N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 31

SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE

Rapporteur spécial : M. Éric JEANSANNETAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

I. UNE DIMINUTION DES CRÉDITS SUR L'ENSEMBLE DE LA MISSION POUR DES RAISONS PRINCIPALEMENT CONJONCTURELLES

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » connaît une diminution de 12,8 % de ses crédits de paiement (CP) en 2025, pour atteindre 1 578,8 millions d'euros en crédits de paiement, qui est portée par le programme 219 « Sport » (- 182 millions d'euros) ainsi que le programme 350, « Jeux olympiques et paralympiques 2024 » (- 85,5 millions d'euros). Une grande partie de cette baisse s'explique par la fin des financements exceptionnels pour Paris 2024, l'autre facteur important étant la décision de financer le plan « 5 000 équipements sportifs - Génération 2024 » par des reports de crédits en 2025. Le Gouvernement a également prévu de réaliser 55 millions d'euros d'économies sur la mission par voie d'amendement, qui ne sont pas encore détaillées.

À l'inverse, les crédits du programme 168 « Jeunesse et vie associative » progresse de 4 %, mais cette hausse est intégralement due au rebasage de la subvention à l'Agence du service civique, qui vient compenser une diminution significative des financements du service national universel (SNU).

De la loi de finances initiale pour 2024 au projet de loi de finances
pour 2025 : principales évolutions proposées

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

II. LA POLITIQUE PUBLIQUE DU SPORT DOIT GÉRER « L'APRÈS JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES »

Le programme 219 « Sport » enregistre une diminution de 23,5 % en crédits de paiement entre 2024 et 2025. Cette baisse s'explique pour trois raisons principales :

- la fin des dépenses exceptionnelles pour les Jeux olympiques et paralympiques, pour un montant de 65,7 millions d'euros. Ces dépenses incluaient notamment le financement des primes aux médaillés, la billetterie populaire, et l'animation territoriale des Jeux ;

- la décision de financer le plan « 5 000 équipements sportifs - génération 2024 » par des reports de crédits en 2025, ce qui conduit à une baisse de 100 millions d'euros de CP. La loi de finances initiale pour 2024 avait en effet ouvert 100 millions d'euros pour le plan, mais la sélection des dossiers et l'engagement de constructions ayant pris du temps, 96 millions d'euros de crédits ne seront pas consommés à la fin de cette année ;

- enfin, des mesures d'économies pour 24,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 25,1 millions d'euros en crédits de paiement, qui concernent surtout le pass'sport ainsi que les dotations pour les grands évènements sportifs internationaux. À cela il faut ajouter une diminution de 6 millions d'euros du plafond des taxes affectées à l'Agence nationale du sport.

A. REPENSER LE FINANCEMENT DE L'AGENCE NATIONALE DU SPORT

La taxe Buffet, qui est entièrement affectée à l'Agence nationale du sport (ANS), soulève une nouvelle fois des interrogations sérieuses quant à la pérennité de son rendement, à la suite de la négociation à la baisse cet été des droits de la ligue 1 de football.

En effet, sur la période 2024-2029, la Ligue française de football (LFP) devrait percevoir au titre des droits télévisuels de la Ligue 1 et de la Ligue 2 un total de 678,5 millions d'euros par an, contre 743 millions d'euros par saison dans le cadre du contrat précédent. Ce manque à gagner aura des conséquences sur le rendement de la taxe Buffet jusqu'à l'exercice 2028, au minimum, qui devrait se traduire par une baisse des financements de l'ANS de 4 millions d'euros par an.

Le rendement de la taxe Buffet avait déjà été mis en doute lors de l'affaire « Médiapro ». La défaillance du diffuseur avait conduit à une forte diminution des droits de la Ligue 1, estimée à 575 millions d'euros, qui a conduit à un écart entre les prévisions et le rendement de 14,4 millions d'euros par an. Cette baisse de financement a été compensé par des crédits budgétaires inscrit pour l'ANS en 2023 et en 2024. Le rapporteur spécial souligne une nouvelle fois le risque d'une systématisation de la compensation de la taxe Buffet en cas de recettes inférieures aux prévisions.

Les finances publiques n'ont pas vocation à supporter les aléas de la négociation des droits audiovisuels des retransmissions sportives.

Cette baisse du plafond de taxe affectée n'est pas qu'un simple événement conjoncturel, mais elle montre de manière plus profonde les faiblesses du financement de l'ANS. Le rapporteur spécial ne plaide pas pour la suppression de l'affectation des taxes à l'Agence nationale du sport, celles-ci étant un symbole fort de la solidarité entre le sport professionnel et amateur, mais il soutient leur limitation, afin d'assurer un financement du sport pérenne.

B. UN PREMIER BILAN MONTRE QUE LA LIVRAISON DES OUVRAGES OLYMPIQUES S'EST FAITE DANS LE RESPECT DU CALENDRIER ET DE LA MAQUETTE BUDGÉTAIRE

Les dépenses liées à la préparation de Paris 2024 sont en voie d'extinction, ce qui se reflète logiquement dans la maquette budgétaire du programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques 2024 » : les autorisations d'engagement sont réduites à 3,3 millions d'euros, et les crédits de paiement diminuent de moitié pour atteindre 48,2 millions d'euros. Les crédits restants portent sur la conversion des bâtiments olympiques en bureaux et logements, au titre de l'héritage des Jeux.

Les ouvrages olympiques ont été livrés dans les temps et en respectant les contraintes budgétaires. La maquette financière initiale de la Solidéo élaborée en 2018 en prenant le cours de l'euro en 2016, prévoyait un financement public d'un montant de 1 378 millions d'euros.

En euros courants, le budget pluriannuel de la Solidéo est de 1 685 millions d'euros. En retirant l'effet de l'inflation, la livraison des Jeux olympiques et paralympiques aura coûté 1 398 millions d'euros (constants de 2016), soit une différence de seulement 1,5 % avec les prévisions.

Il est remarquable que la maquette financière de la Solidéo n'ait pas dérivé au-delà des effets de l'inflation. L'établissement a mis en place un système efficace de recueil de l'information et de contrôle des risques, qui a permis l'annulation et la réorientation rapide de tous les projets qui auraient pu conduire à un dépassement du budget.

En outre, en juillet 2024, la Solidéo a restitué 38,6 millions d'euros aux financeurs publics, dont 29,9 millions d'euros à l'État et 8,7 millions d'euros aux collectivités territoriales. Les sommes dévolues à l'État ont été affectées au Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) pour le financement des Jeux paralympiques.

III. ÉTABLIR DE NOUVELLES PRIORITÉS DANS LES POLITIQUES D'ENGAGEMENT DE LA JEUNESSE

A. LE SERVICE CIVIQUE DOIT DEMEURER LA POLITIQUE CENTRALE DE L'ENGAGEMENT DE LA JEUNESSE

Les crédits inscrits pour le service civique pour 2025 s'élèvent à 600 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 15,7 % des crédits par rapport à 2024. Cette progression correspond toutefois en réalité davantage à un « rebasage » des crédits du service civique, dans la mesure où en 2023 et en 2024 le dispositif était également financé via la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC). Pour cette raison, la cible du nombre de jeunes accomplissant un service civique (150 000) demeure inchangée.

En effet, l'ASC s'était constituée une trésorerie très importante à la suite du plan de relance, qui a été progressivement apurée en sous-budgétisant le service civique par rapport aux objectifs qui lui étaient assignés. Or, la trésorerie de l'ASC est fortement redescendue, et selon les informations transmises au rapporteur spécial, elle pourrait même tomber dès 2025 en dessous du niveau prudentiel, compte tenu des annulations de crédits en 2024.

Évolution de la trésorerie de l'Agence du service civique

(en millions d'euros)

Note : l'ensemble des chiffres sont données au 31 décembre de l'année considérées. Les chiffres pour 2024 sont prévisionnels.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le relèvement à 600 millions d'euros du financement du service civique est donc justifié, et il conviendra de s'assurer que l'Agence du service civique puisse continuer à exercer ses missions.

Comme les années précédentes, le rapporteur spécial affirme son soutien au service civique, qui est une véritable politique d'engagement.

B. METTRE FIN À L'EXPÉRIMENTATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL

Les crédits inscrits pour l'expérimentation du service national universel (SNU) connaissent une diminution de 31,7 millions d'euros par rapport à 2023, pour atteindre 128,3 millions d'euros. L'objectif est que 66 000 jeunes accomplissent le séjour de cohésion en 2025, soit la même cible qu' en 2024. Pour la première fois depuis le début de l'expérimentation du SNU, les objectifs stagnent. On peut dès lors se demander si l'objectif de généralisation du SNU à l'ensemble d'une classe d'âge est encore d'actualité.

En mars 2023, le rapporteur spécial avait présenté à la commission des finances un contrôle sur le SNU1(*) qui concluait que sa généralisation, dans sa forme actuelle, n'était ni possible ni souhaitable. Il est extrêmement difficile de trouver suffisamment de centres pour accueillir l'ensemble des jeunes accomplissant un séjour de cohésion, y compris lorsque celui-ci est organisé sur le temps scolaire. Le recrutement des encadrants est également un défi majeur : il serait nécessaire de créer une véritable filière de recrutement du SNU, qui n'existe pas à l'heure actuelle. Dans les deux cas, les conditions de l'expérimentation actuelle ne sont pas représentatives de l'organisation du séjour de cohésion une fois généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge.

Les coûts du SNU généralisé seraient également faramineux. La Cour des comptes évalue les coûts de fonctionnement de 3,5 milliards à 5 milliards d'euros par an, ce qui signifie un coût par jeune doublé par rapport à ce qu'il est dans le cadre de l'expérimentation. En effet, Le passage d'une cible de 66 000 à 840 000 jeunes implique une réorganisation complète de la logistique et de l'administration du service national universel.

On peut aussi se demander, plus philosophiquement, si le service national universel correspond bien au modèle d'engagement que nous voulons pour nos jeunes. L'idée d'un engagement « obligatoire » est paradoxale. Il apparaît au rapporteur spécial préférable de faire confiance aux jeunes, dont l'engagement n'est pas à prouver. Il faut reconnaître néanmoins que les plus défavorisés peuvent également être ceux qui connaissent le plus de difficultés à s'engager. Le service civique peut justement répondre à cet enjeu, et c'est ce dispositif qu'il conviendrait de développer et de maintenir.

Après cinq ans d'expérimentation, le service national universel n'apporte pas une plus-value suffisante en comparaison des autres politiques d'engagement de la jeunesse pour justifier la poursuite de son déploiement. Le rapporteur a donc proposé un amendement de crédit consacrant sa suppression.

Réunie le mercredi 30 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » tels que modifiés par son amendement.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Au 10 octobre 2024, date limite, en application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 60 % des réponses portant sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » étaient parvenues au rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » se compose de trois programmes :

- le programme 219 « Sport », qui porte la subvention de l'État à l'Agence nationale du sport, les subventions de fonctionnement aux opérateurs et agences du sport2(*), les dépenses de personnel des conseillers techniques sportifs, et le financement du Pass'sport ;

- le programme 163 « Jeunesse et vie associative », qui retrace les dépenses de service civique, les programmes d'aide aux associations et intègre les crédits destinés à la mise en place du service national universel (SNU) ;

- le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques 2024 », qui constitue le vecteur budgétaire de l'État pour l'organisation des Olympiades de 2024. Il comprend majoritairement les financements de l'État pour la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo) ainsi que pour le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP).

Pour 2025, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement demandés s'établissent à :

1 635,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), ce qui représente une augmentation de 4,9 % par rapport à 2024 ;

- et 1 578,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 12,8 % par rapport à l'année dernière.

Le tableau ci-après détaille l'évolution des crédits de la mission entre 2024 et 2025.

Évolution des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative »

(en millions d'euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

2024-2025

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P219 « Sport »

775,1

775,1

694,7

593,1

- 10,4 %

- 23,5 %

P163 « Jeunesse et vie associative »

901,1

937,3

+ 4,0 %

P350 « JOP 2024 »

42,9

133,7

3,2

48,2

- 92,3 %

- 53,4 %

Total

1 719,1

1 809,8

1 635,2

1 578,7

- 4,9 %

- 12,8 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

La diminution de 12,8 % des crédits demandés pour 2025 s'explique en partie par la fin des financements relatifs à la préparation des Jeux olympiques et paralympiques, mais surtout par une baisse des crédits consacrés au sport dans son ensemble.

Le programme 219 « Sport » connaît en effet une baisse de de 23,5 % de ses crédits de paiement. Cette diminution est portée pour l'essentiel par l'action 01 « Promotion du sport pour le plus grand nombre » (151,7 millions d'euros de moins par rapport à l'année dernière) ainsi que par l'action 2, correspondant au développement du sport de haut niveau (diminution de 30,5 millions d'euros). Cette baisse de crédits résulte à la fois de la fin des dispositifs exceptionnels pour les Olympiades, et du décalage d'un an du plan « Génération 2024 »3(*).

Quant au programme 350, « Jeux olympiques et paralympiques 2024 », ses autorisations d'engagement sont presque éteintes, tandis que ses crédits de paiement diminuent de moitié pour atteindre 48,2 millions d'euros. Les crédits restants correspondent aux travaux requis pour la reconversion des bâtiments en héritage des Jeux.

En revanche, les crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » augmentent de 4 % entre 2024 et 2025. Cette hausse est intégralement portée par les crédits du service civique, à hauteur de 81,2 millions d'euros. Toutes les autres actions du programme baissent, et notamment le Service national universel (SNU), qui voit ses crédits diminuer de près de 20 %.

Le graphique ci-après illustre les principales évolutions entre la loi de finances pour 2024 et le présent projet de loi de finances pour 2025.

