E. UNE RIGIDITÉ PROBLÉMATIQUE POUR LA CONDUITE DE LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE

En raison de sa rigidité, le cadre juridique envisagé par la présente proposition de loi constitutionnelle serait problématique pour la conduite de la politique budgétaire, en particulier dans le contexte actuel marqué par de fortes incertitudes économiques.

En effet, dans le contexte de la crise financière mondiale de 2008-2010 puis de la crise de la Covid-19, le législateur a pu adopter des plans d'urgence et de relance massifs dans des délais très brefs, qui ont joué un rôle important pour préserver les entreprises et les ménages ainsi que pour relancer l'économie. Or, les conditions d'une telle réactivité seraient ici rendues très difficiles à atteindre.

F. EN CONCLUSION : LES CHOIX BUDGÉTAIRES SONT ET DOIVENT RESTER DES CHOIX POLITIQUES

Au vu des problèmes juridiques qu'elle soulève, il apparaît donc qu'une telle réponse constitutionnelle ne saurait constituer l'instrument approprié pour répondre à la situation actuelle des finances publiques.

La procédure mise en place au niveau européen, qui implique un dialogue annuel entre le Gouvernement et les instances politiques de l'Union permettant de se livrer à une analyse fine de la situation financière, paraît davantage adaptée à la complexité de la politique budgétaire. Ce cadre, comme l'a clairement posé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012, n'impose pas de révision constitutionnelle.

Or, les règles européennes ont vocation à s'appliquer à la France de façon rigoureuse dans les années à venir. La forte dégradation des finances publiques constatée depuis 2020 est intervenue dans un contexte de suspension de ces règles européennes liée à la crise sanitaire. Cette clause est désormais levée et, depuis une décision du Conseil de l'Union européenne du 26 juillet 2024, la procédure pour déficit excessif a été déclenchée à l'encontre de la France.

Au vu de l'ensemble de ces considérations, la commission n'a pas adopté le dispositif proposé tendant à la création de lois portant cadre financier pluriannuel. Les choix budgétaires sont et doivent rester des choix éminemment politiques, relevant de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement. Le constat, certes alarmant, qui peut être porté sur notre situation budgétaire et la nécessité de respecter nos engagements européens doivent donner lieu à une réelle prise de conscience et surtout une réaction politique forte, sans laquelle aucun redressement des finances publiques ne sera possible, et à laquelle ni le droit ni le juge ne pourront se substituer.

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