TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE
DES RESSOURCES ET DES CHARGES

ARTICLE 41

Équilibre général du budget, trésorerie et
plafond d'autorisation des emplois

Cet article traduit l'incidence, sur l'équilibre prévisionnel du budget 2025, des évaluations de recettes et des ouvertures de crédits réalisées par le projet de loi de finances. Il détermine également les modalités de financement de l'État.

Le solde budgétaire de l'État serait, selon le texte initial du projet de loi de finances, négatif à hauteur de - 142,1 milliards d'euros. Le besoin de financement résultant de ce déficit et de l'amortissement de la dette à moyen et long terme serait satisfait, à titre principal, par une émission de dette à moyen et long terme à hauteur de 300,0 milliards d'euros.

Cet article tirant pour l'essentiel les conséquences des votes portant sur les autres articles, la commission propose de l'adopter tel qu'il résultera des votes du Sénat.

I. LE DROIT EXISTANT : LA LOI DE FINANCES PRÉCISE LES DONNÉES GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE ET DU FINANCEMENT DE L'ÉTAT

Le dernier article de la première partie de la loi de finances, dit « article d'équilibre », met habituellement en application plusieurs dispositions de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances757(*) (LOLF).

Les 7° et 8° du I de cet article prévoient que la loi de finances de l'année, dans sa première partie :

- arrête les données générales de l'équilibre budgétaire, présentées dans un tableau d'équilibre ;

- comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État et évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l'équilibre financier, présentées dans un tableau de financement.

La première partie de la loi de finances doit également fixer un plafond pour la variation nette de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an ainsi que, pour chaque budget annexe, le plafond de l'encours total de dette autorisé ( du même I de l'article 34).

Enfin elle arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus de recettes (10°). Cette dernière disposition, qui était mise en oeuvre dans l'article d'équilibre dans chaque loi de finances jusqu'à l'exercice 2023, n'était pas présente dans la loi de finances pour 2024.

La clause d'utilisation des surplus de recettes fiscales

Cette clause, dont l'introduction a été l'objet principal de la première révision de la loi organique en 2005758(*), a été présente dans toutes les lois de finances de 2006 à 2023, dans une rédaction strictement identique. Les surplus de recettes obtenus en cours d'exercice étaient calculés en comparant le montant des recettes fiscales évaluées à l'état A, hors remboursements et dégrèvements d'impôts, lors du dernier texte financier de l'année759(*) et le même montant évalué dans la loi de finances initiale. La clause prévoyait que les surplus éventuels étaient utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire et non pour financer de nouvelles dépenses.

Cette clause ne fait certes pas partie du domaine obligatoire des lois de finances tel que délimité par le III de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances et n'avait qu'une portée juridique limitée. En effet, il peut paraître superfétatoire d'expliquer qu'une recette nouvelle réduit le déficit, puisque c'est bien ce qui se passe mécaniquement en l'absence d'ouverture de crédits. Or, une loi de finances rectificative prise pour ouvrir de nouveaux crédits pourrait revenir, explicitement ou implicitement, sur cette règle d'utilisation des surplus. Cette clause avait tout de même, selon un commentaire publié par le Conseil constitutionnel en 2005760(*), outre une vertu d'information du Parlement, une portée véritable à l'égard du pouvoir réglementaire, empêchant en pratique d'ouvrir par la voie du décret d'avance des crédits qui seraient gagés sur la constatation de recettes nouvelles761(*).

Cette clause a ainsi eu pour ambition, au moins au cours des premières années d'application de la LOLF, d'améliorer la transparence sur l'utilisation des recettes nouvelles constatées en cours d'année : la loi de finances rectificative de fin d'année 2007 a ainsi précisé explicitement que le surplus de recettes constaté au cours de l'année finançait, à hauteur de 735 millions d'euros, le coût pour l'État des dispositions de la loi « TEPA »762(*), et ne contribuait à la réduction du déficit budgétaire que pour le solde763(*).

Source : commission des finances

Alors que le tableau d'équilibre met en regard les ressources et les charges des trois grandes catégories de comptes du budget de l'État (budget général, budgets annexes, comptes spéciaux), le tableau de financement indique les besoins à financer, principalement constitués par le refinancement de la dette à moyen et long terme existante et le déficit budgétaire de l'année, ainsi que les ressources utilisées pour assurer ce financement : la plus importante est l'émission de dette à moyen et long terme, les autres étant notamment la variation de l'encours de dette à court terme, les ressources diverses de court terme et la trésorerie de l'État.

