B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Une hausse continue des crédits qui doit interroger sur la trajectoire budgétaire dans le contexte de réforme de l'audiovisuel public
La trajectoire d'économies sur cinq ans de 190 millions d'euros demandée aux sociétés d'audiovisuel public par le Gouvernement a pris fin en 2022, chacune d'entre elles ayant été mises à contribution. Les crédits accordés à l'audiovisuel public ont augmenté de près de 100 millions d'euros entre 2022 et 2023 et de 389 millions d'euros entre 2023 et 2024. Cette dernière hausse devait être initialement de 209 millions d'euros, mais 20 millions de crédits ont été annulés par le décret de février 202410(*). La moitié de la hausse des crédits accordée entre 2022 et 2024 a bénéficié à France Télévisions.
La prochaine génération des contrats d'objectifs et de moyens (COM) conclus entre l'État et l'audiovisuel public pour la période 2024-2028 devrait prévoir un maintien de cette trajectoire haussière de 446 millions d'euros supplémentaires accordés entre 2024 et 2028. Étant donné le contexte budgétaire actuel, il est étonnant de voir l'audiovisuel public dispensé des efforts demandés à la plupart des opérateurs de l'État et sociétés publiques.
En outre, cette trajectoire s'inscrit dans un contexte général de réorganisation d'ensemble de l'audiovisuel public, la proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyant la mise en place à partir de 2025 d'une holding commune à toutes les sociétés d'audiovisuel public devant vraisemblablement être modifiée à l'Assemblée nationale afin d'aller vers une fusion de tout ou partie de ces sociétés à partir du 1er janvier 202611(*). Les conséquences budgétaires de ces évolutions législatives sont en tout état de cause difficilement prévisibles pour l'heure.
2. L'urgence d'une solution de financement pérenne
À l'initiative du Sénat, l'article 6 de la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoit que l'affectation d'une fraction du produit de TVA au financement de l'audiovisuel public devra prendre fin au 31 décembre 2024.
Il s'agit, de la sorte, de respecter la nouvelle rédaction de l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances telle qu'issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (article 3). Celle-ci prévoit en effet, à compter de la loi de finances pour 2025, que pour un tiers (hors organismes de sécurité sociale ou collectivités territoriales) bénéficiant déjà d'une affectation de taxe, celle-ci ne peut être maintenue que si elle est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or le lien entre consommation et audiovisuel public apparaît difficile à étayer.
En conséquence, le mode de financement de l'audiovisuel public à partir de 2025 n'est toujours prévu par aucun texte. Les députés Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon, respectivement président et rapporteur de la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public, dont les conclusions ont été présentées en juin 2023, avaient, à l'issue des travaux de la mission, déposé une première proposition de loi organique (PPLO).
Celle-ci comportait deux volets :
- une pérennisation du système actuel d'affectation de TVA pour les organismes de l'audiovisuel public ;
- une ouverture pour la mise en place d'un prélèvement sur recettes spécifiques pour Arte.
Cette première proposition de loi organique n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Les mêmes Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon ont déposé le 10 mai 2024 une nouvelle proposition de loi organique, qui sera la version du texte discutée prochainement à l'Assemblée nationale. Son article unique prévoit la possibilité d'instaurer en loi de finances un prélèvement sur recettes à destination des sociétés de l'audiovisuel public. Cette solution était jugée « peu réaliste » par le rapporteur spécial du compte de concours financiers en 202212(*).
L'impréparation des gouvernements successifs s'agissant du futur du financement de l'audiovisuel public a été maintes fois soulignée. Alors que le temps disponible pour mener à bien cette réforme se compte désormais en mois, voire en semaines compte tenu du calendrier parlementaire, il est plus qu'urgent de trouver une solution budgétaire satisfaisante et pérenne pour l'audiovisuel public. C'est la raison pour laquelle il convient de se féliciter de l'inscription à l'ordre du jour le 23 octobre prochain de la proposition de loi organique portant réforme de l'audiovisuel public. Le maintien d'un financement de l'audiovisuel public par l'affectation d'un montant annuel de TVA, adopté par la commission des finances sur proposition du rapporteur, devra constituer une solution lisible et claire pour l'audiovisuel public.
* 10 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 11 Proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, n° 1350, déposée à l'Assemblée nationale le mercredi 14 juin 2023.
* 12 Changer de cap pour renforcer la spécificité, l'efficacité et la puissance du service public, rapport d'information n° 651 (2021 2022) de MM. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances - 8 juin 2022.