B. LA PRISE EN COMPTE, PAR LES JURIDICTIONS ET LES SERVICES D'ENQUÊTE, DU CONCEPT DE CONTRÔLE COERCITIF
L'efficacité renforcée de la répression des situations de violences sexuelles ou de violences commises au sein des couples a été soutenue par un mouvement de formation des professionnels de la chaîne pénale appelés à les traiter. En atteste par exemple, au sein de l'autorité judiciaire, la création de « pôles VIF » spécialisés dans tous les tribunaux judiciaires et toutes les cours d'appel depuis le 1er janvier 2024, conformément aux recommandations formulées par le rapport de Dominique Vérien et de la députée Émilie Chandler, remis en juin 2023 au garde des sceaux.
Au-delà de ces évolutions organisationnelles, certains magistrats, gendarmes et policiers ont pu s'approprier des notions extra-juridiques pour mieux analyser la dynamique des violences conjugales. Tel est en particulier le cas du « contrôle coercitif » : ce concept (mis en évidence par le sociologue américain Evan Stark) a en effet contribué à la compréhension de faits qui, pris isolément, peuvent paraître anecdotiques, mais constituent en réalité une stratégie de domination d'un membre du couple sur l'autre et révèlent une volonté de limiter l'autonomie de l'autre.
Utilisée par certains enquêteurs, comme en a témoigné lors de son audition publique5(*) le colonel Nicolas Nanni, commandant du groupement de gendarmerie départementale de l'Yonne, la notion de « contrôle coercitif » est également le levier d'une meilleure caractérisation des violences psychologiques ou du harcèlement sur conjoint par les juridictions. En attestent les arrêts rendus le 31 janvier 2024 par la cour d'appel de Poitiers, qui définissent ce contrôle comme une série de « manoeuvres délibérées et répétées de déstabilisation psychologique, sociale et physique [qui] ont pour effet de diminuer la capacité d'action de la victime et de générer un état de vulnérabilité ou de sujétion » et jugent qu'il constitue « une atteinte aux droits humains, en ce qu'il empêche de jouir de ses droits fondamentaux comme la liberté d'aller et venir, de s'exprimer, de penser, d'entretenir des liens familiaux ».
C. DES INTERROGATIONS SUR LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES DU VIOL SOUS L'EFFET DU PROCÈS DES « VIOLS DE MAZAN »
Un autre débat structurant, cette fois relatif aux circonstances aggravantes prévues en cas de viol, s'est noué au cours du procès des « viols de Mazan ».
En effet, la loi prévoit déjà de nombreuses circonstances aggravantes lorsque ce crime est commis : elles ont pour effet de porter le quantum encouru de quinze à vingt ans (viol ayant produit une mutilation ou infirmité permanente ; viol commis sur un mineur de quinze ans ou sur une personne particulièrement vulnérable ; viol commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; viol au sein du couple, etc.), voire à trente ans de réclusion (viol ayant entraîné la mort de la victime) ou à la perpétuité (viol précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie).
Le droit actuel ne prévoit toutefois aucune circonstance liée au caractère prémédité des faits, alors même que cette circonstance, aggravante pour plusieurs autres infractions pénales6(*), constitue de toute évidence un critère à la fois de la gravité de l'infraction et de la dangerosité de son auteur.
* 6 Une telle aggravation est visée par le code pénal en cas de meurtre (ce qui en fait un assassinat : article 221-3), de tortures et d'actes de barbarie (article 222-3), de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-8) ou une incapacité temporaire de travail (articles 222-12 et 222-13).