D. UNE ÉVALUATION PLUS RÉALISTE DES DÉPENSES D'IMMOBILIER PERMET DE COMPENSER LE MAINTIEN À UN NIVEAU ÉLEVÉ DES DÉPENSES NUMÉRIQUES ET DE SÉCURITÉ

1. Tirant les leçons de leur sous-exécution chronique, le ministère prévoit une évaluation plus réaliste des dépenses immobilières pour 2025 qui devra être reportée dans la programmation pluriannuelle

Les dépenses d'entretien et de maintenance immobilière en France, par rapport à l'exercice précédent sont relativement stables s'agissent des autorisations d'engagement qui s'élèvent à 24,4 millions d'euros en AE (+ 0,4 %). En revanche, les crédits de paiement reculent sensiblement (- 6,5 %), pour atteindre 34 millions d'euros en 2025. Une partie de la baisse des CP résulte du décaissement progressif des crédits sur des projets programmés au cours des exercices précédents. Certaines dépenses, comme les contrats de fourniture d'électricité et de gaz, sont également sensibles à l'inflation.

Les dépenses d'entretien lourd en France représentent, au sein de cette enveloppe, une dotation de 7,5 millions d'euros en AE et de 9,7 millions d'euros en CP, en baisse par rapport à l'année passée. Les principales opérations concerneront, à Paris, la rénovation d'une partie de l'hôtel du ministre (rénovation des cuisines et installation d'un transformateur électrique et d'un groupe électrogène) et, à Nantes, la rénovation des cuisines de l'hôtel de Breil.

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière
de la mission en France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Concernant dépenses d'entretien et de maintenance à l'étranger, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit l'ouverture de 101,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 94,3 millions en crédits de paiement. Il s'agit d'une baisse conséquente de cette enveloppe, de l'ordre de 10 %, par rapport à l'exercice précédent. Cette réduction de près de 10 millions d'euros des dépenses d'immobilier à l'étranger correspond, selon les auditions menées par les rapporteurs spéciaux, à une « rationalisation » des dépenses immobilières du ministère prenant en compte la sous-consommation de ses crédits de paiement constatée lors des années précédentes.

Le rapporteur spécial Nathalie Goulet se félicite de cet effort de rationalisation soudainement engagé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et rappelle avoir déposé au cours de l'examen des crédits de la mission pour 2024, au nom de la commission des finances, un amendement visant notamment à réduire de cinq millions d'euros les dépenses d'immobilier, pour ces mêmes raisons. Pour mémoire, le précédent gouvernement avait, à l'époque, émis un avis défavorable justifié par le souci de maintenir « l'augmentation des moyens que nous avons collectivement appelée de nos voeux ».

Pour 2025, comme les années précédentes, l'essentiel de l'enveloppe repose sur les dépenses d'entretien lourd à l'étranger, avec 59,5 millions d'euros en AE et 52,3 millions d'euros en CP. Elles visent à couvrir l'ambitieuse programmation du schéma directeur immobilier pluriannuel pour l'étranger (Sdipe) 2021-2025, qui prévoit la mise en oeuvre de 188 projets structurants. Ces dépenses d'entretien lourd comprennent également une dotation d'un million d'euros pour le financement de diagnostics préalables afin d'accélérer la transformation écologique des emprises du ministère, en réponse à l'une des recommandations exprimées lors des états généraux de la diplomatie.

À noter que la hausse des dépenses d'entretien lourd à l'étranger correspond à la rebudgétisation de ces opérations sur le programme 105 engagée à partir 2020 depuis le compte d'affectation spéciale « immobilier ».

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière
de la mission à l'étranger

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les dépenses d'immobilier du MEAE, en France comme à l'étranger, se caractérisent toutefois par une sous-exécution chronique des crédits. Le budget géré par la direction de l'immobilier et de la logistique du ministère a ainsi été sous-consommé à hauteur de 19 millions d'euros en 2023. Dans le même sens, les annulations et surgels de crédits opérés en 2024 sur la mission « Action extérieure de l'État » se sont particulièrement concentrés sur la dotation affectée à l'immobilier et se sont élevés à 16,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Cette sous-exécution concerne particulièrement les dépenses d'entretien lourd à l'étranger. Deux facteurs d'explication sont avancés par le Quai d'Orsay :

- d'une part, les aléas dans la conduite opérationnelles des travaux, découlant de la difficulté de mener les procédures de sélection des prestataires ou de la dégradation de la situation sécuritaire de certaines régions ;

- d'autre part, des délais de livraison des travaux, parfois très longs, ralentissent le taux de consommation des crédits de paiement.

De plus, la direction du budget estime que le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) 2020-2025 et le schéma directeur immobilier pluriannuel pour l'étranger (Sdipe) 2021-2025, respectivement destinés à la programmation des dépenses d'immobilier en France et à l'étranger, s'étaient montrés trop optimistes dans les capacités du ministère à décaisser ces crédits. Dans le même sens, dans le cadre de leurs travaux de contrôle budgétaire sur l'immobilier du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, les rapporteurs spéciaux Vincent Delahaye et Rémi Féraud avaient souligné la qualité variable des documents de programmation fournis par le ministère et les postes diplomatiques31(*).

