II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE EXÉCUTION EN HAUSSE DU PROGRAMME 123 « CONDITIONS OUTRE-MER »

1. L'exécution du programme 123 est globalement en hausse

L'exécution du programme 123 par rapport aux crédits ouverts en LFI s'établit à 963,7 millions d'euros en AE (soit 101,1 % des crédits ouverts en LFI 2023) et à 829,4 millions d'euros en CP (soit 105,8 % des crédits ouverts). Cette situation contraste par rapport au taux de consommation de 97,9 % des CP en 2022. Ce constat est toutefois à relativiser en raison des mouvements de gestion intervenus en cours d'exercice. La consommation des crédits disponibles au cours de l'exercice 2023 n'est que de 90,9 % sur le programme 123. D'autres progrès doivent encore être réalisés pour consommer l'ensemble des crédits dont ont besoin les territoires d'outre-mer.

Le rapporteur spécial note toutefois que l'exécution des crédits du programme 123 est en hausse de 22 % par rapport à 2022, essentiellement en raison de l'action 6 - Collectivités territoriales, dont l'exécution a augmenté de 116 millions d'euros.

Décomposition par actions de la hausse de l'exécution du programme 123

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme 123 a été particulièrement impacté par la gestion de la crise de l'eau à Mayotte : 11 millions d'euros ont été débloqués au titre du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) et 10,5 millions d'euros au titre des contrats de convergence et de transformation (CCT). La loi de finances de fin de gestion pour 2023 a débloqué 63,3 millions d'euros en AE et 52 millions d'euros en CP, complétés par 11,3 millions d'euros issus du dégel de la réserve de précaution. Fin décembre 2023, 21,8 millions d'euros ont été engagés pour répondre aux urgences liées à la crise de l'eau à Mayotte. La commission des finances a d'ailleurs demandé un rapport à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances sur « la gestion de l'eau et l'assainissement dans les outre-mer » qui devrait faire l'objet d'une audition pour suite à donner et d'un rapport d'information des rapporteurs spéciaux en 2025.

La hausse constatée des dépenses engagées est toutefois en grande partie liée à une meilleure exécution des crédits du programme 123. En particulier, la hausse de l'exécution de l'action 1 - Logement, qui comprend la Ligne budgétaire unique, est satisfaisante et saluée par le rapporteur spécial, et confirme l'inversion de la tendance baissière des crédits consommés de ce budget entre 2012 et 2020.

Évolution des crédits ouverts et consommés de la ligne budgétaire unique
entre 2011 et 2023

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. La hausse de l'exécution des crédits du programme 123 est due essentiellement à l'action 6 - Collectivités territoriales

L'action 6 du programme 123 recouvre trois types de crédits :

- les dotations aux collectivités territoriales et financements adaptés à leurs spécificités afin de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des populations ultramarines, notamment en termes d'éducation, en prenant en compte les particularités de ces collectivités et en répondant, par des crédits spécifiques, aux handicaps structurels des outre-mer. Il s'agit donc de maintenir la capacité financière des collectivités d'outre-mer par le versement de dotations ;

- les secours d'urgence et de solidarité nationale liés aux calamités ;

- les actions de défense et de sécurité civile.

En 2023, l'action 6 a été dotée de 274,7 millions d'euros en CP en LFI. La consommation s'est établie à 292,3 millions d'euros en CP, soit un taux de consommation de 106,4 % et une hausse de l'exécution d'un tiers entre 2022 et 2023.

La sur-exécution de ce programme est liée :

- d'une part à l'aide exceptionnelle de 37 millions d'euros versée à la caisse locale de retraites du régime handicap et perte d'autonomie de la Nouvelle-Calédonie, financée via un transfert du programme 138 et par un dégel des crédits mis en réserve sur le programme 123 ;

- d'autre part à une subvention versée à la collectivité départementale de Mayotte, pour un montant de 50 millions d'euros ouverts en loi de finances de fin de gestion.

3. Malgré des crédits en hausse, les dépenses prévues dans le cadre des CCT et CDEV n'ont pas été exécutées en intégralité

Les crédits de l'action 2 du programme 123 visent à contribuer au développement économique et social ainsi qu'à la transition écologique et énergétique des territoires ultramarins. L'action 2 cofinance les projets d'investissements structurants portés par les collectivités territoriales d'outre-mer via, notamment, les contrats de convergence et de transformation (CCT)8(*) qui succèdent aux contrats de plan État-Région (CPER) et qui ont pour objectif d'investir en faveur du développement des territoires, tout en prenant en compte les spécificités et les besoins des territoires d'outre-mer. L'année 2023 est la dernière année de la première génération des CCT. Dans l'attente d'une nouvelle génération de CCT, des avenants de reconduction ont été conclus en 2023 à hauteur de 30,34 millions d'euros.