Les deux tableaux sont reliés par le montant du solde budgétaire qui, lorsqu'il est négatif, constitue un déficit devant nécessairement être financé.

Déficit et consommation de crédits reportés

Le déficit habituellement présenté par le Gouvernement dans le projet de loi de finances initiale n'inclut pas les prévisions de consommation de crédits reportés depuis l'exercice précédent.

Il n'est donc que partiellement comparable avec celui indiqué, depuis 2021, dans le tableau de financement des lois de finances rectificatives, qui inclut les prévisions de consommation sur crédits reportés, et de la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes, qui inclut les dépenses réellement effectuées, donc y compris les consommations sur crédits reportés et sur fonds de concours.

Source : commission des finances

Le tableau d'équilibre constitue une simple récapitulation des dispositions présentées dans les états A à E et dans le tableau de synthèse des comptes spéciaux, annexés au projet de loi de finances, qui décrivent précisément les prévisions de recettes et les crédits des missions budgétaires.

L'article d'équilibre comporte également des dispositions diverses relatives notamment à la variation nette, appréciée en fin d'année et en valeur nominale, de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an ainsi qu'au plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État, exprimé en équivalents temps plein travaillés (ETPT).

La révision de la loi organique en date du 28 décembre 2021764(*) a modifié la présentation du tableau d'équilibre.

D'une part, le dernier alinéa de l'article 10 de la loi organique prévoit que les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux sont désormais pris en compte dans les dépenses nettes. En outre, le tableau d'équilibre ne présente plus les recettes et les dépenses du budget général sous formes à la fois brute et nette, la différence étant égale à la totalité des remboursements et dégrèvements : une ligne unique de recettes et de dépenses présente désormais les recettes et dépenses brutes minorées des seuls remboursements et dégrèvements d'État.

D'autre part, le 7° précité de l'article 34 de la loi organique prévoit que le tableau d'équilibre distingue les ressources de fonctionnement et d'investissement et les charges de fonctionnement et d'investissement prévues par le projet de loi de finances (voir infra), ce qui a conduit à ajouter quatre colonnes supplémentaires dans le tableau d'équilibre.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE 142,1 MILLIARDS D'EUROS

Le présent article est présenté en trois paragraphes.

Le I contient le tableau d'équilibre qui définit le solde budgétaire, négatif à hauteur de 142,1 milliards d'euros dans le projet de loi de finances déposé à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement indique toutefois, dans l'exposé des motifs, qu'il fixe une cible de déficit de 135,6 milliards d'euros, à atteindre par voie d'amendements au cours des débats parlementaires.

Ce solde est calculé par addition des soldes respectifs du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux. Sur le périmètre du budget général, le solde résulte de l'écart entre les ressources (recettes fiscales nettes et non fiscales, moins les prélèvements sur recettes) et les charges (dépenses nettes).

Construction du solde budgétaire de l'État dans le tableau d'équilibre

(en milliards d'euros)

PSR : prélèvements sur recettes. CCO-COM : solde des comptes de commerce et des comptes d'opérations monétaires.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances pour 2025

En application de la révision précitée de la loi organique du 28 décembre 2021, ce tableau présente désormais, outre le niveau des ressources et des charges, quatre colonnes supplémentaires : ressources de fonctionnement, ressources d'investissement, charges de fonctionnement et charges d'investissement, chaque ligne de recette ou de dépense du tableau étant décomposée suivant ces axes.

Comme le montre le graphique précédent, les recettes et les dépenses d'investissement sont extrêmement minoritaires sur le budget général, notamment parce que le produit des impôts est classé entièrement parmi les ressources de fonctionnement et que les dépenses d'intervention, ainsi que les prélèvements sur recettes, sont classées en fonctionnement, quelle que soient les dépenses finales qu'elles contribuent à financer. En revanche, les recettes et les charges d'investissement sont prépondérantes parmi les crédits des comptes spéciaux, car l'ensemble des recettes et des crédits des comptes de concours financiers sont classés dans cette catégorie.

