B. LE CHOIX DE FAIRE FINANCER PAR LA SNCF L'INTÉGRALITÉ DES DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES DE RÉGÉNÉRATION ET DE MODERNISATION DU RÉSEAU N'AIT PAS SANS FAIRE PESER DES MENACES SUR LE SYSTÈME FERROVIAIRE NATIONAL
En 2023, les concours versés à SNCF Réseau inscrits à l'action 41« Ferroviaire » du programme 203 ont diminué de 6 %. Cet effet est lié aux versements de subventions d'investissements à SNCF Réseau en lien avec les 4,05 milliards d'euros qui lui ont été alloué par l'État dans le cadre du plan de relance ferroviaire. En retraitant les conséquences de ce phénomène, les concours à SNCF Réseau sont en augmentation de 26 % en 2023, principalement sous l'effet d'une augmentation de 0,8 milliard d'euros des crédits issus du fonds de concours dédié à la régénération du réseau alimenté par une part des résultats de l'opérateur SNCF Voyageurs.
Les dépenses consacrées aux redevances d'accès au réseau versées par l'État pour les trains express régionaux (TER), les trains d'équilibre du territoire (TET) ainsi que la compensation dédiée aux activités de fret ferroviaire n'ont augmenté que de 1 % en 2023 pour s'établir à 2,7 milliards d'euros.
Dans un rapport d'information de mars 20229(*) les rapporteurs spéciaux Hervé Maurey et Stéphane Sautarel avaient manifesté leur très vive préoccupation quant à l'état actuel et aux perspectives de dégradation du réseau ferroviaire. Ils avaient alors recommandé d'augmenter de 1 milliard d'euros les investissements dans la régénération des infrastructures ferroviaires. Face aux retards considérables de la France en la matière, ils avaient dans ce même rapport appelé à programmer et financer les programmes de modernisation du réseau ferroviaire que sont la commande centralisée du réseau (CCR)10(*) et l'ERTMS11(*).
Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) rendu public en février 2023 a formulé exactement les mêmes recommandations tant sur les opérations de régénération que sur les programmes de modernisation. À l'occasion de la remise du rapport du COI, la Première ministre de l'époque avait alors annoncé un plan ferroviaire dans lequel étaient également inclus ces recommandations. Elle s'était alors engagée à ce que les investissements dans la régénération et la modernisation augmentent progressivement de 1,5 milliard d'ici à 2027 : 1 milliard d'euros pour la régénération et 0,5 milliard d'euros pour la modernisation.
Cet engagement était cependant trop imprécis et la trajectoire de montée en puissance des investissements est toujours inconnue à ce jour faute d'une révision du contrat de performance de SNCF Réseau. Malgré les promesses de l'ancien Gouvernement, cette révision indispensable, d'un document qui constitue le support des investissements dans les infrastructures ferroviaires, n'a toujours pas abouti. Le rapporteur s'inquiète de ce délai.
Par ailleurs, lors de l'examen de la LFI pour 2024, le rapporteur a déjà eu l'occasion de manifester sa profonde inquiétude à propos du choix des modalités de financement des investissements supplémentaires dans la régénération et la modernisation du réseau. En effet, l'ancien Gouvernement avait clairement exprimé sa volonté de faire financer par la seule SNCF l'intégralité de cet effort.
Ce choix est risqué car il n'est pas garanti que la SNCF puisse supporter à elle-seule ce fardeau. En outre, si l'on raisonne à l'échelle du secteur ferroviaire dans son ensemble, il apparaît contreproductif à plusieurs égards et en contradiction avec le développement de la concurrence et les objectifs de développement de la mobilité ferroviaire :
- il conduirait à accroître le lien de dépendance financière entre SNCF Réseau et l'opérateur de transport de voyageurs historique SNCF Voyageurs ;
- il pourrait se traduire par un effet d'éviction au détriment d'autres investissements de la SNCF, notamment en matière de renouvellement de son matériel roulant, et freiner ainsi le développement de la mobilité ferroviaire ;
- il aurait un effet inflationniste sur le prix des billets du fait de la pression financière qu'il ferait peser sur SNCF Voyageurs.
* 9 Comment remettre la SNCF sur rail ? Modèle économique de la SNCF et du système ferroviaire : il est grand temps d'agir, Rapport d'information n° 570 (2021-2022) de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, fait au nom de la commission des finances, 9 mars 2022.
* 10 La commande centralisée du réseau (CCR) doit se traduire par la création de « tours de contrôle » à grand rayon d'action permettant de centraliser la régulation des circulations. La CCR est un levier d'efficience considérable. Son déploiement permettrait de remplacer les 2 200 postes d'aiguillages actuels (1 500 pour le réseau structurant), auxquels plus de 13 000 agents sont affectés, par une quinzaine de tours de contrôle. D'après la Cour des comptes la baisse d'effectifs consécutive pourrait atteindre 40 %.
* 11 L'ERTMS est un système de signalisation de nouvelle génération, interopérable au niveau européen et permettant de réduire l'intervalle entre les trains. Aussi permet-il d'augmenter la cadence du trafic (de quatre trains par heure sur les LGV), d'accroître la performance du réseau, d'améliorer la régularité du trafic ainsi que l'offre de sillons, en particulier aux opérateurs de fret ferroviaire.