Exécution des contrats de convergence et de transformation 2019-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le niveau de consommation est, pour les CCT de la Guyane, de Mayotte et Saint-Martin, décevant dans la mesure où les taux d'engagement sont inférieurs à 80 % à la fin des contrats. L'entièreté des crédits des CCT n'est pas engagée à la fin de l'année 2023, puisque l'exécution est inférieure de 76 millions d'euros aux AE programmées. Le rapporteur spécial regrette ce manquement.

Au titre des contrats de développement (CDEV), tous achevés en 2020 à l'exception de celui de la Nouvelle-Calédonie qui courait jusqu'à fin 2023, des CP ont été consommés en 2023 à hauteur de 57 millions d'euros en CP.

Le rapporteur spécial souligne que tous les contrats de développement sont désormais achevés et présentent une exécution inférieure de 73,6 millions d'euros aux AE programmés dans les contrats.

Qu'ils s'agissent des CDEV ou des CCT, la sous-exécution globale des engagements pris lors de la contractualisation témoigne notamment de moyens d'ingénierie insuffisants pour mobiliser l'intégralité des fonds prévus.

Exécution des contrats de développement 2012-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le Comité interministériel des outre-mer, organisé en juillet 2023, a annoncé la mobilisation de 2,2 milliards d'euros pour la nouvelle génération des CCT et des CDEV de 2024-2027. Le programme 123 en portera au total 822,2 millions d'euros sur la période, dont 157,3 millions d'euros ont déjà été inscrits en LFI 20249(*). Un CCT a été signé à Saint-Martin le 24 avril 2024 pour un montant de 115 millions d'euros, dont 43,5 millions d'euros apportés par l'État.

La négociation, actuellement en cours, pour l'élaboration d'une nouvelle génération de contrats doit tirer les enseignements des CCT et des contrats de développement achevés. Leur entière exécution dépendra des moyens d'ingénierie qui pourront accompagner ces contrats.

4. Une consommation du FEI en progrès

Les dépenses du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) s'élèvent à 69,9 millions d'euros en CP en 2023, soit une progression de 44 % des crédits exécutés depuis 2022. Si cette bonne exécution des CP témoigne d'une amélioration de l'ingénierie ainsi que d'une maturité plus grande des projets financés, l'exécution des crédits reste insuffisante. En effet, les AE restent sous-exécutées de 21 millions d'euros en 2023, ce qui a permis de financer notamment la crise de l'eau à Mayotte (voir infra).

De plus, dans le rapport sur le FEI10(*), le rapporteur spécial avaient souligné que « le choix était régulièrement fait de redéployer des crédits ouverts au titre du FEI sur d'autres dépenses d'investissements structurants. Ainsi, 7 millions d'euros ont été mobilisés chaque année depuis 2019, pour le financement du volet « sport » des CCT ». Ce constat est toujours vérifié aujourd'hui. De même, 0,7 millions d'euros ont été mobilisés pour la lutte contre les Sargasse.

Si le rapporteur spécial ne remet nullement en cause la nécessité de financer ces actions, il s'interroge sur l'origine des crédits. En effet, le plan Sargasses doit faire l'objet de crédits spécifiques au besoin avec des ouvertures en cours de gestion ou des dégels de réserve.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial réaffirme que le FEI ne peut être considéré comme une variable d'ajustement lors des arbitrages ministériels et recommande de mettre fin aux redéploiements récurrents en cours de gestion.

Ainsi sur les 6 dernières années, 480 millions d'euros d'AE ont été ouvertes et seuls 325,6 millions d'euros ont été engagés.

Évolution de la consommation des crédits FEI ouverts en LFI
entre 2018 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires


* 8 Ces contrats ont été signés le 8 juillet 2019 pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, les Régions Guadeloupe et La Réunion, le Département de Mayotte et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, le 22 juin 2020 pour Saint-Martin. Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 a été signé le 14 avril 2021 pour la Polynésie. La Nouvelle-Calédonie utilise un contrat de développement (CDEV) jusqu'en 2023.

* 9 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 10 11Rapport d'information n° 727 (2021-2022) du 22 juin 2022 des sénateurs Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH : « Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) : un outil souple et utile dont la gouvernance doit être améliorée ».

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