De la loi de finances initiale pour 2024 au projet de loi de finances pour 2025 :
principales évolutions proposées

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Au sein de la mission, la répartition des crédits selon les postes de dépense est présentée dans le graphique suivant :

Répartition des crédits de paiement de la mission
« Sport, jeunesse et vie associative » par principaux postes de dépenses : comparaison entre 2024 et 2025

PLF 2025

LFI 2024

Source : commission des finances du Sénat

SECONDE PARTIE
ANALYSE DES PROGRAMMES

I. LE PROGRAMME « SPORT » CONNAÎT UNE BAISSE DE CRÉDITS POUR DES RAISONS PRINCIPALEMENT CONJONCTURELLES

Le programme 219 « Sport » enregistre une diminution de 23,5 % en crédits de paiement entre 2024 et 2025. Cette baisse est surtout portée par l'action 02 « Développement du sport de haut niveau », qui perd 151,7 millions d'euros par rapport à l'année dernière, soit 43,4 % de ses crédits de paiement. L'action 02 « Développement du sport de haut niveau » voit également ses crédits diminuer de 8,9 %.

Évolution des crédits du programme 219 « Sport »

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

2024-2025

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 « Promotion du sport pour le plus grand nombre »

349,5

349,4

297,6

197,7

- 14,9 %

- 43,4 %

Action 02 « Développement du sport de haut niveau »

343,7

343,6

315,0

313,1

- 8,4 %

- 8,9 %

Action 03 « Prévention par le sport et protection des sportifs »

33,9

33,9

33,7

33,7

- 0,6 %

- 0,6 %

Action 04 « Promotion des métiers du sport »

48,1

48,2

48,5

48,6

+ 0,8 %

+ 0,8 %

Total

775,1

775,1

694,7

593,1

- 10,4 %

- 23,5 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Cette baisse s'explique par trois raisons principales :

- la fin des dépenses exceptionnelles pour les Jeux olympiques et paralympiques, pour un montant de 65,7 millions d'euros. Ces dépenses incluaient notamment le financement des primes aux médaillés, la billetterie populaire, et l'animation territoriale des Jeux ;

- la décision de financer le plan « 5 000 équipements sportifs - génération 2024 » par des reports de crédits en 2025, ce qui conduit à une baisse de 100 millions d'euros de CP ;

- enfin, des mesures d'économies pour 24,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 25,1 millions d'euros en crédits de paiement, qui concernent surtout le pass'sport ainsi que les dotations pour les grands évènements sportifs internationaux. À cela il faut ajouter une diminution de 6 millions d'euros du plafond des taxes affectées à l'Agence nationale du sport.

A. LE DÉPLOIEMENT DES PROGRAMMES D'AIDE À LA PRATIQUE SPORTIVE EST ENCORE EN COURS

1. Le Pass'sport est un dispositif intéressant pour aider à la pratique du sport chez les ménages modestes, mais il souffre d'un non-recours significatif

Le Pass'sport a été reconduit pour 2025, et il est doté d'un budget de 74,5 millions d'euros, en diminution de 10,5 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Il s'agit de la seconde baisse consécutive des crédits du pass'sport, alors que ses financements étaient de 100 millions d'euros en 2022.

Le Pass'sport a été mis en place par le décret n° 2021-1171 du 10 septembre 2021, et la loi de finances pour 2022 l'a inscrit dans le programme 219. Le dispositif était ouvert jusqu'au 31 novembre 2021 à l'origine, mais il a fait l'objet de plusieurs prolongations depuis, jusqu'à être entièrement pérennisé. Pour l'année universitaire 2024/2025, les catégories de bénéficiaires sont inchangées.

Le Pass'sport

Le Pass'sport est une allocation de 50 euros par personne, versée à la rentrée scolaire, qui doit permettre de financer une inscription dans une association sportive de son choix.

Le dispositif s'adresse :

- aux enfants de 6 à 17 ans qui bénéficient qui bénéficient de l'allocation de rentrée scolaire ;

- aux enfants de 6 à 19 ans qui bénéficient de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ;

- aux personnes de 16 à 30 ans qui bénéficient de l'allocation aux adultes handicapés ;

- aux étudiants âgés au plus de 28 ans révolus, et qui bénéficient d'une bourse de l'État, d'une bourse annuelle du CROUS ou d'une bourse régionale pour les formations sanitaires et sociales pour l'année 2024-2025.

Cette aide est cumulable avec les dispositifs similaires mis en place par les collectivités territoriales et les aides de la Caisse Nationale d'Allocations Familiales.

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial est favorable à ce dispositif qui peut contribuer à amener à la pratique sportive des personnes qui en sont éloignées. Le caractère ciblé du dispositif permet de limiter les effets d'aubaine, et son caractère individualisé par enfant (plutôt que par famille) a le mérite d'encourager l'accès au sport des filles.

Le dispositif a toutefois connu une sous-exécution au cours des premières années de sa mise en oeuvre. L'élargissement du dispositif jusqu'en 2023 a toutefois permis d'améliorer le taux de consommation des crédits.

Consommation des crédits du Pass'sport entre 2021 et 2023

(en millions d'euros)

 

Loi de finances initiale

Reports de crédits

Exécution

Taux d'exécution

(% ensemble des crédits ouverts)

2021

100

-

45,8

45,8 %

2022

100

33,4

60,4

45,3 %

2023

100

27

70,4

58,3 %

Source : commission des finances

Les raisons de cette « sous-exécution chronique » ont fait l'objet d'investigations. La direction des sports avait ainsi commandé en 2022 une évaluation du dispositif associant la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS). Le taux de recours moyen du Pass'sport a ainsi été évalué à 18,3 % pour l'année universitaire 2022/2023.

Cette évaluation a permis d'identifier les motifs de non-recours suivants : 3 enfants sur 10 ne souhaitaient pas faire du sport, 2 sur 10 n'apprécient pas les activités proposées, 3 sur 10 rencontrent des difficultés financières, et 2 sur 10 n'ont pas pu en bénéficier en raison de contraintes de temps.

S'il est bien entendu impossible d'arriver à un taux de recours de 100 %, il est possible d'agir sur le motif financier. Le reste à charge des familles est en effet encore relativement élevé, sachant que les trois quarts des familles, il est supérieur à 50 euros par an. L'INJEP propose ainsi de recentrer encore davantage le financement sur les familles les plus modestes, afin de diminuer leur reste à charge.

Par ailleurs, des progrès ont été réalisés : le premier contact avec les bénéficiaires se fait désormais par mail, et non plus par courrier, un portail usager a été mis en place, et l'articulation avec les aides des collectivités territoriales est meilleure.

En tout état de cause, le Gouvernement a pris acte de la sous-consommation du dispositif en diminuant à 85 millions d'euros les crédits inscrits pour le Pass'sport en loi de finances initiale pour 2024. Le projet de loi de finances pour 2025 s'inscrit dans la même tendance.

Néanmoins, les premiers chiffres transmis par la direction des sports montre un recours en 2024 évalué à 1,6 millions de jeunes, contre 1,38 millions de bénéficiaires en 2023. S'il faut se satisfaire d'un meilleur recours au dispositif, il faudra rester vigilant à ce qu'il ne se retrouve pas, à l'inverse, en surconsommation de crédits.

2. Le plan « 5 000 équipements - Génération 2024 » sera financé en 2025 par des reports de crédits

Le plan « 5 000 équipements - Génération 2024 », qui vise à subventionner le financement d'équipements sportifs sur les territoires, a été annoncé en 2023. Il prévoit que 300 millions d'euros soient engagés entre 2024 et 2025. Il fait suite au programme « 5 000 équipements sportifs de proximité », qui prévoyait quant à lui 200 millions d'euros entre 2022 et 2024.

Le plan « Génération 2024 » est orienté autour de trois axes : la réalisation d'équipements de proximité proprement dits (axe 1), la rénovation des cours d'écoles pour favoriser la pratique du sport (axe 2), et enfin le financement d'équipements structurants (axe 3). Les subventions sont attribuées par appels à projets.

Bilan du plan « 5 000 équipements sportifs - Génération 2024 »
au 30 septembre 2024

Au 30 septembre 2024, date de fin de l'appel à projets sur l'ensemble des axes du Plan 5 000 équipements Génération 2024, les données provisoires sont les suivantes :

Axe 1 (équipements de proximité) : environ 2 160 équipements de proximité ont été financés par l'Agence dont plus de 1 000 sur le volet national (projets multi-équipements majoritairement portés par des fédérations nationales) et environ 1 160 sur le volet régional pour un montant global de subventions attribuées d'environ 47,8 millions d'euros sur près de 48,7 millions d'euros de budget. La cible initiale de 1 200 équipements fixée pour l'année 2024 est donc largement dépassée.

Les 5 catégories d'équipements les plus représentées sont les suivants : plateaux multisports, dojos solidaires, tables de teqball, tables de tennis de table et kits mobiles (kits multisports, kits mobiles de gymnastique, de parkour, de football, etc.). Le montant moyen de subvention attribué par équipement sur cet axe est d'environ 19 900 euros pour un taux moyen de subvention de 44,4 % par projet.

Axe 2 (cours d'école actives et sportives) : financement d'un peu plus de 500 cours d'école en vue de favoriser une pratique sportive et physique à travers la réalisation de design actif sportif, l'implantation d'équipements sportifs de proximité ou l'acquisition de matériel mobile (kits) pour un montant total de subventions attribuées d'un peu plus d'1,5 millions d'euros sur un budget d'1,9 million d'euros. La cible de 500 cours d'école actives et sportives fixée pour l'année 2024 est atteinte.

Axe 3 (équipements structurants) : 280 projets financés pour un montant total de subventions attribuées de 38,8 millions d'euros environ au titre de la construction de nouveaux équipements, la rénovation lourde d'équipements existants ou l'acquisition de matériel sportif lourd, sur un budget de 39,5 millions d'euros.

Source : réponses de la direction des sports au questionnaire du rapporteur spécial

Si les objectifs ont été remplis, et même dépassés, sur les axes 1 et 3, en revanche les restrictions budgétaires ont freiné le déploiement de la rénovation des cours d'école. L'objectif de rénovation de 500 cours d'école est maintenu, mais les plafonds de subvention ont été diminués de 25 000 euros à 5 000 euros. Ainsi, des projets plus légers sont désormais privilégiés. Il faut également souligner qu'il s'agit à ce stade d'autorisations d'engagement, et non pas encore de crédits de paiement.

Il est en effet prévu qu'en 2025 le plan soit entièrement financé en report de crédits. La raison est que la loi de finances initiale pour 2024 avait ouvert 100 millions d'euros de crédits de paiement, mais la sélection des dossiers et l'engagement de constructions ayant pris du temps, 96 millions d'euros de crédits ne seront pas consommés à la fin de cette année. Par conséquent, au lieu d'inscrire une nouvelle fois 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025, la décision a été prise de faire une année blanche en CP, et de n'utiliser que des reports de crédits.

B. REPENSER LE FINANCEMENT DE L'AGENCE NATIONALE DU SPORT

1. Un financement qui ne doit pas être trop dépendant de la conjoncture

Depuis 2019, le soutien au mouvement sportif s'exerce pour sa majeure partie par l'intermédiaire de l'Agence nationale du sport (ANS). Celle-ci est constituée sous forme de groupement d'intérêt public (GIP) agrégeant l'État, le mouvement sportif, les associations représentant les collectivités territoriales4(*) et les acteurs du monde économique5(*). Ses missions ont été énoncées par la loi du 1er août 20196(*) : elle intervient dans une double perspective de développement de l'accès à la pratique sportive pour tous et de structuration de la haute performance.

En dépit du statut juridique de GIP, la convention constitutive7(*) de l'agence prévoit que seul l'État apportera des contributions financières, sous la forme d'une dotation du programme 219 et de taxes affectées.

C'est à l'agence qu'il revient de soutenir et de suivre les fédérations sportives, avec lesquelles elle doit directement conclure les conventions d'objectifs, ainsi que d'accompagner les collectivités territoriales et leurs groupements, en reprenant les missions exercées précédemment par le Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Pour 2025, la subvention versée à l'ANS est de 179,12 millions d'euros, en baisse de 91,8 millions d'euros par rapport à l'année dernière (270,9 millions d'euros). La principale raison de cette baisse de plus d'un tiers des crédits provient de l'absence de crédits de paiement pour le plan « génération 2024 » décrite supra, pour un montant de 80 millions d'euros. Le reste de la baisse s'explique par la fin des mesures exceptionnelles relatives aux Jeux olympiques et paralympiques.

Le montant des taxes affectées perçues par l'agence est de 160,1 millions d'euros, ce qui porte l'ensemble de ses ressources (hors mécénat et autres recettes) à 339,2 millions d'euros.

À l'heure actuelle, l'Agence nationale du sport perçoit trois taxes affectées : un prélèvement sur les paris sportifs, un sur les jeux d'argent et de hasard exploités par la Française des jeux (FDJ), et enfin la taxe sur les droits de diffusion des compétitions sportives, couramment appelée la « taxe Buffet ».

La taxe Buffet

La « contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives », plus communément appelée taxe Buffet, est une taxe introduite en 2000, qui a vocation à financer le sport amateur grâce au sport professionnel, dans une logique de solidarité. La contribution est assise sur les sommes hors taxe sur la valeur ajoutée perçues au titre de la cession des droits de diffusion.

La taxe est inscrite à l'article 302 bis ZE du code général des impôts. L'article dispose que le « taux de la contribution est fixé à 5 % du montant des encaissements » et que la « contribution est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée ».

Depuis 2019, le produit de la taxe est affecté intégralement à l'Agence nationale du sport.

Source : commission des finances

L'affectation de la taxe sur les jeux exploités par la Française des jeux (hors paris sportifs) à l'ANS est supprimée dans le PLF pour 2025 à la suite de la dernière réforme de la loi organique relative à la loi de finances (LOLF)8(*). En effet, l'article 2 de la LOLF dispose désormais que les impositions de toutes natures ne peuvent être affectées à un tiers que « si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. » En conséquence, le plafond de l'affectation du prélèvement sur les paris sportifs en ligne de la Française des jeux a été réhaussé à 100,4 millions d'euros.