Afin de pallier la récurrence de la sous-consommation des crédits de la politique immobilière du MEAE, il importe, pour le ministère, de :

fiabiliser la programmation des crédits de la politique immobilière du Quai d'Orsay, afin d'aligner l'enveloppe ouverte en loi de finances avec le rythme de décaissement des crédits de paiement. Pour ce faire, le prochain SPSI et le prochain Spide devront présenter une vision plus réaliste de la capacité du ministère à conduire ses opérations de travaux ;

poursuivre les efforts de recensement du patrimoine du ministère à l'étranger. Le MEAE a indiqué poursuivre des campagnes d'évaluation de ses actifs immobiliers à l'étranger et disposer d'un inventaire finalisé pour 111 pays sur 169 comportant une emprise française. Pour autant, les rapporteurs spéciaux relèvent que ce chiffre n'a pas progressé par rapport au printemps 2023.

2. Les dépenses de numérique sont stabilisées, dans un contexte de modernisation des outils informatiques du MEAE

Les dépenses consacrées au numérique et à la télécommunication, qui avaient connu une hausse significative entre 2023 et 2024, demeurent stables en 2025. Le présent projet de loi de finances prévoit l'ouverture de 58 millions d'euros en AE et de 57,5 millions d'euros en CP, pour un montant similaire l'année passée.

Depuis 2021, le MEAE a porté un effort significatif pour renforcer ses moyens numériques, en application du plan de transformation numérique du Quai d'Orsay32(*). Dès 2019, le ministère s'est doté d'une direction du numérique (Dinum), dont les effectifs ont largement bénéficié de l'augmentation du plafond d'emplois de la mission. Cette même année, l'enveloppe consacrée aux systèmes d'information et de télécommunications se situait à 38,7 millions d'euros.

Pour 2025, au sein de cette enveloppe et en raison d'une augmentation des postes et des licences informatiques, le coût des dépenses de bureautique progresse pour revenir à son niveau de 2023 avec 17,95 millions d'euros en AE comme en CP.

3. Les dépenses de sécurité se stabilisent à un niveau élevé, après avoir augmenté de moitié depuis 2020, du fait de la multiplication des menaces sur les emprises

Dans un contexte sécuritaire dégradé dans de nombreuses zones géographiques, l'accroissement des moyens du programme 105 depuis 2020 a permis au ministère d'engager un renforcement des dépenses de sécurité, en particulier à l'étranger. Entre 2020 et 2025, les crédits dédiés à la sécurité du réseau diplomatique à l'étranger ont augmenté de moitié. La multiplication des menaces pesant sur les postes diplomatiques français, en particulier ceux situés dans les pays de « l'arc de crise » (Sahel et Moyen-Orient) a justifié une remise à niveau de la sécurisation des sites, plus spécifiquement au regard des moyens de sécurité dite passive.

S'il est indispesable d'assurer la sécurité de nos emprises, et alors que le ministère évoquait l'année dernière un effet de rattrapage pour justifier cette hausse, le rapporteur spécial sera attentif à une stabilisation de cette enveloppe dans les années à venir.

Avec 66,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (- 5,5 % par rapport à 2024) et 70,1 millions d'euros en crédits de paiement (+ 3,8 % par rapport à 2024), les moyens consacrés à la sécurité à l'étranger opèrent une relative stabilisation. La hausse des CP s'explique par la finalisation de projets engagés au cours des exercices 2023 et 2024.

Évolution des dépenses de sécurité à l'étranger entre 2020 et 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les dépenses de sécurité engagées par le ministère à l'étranger sont de deux ordres :

- d'une part, les mesures visant à l'entretien des dispositifs existants et à leur maintien en condition opérationnelle. Il s'agit tout particulièrement des dépenses de gardiennage, poussée à la hausse par l'inflation soutenue dans certaines régions du monde, mais également le financement des dépenses de fonctionnement liées à l'entretien des mesures de sécurité passives (télésurveillance, dispositifs anti-intrusion...) et de l'acheminement des renforts de gendarmerie en cas de crise ;

- d'autre part, le financement d'investissements en matière de sécurité passive33(*) dont la répartition est déterminée en fonction du risque sécuritaire évalué par pays, selon une classification par catégorie de pays établie par le MEAE.

Une enveloppe, au volume plus faible, est également consacrée aux dépenses de sécurité en France où les besoins d'investissement du ministère sont largement moindres. Elle se situe en 2025 à 13,6 millions d'euros en AE=CP, en baisse de près de 5 % par rapport à 2024.


* 31 Communication de Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur l'immobilier du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, présentée à la commission des finances le 11 juillet 2023.

* 32 Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Plan de transformation numérique, 2021.

* 33 Les équipements de sécurité passive visent, par leur présence, à ralentir d'éventuels assaillants et à limiter la gravité des incidents.

Partager cette page