EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 26 mars 2025, la commission a examiné le rapport de M. Henri Cabanel sur la proposition de loi n° 273 (2024-2025) visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés, plus communément connue sous l'appellation « PPL drones en agriculture », ou encore « PPL Fugit », du nom du député qui en est l'auteur.
Avant de laisser la parole à notre rapporteur, Henri Cabanel, il me semble important de porter à votre connaissance les engagements que le Gouvernement a pris vis-à-vis du monde agricole et que m'a confirmés le ministre chargé des relations avec le Parlement, Patrick Mignola, que j'interrogeais encore à ce sujet la semaine dernière en conférence des présidents, quant à l'inscription à l'Assemblée nationale de la proposition de loi de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.
Ce texte devait être débattu à l'Assemblée nationale la semaine prochaine, mais son examen a été retiré de l'ordre du jour pour être renvoyé à la fin du mois de mai. Entretemps, nous avons appris qu'il pouvait être inscrit dès la semaine suivant la suspension des travaux parlementaires, soit la semaine du 28 avril - c'est ce que souhaitait le Gouvernement et la ministre de l'agriculture. Cela allait plutôt dans le bon sens, mais la conférence des présidents de l'Assemblée nationale qui s'est réunie hier en a décidé autrement - la semaine du 28 avril est une semaine d'initiative parlementaire. Le texte sera donc bien inscrit à l'ordre du jour de la semaine du 26 mai, qui, elle, est une semaine d'initiative gouvernementale.
D'après ce que j'ai compris, l'examen de la proposition de loi, que nous considérons comme importante pour le monde agricole, sera prioritaire sur celui d'un certain nombre d'autres textes, ce qui permettra de prolonger les débats si besoin.
Dans le programme qui nous a été communiqué la semaine dernière en conférence des présidents, la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire est annoncée pour le mois de juin. Nous espérons donc vivement que le texte sera voté avant la fin de la session ordinaire.
Le vote aujourd'hui de la proposition de loi sur les drones en agriculture, qu'Henri Cabanel va nous présenter, n'affaiblira pas le travail de nos collègues ; il viendra, au contraire, le conforter. En effet, la question des drones en agriculture a déjà été traitée dans la proposition de loi Duplomb-Menonville. C'est donc aussi un signal que nous enverrons en votant cette proposition de loi. Cela montrera une nouvelle fois que nous sommes au rendez-vous et que nous prenons nos responsabilités, en lien avec la ministre de l'agriculture, Annie Genevard, pour trouver des solutions concrètes à la crise profonde et multiforme que connaît le monde agricole.
Je cède tout de suite la parole à Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Mes chers collègues, il me revient de conclure cette matinée dense en vous présentant le fruit de mes réflexions sur la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés de notre collègue député Jean-Luc Fugit. Je tiens à vous remercier, madame la présidente, de m'avoir confié ce rapport.
Ce texte court a fait l'objet de débats particulièrement nourris à l'Assemblée nationale, puisque ce ne sont pas moins de 67 amendements qui ont été déposés au stade de la commission, et 81 en séance publique, alors même que le dispositif proposé tient en un article unique. Je pense qu'au Sénat nous saurons, comme à l'habitude, être plus mesurés, en débattant du fond.
J'ai moi-même souhaité, dans le court laps de temps séparant ma désignation en tant que rapporteur de notre réunion de ce jour, aller au fond des choses. Le sujet est loin de nous être inconnu, puisque notre assemblée s'est déjà prononcée à deux reprises sur l'opportunité d'utiliser les drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques en agriculture : à l'occasion du vote, en mai 2023, de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, présentée par nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou ; mais aussi, tout récemment, lors du vote, en janvier dernier, de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, déposée par nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville.
Et c'est bien le dispositif adopté dans le cadre du compromis trouvé entre le rapporteur de ce texte, Pierre Cuypers, et le Gouvernement que l'on retrouve, à une nuance près, dans le texte que nous étudions ce matin. Autrement dit, le Sénat s'est d'ores et déjà prononcé favorablement sur un dispositif quasi identique.
Dans ces conditions, faut-il soit un rejet pur et simple de la proposition de loi, au motif qu'un dispositif similaire figure dans la « PPL Contraintes », dont nous savons désormais qu'elle sera débattue fin mai à l'Assemblée nationale, soit, au contraire, une adoption conforme, de manière à sécuriser définitivement cet acquis pour nos agriculteurs ?
Pour ce qui me concerne, je souhaite nous inviter collectivement à appliquer cette vieille maxime paysanne voulant qu'« un tiens vaut mieux que deux tu l'auras », « Bal melhor tenir que esperar » comme on dit en occitan, et à adopter la présente proposition de loi. C'est d'ailleurs également la position de l'essentiel de la profession agricole, dont j'ai auditionné les représentants la semaine dernière.