Taxes affectées à l'Agence nationale du sport

(en millions d'euros)

 

Plafond 2022

Plafond 2023

Plafond 2024

Plafond 2025

Taxe buffet

74,1

59,7

59,7

59,7

Prélèvement sur les jeux exploités par la Française des jeux (FDJ) hors paris sportifs

71,8

71,8

71,8

-

Prélèvement sur les paris sportifs en ligne de la FDJ et des nouveaux opérateurs agréés

34,6

34,6

34,6

100,4

Total

180,5

166,1

166,1

160,1

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le total des taxes affectées à l'ANS est toutefois en baisse de 6 millions d'euros par rapport aux années précédentes. Cette somme qui n'a pas été compensée par le prélèvement sur les paris sportifs en ligne correspond à une mesure d'économie sur le budget de l'ANS.

Surtout, la taxe Buffet soulève une nouvelle fois des interrogations sérieuses, en raison des difficultés de négociation des droits de la ligue 1. Sur la période 2024-2029, la Ligue française de football (LFP) devrait percevoir au titre des droits télévisuels de la Ligue 1 et de la Ligue 2 un total de 678,5 millions d'euros par an, contre 743 millions d'euros par saison dans le cadre du contrat précédent.

Ce manque à gagner aura des conséquences sur le rendement de la taxe Buffet jusqu'à l'exercice 2028, au minimum, qui devrait se traduire par une baisse des financements de l'ANS de 4 millions d'euros par an.

En outre, la LFP a prévu une clause de sortie du contrat avec DAZN au bout de deux saisons, c'est-à-dire à la mi-2026. Le diffuseur beIN sport dispose quant à lui d'une clause contractuelle de sortie automatique après deux ans si le contrat avec DAZN n'est pas renouvelé. Par conséquent, l'incertitude sur les droits audiovisuels de la ligue 1, et donc le produit de la « taxe Buffet », pourrait revenir dès 2026. Les difficultés financières des clubs français représentent par ailleurs une contrainte supplémentaire sur la valorisation des championnats9(*).

Le rendement de la taxe Buffet avait déjà été mis en doute lors de l'affaire « Médiapro ». La défaillance du diffuseur avait conduit à une forte diminution des droits de la Ligue 1, estimée à 575 millions d'euros, qui a conduit à un écart entre les prévisions et le rendement de 14,4 millions d'euros par an. Ce manque à gagner a été compensé par des crédits budgétaires inscrit pour l'ANS en 2023 et en 2024.

En 2021, pour renforcer les moyens de l'Agence, le Gouvernement a préféré le relèvement du plafond de fiscalité affectée à une majoration de sa dotation budgétaire. Contestable au regard de l'orthodoxie budgétaire et des pouvoirs de contrôle du Parlement, cette orientation prenait acte de la forte progression du rendement de la taxe Buffet entre 2019 et 2020 (+ 37 %) et d'une forte demande du mouvement sportif pour que « le sport finance le sport ».

Le rapporteur spécial souligne une nouvelle fois le risque d'une systématisation de la compensation de la taxe Buffet en cas de recettes inférieures aux prévisions. La mise en place d'une compensation systématique reviendrait à transférer des risques financiers au budget de l'État. Or, les finances publiques n'ont pas vocation à supporter les aléas de la négociation des droits audiovisuels des retransmissions sportives.

En effet, d'autres facteurs de risque, comme la réduction du nombre de diffuseurs susceptibles de proposer une offre ou le dynamisme des championnats concurrents relèvent du fonctionnement « normal » du marché.

En sens inverse, durant les années qui ont précédé la crise sanitaire, la forte appréciation des droits de la ligue 1 a été en partie le résultat d'une « bulle de marché ». La progression du produit de la taxe Buffet provenait quasi exclusivement de l'appréciation des droits télévisés de la Ligue 1 au titre du contrat de diffusion, passés de 726 millions d'euros par saison pour la période 2016-2020 à 1,153 milliard d'euros pour la période 2020-2024. Le relèvement du plafond de la taxe en 2021 était donc précipité.

Cette baisse du plafond de taxe affectée n'est pas qu'un simple événement conjoncturel, mais elle montre de manière plus profonde les faiblesses du financement de l'ANS. Dans son rapport de juillet 2022, « L'Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport », la Cour des comptes qualifiait le financement de l'Agence d' « inutilement complexe », et préconisait de financer l'opérateur intégralement sur le montant de la dotation budgétaire issue du programme 219.

Le rapporteur spécial ne plaide pas pour la suppression de l'affectation des taxes à l'Agence nationale du sport, celles-ci étant un symbole fort de la solidarité entre le sport professionnel et amateur, mais il soutient leur limitation, afin d'éviter que le financement du sport soit dépendant de la conjoncture du marché des droits télévisés.

2. La réforme de la gouvernance du sport se poursuit

L'actualité a été marquée par les difficultés rencontrées dans la gouvernance de plusieurs instances du sport français, et notamment la Fédération française de football (FFF) et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Ces problématiques ne sont pas directement liées à la mission « Sport, jeunesse et vie associative », mais elles ont mis en avant la nécessité d'avoir une gouvernance du sport solide à l'échelle nationale.

La Cour des comptes a consacré un rapport à ce sujet, qui a été publié en juillet 2022. La Cour fait le constat d'une réorganisation « inachevée » de la direction des sports, et d'une articulation insuffisante entre l'action de la direction et celle de l'ANS. Elle recommande donc de clarifier les missions respectives de la direction des sports et de l'ANS, et de réaffirmer la tutelle stratégique de la direction sur l'agence. En outre, la délimitation du périmètre d'action de l'ANS et de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), en matière de développement de la haute performance, n'est pas toujours clair.

Le rapporteur spécial partage cette conclusion. La « nouvelle gouvernance du sport » doit bien entendu laisser une place importante aux acteurs du sport, mais elle ne doit pas se traduire par un désengagement de l'État.

À la suite de ce rapport, une convention de collaboration entre la direction des sports, l'ANS et l'INSEP a été signée le 17 avril 2023. Elle vise à clarifier le périmètre d'intervention respectif de l'ANS et de l'INSEP dans le champ de la performance sportive.

L'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance

L'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) est un établissement public scientifique culturel et professionnel (EPSCP) constitué sous la forme d'un « grand établissement » au sens de l'article L.717-1 du code de l'éducation.

Les missions exercées par l'INSEP visent principalement à favoriser, en liaison avec les fédérations sportives, les conditions de réussite des projets sportifs, scolaires et professionnels des sportifs de haut niveau. L'INSEP prend ainsi en charge 800 sportifs de haut niveau, dont 547 qui sont accueillis sur le site à l'année.

Les subventions de l'INSEP sur le programme 219 représentent 27 millions d'euros AE = CP pour 2025, contre 26 millions d'euros en AE et 26,5 millions d'euros en CP l'année dernière.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Au niveau territorial les préfets de région ont mis en place en collaboration avec l'ANS des « conférences régionales du sport » dont le secrétariat est assuré par les délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (DRAJES).

Si l'ensemble de ces initiatives sont un pas dans la bonne direction, il conviendra d'examiner si elles apportent un véritable changement dans la gouvernance du sport.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial réitère son approbation de l'abandon du projet de transfert des conseillers techniques et sportifs (CTS) aux fédérations, acté par le ministère des sports en septembre 2020. Depuis plusieurs années, ce projet suscitait l'inquiétude de nombreuses fédérations de taille modeste, dont les ressources propres ne permettent pas de préserver ces compétences en leur sein.

D'après la direction des sports, un premier chantier vise à ce que la direction puisse être capable de donner précisément le nombre de CTS travaillant dans chaque domaine d'intervention, par la refonte de leur lettre de mission. Les CTS ont en effet vocation à exercer leur mission dans quatre domaines : la stratégie sportive, le développement des pratiques, la haute performance et le contrôle de la réglementation de l'enseignement du sport.

La refonte de la lettre de mission des CTS doit être l'occasion de donner plus de visibilité à leur action, et de les mobiliser davantage dans la conduite des politiques publiques du sport ou des projets de développement interfédéraux.

II. UN PREMIER BILAN MONTRE QUE LA LIVRAISON DES OUVRAGES OLYMPIQUES S'EST FAITE DANS LE RESPECT DE LA MAQUETTE BUDGÉTAIRE

Le coût total des Jeux olympiques et paralympiques, qui se sont tenus à l'été, reste encore à établir, mais il est d'ores et déjà possible de dresser un premier bilan de la livraison des ouvrages olympiques.

Les dépenses liées à la préparation de Paris 2024 sont en voie d'extinction, ce qui se reflète logiquement dans la maquette budgétaire du programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques 2024 » : les autorisations d'engagement sont réduites à 3,3 millions d'euros, et les crédits de paiement diminuent de moitié pour atteindre 48,2 millions d'euros. Les crédits restants portent sur la conversion des bâtiments olympiques en bureaux et logements, au titre de l'héritage des Jeux.

Le tableau ci-après retrace l'évolution des crédits demandés en 2024 et pour 2025 au titre du programme 350 :

Évolution des crédits du programme 350
« Jeux olympiques et paralympiques 2024 »

(en millions d'euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

2024-2025

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 « Société de livraison des ouvrages olympiques et paralympiques »

42,7

103,5

3,3

48,2

- 92,3 %

- 53,4 %

Action 02 « Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques »

-

30,0

-

-

-

-

Action 05 « Autres dépenses liées aux Jeux olympiques et paralympiques »

0,15

0,15

-

-

-

-

Total

42,9

133,7

3,3

48,2

- 92,3 %

- 53,4 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

A. NEUTRALISÉ DES EFFETS DE L'INFLATION, LE BUDGET DE LA SOLIDÉO EST CONFORME AUX PRÉVISIONS

Les ouvrages olympiques ont été livrés dans les temps et en respectant les contraintes budgétaires. La maquette financière initiale de la Solidéo élaborée en 2018 en prenant le cours de l'euro en 2016, prévoyait un financement public d'un montant de 1 378 millions d'euros.

En euros courants, le budget pluriannuel de la Solidéo est de 1 685 millions d'euros. En retirant l'effet de l'inflation, la livraison des Jeux olympiques et paralympiques aura coûté 1 398 millions d'euros (constants de 2016), soit une différence de 1,5 %. Dans son rapport de juillet 2023 sur les JOP, la Cour des comptes relevait déjà que « le budget de la Solideo stricto sensu (1 403,2 millions d'euros de 2016) [...] n'avait en revanche progressé que de 1,8 % depuis 2018 en euros constants. »10(*)

Le tableau suivant présente l'ensemble des évolutions de la maquette budgétaire de la Solidéo :

Évolution de la maquette budgétaire de la Solidéo

(en million d'euros)

Date de la Révision de la maquette

Euros constants (2016)

Euros courants

Motif de la révision

2018

1 378

Pas d'indexation à l'inflation de la maquette

Maquette initiale

Novembre 2020

1 386

Pas d'indexation à l'inflation de la maquette

Ajout de nouveaux ouvrages et modifications de programme

Juillet 2021

1 386

1 553

Première indexation sur l'inflation

Mars 2022

1 403

1 570

Hausse des besoins de financement

Décembre 2022

1 403

1 711

Seconde indexation sur l'inflation

Juillet 2023

1 407

1 716

Ajouter du financement des voies provisoires dans la maquette

Décembre 2023

1 412

1 721

Hausse des besoins de fonctionnement de la Solidéo

Juillet 2024

1 398

1 682

Restitution de 38,6 millions d'euros à l'État et aux collectivités territoriales

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Il est remarquable que, malgré la pandémie et la crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine, la maquette financière de la Solidéo n'ait pas significativement dérivé au-delà des effets de l'inflation, d'autant plus pour un projet de cet ampleur et axé sur la construction.

D'après les représentants de la Solidéo, auditionnés par le rapporteur spécial, la passation anticipée de nombreux marchés de construction, avant mars 2020, a permis de limiter les conséquences de ces crises sur le coût des ouvrages olympiques. En outre, l'établissement a mis en place un système efficace de recueil de l'information et de contrôle des risques, qui a permis l'annulation et la réorientation rapide de tous les projets qui auraient pu conduire à un dépassement du budget.

Par conséquent, la Solidéo a pu inclure dans sa maquette des ouvrages qui n'étaient pas prévus initialement, comme le financement des voies provisoires, sans que la maquette financière ait sensiblement évolué. En outre, en juillet 2024, la Solidéo a restitué aux financeurs publics 38,6 millions d'euros, dont 29,9 millions d'euros à l'État et 8,7 millions d'euros aux collectivités territoriales. Les sommes dévolues à l'État ont été affectées au Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) pour le financement des Jeux paralympiques.

Contributions au budget de la Solidéo

(en millions d'euros)

État

1 152,3

Grands Paris - Plaine commune

44,3

Région Île-de-France

168,4

Paris Terre d'envol

23,7

Ville de Paris

169,7

Ville de Dugny

3,4

Métropole du Grand Paris

24,7

Le Bourget

3,3

Département des Hauts-de-Seine

6,4

Saint-Quentin-en-Yvelines

2,5

Département de la Seine-Saint-Denis

85,0

Ville de Marseille

23,3

Département des Yvelines

4,0

Source : commission des finances, d'après le rapport de la Cour des comptes, « L'organisation des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 », juillet 2023

B. LA RÉUSSITE DES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES DOIT SE POURSUIVRE DANS LEUR HÉRITAGE

Les crédits restants sur le programme 350 ont vocation à financer les dépenses relatives à l'héritage des Jeux olympiques et paralympiques. Certains ouvrages ont été construits dans l'optique qu'ils puissent être reconvertis en bureaux et en logements une fois les Jeux passés. Des équipements sportifs doivent également être adaptés pour qu'ils puissent également être utilisés hors des compétitions.

