C. DES RISQUES POUR LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La proposition comporte également des risques pour la libre administration et l'autonomie financière des collectivités territoriales, principes protégés respectivement par les articles 72 et 72-2 de la Constitution.

En effet, les lois portant cadre financier pluriannuel contiendraient des dispositions relatives à la trajectoire de prélèvements obligatoires. Or, les ressources fiscales, qui sont au coeur de la mise en oeuvre du principe d'autonomie financière, représentent plus de la moitié des ressources des administrations publiques locales. Ces lois comporteraient également une stratégie d'investissement public, dont on sait qu'il est majoritairement porté par les administrations publiques locales.

Ainsi, il est à craindre qu'un instrument de cette nature puisse être utilisé par le Gouvernement pour contraindre davantage les finances des collectivités.

D. UNE PRIMAUTÉ SUR LES LOIS DE FINANCES ET DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE QUI REPOSE SUR DES BASES INCERTAINES

L'enjeu de l'effectivité de la primauté des lois portant cadre financier pluriannuel pose en outre la question des critères qui pourraient être retenus pour l'exercice du contrôle qui serait opéré par le Conseil constitutionnel. Il apparaît à cet égard problématique de fixer, dans la Constitution, des critères de finances publiques, comme le fait la présente proposition de loi. Cela emporte des risques de contradiction avec le cadre européen, qui s'est avéré évolutif, comme en atteste sa récente réforme en 2024.

En tout état de cause, les critères de finances publiques susceptibles d'être retenus posent une difficulté majeure au regard du contrôle de constitutionnalité. Donner une portée contraignante à une norme de déficit, ou à tout autre critère intégrant des prévisions de recettes, serait problématique : peut-on envisager la censure d'une loi de finances sur la base d'un indicateur prévisionnel ? De même, le recours à des critères de déficit ou de dépense publique globale pose un problème de périmètre : peut-on envisager la censure d'une loi de finances, qui porte sur l'État, sur la base d'un critère portant sur toute la sphère publique ? Le seul critère qui paraît pouvoir être utilisé aisément serait celui d'un montant plafond de crédits, mais il soulève un problème de nature politique, puisque cela reviendrait à figer dans la Constitution une certaine conception de la consolidation des finances publiques, centrée sur la réduction de la dépense, là où d'autres conceptions privilégieraient un renforcement des recettes. Si le rapporteur partage cette première conception sans réserve, il se doit de relever que la Constitution n'a en principe pas vocation à arbitrer un tel différend.

Quels que soient les critères retenus, le Conseil constitutionnel serait placé dans une position, inhabituelle pour lui, de juge financier. Comment pourrait-il, par exemple, apprécier le réalisme de prévisions de recettes, ou prendre en compte, dans l'hypothèse plausible où le cadre organique le lui permettrait, des circonstances exceptionnelles, se faisant juge de l'urgence économique ? On peut imaginer que le Conseil se limiterait à une logique de « tout ou rien », qui pourrait être une source d'insécurité budgétaire importante.

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