C. MENER UNE POLITIQUE VOLONTARISTE POUR RÉDUIRE LE NON-RECOURS AU MINIMUM VIEILLESSE

1. Actualiser régulièrement l'estimation du non-recours au minimum vieillesse

L'estimation la plus récente du non-recours à l'Aspa, publiée en 2022 par la Drees, concerne l'année 2016. En effet, elle s'appuie notamment sur l'échantillon inter-régimes (EIR), dont la dernière vague date de 2016.

Or il n'est pas possible de mener une politique effective de lutte contre le non-recours sans disposer de chiffres à jour permettant d'apprécier l'efficacité des actions menées.

Dans le Ralfss de mai 2024, la Cour des comptes préconise d'actualiser les estimations du non-recours aux minima sociaux63(*).

De même, la commission considère que le non-recours à l'Aspa doit faire l'objet d'une estimation régulière portant sur des données récentes. On pourrait par exemple imaginer une estimation simplifiée, périodiquement « recalée » sur la base de l'EIR.

Cette estimation devrait en outre être incluse dans le rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) relatif à la branche vieillesse, annexé au Placss64(*).

2. La crainte du recouvrement sur les successions comme frein au recours au minimum vieillesse : un enjeu désormais marginal ?

Les statistiques du non-recours au minimum vieillesse établies par la Drees dans son rapport de 2022 précité, renseignent que les taux de non-recours pour l'année 2016 sont particulièrement élevés parmi les personnes disposant d'un revenu mensuel inférieur de moins de 100 euros du plafond de l'Aspa (77 %), les propriétaires (72 %), ainsi que ceux ayant effectué une carrière complète (69 %). Ces données permettent de dresser un premier profil-type du non-recourant au minimum vieillesse, possiblement mû par la crainte qu'une partie de son patrimoine ne soit pas transmissible à ses héritiers après recouvrement par l'État des sommes perçues au titre du minimum vieillesse sur son actif successoral.

Selon la MSA lors de son audition par la rapporteure, cette crainte est particulièrement présente parmi les chefs d'exploitation et d'entreprises agricoles, et persiste malgré le retrait en 2011 du capital d'exploitation agricole parmi l'actif net successoral saisissable des bénéficiaires du minimum vieillesse le capital.

Le législateur a récemment rehaussé le seuil de patrimoine permettant la récupération des sommes versées au titre de l'Aspa sur la succession des bénéficiaires. Ce rehaussement étant intervenu aux termes de la loi du 14 avril 2023 réformant les retraites, ses effets sur le non-recours à l'Aspa ne peuvent toutefois pas encore être quantifiés.

En 2021, le montant total des récupérations sur succession s'élevait à 92 millions d'euros, ce qui représente moins de 3 % des sommes versées au titre du minimum vieillesse.

Compte tenu du caractère récent du rehaussement du seuil, le rapporteur suggère de prendre le temps d'apprécier ses effets, avant de prendre, le cas échéant, d'autres mesures relatives au recouvrement sur les successions.

Les règles encadrant le recouvrement des sommes versées
au titre de l'Aspa sur la succession des bénéficiaires

Les sommes versées au titre de l'Aspa peuvent faire l'objet d'une récupération sur la succession du bénéficiaire à son décès, si l'actif net de la succession, à savoir le montant du patrimoine après déduction des dettes, excède un seuil de 105 300 euros pour les personnes résidant en métropole, et de 150 000 euros pour les personnes résidant dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte). Ces seuils ont été relevés par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2023 réformant le système des retraites, mesure soutenue par la commission des affaires sociales du Sénat. Ils étaient auparavant de 39 000 euros pour les personnes résidant en métropole et de 100 000 euros pour celles résidant en outre-mer, ce dernier seuil ayant fait l'objet d'un rehaussement en 2017.

Les sommes versées au titre de l'Aspa qui peuvent être récupérées sur la succession font l'objet d'un plafond fixé par décret, qui s'élevait au 1er janvier 2024 à 8 207,37 euros par an pour une personne seule et 10 980,22 euros par an pour un couple65(*).

Le recouvrement sur la part de succession attribuée aux ayants-droits que sont le membre du couple survivant et les héritiers qui, à la date du décès de l'allocataire, étaient à sa charge et âgés de moins de 65 ans ou de 60 ans en cas d'inaptitude au travail ou d'un âge inférieur dans certains cas d'invalidité, peut être différé jusqu'à leur décès66(*).