L'héritage des Jeux sera constitué de 18 bassins de natation et d'équipements sportifs construits ou rénovés, et de cinq ponts et passerelles et de deux nouveaux quartiers en Seine-Saint-Denis :

- sur le site du Village olympique et paralympique (Saint-Ouen, Saint-Denis et l'Ile-Saint-Denis), 2 800 logements, des bureaux et services pouvant accueillir jusqu'à 6 000 salariés et 6 hectares d'espaces verts. Des travaux de reconversion, comme l'aménagement des rez-de-chaussée et la dépose de cloisons, sont prévus pour s'achever en décembre 2025 ;

- sur le site du Cluster des médias (La Courneuve, Dugny, Le Bourget), 1 300 logements et 13 hectares d'espaces verts supplémentaires par une extension du parc Georges Valbon. Une dépollution du terrain sera nécessaire et il est également prévu de finaliser le parc des sports du Bourget. L'ensemble des travaux devrait s'achever entre 2026 et 2028.

La maquette budgétaire finance la Solidéo jusqu'en 2025, ce qui correspond à la durée où l'établissement public demeure le principal opérateur des travaux. À partir de 2026, la Solidéo sera adossée à l'établissement public de l'État « Grand Paris aménagement »11(*), qui disposera de l'ensemble des moyens nécessaires pour réaliser les ultimes aménagements.

En conséquence, les emplois de la Solidéo sont voués à diminuer sur les prochaines années. Le nombre d'ETPT à la fin de l'année 2024 devrait être de 55 ETPT (contre 115 au début de l'année), et il est prévu qu'il descende à 3 ETPT à la fin de l'année 2025.

Concernant les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2030, l'option privilégiée à ce stade est de ne pas reprendre la Solidéo, mais de créer une nouvelle structure ad'hoc, qui bien entendu s'inspirerait de son fonctionnement. La raison est que la Solidéo était pensée pour une implantation principalement concentrée en Île-de-France, tandis que les Jeux de 2030 se dérouleront dans les Alpes françaises, dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

III. ETABLIR DE NOUVELLES PRIORITÉS DANS LES POLITIQUES D'ENGAGEMENT DE LA JEUNESSE

Le tableau ci-après retrace l'évolution des crédits proposée en 2025 pour le programme 163 « Jeunesse et vie associative ».

Évolution des crédits du programme 163
« Jeunesse et vie associative »

(en millions d'euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution

2024-2025

AE = CP

AE = CP

AE = CP

Action 01 « Développement de la vie associative »

57,9

55,6

- 4,0 %

Action 02 « Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire »

164,3

153,5

- 6,6 %

Action 04 « Développement du service civique »

518,8

600,0

+ 15,7 %

Action 06 « Service national universel »

160,0

128,3

- 19,8 %

Total

901,1

937,3

+ 4,0 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

A. LES DISPOSITIFS D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE LA VIE ASSOCIATIVE ET DE L'ÉDUCATION POPULAIRE DOIVENT DAVANTAGE RÉPONDRE AUX BESOINS DES ASSOCIATIONS

Les associations ont toujours joué un rôle essentiel dans le maintien de la cohésion sociale, notamment dans les territoires ruraux. Il faut rappeler l'engagement des 20 millions de bénévoles, dont plus de 5 millions agissant quotidiennement, et des 1,8 million de salariés qui forment le tissu associatif.

Dans le même temps, la crise sanitaire puis l'inflation ont accentué les faiblesses du monde associatif. En effet, en raison de leur public cible, de nombreuses associations ont des réticences à augmenter le tarif des services proposés au public, ce qui aggrave leurs difficultés financières.

Face à cette situation, il est nécessaire d'évaluer l'efficacité et l'adéquation des dispositifs de soutien aux bénévoles et à la vie associative qui sont financés par le programme 163.

1. Le Compte d'engagement citoyen n'a pas encore atteint son potentiel

Pour 2025, les crédits du compte d'engagement citoyen (CEC) connaissent une nouvelle baisse de crédits de 3,1 millions d'euros, pour atteindre 2,9 millions d'euros. Depuis 2022, où le budget était de 14,4 millions d'euros, les moyens consacrés au CEC sont quasiment en diminution constante.

Le compte d'engagement citoyen

Le compte d'engagement citoyen (CEC) est un dispositif qui permet d'acquérir des droits à formation, inscrits sur le compte personnel de formation. Le CEC est ouvert pour toute personne âgée de 16 ans ou plus12(*), et il reste ouvert tout au long de la vie.

Les activités concernées sont les activités de bénévolat, qui sont réalisées dans les conditions suivantes :

- l'association est déclarée depuis au moins 1 an ;

- l'objet de l'association relève d'une des catégories énoncées au b) du 1 de l'article 200 du code général des impôts ;

- la personne siège dans l'organe d'administration ou de direction de l'association ou participe à l'encadrement d'autres bénévoles.

Le CEC permet de bénéficier de 240 euros par an pour 200 heures de bénévolat, et il est plafonné à 720 euros.

Le CEC a été créé par l'article 39 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

Le dispositif n'est utilisable par les bénéficiaires que depuis le début de l'année 2021, mais les droits sont pris en compte depuis 2017.

Source : commission des finances

Cette diminution des moyens s'explique par la sous-exécution chronique du dispositif, qui n'a jamais atteint l'ampleur initialement prévue. Alors que le nombre d'ayants droit fin 2021 était estimé à plus de 550 000, seuls 10 838 ont bénéficié du CEC. En conséquence, seuls 2,3 millions d'euros ont été exécutés sur 14,4 millions d'euros prévus.

Au 30 avril 2024, le nombre de dossiers validés par les usagers est de 37 588 depuis le lancement du CEC, dont 1 233 dossiers financés uniquement avec des droits CEC et 36 355 dossiers financés avec des droits CEC en complément d'autres droits (CPF, reste à charge, abondement...). Les dossiers validés depuis le lancement du dispositif représentent un montant de 7,7 millions d'euros. Le budget retenu pour 2025, c'est-à-dire 2,9 millions d'euros, est ainsi beaucoup plus proche de l'exécution réelle du dispositif que les prévisions précédentes.

Le CEC est un outil intéressant dans son principe pour valoriser le bénévolat, en particulier pour les personnes qui exercent des responsabilités au sein des associations. Toutefois, le dispositif souffre d'un manque de communication.

En outre, il existe un écart important entre la déclaration des bénévoles et la validation des droits, alors que les individus peuvent avoir besoin rapidement d'accéder à leur CEC. La direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) a identifié ce problème, et a déclaré qu'elle travaillait à réduire les délais et à simplifier le fonctionnement du dispositif.

La loi n° 2024-344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative a ouvert plus largement ce dispositif aux bénévoles qui s'engagent auprès d'associations déclarées depuis au moins une année contre trois précédemment. En outre, dès 2025 les personnes en situation de détention réalisant des activités bénévoles au sein des prisons devraient être rendues éligibles au CEC. Ces dispositions vont dans le bon sens, et il conviendra d'examiner leur application.

2. La lisibilité du Fonds de développement de la vie associative peut encore être améliorée

Le Fonds de développement de la vie associative est composé de deux volets : le premier est destiné à la formation des bénévoles (FDVA 1), et le second est consacré au financement du « fonctionnement et de l'innovation » des petites associations (FDVA 2). Ce second volet a remplacé la dotation parlementaire, supprimée en 2017.

Le FDVA est destiné principalement à financer les petites associations, c'est-à-dire les associations non-employeuses ou qui possèdent au plus deux ETPT. Les subventions sont de l'ordre de quelques milliers d'euros. En 2024, 1 640 associations ont bénéficié d'une subvention au titre du FDVA 1, et 16 138 associations ont obtenu un financement par le FDVA 2.

Avec respectivement 8,1 millions d'euros et 25 millions d'euros inscrits pour 2025, le montant des crédits inscrits respectivement pour le FDVA 1 et le FDVA 2 sur le programme 163 est similaire à celui des années précédentes. Ces sommes donnent cependant une vision incomplète des fonds consacrés au FDVA, car il faut y ajouter le fléchage des comptes inactifs de l'État, effectif depuis 2021.

L'article 272 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a en effet mis en place un mécanisme de fléchage des avoirs inactifs récupérés par l'État vers le fonds pour le développement de la vie associative. Ce mécanisme est une demande ancienne du Mouvement associatif, qui a été soutenu par le rapporteur spécial.

Il prévoit qu'une quote-part des sommes acquises à l'État provenant des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance-vie en déshérence, est affectée au FDVA. La loi de finances pour 2020 prévoyait initialement que 20 % de ces sommes bénéficient chaque année au FDVA13(*). Le taux de quote-part a été réhaussé à 40 % par l'article 258 de la loi de finances pour 202414(*).

Les premières prévisions de la direction générale de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative prévoient un complément de financement de 35 millions d'euros pour 2024, ce qui porterait le total des sommes dévolues au FDVA à 70 millions d'euros. Les financements permis par le mécanisme de fléchage des comptes inactifs viennent ainsi doubler ceux inscrits en loi de finance.

Financements du FDVA depuis 2017

(en million d'euros)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

FDVA 1

8,1

8,1

8,1

8,1

8,1

8,1

8,1

8,1

8,1

FDVA 2

25

25

25

25

25

25

25

25

25

Comptes inactifs

-

-

-

-

19,2

20,9

17,6

35

35

Total

33,1

33,1

33,1

33,1

52,3

54

50,7

68,1

68,1

Note : les chiffres donnés pour 2025 sont prévisionnels.

Source : commission des finances

Le développement de ce financement est bien entendu une bonne nouvelle. Pendant les premières années d'existence du FDVA 2, les crédits destinés au dispositif étaient en effet insuffisants pour offrir un véritable soutien aux petites associations, sachant qu'ils ne représentaient que la moitié de l'ancienne dotation parlementaire. Il était urgent que le soutien à la vie associative soit dotée de moyens au moins équivalents à celui qu'il était au moment de la réserve parlementaire.

Au-delà de la question des montants qui lui sont attribués, le FDVA 2 possède plusieurs faiblesses. Dans son enquête sur le FDVA 215(*), la Cour des comptes a souligné une baisse de l'ordre d'un tiers du nombre de demandes de financement entre 2018 et 2020 (de 22 800 à 15 300). De plus, tandis que le taux d'acceptation des demandes est bon (supérieur à 80 %), le montant des subventions accordées est nettement inférieur aux demandes.

Ces résultats montrent que la lisibilité des critères du financement du FDVA 2 doit être améliorée. Le rapporteur spécial a formulé des recommandations à ce sujet dans son rapport d'information, « Pour un financement des petites associations à la hauteur : rénover le Fonds pour le développement de la vie associative ».

Le rapporteur spécial souhaite par ailleurs souligner la qualité du fonctionnement des collèges départementaux, qui cherchent réellement à définir des stratégies de financement adaptées aux territoires dans lesquelles exercent les associations. Ils montrent que l'échelon départemental reste l'échelon le plus pertinent pour piloter le FDVA 2.

Cinq exemples d'associations financées par le FDVA en 2024 ; présentation par la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

Dans les Alpes-de-Haute-Provence, La Claire Fontaine est une association ancienne créée au début des années 50 rassemblant des personnes qui pratiquent le chant choral en milieu rural. Elle a reçu une subvention de 2 000 euros pour organiser un spectacle sur les célèbres Carmina Burana, oeuvre phare de Carl Orff créée en 1937, avec un chef de choeur de renommée internationale, des solistes et un choeur de 30 enfants.

En Charente-Maritime, l'association Parler Français a pour objectif principal d'apprendre le français aux personnes étrangères, première étape essentielle dans la démarche d'intégration. Pour ce faire, Parler Français organise et anime des ateliers sociolinguistiques d'apprentissage du Français. Ils concernent les étrangers en situation vulnérable (réfugiés, demandeurs d'asiles, autres...), n'ayant aucune connaissance de la langue, certains analphabètes, résidents des quartiers de La Rochelle (Mireuil, Port Neuf, La Pallice) ou en attente d'y être résidents (présence provisoire au foyer de l'Escale). Elle bénéficie de 2 000 euros du fonds.

Dans le Cantal, le Carladés cantalien est un territoire de langue et de culture occitane où le patrimoine immatériel est encore fortement présent chez les habitants les plus âgés. La faiblesse de la transmission familiale est telle depuis 50 ans que ce patrimoine qui paraissait plus préservé qu'ailleurs est en réel danger d'extinction comme le souligne en général l'UNESCO pour les langues de France. L'Association Carladés Abans s'attache à collecter les personnes détentrices de savoirs afin de sauvegarder ce patrimoine et de le transmettre aux jeunes générations, aux nouveaux venus dans le territoire. L'association bénéficie de 4 000 euros pour réaliser des vidéos qui sont en ligne sur sa chaine You Tube.

Dans l'Oise, l'association ChezNous Mareuil bénéficie d'une subvention de 1 750 euros pour animer son tiers-lieu numérique et sa ludothèque en lien avec les cinq collèges proches.

À La Réunion, l'association Pti Colibri bénéficie d'une subvention de 4 000 euros pour proposer par et pour les habitants des quartiers du Bas-de-la-Rivière et de la Colline une pratique douce de la rivière et de ses abords en lien avec l'école Reydellet. Chaque culture du quartier pourra s'exprimer et montrer sa richesse au grand public lors d'un festival.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

B. LES DISPOSITIFS D'ÉDUCATION POPULAIRE SONT STABLES

1. Le financement des « Colos apprenantes » est pérennisé

Les « Colos apprenantes » ont été lancées en 2020, dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19. L'objectif était de permettre à des jeunes issus de milieux modestes de partir en colonie de vacances. Il est estimé que 300 000 jeunes auront bénéficié du dispositif sur la période 2020-2023.

Jusqu'à présent, les Colos apprenantes étaient financées par redéploiement de crédits sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Le Gouvernement a décidé de pérenniser le dispositif en lui consacrant 40 millions d'euros dans la loi de finances pour 2024. Les Colos apprenantes sont reconduites en 2025, avec le même niveau de financement.

Les « Colos apprenantes »

Dans le cadre des « Colos apprenantes », l'État prend en charge 500 euros par semaine par enfant (âgé de 3 à 17 ans) si l'une des conditions suivantes est remplie :

- les mineurs relèvent de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ;

- ils sont en situation de décrochage scolaire ;

- ils sont en situation de handicap ;

- ils sont domiciliés dans un quartier prioritaire de politique de la ville (QPV) ou dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) ;

- le quotient familial est inférieur ou égal à 1 500 euros.

