Pour corriger ces effets contreproductifs qui nuisent à la programmation du financement des infrastructures de transports, à l'avenir, le rapporteur recommande de lancer des appels à projets annuels.

La consommation totale de CP par l'AFIT en 2023 s'est quant à elle établie à 3,6 milliards d'euros, soit une hausse substantielle de 9 % par rapport à 2022 et un niveau nettement supérieur à la trajectoire fixée par la LOM (2,8 milliards d'euros). Même en déduisant les montants exceptionnels attribués à l'AFIT dans le cadre du plan de relance (0,4 milliard d'euros en 2023), le total des investissements réalisés par l'agence en 2023 demeure supérieur à la trajectoire de la LOM. Le rapporteur note que c'est la première année pour laquelle cette analyse peut être vérifiée.

CP consommés par l'AFITF de 2016 à 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les budgets et rapports d'activité de l'AFIT

Le rapporteur regrette cependant qu'en 2023 encore, certes dans une proportion moindre qu'au cours des exercices 2021 et 2022, les dépenses exécutées par l'AFIT (3,6 milliards d'euros) aient été inférieures de près de 200 millions d'euros (5 %) au montant prévu dans le budget initial (3,8 milliards d'euros).

Différence entre les CP programmés dans le budget initial de l'AFIT
et les CP réellement consommés (2019-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les budgets et rapports d'activité de l'AFIT

Ces sous-consommations proviennent principalement des investissements dans les infrastructures ferroviaires et, dans une moindre mesure, des investissements dans les infrastructures routières.

Le total des crédits consommés en 2023 par l'AFIT selon les différents modes de transports est présenté dans le tableau suivant :

Dépenses de l'AFIT par destination en 2023

(en millions d'euros)

Domaine

AE

%

CP

%

Ferroviaire

1 318

38 %

1 277

36 %

Routes

1 124

32 %

1 229

34 %

Fluvial

232

7 %

154

4 %

Maritime

46

1 %

68

2 %

Transports en commun et mobilités actives

757

22 %

745

20 %

Divers et support

29

1 %

112

3 %

Totaux

3 507

 

3 586

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après le budget exécuté de l'AFIT

Évolution des crédits de paiement consommés par l'AFIT
en faveur des infrastructures ferroviaires, routières
et des transports en commun et mobilités actives (2017-2023)

(en millions d'euros)

TCM : transports en commun et mobilité verte.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les budgets et rapports d'activité de l'AFIT

Après une forte progression entre 2018 et 2020, les dépenses de l'AFIT dans les infrastructures ferroviaires ont eu tendance à se stabiliser depuis à environ 1,3 milliard d'euros. Les dépenses relatives aux infrastructures routières ont poursuivi leur progression en 2023 pour s'établir à 1,2 milliard d'euros. Les dépenses affectées aux transports collectifs en agglomération et aux mobilités actives ont également augmenté en 2023 pour atteindre 0,7 milliard d'euros, ce qui représente une multiplication par 3 des montants qui y étaient consacrées avant 2021.

3. À ce jour il n'existe plus de programmation des investissements dans les infrastructures de transport en France

La trajectoire pluriannuelle des investissements de l'AFIT dans les infrastructures prévue par la LOM s'est achevée en 2023. Elle n'a toujours pas été renouvelée depuis, ce qui a fait dire au rapporteur dans son rapport budgétaire relatif à la LFI pour 2024 que « les infrastructures de transports en France sont orphelines d'une programmation financière ».

Le 24 février 2023, le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) avait remis un rapport8(*) devant servir de base à la construction de cette nouvelle programmation. Le rapporteur a déjà eu l'occasion de saluer le travail d'analyse du COI. Si la Première ministre de l'époque avait déclaré vouloir prendre pour base de travail le scénario dit de « planification écologique » suggéré par le COI, rien n'était ensuite venu étayer cette déclaration par ailleurs beaucoup trop floue.

Pour mettre un terme à cette situation d'incertitude, le rapporteur réitère sa conviction qu'il est nécessaire, comme l'exigent les dispositions de l'article 3 de la LOM, que la nouvelle trajectoire prévisionnelle d'investissements de l'AFIT soit inscrite dans la loi.


* 2 Ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

* 3 Qui en a augmenté le plafond d'affectation de 1,2 milliard d'euros à 1,9 milliard d'euros.

* 4 Il a été relevé à 252 millions d'euros à compter de 2024 par la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 5 Programmes 362 et 364.

* 6 241 millions d'euros en 2022 à titre d'exemple.

* 7 Exprimées en crédits de paiements.

* 8 Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition, COI, décembre 2022.

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