Ces auditions m'ont permis de me forger la conviction que, si ce texte pouvait être amélioré sur certains points - j'y reviendrai -, il constitue un point de départ nécessaire pour « cranter » enfin, après des années de débats, la possibilité de réaliser des épandages au moyen de drones.
Bien entendu, cet usage est encadré et limité : nous ne parlons pas ici d'utiliser des hélicoptères, pratique qui a pu avoir cours par le passé, mais qui a ensuite été interdite. Il est encadré par les prescriptions générales d'usage des drones et d'emploi des produits phytopharmaceutiques. Il est aussi encadré dans la mesure où seuls les produits les moins dangereux pourront être épandus par drone et par le fait que seules les parcelles en pente, les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes seront susceptibles de recevoir des traitements avec ce mode d'administration.
Notons que la seule différence entre le texte qui nous est soumis et le dispositif adopté dans le cadre de la « PPL Contraintes » réside dans le pourcentage minimal de pente nécessaire à l'autorisation de l'épandage par drone : alors qu'il était de 30 % dans le cadre de l'accord global avec le Gouvernement portant sur la proposition de loi, les députés ont préféré l'établir à 20 %, ce qui me semble tout à fait pertinent. Cela permettra à davantage d'agriculteurs de bénéficier de cette technique.
En réalité, le dispositif proposé dans ce texte recoupe l'expérimentation menée jusqu'en 2021 dans le cadre de l'article 82 de la loi Égalim de 2018 et évaluée en 2022 par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). L'évaluation portait en effet essentiellement sur des vignes en pente, mais aussi, de façon plus marginale, sur des bananeraies et des champs de pommiers.
Beaucoup de débats ont déjà eu lieu autour des quarante-quatre pages de conclusions de l'agence, dont nous avons bien entendu auditionné les représentants. Pour ma part, je retiens de ses conclusions qu'il est indéniable que les drones présentent des avantages manifestes pour certains usages, principalement pour les applicateurs, avec des taux d'exposition jusqu'à deux cents fois inférieurs. Il est vrai que, sur d'autres paramètres, les résultats de l'Anses sont prudents. Ainsi, l'Anses indique que les conditions d'utilisation ont fort logiquement un impact très important sur le niveau de la dérive, qui, suivant les cas, est soit inférieur, soit supérieur à la dérive observée avec du matériel classique.
Ce sont les quelques incertitudes qui demeurent qui ont motivé le choix de n'autoriser que les produits les moins dangereux pour un usage par drone, contrairement à l'expérimentation menée de 2018 à 2021, qui concernait l'ensemble des produits. Je considère ce choix judicieux, dans la mesure où le cadre européen entourant l'usage d'aéronefs demeure particulièrement strict dans la définition des conditions pouvant justifier une dérogation à l'interdiction générale de pulvérisation aérienne.
En revanche, je formulerai une remarque à propos de la filière banane, dont nous avons aussi auditionné certains représentants. Cette filière est confrontée à une baisse tendancielle de ses rendements en raison du retrait progressif des produits phytopharmaceutiques disponibles, ainsi que de l'interdiction des traitements aériens depuis plus de dix ans. Elle fait notamment face à la cercosporiose noire, un champignon dévastateur contre lequel un traitement fongicide sur les feuilles du dessus des bananiers est nécessaire. Ce traitement est actuellement administré par voie terrestre, par des opérateurs équipés d'un pulvérisateur à dos d'une trentaine de kilos et qui, bien souvent, ne portent pas la combinaison de protection en raison du climat tropical sur place - quand je pense que c'est déjà difficilement supportable quand je suis dans mon tracteur... Si ce texte ouvre bien la possibilité de pulvériser des produits de biocontrôle par drone, il ne permettra pas de soulager les travailleurs administrant depuis le sol le fongicide conventionnel utilisé dans la lutte contre ce champignon. Aussi, je pense que nous n'avons pas épuisé la question posée par les enjeux spécifiques de cette filière et qu'il faudra sans doute y revenir.
Pour conclure, j'ajoute que, tout comme le dispositif que nous avons récemment voté, ce texte prévoit un mécanisme d'expérimentation du drone sur d'autres cultures, qui devront faire l'objet d'une évaluation de la part de l'Anses avant de pouvoir être pérennisés, si des bénéfices manifestes pour la santé humaine et pour l'environnement sont observés.