Le reste à charge peut être assumé par la Caisse d'allocations familiales (CAF) ou la commune sous diverses conditions.

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial salue cette initiative. Les colonies de vacances jouent un rôle important dans l'éducation populaire et pour promouvoir la mixité sociale. Or, le nombre de jeunes effectuant un séjour en hébergement collectif a fortement diminué avec la crise sanitaire, et si les chiffres sont remontés sur les dernières années, ils n'ont pas encore atteint leur niveau d'avant-crise16(*). De plus, l'INJEP relève que « plus la famille dispose de revenus élevés, plus les collégiens partent en colonie de vacances »17(*), ce qui justifie la mise en place d'un dispositif ciblé sur les foyers aux revenus modestes ainsi que les enfants les plus vulnérables.

2. Une évaluation prochaine du dispositif « 1 jeune, 1 mentor »

Le dispositif « 1 jeune, 1 mentor » est reconduit pour 2025, avec un budget 32 millions d'euros, identique par rapport à l'année précédente.

« 1 jeune, 1 mentor »

Le dispositif « 1 jeune, 1 mentor » a pour objectif d'accroître le nombre de jeunes qui bénéficient de l'accompagnement d'un mentor (un professionnel en exercice ou un retraité), pendant leur parcours scolaire. Le mentor a pour mission d'aider le jeune dans ses choix d'orientation et son insertion professionnelle. Le mentor et le jeune doivent se rencontrer plusieurs fois par mois pendant au moins 6 mois.

« 1 jeune, 1 mentor » a été annoncé par le président de la République le 1er mars 2020, et il a été lancé durant l'année 2021. Il s'inscrivait dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », qui réunissait un ensemble de politiques d'accompagnement de la jeunesse. Le dispositif a été pour la première fois financé par la loi de finances pour 2022.

Le dispositif est piloté par le ministère de l'emploi, du travail et de l'insertion. Il s'appuie sur des appels à projets à destination des associations.

Source : commission des finances

D'après la DJEPVA, 160 000 jeunes ont pu être accompagnés en 2024. Le nombre de jeunes accompagnés est meilleur qu'en 2023, où il était de 150 000, mais le dispositif avait bénéficié de 5 millions d'euros supplémentaires, et il est inférieur à la cible de 200 000 jeunes qui avaient été initialement définie. Sur l'année scolaire 2022-2023, environ la moitié des bénéficiaires résidaient dans des quartiers prioritaires de la ville, ou étaient scolarisés dans le réseau de l'éducation prioritaire (REP). D'après la DJEPVA, « des efforts restent à faire pour certains publics, comme les jeunes ultramarins ou issus de l'aide sociale à l'enfance, représentant respectivement 1 % et 2 % des jeunes bénéficiaires. »

L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) a été mandatée pour organiser une évaluation du plan « 1 jeune 1 mentor ». L'évaluation a commencé au début de l'année 2023, et le rapport final devrait être présenté au premier semestre 2025. Le rapporteur spécial sera donc particulièrement attentif aux conclusions que tirera l'INJEP de son étude.

3. Une réflexion à engager sur le taux de financement assuré par le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP)

Les crédits prévus pour le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) en 2025 sont de 37,4 millions d'euros, en diminution de 16,1 % par rapport à 2024, ce qui correspond à une baisse de 7,2 millions d'euros.

Le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire

Le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) a été créé en 1964 et il a vocation à soutenir des associations agréées de jeunesse et d'éducation populaire. Il consiste à co-financer un poste dans une association, pour un montant de 7 164 euros par an. Le « poste FONJEP » doit répondre à l'un des objectifs suivants :

- soutenir la coordination et apporter un appui aux têtes de réseau associatif ;

- développer l'autonomie, l'expression, l'accès à l'information et la mobilité des jeunes ;

- soutenir l'éducation populaire ;

- promouvoir des vacances et des loisirs éducatifs pour les jeunes.

En outre, la mission du salarié ne doit pas avoir un but lucratif.

Sources : commission des finances

Il faut premièrement rappeler que le FONJEP avait bénéficié d'une enveloppe complémentaire, appelée FONJEP « jeunes », dans le cadre du plan de relance pour financer 2 000 postes supplémentaires. Les postes créés en 2021 et en 2022 devaient être maintenus pour trois ans.

Par conséquent, en 2023, cette enveloppe a financé la dernière année des postes créés en 2021, et l'avant-dernière année des postes créés en 2022. En 2024, les postes créés en 2021 ne sont plus financés, tandis que ceux créés en 2022 sont financés pour une dernière année.

En 2025, l'ensemble des financements du plan de relance sont terminés. Ainsi, le FONJEP retourne à son niveau d'avant la crise sanitaire, c'est-à-dire à 37,4 millions d'euros.

Financements du FONJEP

(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025

FONJEP

37,4

37,4

37,4

37,4

37,4

37,4

FONJEP « jeunes » (plan de relance)

0

7,2

14,4

14,4

7,2

0

Total

37,4

44,6

51,8

51,8

44,6

37,4

Note : les crédits du FONJEP « jeunes » sont inscrits sur la mission « plan de relance » jusqu'en 2023 (exclu), où ils ont été inscrits sur le programme 163.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Il est désormais possible de faire un bilan du plan de relance pour le FONJEP : 1 978 postes ont été créés, et 1 708 associations ont bénéficié du financement d'au moins un poste. 42 % des associations financées ont moins de 5 salariés, 48 % des associations interviennent dans des quartiers de la politique de la ville et 34 % dans des zones de revitalisation rurale.

Le rapporteur spécial éprouve toutefois des réserves face à l'utilisation du FONJEP dans le cadre du plan de relance. Plutôt que l'ajout de crédits de manière ponctuelle, il aurait été préférable de renforcer cette politique sur le temps long.

En outre, il ne suffit pas de compter le nombre de postes FONJEP créés, mais il faut également examiner la part financée pour chaque poste. En effet, chaque poste salarié FONJEP est financé pour environ 7 164 euros, ce qui représente entre 10 % et 15 % de son coût global. Les crédits supplémentaires du plan de relance ont eu vocation à créer de nouveaux postes FONJEP, mais pas à augmenter le financement moyen d'un poste. Une réflexion pourrait être ainsi engagée sur le niveau moyen de financement par poste assuré par le FONJEP, afin de voir si celui-ci est suffisant ou non.

C. LE SERVICE CIVIQUE DOIT DEMEURER LA POLITIQUE CENTRALE DE L'ENGAGEMENT DE LA JEUNESSE

Près de 600 millions d'euros sont consacrés au service civique pour 2025. Cette somme représente une hausse de 15,7 % des crédits par rapport à 2024. Cet ancrage du service civique comme un dispositif clé des politiques à destination de la jeunesse témoigne de son succès, quatorze ans après sa création et neuf ans après son universalisation décidée par l'ancien président de la République, François Hollande, dans le contexte des attentats terroristes du 13 novembre 2015.

La direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative a indiqué dans ses réponses au questionnaire budgétaire qu'une cible de 150 000 jeunes a été retenue pour 2025. Cet objectif est identique à celui qui a été annoncé en 2023 et en 2024.

Nombre de jeunes réalisant un service civique

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Cible initiale

150 000

145 000

245 000

220 000

150 000

150 000

150 000

Cible ajustée

-

165 000

200 000

159 000

-

-

-

Réalisation

140 000

140 000

145 000

144 000

149 000

150 000

-

Taux de réalisation (cible initiale)

93 %

90 %

59 %

65 %

99 %

100 %

-

Taux de réalisation (cible ajustée)

93 %

84,9 %

72,5 %

90,6 %

100 %

100 %

-

Source : commission des finances, d'après la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes de l'exercice 2023 sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative »

Le maintien d'une cible identique à celle des années précédentes, alors que les crédits du service civique sont hausse, peut étonner à première vue. En réalité, ce décalage s'explique par le fait que le service civique était pour une part significative financé par la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC). En effet, l'ASC s'était constituée une trésorerie très importante à la suite du plan de relance, qui a été progressivement apurée en sous-budgétisant le service civique par rapport aux objectifs qui lui étaient assignés.

Or, la trésorerie de l'ASC est désormais revenue à un niveau plus faible, et elle n'est donc plus en mesure d'apporter le complément de financement requis pour que 150 000 jeunes puissent effectuer un service. Le projet de loi de finances prévoit donc logiquement un rehaussement des moyens consacrés à ce dispositif.

Le rapporteur spécial se félicite du maintien des financements du service civique. L'erreur aurait été que les objectifs deviennent moins ambitieux, et que le service civique connaisse un retour en arrière dans son développement. Il convient néanmoins de rester prudents sur plusieurs aspects.

Premièrement, l'annulation de 100 millions d'euros de crédits pour le service civique par le décret d'annulation du 21 février 2024 a conduit à une diminution bien plus forte de la trésorerie de l'ASC qu'anticipée, qui devrait atteindre un montant de 39 millions d'euros à la fin de l'année. Si la trésorerie totale de l'Agence est désormais comparable à son niveau des années qui ont précédé le plan de relance, la trésorerie au titre du seul service civique ne sera que de 17,3 millions d'euros, soit « un montant bien en dessous du niveau prudentiel »18(*). Il conviendra donc de s'assurer que le rebasage des financements du service civique puisse permettre de reconstituer un niveau acceptable de trésorerie.

Évolution de la trésorerie de l'Agence du service civique

(en millions d'euros)

Note : l'ensemble des chiffres sont donnés au 31 décembre de l'année considérée. Les chiffres pour 2024 sont prévisionnels.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Deuxièmement, il est également nécessaire de développer une véritable stratégie pour le service civique.

Les années précédentes, le rapporteur spécial avait exprimé des critiques sur le recours au service civique dans le cadre du plan de relance. Le service civique est d'abord une politique d'engagement de la jeunesse, et le mobiliser dans un objectif de relance économique ouvrait le risque de le transformer en un traitement social du chômage des jeunes.

Outre cette réserve, le rapporteur spécial mettait également en doute la capacité de créer sur un temps aussi court le nombre de missions nécessaires pour répondre aux cibles du nombre de jeunes effectuant une mission de service civique. Les réalisations du plan de relance ont en effet été inférieure aux ambitions. En outre, la réussite du service civique ne peut pas s'évaluer uniquement en termes quantitatifs. Il convient également de s'assurer que la création de nouvelles missions ne se fait pas au détriment de la qualité de celles-ci.

Comme les années précédentes, le rapporteur spécial affirme son soutien au service civique, qui est une véritable politique d'engagement. À ce titre, il faut rappeler l'engagement du président de la République de « poursuivre la généralisation du Service Civique qui permet à nos jeunes de compléter leur formation par un engagement citoyen reconnu, l'acquisition de compétences, ce qui là aussi vient compléter et renforcer la résilience de la Nation »19(*).

D. METTRE FIN À L'EXPÉRIMENTATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL

La mise en place d'un « service national universel » (SNU) a été annoncée en 2018, et une expérimentation du service national universel basée sur le volontariat des jeunes est mise en oeuvre depuis 2019. Les objectifs du SNU sont de favoriser la mixité sociale, d'enseigner aux jeunes les enjeux de la défense et d'inciter à l'engagement associatif.

Les crédits inscrits pour le SNU dans le projet de loi de finances pour 2025 connaissent une diminution de 31,7 millions d'euros pour atteindre 128,3 millions d'euros. La cible retenue de jeunes participant au séjour de cohésion en 2025 est de 66 000 jeunes, et elle est identique à celle révisée pour 202420(*). En 2024, selon les estimations les plus récentes, 60 000 jeunes devraient finalement avoir effectué le séjour de cohésion, ce qui représente 90,9 % de l'objectif révisé.

Cibles et nombre de jeunes ayant effectivement réalisé le séjour de cohésion

Année

Objectif

Réalisation

Taux de réalisation

2020

20 000

021(*)

-

2021

25 000

14 653

58,6 %

2022

50 000

32 416

64,4 %

2023

64 000

45 000

70,3 %

2024

66 000

60 000

90,9 %

2025

66 000

-

-

Note : le pourcentage d'accomplissement en 2024 pour l'objectif initial (80 000 jeunes) est de 75 %.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le taux d'accomplissement en 2024 est meilleur que celui de 2023, y compris lorsque l'on considère l'objectif initial, mais cela ne doit pas faire oublier que l'objectif d'un SNU généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge (840 000 jeunes) est encore très lointain.

Surtout, 2025 est la première année, depuis le début de l'expérimentation, où la cible de jeunes n'est pas en hausse, et où les crédits accordés au SNU sont en baisse. Cela fait déjà plusieurs années que le déploiement du dispositif est très loin des ambitions initiales22(*), mais il semble cette année marquer un véritable arrêt.

Cette baisse des crédits interroge sur le maintien ou non de l'objectif de généralisation du SNU. Le Gouvernement ne comprend plus de ministre chargé spécifiquement du dispositif, et aucune annonce n'a été faite récemment à son sujet.

En outre, il apparaît que l'expérimentation du SNU a atteint un palier : les difficultés logiques en termes d'hébergement, de transports et de recrutement des encadrants rendent difficilement envisageable de l'étendre au-delà de 100 000 jeunes, ce qui demeure très éloigné d'une véritable généralisation, à laquelle peu de monde croit encore.

Il est donc nécessaire de poser la question : l'expérimentation, qui dure déjà depuis cinq ans, doit-elle être poursuivie ? Il est possible d'en tirer un bilan : dans le modèle actuel, la généralisation ne semble ni possible, ni souhaitable, et donc il convient de ne plus la poursuivre.