Cette présentation complexe du tableau d'équilibre, qui résulte largement de conventions comptables, ne présente par conséquent qu'une valeur ajoutée limitée, comme l'avait fait remarquer la commission des finances lors de l'examen de la réforme de la loi organique765(*).

L'ensemble des données de ce tableau constitue une récapitulation des recettes discutées en première partie ou des dépenses discutées en seconde partie de la loi de finances766(*). Elles ont donc vocation à être mises à jour lorsque les recettes ou les dépenses sont modifiées en cours de discussion. 

Le II définit dans son 1° le tableau de financement constitué du besoin de financement et des ressources qui le comblent.

Le besoin de financement est de 313,2 milliards d'euros et comprend deux composantes principales : l'amortissement de la dette à moyen et long termes, à hauteur de 174,8 milliards d'euros (dont 172,7 milliards d'euros pour le remboursement du nominal à valeur faciale et 2,1 milliards d'euros pour les suppléments d'indexation versés à l'échéance) et le déficit à financer, qui correspond en loi de finances initiale au déficit budgétaire résultant du tableau d'équilibre, soit 142,1 milliards d'euros. Les autres composantes sont l'amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau (1,1 milliard d'euros), les décaissements au titre des programmes d'investissements d'avenir (1,0 milliard d'euros) et l'annulation des opérations budgétaires sans impact en trésorerie767(*) (- 5,8 milliards d'euros).

La principale ressource de financement consiste en l'émission de dette à moyen et long termes (OAT ou obligations assimilables du Trésor), nettes des rachats, qui s'élève en 2023 à 300,0 milliards d'euros.

Tableau de financement

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances

Le même II autorise, dans son 2°, le ministre chargé des finances à procéder aux opérations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État.

Il fixe, dans son , le plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an à un niveau de 127,3 milliards d'euros, soit un montant égal à la différence entre les émissions de dette à moyen et long terme nettes des rachats (300,0 milliards d'euros) et le montant du remboursement du nominal à valeur faciale (172,7 milliards d'euros).

En application du 9° du I de l'article 34 de la loi organique aux lois de finances, modifié par la révision de la loi organique du 28 décembre 2021, le II fixe également le plafond de l'encours total de dette autorisé pour les budgets annexes.

Le III fixe le plafond des autorisations d'emplois rémunérés par l'État à un niveau de 2 007 005 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Cet alinéa récapitule le montant total des plafonds d'autorisations d'emploi de l'État précisé par l'article 40 du présent projet de loi et a donc vocation à être mis à jour en cas de modification de cet article.

Enfin, comme la loi de finances pour 2024, le présent projet de loi de finances ne contient pas la clause d'affectation des surplus décrite supra.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du présent projet de loi de finances, celui-ci est considéré comme ayant été rejeté et le présent article n'a pas été adopté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER UN ARTICLE DE RÉCAPITULATION

Les grands éléments de l'équilibre budgétaire, ainsi que du financement du déficit, ont été présentés de manière détaillée dans l'exposé général du présent rapport.

Le présent article tire les conséquences des votes effectués et n'appelle donc pas d'autres observations.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article tel qu'il résultera des votes du Sénat.


* 756 En prix de 2020.

* 757 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 758 Article 1er de la loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005 modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 759 Soit la dernière loi de finances rectificative ou, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas eu de loi de finances rectificative en fin de gestion, dans la loi de finances initiale de l'exercice suivant.

* 760 Conseil constitutionnel, commentaire de la décision n° 2005-517 DC du 7 juillet 2005, relative à la loi organique précitée du 12 juillet 2005.

* 761 En application du premier alinéa de l'article 13 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un décret d'avance peut « gager » des ouvertures de crédit en annulant d'autres crédits ou en constatant des recettes supplémentaires.

* 762 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 763 Voir l' article 7 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, modifiant l'article d'équilibre de la loi de finances initiale.

* 764  Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 765 Rapport n° 831 (2020-2021) de Jean-François Husson et Claude Raynal, fait au nom de la commission des finances sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, déposé le 15 septembre 2021, présentation de l'article 5.

* 766 Le solde des comptes de commerce et celui des comptes d'opérations monétaires sont indiqués dans une annexe au projet de loi de finances.

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