B. UN EFFORT IMPORTANT EST NÉANMOINS RÉALISÉ EN FAVEUR DU MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE
Depuis plusieurs années, les budgets successifs de la mission « Défense » accordent opportunément des moyens croissants au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels militaires.
En 2024, les crédits dédiés à l'opération stratégique « entretien programmé des matériels » (EPM) ont ainsi connu une hausse + 775 millions d'euros en CP, soit une hausse de 14 % par rapport à 2023, amplifiant la dynamique de ces dernières années. En 2025, les crédits concernés augmentent de 160 millions d'euros par rapport à 2024, soit de 2,8 %.
Cette hausse s'opère au profit de la Marine, dont les crédits d'EPM augmentent de 11,4 % en 2025 (après + 8 % en 2024). Les crédits d'EPM de l'armée de Terre (- 0,5 %) et de l'armée de l'Air et de l'Espace (- 1,4 %) sont quant à eux globalement stables, après de nettes hausses les années précédentes, respectivement de + 19 % et de + 17 % en 2024.
Le taux de croissance annuel moyen des dépenses d'EPM s'établirait ainsi à 7,6 % sur la période 2020-2025.
Évolution des crédits en faveur de l'entretien programmé des matériels (CP)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire
Le rapporteur spécial ne peut que saluer cette évolution, qui est de nature à permettre d'améliorer la disponibilité des matériels et donc le niveau d'activité des forces, même si l'effort de MCO ne saurait être perçu comme un moyen de compenser les trous capacitaires provoqués notamment par les prélèvements pour l'exportation de matériels et les décalages de programmes prévus par la LPM 2024-2030. En outre, comme l'a récemment montré le rapporteur spécial43(*), la portée de la hausse des crédits est limitée par le fait que les coûts moyens de maintenance ne cessent de progresser, ce qui s'explique notamment par la sophistication croissante des matériels militaires et par la hausse du coût des intrants.
C. UNE INTERRUPTION SUBITE ET DOMMAGEABLE DE LA PUBLICATION DES INDICATEURS
À l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2024, le projet annuel de performances de la mission « Défense », qui lui est annexé, comportait une refonte de la maquette de performance du programme n° 178 « Préparation et emploi des forces », qui s'est accompagnée d'une interruption de la publication des résultats et des cibles des indicateurs relatifs à la disponibilité technique opérationnelle (DTO) des matériels, d'une part, et à l'activité des forces, d'autre part. Le PLF pour 2025 ne revient pas sur cette décision.
Pour les années postérieures à 2022, ces données, désormais classées « diffusion restreinte - spécial France » restent accessibles aux parlementaires des commissions chargées de la défense et à certains parlementaires des commissions des finances appelés à en connaître44(*) mais ne sont plus disponibles en source ouverte et ne peuvent pas être publiées.
À l'occasion d'auditions du rapporteur spécial dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, il lui avait été indiqué que le ministère des armées, dans un souci de transparence, aurait fait preuve par le passé d'une forme de « naïveté » en publiant ainsi des éléments de nature à révéler de façon assez précise notre potentiel militaire à nos compétiteurs.
Comme il l'a récemment rappelé45(*), le rapporteur spécial est bien entendu sensible à cet enjeu, même s'il n'est pas certain que la protection des données au titre de la mention « Diffusion restreinte », qui ne relève pas du secret de la défense nationale, suffise à empêcher nos principaux concurrents internationaux d'avoir in fine accès à ces informations.
Or, en l'état, ce changement a en revanche bel et bien pour conséquence de priver le débat budgétaire d'informations importantes et de réduire la capacité du Parlement à contrôler et à évaluer les politiques mises en oeuvre. À l'avenir, le décalage temporal croissant avec l'année 2022 conduira à l'impossibilité de procéder à une analyse sur la base de ces indicateurs, tout en excluant d'apprécier les évolutions ultérieures. C'est pourtant une condition pour évaluer l'état et la performance des forces armées et en assurer l'examen budgétaire annuel.
Le rétablissement de l'information du Parlement s'agissant de la disponibilité des équipements et de l'activité des forces à un niveau suffisant apparait ainsi indispensable pour que la représentation nationale puisse en tirer les conséquences budgétaires et législatives. Un meilleur équilibre entre la protection de la sécurité nationale et la transparence vis-à-vis des parlementaires et des citoyens doit être trouvé.
* 43 Rapport d'information n° 4 (2024-2025), déposé le 2 octobre 2024, fait au nom de la commission des finances, sur le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires, M. Dominique de Legge.
* 44 En particulier, le rapporteur spécial.
* 45 Rapport d'information n° 4 (2024-2025), déposé le 2 octobre 2024, fait au nom de la commission des finances, sur le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires, M. Dominique de Legge.