1. Depuis cette année, le service national universel peut être organisé sur le temps scolaire

Jusqu'en 2021, le service national universel était organisé en deux phases : le séjour de cohésion, et la réalisation d'une mission d'intérêt général. La seconde phase, la mission d'intérêt général, présentait toutefois plusieurs incertitudes : sa durée n'était pas clairement déterminée, ni son caractère obligatoire ou non. À partir de 2022, la seconde phase a été divisée en deux : un engagement obligatoire, et un engagement facultatif. Le service national universel est donc désormais découpé en trois phases :

- une première phase qui correspond à un séjour de cohésion en hébergement collectif. Pendant la durée de ce séjour, les jeunes participent à des activités collectives, et bénéficient de formations sur des sujets divers ;

- une deuxième phase d'engagement dans une mission d'intérêt général, qui doit durer un minimum de 12 jours consécutifs ou 84 heures réparties au cours des 12 mois suivant l'accomplissement de la première phase. Les conditions d'accueil du volontaire dans une structure sont cadrées par un contrat d'engagement ;

- une troisième phase d'engagement volontaire, qui dure au minimum trois mois, et qui s'articule avec d'autres dispositifs de volontariat, comme les réserves opérationnelles des armées et de la gendarmerie nationale, et surtout le service civique.

La première et la seconde phase ont vocation à devenir obligatoires une fois que le SNU sera généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge, tandis que la troisième restera facultative. Durant l'expérimentation, la participation à toutes les phases se fait sur la base du volontariat.

Organisation du service national universel en cas de généralisation

Note : la différence entre « obligatoire » et « facultatif » n'est valable que pour le SNU généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Depuis cette année, alors qu'auparavant le séjour de cohésion était toujours réalisé hors période scolaire, désormais il pourra l'être sur le temps scolaire, dans le cadre d'une « nouvelle labellisation », nommée « Classes et lycées engagés », qui vient « valoriser la dynamique que de nombreux établissements mènent d'ores et déjà en leur sein pour favoriser l'engagement ». Cette labellisation prend la forme d'un appel à projets, et elle ne peut concerner que les classes de seconde et de première année de CAP.

En parallèle, des séjours de cohésion continueront d'être organisés pendant les vacances scolaires. Tous les jeunes âgés de 15 à 17 ans qui possèdent la nationalité française, quel que soit leur lieu d'habitation peuvent décider de s'y inscrire.

La possibilité nouvelle de réaliser le séjour de cohésion du SNU sur le temps scolaire est notamment une réponse aux difficultés matérielles majeures que présentaient la généralisation du service national universel hors temps scolaire. Le rapporteur spécial pouvait ainsi écrire, dans son rapport de mission d'information sur le service national universel : « il n'existe ni un nombre suffisant de centres d'hébergement, ni un nombre suffisant d'encadrants en France pour accueillir des centaines de milliers de jeunes sur l'espace de quelques semaines. »

L'organisation de séjours de cohésion sur le temps scolaire doit permettre d'organiser davantage de séjours et de mieux les répartir dans le temps. Ainsi, au lieu de devoir mobiliser un très grand nombre d'hébergements et d'encadrants sur un temps très court, il est possible de réutiliser les hébergements d'un séjour de cohésion à l'autre, et d'employer les mêmes encadrants pour une partie importante de l'année. L'administration a ainsi souligné, dans ses réponses au questionnaire budgétaire : « Pour 2024, une nouvelle étape sera enclenchée au travers de la mise en place de centres SNU pérennes fonctionnant toute l'année. »

2. La généralisation du Service national universel se heurte à des obstacles logistiques et juridiques majeurs

Même en donnant la possibilité d'organiser le séjour de cohésion sur le temps scolaire, le nombre d'hébergements et d'encadrants requis pour un SNU généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge, c'est-à-dire 840 000 jeunes, reste très important. Le nombre de centres d'hébergement requis par séjour serait compris entre 374 et 431, et ils devraient être ouverts pour la moitié de l'année23(*).

Les deux scénarios de généralisation du service national universel :
principaux chiffres

 

Scénario 1 : généralisation hors temps scolaire

Scénario 2 : généralisation sur le temps scolaire

Nombre de séjours

3 ou 4

Entre 13 et 15

Nombre de jeunes par séjour

Entre 210 000 et 280 000

Entre 56 000 et 64 615

Nombre de centres d'hébergement requis par séjour

Entre 1 400 et 1 867

Entre 374 et 431

Nombre de centres d'hébergement requis au total

Entre 2 100 et 2 800

Entre 748 et 862

Nombre d'encadrants requis par séjour

Entre 26 250 et 35 000

Entre 7 000 et 8 076

Nombre d'encadrants requis au total

Entre 39 375 et 52 500

Entre 14 000 et 16 153

Nombre de jours de travail moyen par encadrant

Entre 30 et 45

Entre 90 et 120

Note : « séjour » désigne ici une période où les jeunes partent en même temps effectuer le séjour de cohésion. Les chiffres donnés « par séjour » indiquent donc le nombre de centres et d'encadrants requis en simultané sur toute la France à une période donnée. Les hypothèses retenues pour la construction de ce tableau sont détaillées dans le rapport de mission d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le service national universel d'Éric Jeansannetas.

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial, dans le contrôle qu'il a effectué sur le Service national universel l'année dernière, considérait déjà qu'il était quasiment « mission impossible » de trouver suffisamment de centres pour accueillir l'ensemble des jeunes accomplissant un séjour de cohésion.

Les difficultés d'hébergement d'un service national universel généralisé

L'organisation des séjours de cohésion sur le temps scolaire soulève des difficultés spécifiques. Les internats ne seraient plus disponibles, à l'exception du mois de juin, et l'organisation du service national universel reposerait donc très majoritairement sur les centres de vacances. Les divers établissements de formation devraient également être écartés. Or, les établissements de formation et les établissements scolaires représentent aujourd'hui entre le tiers et la moitié des bâtiments utilisés pour accueillir les séjours de cohésion. À l'heure actuelle, il est difficile de concevoir comment le service national universel pourrait être généralisé en se privant de l'essentiel de ces lieux.

Il faut aussi rappeler que tous les centres de vacances ne sont pas « vides » hors de la période estivale. Des vacanciers partent régulièrement en séjour hors saison, et certains centres sont utilisés, au même titre que les internats, pour l'hébergement de travailleurs ou de publics fragiles. En outre, la répartition des centres de vacances sur le territoire est inégale, et leur accessibilité en transport peut fortement différer.

Surtout, les centres de vacances sont loin de de tous avoir la taille requise pour accueillir des séjours de cohésion. À ce sujet, le rapport de l'IGESR relatif au bâti nécessaire à l'organisation des séjours de cohésion indique qu'il sera difficile de trouver des sites d'une taille supérieure à 150 places.

Éric Jeansannetas, rapport n° 406 (2022-2023) fait au nom de la commission des finances, « Service national universel : la généralisation introuvable », 8 mars 2023

Le recrutement d'un nombre d'encadrants suffisant pour assurer l'ensemble des séjours de cohésion est également un défi majeur.

Quel que soit le scénario retenu - la généralisation hors du temps scolaire ou sur la période scolaire - les modalités de recrutement qui sont aujourd'hui mises en oeuvre durant la phase expérimentale ne pourront pas être répliquées à large échelle.

En effet, d'après le témoignage des acteurs de terrain recueilli par le rapporteur au cours de son contrôle sur le service national universel, les recrutements se font aujourd'hui en grande partie par le « bouche à oreille » et les réseaux existants. L'INJEP confirme par ailleurs ce constat dans son évaluation du service national universel en 2021 : « Confrontées à des délais contraints, les équipes de direction ont, comme en 2019, souvent dû privilégier « le bouche-à-oreille » et « le réseau » pour recruter la majeure partie des équipes encadrantes. ». Si ces méthodes peuvent convenir pour une session accueillant 60 000 jeunes, elles ne seront plus suffisantes dans l'optique d'une généralisation du SNU.

Enfin, les conditions juridiques de la généralisation du SNU font l'objet de fortes incertitudes.

Pendant la phase expérimentale, l'administration a confirmé que les familles peuvent décider que leurs enfants ne participeront pas au séjour de cohésion avec le reste de leur classe, et que, dans ce cas, ils seront pris en charge par leur établissement scolaire, comme c'est le cas pour les élèves qui ne participent pas à des voyages scolaires. Qu'en serait-il toutefois si le séjour de cohésion venait à être rendu obligatoire ?

La Secrétaire d'État chargée du service national universel avait déclaré au rapporteur spécial, lors de son contrôle budgétaire présenté en mars 2023 sur le SNU24(*), que l'obligation de participer au séjour de cohésion se retrouverait alors mêlée avec « l'obligation scolaire », qui s'applique pour les jeunes français ou étrangers jusqu'à 16 ans révolus. Cette solution soulève toutefois plusieurs interrogations. Les jeunes qui sont en classe de seconde après 16 ans révolus seraient-ils toujours obligés de participer au séjour de cohésion ? En définitive, il est peu probable que l'obligation scolaire s'étende au SNU.

La Cour des comptes, dans son rapport sur la formation à la citoyenneté, rappelaient que les contraintes imposées par le séjour de cohésion constituent une atteinte aux libertés individuelles, au sens de l'article 66 de la Constitution : « en cas d'obligation, les modalités du séjour de cohésion (obligation à résidence pendant le séjour de cohésion sociale) et des MIG (obligation d'accomplir une tâche d'intérêt général non rémunérée pendant 12 jours), constituent des atteintes aux libertés individuelles »25(*).

Il n'est ainsi pas certain que la loi puisse généraliser le SNU sans qu'elle ne soit déclarée inconstitutionnelle. L'article 34 de la Constitution dispose que « la loi fixe les règles concernant [...] les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leur bien », mais un avis du Conseil d'État a estimé en 2019 qu'il ne s'étendait pas au SNU, et donc qu'une révision constitutionnelle était nécessaire26(*). Au regard de la configuration politique actuelle, il est extrêmement improbable qu'une telle loi constitutionnelle puisse aboutir.

3. Un coût de fonctionnement estimé entre 3,5 et 5 milliards d'euros pour le SNU généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge

Le coût prévisionnel par jeune en 2025 est estimé à 1 944 euros, ce qui est le plus faible depuis 2020. Il convient toutefois de rester prudent quant aux données prévisionnelles : la sous-exécution systématique des crédits du SNU a conduit à présenter des coûts prévisionnels par jeune plus favorables que ceux qui sont effectivement présentés.

Cette situation, que le rapporteur spécial relève tous les ans, a d'ailleurs été dénoncée par la Cour des comptes dans son rapport sur le SNU : « Un rééquilibrage artificiel a logiquement eu lieu en exécution, chaque année sur l'ensemble de la période, le coût effectif par jeune s'établissant à un niveau sensiblement plus élevé tandis que le nombre de jeunes volontaires était bien inférieur à l'objectif fixé. Cette pratique récurrente a permis au gouvernement de bénéficier d'une présentation budgétaire plus avantageuse au stade du PLF, avec un nombre important de jeunes à accueillir pour un coût unitaire apparemment limité. »27(*)

Toutefois, pour les années 2024 et 2025, il faut également relever que des économies peuvent être générées par la possibilité d'organiser le séjour de cohésion sur le temps scolaire, en termes notamment de réutilisation des centres d'hébergement. Le chiffre présenté par l'administration pour 2024, un coût de 2 172 euros par jeune, représente ainsi une amélioration par rapport aux années précédentes. En tout état de cause, les prévisions inscrites dans le projet de loi de finances pour 2025 semblent plus sincères que les années précédentes.

Coûts effectifs et prévisionnels du service national universel

Année

Coût du SNU dans le projet annuel de performance

(en millions d'euros)

Coût du SNU en exécution

(en millions d'euros)

Rapport cible de jeunes/ coût prévisionnel

(en euros)

Rapport réalisation en nombre de jeunes/ coût en exécution

(en euros)

2020

29,8

-

1 490

-

2021

62,3

39,9

2 492

2 723

2022

110,0

75,2

2 200

2 324

2023

140,0

96,3

2 187,5

2 475

2024

160,0

-

2 000

2 172

2025

128,3

-

1 944

-

Note : les chiffres du rapport entre la réalisation en nombre de jeunes et le coût en exécution de 2021 à 2022 ont été calculés en faisant le rapport entre le coût en exécution du SNU et le nombre de jeunes ayant effectivement accompli le séjour. En revanche, pour 2024, ce chiffre est celui donné par l'administration.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Cependant, le coût par jeune constaté en 2024, ou celui observé les années précédentes, ne sont aucunement représentatif du coût réel d'un SNU qui serait généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge.

Le passage d'une cible de 66 000 à 840 000 jeunes implique une réorganisation complète de la logistique et de l'administration du service national universel. De plus, les centres d'hébergement disponibles risquent de devenir plus chers à mesure qu'il devient difficile de trouver des centres d'une taille suffisante pour accueillir un séjour de cohésion. Enfin, le passage d'un public de volontaires à un régime obligatoire ajoute également de nombreuses contraintes en termes d'encadrement. Les éventuelles économies d'échelle ne seront sans doute pas suffisantes pour compenser les surcoûts.

Par conséquent, la Cour des comptes évalue les coûts de fonctionnement du service national comme pouvant aller de 3,5 milliards à 5 milliards d'euros, ce qui est une somme particulièrement conséquente, avec un coût par jeune doublé par rapport à ce qui existe actuellement, mais qui est cohérente avec les moyens qui seraient nécessaires pour une telle entreprise.

4. Le service national n'est pas une politique de l'engagement de la jeunesse satisfaisante

Au-delà de la question du coût, on peut aussi se demander, plus philosophiquement, si le service national universel correspond bien au modèle d'engagement que nous voulons pour nos jeunes.

Les hésitations sur la nature du séjour de cohésion, entre engagement civique et retour à une forme de « service militaire », ont été particulièrement dommageables à l'image et à la clarté du dispositif. Le service national universel s'est ainsi révélé être un dispositif hybride, voire contradictoire, mêlant obligation et engagement civique. Si le séjour de cohésion peut se tenir tant que le SNU est dans sa phase expérimentale, dans la mesure où seuls les jeunes volontaires y participent, un séjour de cohésion généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge, et donc obligatoire, pourrait créer l'effet inverse de celui qui est recherché.

