B. DES LOIS EGALIM PEU APPLIQUÉES ET CONTOURNÉES
1. Taux de contractualisation dans la filière
bovine
en 2023
Les exemples de la contractualisation et des indicateurs de référence
La contractualisation écrite, bien que généralisée par Egalim 2, reste faiblement appliquée. Au sein des filières soumises à l'obligation, c'est-à-dire la quasi-totalité des productions animales, la contractualisation est peu développée - hormis dans la filière laitière pour des raisons historiques. Dans la filière bovine, où elle a été généralisée à partir de 2022, le taux de contractualisation est passé de seulement 17 % en 2022 à 25 % fin 2023. De plus, de nombreuses filières sont exemptées, par voie règlementaire, de l'obligation de contractualisation écrite : productions végétales, fruits et légumes, vins, apiculture... Par ailleurs, bien que fournissant une base de discussion ainsi qu'un référentiel fiable et objectif de nombreux indicateurs de référence ne sont pas publiés par les interprofessions.
2. Des centrales d'achat internationales pour contourner les lois Egalim
Au-delà d'un objectif de mutualisation des achats, les centrales d'achat basées à l'étranger sont un moyen de contourner les lois Egalim. Environ 20 % en valeur ou jusqu'à 50 % en volume des produits commercialisés par la grande distribution en France pourraient être négociés à l'étranger. Les industriels sont de plus en plus nombreux à être convoqués par ces structures internationales qui ne se limitent plus aux multinationales, mais touchent aussi des PME et ETI. À ces centrales internationales d'achat s'ajoutent des centrales de services commerciaux, qui se superposent à des services déjà payés au niveau national et peuvent s'apparenter à un droit d'entrée en négociations sans contrepartie économique réelle.
C. POUR UNE MEILLEURE ÉVALUATION ET UN CADRE JURIDIQUE STABLE
1. Un besoin de stabilité, y compris pour le SRP+10 et l'encadrement des promotions, deux dispositions censées favoriser la marche en avant des prix agricoles
Il est contradictoire d'instruire le procès en inefficacité des lois Egalim et de vouloir sans cesse en élargir les dispositions : les acteurs demeurent en phase d'appréhension des nombreux dispositifs votés et aspirent à un cadre juridique le plus stable possible, c'est pourquoi il vaut mieux renforcer l'application des lois Egalim et en améliorer l'évaluation que modifier chaque année les dispositifs et leurs paramètres. Le droit des relations commerciales a connu 13 réformes en moins de 40 ans, dont six ces dix dernières années !
Introduit à titre expérimental par la loi Egalim 1 en 2018 et prorogé en 2020, le SRP+10 arrive à échéance le 15 avril 2025. Il vise des conditions de négociation plus favorables aux fournisseurs par une meilleure péréquation entre produits, c'est-à-dire une limitation des écarts de prix entre produits d'appel et produits aux prix plus élevés. Ces prix plus élevés conduisent à des marges plus grandes pour les distributeurs mais ils sont défavorables aux fournisseurs (agriculteurs et industriels) en termes de pénétration des marchés et aux consommateurs en termes de pouvoir d'achat. À l'exception du groupe Leclerc, tous les acteurs auditionnés soulignent la nécessité de prolonger ce dispositif, la disparition du SRP+10 conduirait en effet à un nouvel épisode de la guerre des prix.
2. Le SRP+10 et l'encadrement des promotions forment un ensemble de dispositions qui doivent faire l'objet d'évaluations plus approfondies
Si le Sénat s'est montré circonspect sur ce dispositif inflationniste dès 2018, les rapports d'évaluation de 2020 et 2022 ont relativisé ses défauts : le relèvement du SRP et l'encadrement des promotions n'ont eu qu'un très faible effet inflationniste sur les produits alimentaires (+0,17 % entre mars 2019 et février 2020 par exemple). N'ayant pas démontré son impact bénéfique sur la rémunération des producteurs, le SRP+10 devra faire l'objet d'évaluations plus approfondies, surtout que le rapport d'évaluation remis par le Gouvernement en mai 2024 ne fait que constater l'impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l'usage de leur surplus de chiffre d'affaires à ce titre depuis 2019. Pour mémoire, la loi Egalim 3 ou Descrozaille prévoit en effet que chaque distributeur communique au Gouvernement des informations à ce sujet. Depuis 2023, l'ensemble des distributeurs font part de leur difficulté à répondre à cette obligation déclarative et dénoncent l'absence de méthodologie commune produite par la DGCCRF.
Pendant du SRP+10, l'expérimentation de l'encadrement des promotions a été prolongée jusqu'en 2026, avec un taux de remise en valeur plafonné à 34 % et un volume concerné limité à 25 %. Son extension il y a un an à tous les produits de grande consommation (PGC), dont les produits de droguerie, parfumerie et hygiène (DPH), en mars 2024, visait à prévenir le risque d'effets de bord sur les produits alimentaires. Bien qu'une évaluation rigoureuse fasse défaut, cet encadrement des promotions n'a pas engendré de hausse des prix et a même permis une hausse du nombre de références en promotion ainsi que la facilitation du lancement de nouveaux produits. En matière de DPH, il permet de protéger le tissu industriel national, notamment nos PME et a suscité une réduction des prix (- 2,1 % sur les prix DPH en fond de rayon entre mars et novembre 2024 selon Circana). Il est faux de dire qu'il a conduit à un effondrement des volumes de DPH en grandes surfaces, puisque le décrochage des DPH par rapport aux ventes totales des PGC s'observe depuis plus d'une décennie et a été particulièrement spectaculaire en 2021 et 2023, soit avant l'entrée en vigueur du dispositif. La prolongation de l'expérimentation au-delà de 2026 serait donc bienvenue, même si le développement du cagnottage en alternative aux promotions limite sa portée.