Depuis 2011, sont exclus de l'actif successoral saisissable des agriculteurs, le capital d'exploitation agricole (à savoir les terres, le cheptel mort ou vif, les bâtiments d'exploitation ainsi que les éléments végétaux constituant le support permanent de la production que sont les arbres fruitiers ou les vignes) ainsi que les bâtiments indissociables ( soit les bâtiments d'habitation occupés à titre de résidence principale par le bénéficiaire de l'allocation et les membres de son foyer mitoyens des bâtiments d'exploitation, et autres bâtiments affectés à l'usage exclusif de l'exploitation et qui sont implantés sur les mêmes terres où dans une limite proche).

3. Les efforts d'information des assurés portant sur les droits qui leur sont ouverts doivent être poursuivis et mieux évalués

Depuis 2019, la lutte contre le non-recours figure dans les missions des organismes nationaux de sécurité sociale du régime général. Aux termes de l'article L. 261-1 du Code de la sécurité sociale, « les organismes de sécurité sociale [...] mènent toutes actions de nature à détecter les situations dans lesquelles des personnes sont susceptibles de bénéficier de droits ou de prestations et à accompagner ces personnes dans l'accès à leurs droits et au service des prestations auxquelles elles peuvent prétendre. Ils mènent ces actions, en tant que de besoin, en lien avec les autres administrations ou organismes disposant d'informations pouvant contribuer à identifier les situations de non-recours ».

Les caisses nationales de la branche vieillesse ont détaillé auprès de la rapporteure les actions de non-recours aux droits qu'elles mènent. Elles croisent ainsi des données des pensionnés relatives au montant de leurs droits ainsi qu'aux aides perçues, telles que l'aide à l'acquisition de la complémentaire santé, dont les conditions d'éligibilité sont presque identiques à celles de l'Aspa. Les caisses se heurtent cependant à l'impossibilité de connaître l'ensemble des ressources de personnes poly-pensionnées, ainsi que celles de leur foyer fiscal lorsqu'ils ne vivent pas seuls. Ces actions de ciblage se concentrent en conséquence sur des personnes seules et mono-pensionnées, dont le montant de la pension est inférieur au seuil de l'Aspa, et qui remplissent les conditions d'âge et de résidence pour y être éligibles. Une fois ces personnes identifiées, elles sont contactées par les caisses régionales qui leur proposent d'effectuer les démarches nécessaires afin de bénéficier de l'Aspa. Les démarches aboutissent à l'octroi de la prestation dans des proportions variables selon les caisses : entre 57 % des personnes éligibles pour la Carsat Nord et 29 % pour la Carsat Auvergne en 202067(*).

Les caisses mènent également des actions indirectes visant à mieux informer les usagers de leurs droits avant leur ouverture. En 2023, la MSA a ainsi mené sur les réseaux sociaux une campagne de sensibilisation à la hausse du seuil de l'actif net successoral recouvrable. Elle prend également l'attache de ses pensionnés l'année précédant leur éligibilité à l'Aspa afin de les informer de ce droit dont ils disposent. Les résultats de ces campagnes d'accès aux droits ne sont pas toujours évalués.

Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 202468(*), la Cour des comptes préconise de renforcer le suivi des campagnes nationales tendant à réduire le non-recours (que ce soit ou non dans le cas de l'Aspa) afin d'en améliorer les résultats. La commission ne peut qu'abonder en ce sens.


* 63 La Cour des comptes estime, s'agissant du RSA, de la prime d'activité, de la complémentaire santé solidaire sans participation financière et de l'Aspa, qu'« il conviendrait d'actualiser ces estimations ».

* 64 Le Repss 2023 de la branche vieillesse mentionne le taux de non-recours de 50 %, mais sans en faire un indicateur.

* 65 Article D. 815-3 du Code de la sécurité sociale.

* 66 Article D. 815-7 du Code de la sécurité sociale.

* 67 Le non-recours des personnes âgées aux droits et aux services, Retraite et société, numéro 87, 2021/3.

* 68 Cour des comptes, « La qualité des services rendus par les caisses de sécurité sociale du régime général », rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024.

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