L'idée d'un engagement « obligatoire » est paradoxale. Il apparaît au rapporteur spécial préférable de faire confiance aux jeunes, dont l'engagement n'est pas à prouver.

Il faut reconnaître néanmoins que les jeunes les plus défavorisés peuvent également être ceux qui connaissent le plus de difficultés à s'engager. Toutefois, un service national universel obligatoire n'est pas la bonne solution. Il est préférable de rester sur un dispositif basé sur le volontariat, mais assorti d'une communication efficace, et qui permette aux jeunes d'être rémunéré en contrepartie de leur engagement.

Le service civique répond à toutes ces conditions. Il permet aux jeunes de s'engager réellement, sachant que les missions de service civique sont prévues pour durer au minimum 6 mois, ce qui est le temps nécessaire pour qu'ils puissent développer les compétences nécessaires utiles aux associations.

Après cinq ans d'expérimentation, il n'apparaît donc pas que le SNU apporte une plus-value suffisante en comparaison des autres politiques d'engagement de la jeunesse pour justifier la poursuite de son déploiement. Le rapporteur propose donc un amendement de crédit visant à supprimer le SNU.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et le budget annexe « Sport, jeunesse et vie associative ».

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - La mission « Sport, jeunesse et vie associative » voit ses crédits diminuer de 12,8 %, pour atteindre 1 579 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Nous savons également que le Gouvernement compte économiser, par voie d'amendement, 55 millions d'euros supplémentaires sur la mission, mais nous n'en connaissons pas encore les détails.

Cette baisse, qui est la plus forte enregistrée par la mission depuis au moins dix ans, s'explique principalement par des raisons conjoncturelles.

Je pense tout d'abord, bien sûr, à la fin des dépenses exceptionnelles pour les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024, qui explique à elle seule 67,5 millions d'euros de baisse sur le programme 219 « Sport », et 85,5 millions d'euros sur le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques » qui, pour mémoire, porte les dépenses relatives aux constructions.

De l'avis général, les Jeux ont été une véritable réussite. Il est encore trop tôt pour avoir un bilan définitif de leur coût - la Cour des comptes est actuellement en train de le réaliser -, mais les premières informations dont nous disposons sont très positives.

Les ouvrages olympiques ont été livrés dans les temps et en respectant les contraintes budgétaires. La maquette financière initiale de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), élaborée en 2018, prévoyait un financement par les acteurs publics d'un montant de 1 378 millions d'euros. Hors inflation, la livraison des jeux Olympiques et Paralympiques aura coûté 1 398 millions d'euros, soit une différence de seulement 1,5 % avec les prévisions initiales. Et entre-temps, nous avons connu une pandémie et une crise énergétique !

L'établissement Solideo a mis en place un système efficace de recueil de l'information et de contrôle des risques, qui a permis l'annulation et la réorientation rapide de tous les projets qui auraient pu conduire à un dépassement du budget.

Ainsi, en juillet dernier, la Solideo a restitué 38,6 millions d'euros aux financeurs publics, dont 29,9 millions d'euros à l'État et 8,7 millions d'euros aux collectivités territoriales. Les sommes allouées à l'État ont été affectées au Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) pour le financement des jeux Paralympiques.

Sans entrer dans le détail des comptes du Cojop, dont le bilan n'est pas encore connu avec exactitude, il apparaît, d'après les informations transmises par le ministère, qu'il est très peu probable que la garantie de l'État soit appelée.

En tout état de cause, je salue l'action de la Solideo et du Cojop, qui a permis aux Jeux de Paris 2024 d'être une véritable réussite.

L'autre mouvement de crédits important de la mission provient du plan « 5 000 équipements - Génération 2024 », qui perd 100 millions d'euros. Il s'agit toutefois d'une baisse en trompe-l'oeil. La loi de finances initiale (LFI) de 2024 avait en effet ouvert 100 millions d'euros pour le plan, mais la sélection des dossiers et l'engagement de constructions ayant pris plus de temps que prévu, il est estimé que 96 millions d'euros de crédits ne seront pas consommés à la fin de cette année. Le Gouvernement a donc fait le choix de financer le plan pour l'année 2025 entièrement par reports de crédits.

Les évolutions les plus préoccupantes concernent en réalité le financement de l'Agence nationale du sport (ANS). Pour mémoire, l'ANS est notamment financée par une contribution sur les droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives, dite taxe Buffet, qui lui est intégralement affectée. Or cette taxe va connaître une baisse significative de ses recettes.

En effet, sur la période 2024-2029, la Ligue de football professionnel (LFP) devrait percevoir, au titre des droits télévisuels de la Ligue 1 et de la Ligue 2, un total de 678,5 millions d'euros par an, contre 743 millions d'euros par saison dans le cadre du contrat précédent. Ce manque à gagner affectera le rendement de la taxe Buffet jusqu'à l'exercice 2028, au minimum, ce qui devrait se traduire par une baisse des financements de l'ANS à hauteur de 4 millions d'euros par an.

La situation actuelle rappelle l'affaire Mediapro. La défaillance du diffuseur avait conduit à un écart entre les prévisions et le rendement de la taxe de 14,4 millions d'euros par an, et cette baisse de financement avait été compensée par des crédits budgétaires inscrits pour l'ANS en 2023 et en 2024.

Une telle situation est absurde : les finances publiques n'ont pas vocation à supporter les aléas de la négociation des droits audiovisuels des retransmissions sportives !

Je ne suis pas favorable à une suppression de l'affectation de la taxe Buffet à l'ANS, dans la mesure où elle demeure un symbole de la solidarité entre le sport professionnel et amateur, mais il convient de repenser le financement de l'Agence afin de le rendre moins dépendant de la conjoncture.

J'en viens au volet « jeunesse et vie associative » de la mission.

Le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) a gagné un supplément de financement de 17 à 20 millions d'euros l'année dernière, via le mécanisme de fléchage des comptes inactifs de l'État. Je le salue, car il a - enfin ! - atteint le montant de l'ancienne dotation parlementaire. Il convient désormais de prendre toutes les garanties nécessaires pour qu'il puisse accomplir au mieux sa mission, à savoir, le soutien financier des petites associations.

Les crédits inscrits pour le service civique - une politique qui me tient particulièrement à coeur -s'élèveront à 600 millions d'euros en 2025, en hausse de presque 80 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Cette progression correspond toutefois en réalité davantage à un « rebasage » des crédits du service civique, dans la mesure où le dispositif était également financé par la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC).

Or, la trésorerie de l'ASC est désormais redescendue à un niveau très faible, si bien qu'elle pourrait même tomber dès 2025 sous le niveau prudentiel, compte tenu des annulations de crédits décidées en février 2024. Le rebasage des crédits du service civique relève donc d'une bonne gestion, mais nous devons rester vigilants.

Je termine sur une politique plus controversée : le service national universel (SNU).

Celui-ci est doté de 128,3 millions d'euros pour 2025, en baisse de 31,7 millions d'euros par rapport à la précédente loi de finances. C'est la première fois que les crédits du SNU baissent depuis le début de l'expérimentation en 2019. On peut donc s'interroger sur l'état d'avancement de l'objectif de sa généralisation. Le ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, Gil Avérous, dans une déclaration récente, a affirmé que le Gouvernement n'avait pas les moyens de la généralisation du SNU, et que celle-ci n'était pas prévue à court terme.

Cette déclaration ne m'a pas surpris dans la mesure où j'ai mené un travail de contrôle sur le SNU, dont les conclusions ont été adoptées par notre commission le 8 mars 2023. J'avais alors estimé que sa généralisation, dans sa forme actuelle, n'était ni possible ni souhaitable. Il est extrêmement difficile de trouver suffisamment de centres pour accueillir l'ensemble des jeunes accomplissant un séjour de cohésion, et le recrutement des encadrants est également un défi majeur.

Il est déjà complexe d'organiser les séjours de cohésion alors que 60 000 jeunes seulement y participent. Que dire des difficultés logistiques d'un SNU qui serait généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge, c'est-à-dire 840 000 jeunes ?

Plus récemment, la Cour des comptes a publié un rapport critique sur le SNU, dans lequel elle soulignait des coûts de fonctionnement annuels faramineux en cas de généralisation - entre 3,5 milliards et 5 milliards d'euros par an -, soit un montant par jeune doublé par rapport à l'expérimentation.

Plus fondamentalement encore, on peut se demander si le SNU correspond bien au modèle d'engagement que nous voulons pour nos jeunes. L'idée d'un engagement obligatoire me semble paradoxale. Il serait préférable de faire confiance aux jeunes, dont l'engagement n'est pas à prouver.

Certes, les plus défavorisés peuvent connaître des difficultés à s'engager, mais le service civique permet justement de répondre à cet enjeu. C'est ce dispositif qu'il conviendrait de promouvoir.

Faute d'une perspective crédible de généralisation, l'expérimentation du service national universel ne me semble pas devoir être poursuivie. Je présenterai donc un amendement visant à la supprimer.

Aussi, je vous propose d'adopter les crédits de la mission ainsi modifiés.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Notons tout d'abord une heureuse simplification depuis la formation du Gouvernement : le périmètre ministériel correspond désormais à celui de la mission.

La partie dédiée au sport est composée du programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques », qui connaît une baisse de 85 millions d'euros, et du programme 219 « Sport », dont les crédits diminuent de 188 millions d'euros, soit de 23 % en crédits de paiement. Pour l'ensemble des deux programmes, c'est un recul de 268 millions ou 273 millions d'euros, selon la manière de calculer.

Après le succès des jeux Olympiques, ce budget décevant fait l'effet d'une douche froide. Nous avons connu des budgets, pour le programme « Sport », bien plus convaincants que celui-ci, qui ont pourtant fait l'objet d'avis réservés, voire, défavorables, de la commission de la culture ! À moins que des modifications ne soient adoptées au cours du débat budgétaire, je ne suis pas certain que ce budget recueille un avis positif.

Et pourtant, cela n'empêche pas le ministre des sports d'affirmer : « La baisse de 268 millions n'impacte pas ma politique » ! C'est quelque peu étonnant...

Gil Avérous se dit néanmoins favorable au relèvement de la taxe sur les paris sportifs, qui représente un outil intéressant de financement du sport. En effet, un déplafonnement total du prélèvement sur les paris sportifs en ligne permettrait de dégager immédiatement 133 millions d'euros de recettes. Or il manque 170 millions d'euros pour maintenir le budget du seul programme « Sport » au niveau de celui du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.

Ce déplafonnement me paraît essentiel, car, à compter de l'année prochaine, en vertu de l'application de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), cette taxe sera l'une des deux seules qui sont affectées au financement de ce programme, avec la taxe Buffet. En outre, il s'agit d'une ressource très dynamique. En additionnant les paris sur l'Euro de football et les jeux Olympiques et Paralympiques sur l'année 2024, on dépasse le milliard d'euros.

Il faut prendre l'argent où il est, sauf, comme le propose le rapporteur spécial, à supprimer le SNU et basculer les 130 millions d'euros de crédits vers le programme « Sport », notamment pour financer le plan 5 000 équipements.

Ce budget donne le sentiment d'une gueule de bois après les jeux Olympiques et Paralympiques. C'est aussi l'avis du mouvement sportif, alors même qu'il est débordé par l'afflux de nouveaux pratiquants. La demande a augmenté jusqu'à 30 % dans les fédérations d'escrime et de tennis de table, en particulier, alors qu'il leur est impossible d'accueillir de nouveaux licenciés.

Il est vrai que, bien avant les jeux Olympiques et Paralympiques, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023-2027 annonçait déjà une baisse de 130 millions d'euros pour 2025 et 2026. En outre, la baisse des crédits des collectivités locales - notamment l'effort de 3 milliards demandé aux régions - affectera aussi les équipements.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Le budget du programme 163 « Jeunesse et vie associative » progresse de 36 millions d'euros, soit 4 %. Mais cette augmentation est en trompe-l'oeil, car elle est essentiellement due à l'abondement de 80 millions d'euros supplémentaires pour le service civique, qui, ces dernières années, a été largement supporté par l'ASC sur ses fonds de trésorerie.

En réalité, tout le reste du programme diminue. Pour certains dispositifs, comme le SNU, nous ne nous en plaignons pas ! Mais ce programme couvre aussi le développement de la vie associative, ou encore les actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire, qui sont essentiels.

Notre pays compte environ 15 millions de bénévoles, qui animent des structures essentielles pour la cohésion sociale. Leur budget repose également sur celui des collectivités locales, ce qui suscite une forte inquiétude de la part des responsables du secteur. On note d'ailleurs que plus le maillage associatif d'un territoire est fort, moins les votes en faveur de l'extrême droite sont importants.

Le SNU est dispendieux, et son efficacité est relative. Nous proposons donc de le supprimer afin de redéployer ces crédits vers des dispositifs qui fonctionnent mieux. Le service civique en fait partie. Les associations insistent également sur l'importance de la formation. En effet, on constate une diminution de la présence des bénévoles âgés, qui gèrent généralement les associations, tandis que les jeunes sont de plus en plus nombreux à s'impliquer, mais de manière plus temporaire et ponctuelle. La formation des bénévoles est essentiellement assurée par le FDVA, dont les crédits s'élèvent à 8,5 millions - avec 15 millions de bénévoles, cela représente 50 centimes par personne. Les responsables du secteur associatif suggèrent de revaloriser ce budget à 1 euro par bénévole. Ils revendiquent, également, une augmentation de 10 000 euros du montant de chaque unité du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep), qui n'a pas été revalorisé depuis plusieurs années et qui représente actuellement près de 7 200 euros par unité.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce rapport est présenté dans un contexte de crise aiguë de nos comptes publics.

Concernant le financement de l'Agence nationale du sport, vous soulignez à raison que les finances publiques ne devraient pas jouer le rôle de variable d'ajustement dans les négociations sur l'audiovisuel. Quand un secteur va bien, on estime que c'est normal. En revanche, dès qu'il se porte moins bien, on appelle l'État ou les collectivités territoriales à la rescousse.

Pour favoriser la pratique sportive, il serait utile de disposer, à l'échelle des territoires et en lien avec l'État, d'un vrai bilan d'étape de l'état de nos équipements sportifs, et, surtout, des modernisations à envisager. Il ne s'agit pas de créer des terrains de sport sans tenir compte de l'évolution des pratiques. C'est ainsi que nous pourrons promouvoir la pratique du sport amateur, qui rassemble, et permettre le repérage des talents susceptibles d'évoluer vers le sport professionnel.

Il convient aussi de rester attentif aux enjeux d'aménagement du territoire, en réfléchissant à la localisation des différents équipements, qui répondent, parfois, à des pratiques culturelles. Notre examen budgétaire doit aussi être appréhendé au travers de ce prisme. Si nous devons participer à un effort collectif, il convient d'adopter une réflexion à moyen et long termes, avec une véritable ambition stratégique, construite à la fois par l'État et les acteurs du territoire.

Sur le SNU, dont acte ! Je pense que la proposition du rapporteur spécial s'inscrit strictement dans le droit fil des différents rapports publiés sur la question. Nous sommes d'accord, il faut éviter de démultiplier les structures, car nous risquons de perdre en visibilité. Le SNU manque de toute façon de diversité parmi les jeunes participant au séjour de cohésion.

M. Michel Canévet. - Nous pensons qu'il est nécessaire d'entamer une réflexion sur la rationalisation des compétences entre services déconcentrés de l'État et collectivités territoriales. Plus précisément, est-il utile de conserver le FDVA ? Concrètement, ce sont des fonctionnaires d'État qui allouent des subventions, aux montants assez faibles, aux associations locales, ce que pourrait très bien faire le conseil départemental. De même, en ce qui concerne le Pass'Sport, il me semble que c'est bien aux collectivités territoriales qu'il revient d'encourager la pratique du sport.

En résumé, en matière de fonctionnement, et non pas d'investissement, il me semble utile de remettre en cause un certain nombre de politiques publiques de l'État.

M. Didier Rambaud. - Cette mission illustre bien les contradictions que nous avons à gérer. Ces dernières années, j'ai souvent été assez seul à voter les crédits du sport en séance publique. Je suis donc surpris qu'aujourd'hui le rapporteur spécial nous demande de voter les crédits, tout en précisant qu'il s'agit du plus mauvais budget depuis des années.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - J'ai toujours appelé à voter les crédits.

M. Didier Rambaud. - Vous n'étiez pas nombreux dans ce cas... Cette année, je pense voter contre, en raison des baisses de crédits du plan 5 000 équipements sportifs-Génération 2024, car je pense qu'il est dommage de ne pas profiter de la vague des jeux Olympiques.

J'ai identifié un problème de gouvernance à l'ANS. Personne ne sait à qui il faut s'adresser, car son organisation est trop complexe.

En ce qui concerne le SNU, mon avis commence à évoluer. J'y étais favorable, mais je vois bien que l'objectif de mixité sociale a été oublié en route.

Mme Isabelle Briquet. - Je remercie le rapporteur spécial d'avoir donné un coup de pied dans la fourmilière en ce qui concerne le SNU. Nous remettons en cause son principe depuis le départ. Les objectifs ne sont pas atteints et son coût est considérable.

En revanche, vous avez souligné, à raison, l'intérêt du service civique. Les moyens alloués sont en hausse, mais l'ASC semble assez fragilisée. Va-t-on vers une remise en cause ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Monsieur le rapporteur spécial, je voudrais d'abord avoir des précisions sur le financement de l'ANS.

Ensuite, je veux m'attarder sur le financement de la Ligue de football professionnel. Il faut être prudent sur les chiffres annoncés l'été dernier. Le football français vit vraiment au-dessus de ses moyens. Il est de surcroît financé de façon artificielle grâce à des capitaux étrangers. On peut d'ailleurs s'interroger sur le rôle du Qatar à cet égard.

Il importe d'avoir une stratégie de long terme pour le football afin d'assurer sa souveraineté grâce à un modèle économique pérenne. C'est possible. J'en veux pour preuve les investissements à venir de la famille Arnault et de Red Bull dans le Paris Football Club.

M. Olivier Paccaud. - On nous a présenté le FDVA comme l'héritier de la réserve parlementaire. C'est en quelque sorte la réserve préfectorale. Je suis surpris par vos chiffres, monsieur le rapporteur spécial, puisque vous nous dites que le montant serait identique. Telle n'est pas mon impression localement.

Les parlementaires sont associés au niveau départemental, mais il faut savoir qu'il existe un filtre au niveau régional, avec parfois des corrections. Je m'interroge, car les parlementaires connaissent mieux leur tissu associatif départemental. Dans mon département, les subventions peuvent aller jusqu'à 10 000 euros, ce qui n'est pas rien.

Je suis d'accord pour un guichet unique, mais avec des gens qui connaissent bien le milieu associatif.

M. Marc Laménie. - Je tiens d'abord à saluer les 15 millions de bénévoles qui irriguent notre vie associative.

Je m'interroge sur le SNU : à quelle échéance doit-il disparaître ?

Par ailleurs, je souhaiterais savoir comment fonctionne précisément l'Agence du service civique.

Finalement, il n'y aura que la Journée défense et citoyenneté (JDC) pour toucher l'ensemble d'une classe d'âge, mais une seule journée semble une durée bien trop courte.

Enfin, monsieur le rapporteur spécial, quels sont les rapports de ce budget avec celui de l'éducation nationale ?

Mme Nathalie Goulet. - Nous avons été échaudés par la taxe FIFA l'an dernier. Nous serons vigilants cette année. Existe-t-il une taxe similaire dans le projet de loi de finances ?

M. Victorin Lurel. - Je partage tout ce qui vient d'être dit sur le FDVA. Pour ma part, je n'ai jamais réussi à siéger à la commission en Guadeloupe. Il m'est remonté des informations faisant état d'un fort clientélisme en faveur du football et d'une certaine opacité. Pouvez-vous nous éclairer ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Concernant le FDVA, les parlementaires sont membres de droit des commissions départementales, sous la présidence du préfet.

De ma propre expérience, je n'ai pas relevé de dysfonctionnements. Il n'y a pas de filtre régional.

M. Olivier Paccaud. - Chez nous si !

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Concernant le FDVA, les crédits s'établiront à 70 millions d'euros en 2025, compte tenu du fléchage des comptes inactifs de l'État - ce qui explique qu'ils ne soient pas visibles dans le programme « jeunesse et vie associative » -, ce qui correspond au montant de l'ancienne réserve parlementaire. Je précise que je ne parle que du volet association, la part de la réserve destinée aux collectivités étant intégrée dans la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Monsieur Canévet, j'ai le sentiment que les associations, sur le terrain, reconnaissent l'utilité du FDVA. Je constate- et ce constat est corroboré par la direction de la vie associative -, que les petites associations - 29 % sont des associations sportives et 19 % sont des associations culturelles - comptant au moins 2 équivalents temps plein (ETP) sollicitent beaucoup ce guichet unique. Notons que 80 % des demandes sont acceptées. Cet outil fonctionne donc plutôt bien dans nos territoires. Aussi, je ne pense pas qu'il faille le supprimer, notamment au vu des évolutions qui s'annoncent pour les budgets des collectivités.

En ce qui concerne le Pass'Sport, un effort d'économies de 10 millions d'euros est prévu pour adapter le budget à la réalité de la demande.

Monsieur Rambaud, je vous confirme que vous n'étiez pas le seul en séance publique à voter les crédits de cette mission l'an dernier : beaucoup de membres de la commission des finances ont été cohérents avec leur vote en commission et ont voté ces crédits, contre la position de leur formation politique.

Où en sont les financements des équipements sportifs ? Un état des lieux à l'issue du premier plan 5 000 équipements sportifs, de 2022 à 2024, a montré qu'il manquait des équipements structurants, notamment des piscines. Il faut en tirer les conséquences pour le nouveau plan Génération 2024, qui n'est d'ailleurs absolument pas remis en cause pour ce qui est des équipements de proximité et des équipements structurants. En revanche, en ce qui concerne la rénovation des cours d'école, des travaux plus légers sont désormais privilégiés.

Madame Briquet, vous avez souligné le rebasage de trajectoire de la trésorerie de l'Agence du service civique. Nous serons vigilants sur le maintien d'une réserve prudentielle pour qu'elle soit au rendez-vous de ses objectifs, à savoir 150 000 jeunes en service civique. Cet objectif est atteint tous les ans et il reste le même encore cette année, avec une amélioration de la qualité des missions. Je signale que l'indice de satisfaction des jeunes est plutôt bon.

Monsieur Laménie, l'ASC est un groupement d'intérêt public réunissant des représentants de l'État, des personnalités qualifiées, des représentants de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), avec des déclinaisons locales, et cela fonctionne plutôt bien.

La fin du SNU sera immédiate si mon amendement prospère. Après la suppression de 100 000 euros que je préconise, il resterait 28,3 millions d'euros pour amortir les frais déjà engagés.

Un effort a été fourni, le coût du séjour de cohésion de deux semaines par jeune passant de 2 400 euros à 2 100 euros, mais les résultats, notamment en matière de brassage, ne sont absolument pas au rendez-vous. Le Gouvernement mise sur 66 000 jeunes, l'objectif initial des 80 000 n'ayant pas été atteint l'an passé.

Je regrette que le débat sur le SNU que nous réclamions au Parlement n'ait jamais eu lieu. L'objectif était louable et les besoins de « faire société » demeurent, mais l'outil n'est pas adéquat.

Madame Goulet, à ma connaissance, la niche FIFA n'est plus d'actualité, et il n'y a pas de nouveau dispositif fiscal similaire prévu dans le projet de loi de finances.

Monsieur Hugonet, vous avez raison, tout reste à faire pour le financement de l'ANS. La proposition de Jean-Jacques Lozach sur les paris sportifs me semble une piste intéressante. Nombre de territoires ont grand besoin d'améliorer leurs équipements sportifs structurants.

Monsieur Lurel, sachez que, pour l'instant, il n'est pas question de supprimer la taxe Buffet. Toutefois, le financement de l'agence ne saurait reposer que sur ce prélèvement.

Article 42

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - L'amendement II-3 (FINC.1) vise à réduire de 100 000 millions d'euros les crédits de l'action n° 06 Service national universel ; 28,3 millions d'euros sont conservés sur l'action afin de couvrir les frais déjà engagés.

L'amendement II-3 (FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », sous réserve de l'adoption de son amendement.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Le Mouvement associatif :

- M. Martin BOBEL, vice-président ;

- M. David RATINAUD, responsable plaidoyer.

Unis-Cité :

- Mme Marie TRELLU-KANE, présidente.

Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) :

- Yann KRYSINSKY, directeur général.

Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) :

- M. Thibaut de Saint Pol, directeur ;

- M. Olivier BLANCHARD, chef de la Mission Ressources Humaines et Finances.

Direction des sports :

- M. Jérôme FOURNIER, Chef de service, adjoint de la directrice des sports ;

- M. Omar MOKEDDEM, chef de la mission financière.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 « Le service national universel : la généralisation introuvable », Éric Jeansannetas, 8 mars 2024

* 2 Il s'agit en particulier de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), des Centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS), des Écoles nationales du sport et de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

* 3 Une partie importante de cette baisse de crédits est donc imputée sur la subvention à l'Agence nationale du sport (ANS).

* 4 À savoir l'Association des régions de France, l'Assemblée des départements de France, France urbaine et l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité.

* 5 Les droits de vote sont répartis à 30 % chacun pour l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif, et à 10 % pour le monde économique.

* 6 Loi n° 2019-812 du 1er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

* 7 Arrêté du 20 avril 2019 portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public dénommé « Agence nationale du sport ».

* 8 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 9 « Ligue 1 : la grande désillusion économique du foot français », Le Monde, 23 octobre 2024

* 10 « L'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 », Cour des comptes, 20 juillet 2023. Depuis, la restitution de 38,6 millions d'euros aux financeurs publics a permis de passer d'une progression de 1,8 % à 1,5 %.

* 11 L'adossement de la Solidéo à « Grand Paris Aménagement » est prévu par la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023.

* 12 15 ans si la personne dispose d'un contrat d'apprentissage.

* 13 La première rédaction de l'article prévoyait que cette quote-part soit fixée chaque année en loi de finances, mais l'article 205 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances initiale pour 2022 a fixé ce montant à 20 %, ce qui est le montant qui était systématiquement retenu.

* 14 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances initiale pour 2024.

* 15 « Le Fonds pour le développement de la vie associative. Volet fonctionnement et innovation », Septembre 2021. Enquête menée à la demande de la commission des finances du Sénat dans le cadre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finance.

* 16 « Fréquentation des accueils collectifs de mineurs en 2021-2022 », INJEP, janvier 2023, page 2.

* 17 « Fréquentation des colonies de vacances : les collégiens issus de milieu social favorisé partent davantage », INJEP, janvier 2021, pages 2 et 3.

* 18 Réponses de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative au questionnaire du rapporteur spécial

* 19 Conférence de presse du 17 mars 2022.

* 20 La cible initiale était de 80 000 jeunes.

* 21 La pandémie a conduit à l'annulation du séjour de cohésion. En revanche, 7 000 jeunes ont participé au service national universel au titre de la seule mission d'intérêt général.

* 22 Au moment de son lancement, il était en effet prévu que le Service national universel concerne 20 000 jeunes pour 2020, 150 000 pour 2021, 400 000 pour 2022, avant d'être généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge.

* 23 La Cour des comptes estime quant à elle que 482 centres devraient être ouverts en simultané.

* 24 « Le service national universel : la généralisation introuvable », Éric Jeansannetas, 8 mars 2023

* 25« La formation à la citoyenneté », Cour des comptes, octobre 2021, page 71.

* 26 Avis du Conseil d'État cité par la Cour des comptes, « Le service national universel : un premier bilan, cinq années après son lancement », Septembre 2024

* 27 « Le service national universel : un premier bilan, cinq années après son lancement », Cour des comptes, septembre 2024, page 31

Partager cette page