En votant ce texte, nous mettrons donc fin, pour une bonne partie, à une surtransposition franco-française, en permettant, comme d'autres pays européens, d'utiliser l'innovation permise par les drones, qui n'en sont qu'à leurs débuts, au service de la réduction de l'exposition des opérateurs, mais aussi de la quantité globale de produits phytopharmaceutiques utilisés ou encore de l'attractivité du métier agricole, par la réduction des contraintes et de la pénibilité.
Pour ce qui concerne le périmètre de la proposition de loi, je vous propose de considérer que, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la conférence des présidents, sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives à l'usage d'aéronefs circulant sans personne à bord pour l'application de produits phytopharmaceutiques en agriculture.
M. Bernard Buis. - Je veux remercier Mme la présidente pour ses propos liminaires et M. le rapporteur pour son rapport très documenté.
Partant du principe qu'il vaut mieux tenir que courir, je pense qu'il est préférable que l'on vote rapidement cette proposition de loi. Ainsi, nous pourrons continuer l'expérimentation et, peut-être, avancer sur l'utilisation des drones, demain, pour d'autres produits et d'autres secteurs. Ce dispositif est attendu par nos agriculteurs. Un vote conforme sera le bienvenu.
M. Daniel Salmon. - Merci au rapporteur de son travail.
Nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 1er, compte tenu de l'insuffisance des données dont nous disposons aujourd'hui.
Ainsi, selon l'Anses, « l'analyse des données ne permet pas, à ce stade, de dégager des conclusions générales robustes compte tenu des incertitudes observées. Il conviendrait de poursuivre les expérimentations pour consolider les résultats et confirmer les tendances observées. » J'ai participé à l'audition de l'Anses, qui était très intéressante. L'agence appelle à ce que nous croisions nos données avec celles d'autres pays européens qui travaillent sur le sujet, comme l'Allemagne et l'Espagne. Pour l'instant, cela n'a pas été fait. Nous devons continuer à travailler. Effectivement, certains apports technologiques peuvent être intéressants.
D'aucuns semblent découvrir aujourd'hui la dangerosité de certains pesticides. Vouloir protéger les opérateurs est une très bonne chose, mais on sait que la volatilisation peut être beaucoup plus importante avec les drones ! C'est ce qui a justifié l'interdiction totale qui a prévalu durant longtemps avant la première loi Égalim.
Les évolutions technologiques doivent être prises en compte, mais nous estimons qu'il faut en rester à une expérimentation et, surtout, ne pas l'étendre à d'autres cultures, car nous avons besoin de beaucoup plus d'informations. Nous sommes donc, en l'état, pour la prolongation de l'expérimentation, mais surtout pas pour un élargissement.
De même, l'Anses ne dit pas forcément non aux drones, mais considère qu'il faut de la formation - ces appareils ne se pilotent pas n'importe comment -, de la maintenance et un contrôle de ces appareils. De fait, il convient de contrôler que la facilitation de l'utilisation des pesticides ne va pas engendrer une augmentation de leur volume.
Tout cela nous amène à proposer la suppression du dispositif de cette proposition de loi.
M. Gérard Lahellec. - Merci, monsieur le rapporteur. Je dois avouer mon grand embarras, qui tient au fait que, en ma qualité de petit paysan du centre Bretagne, je ne connais du sujet que des applications très limitées. Chez moi, c'était le blé d'hiver et les pommes de terre !
D'ailleurs, grâce notamment au travail de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), on a découvert une nouvelle variété de pomme de terre, la zen, qui est peu sensible au mildiou. Par conséquent, je me suis mis à cultiver de la zen - il paraît qu'il n'est pas mauvais d'être zen de temps en temps...
À l'époque, on apprenait que la projection des produits phytosanitaires n'a pas la même efficacité selon la distance qui la sépare de la plante. La déperdition était proscrite pour éviter une moindre efficacité du traitement. Depuis, les choses ont évolué, tant et si bien que beaucoup d'agriculteurs interdisent à leurs enfants de manipuler les produits.
Par conséquent, je considère que le sujet est sensible et qu'il faut des avis scientifiques un peu élaborés sur le sujet. À cet égard, l'Anses ne nie pas le progrès que peut constituer l'usage des drones, mais elle est assez prudente sur les prescriptions d'usage. S'agissant des manipulations, il ne faut pas faire n'importe quoi... Le niveau d'inconnu qui entoure le sujet m'incite à être prudent sur la généralisation des usages.
Je n'ai pas parlé de la vigne. Nous n'en produisons pas.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Pas encore !
M. Gérard Lahellec. - Cela pourrait arriver, et ce ne serait pas forcément une bonne nouvelle...
M. Henri Cabanel, rapporteur. - En tout cas pas pour nous !
M. Gérard Lahellec. - À la faveur du réchauffement climatique, certains ont commencé à planter quelques vignes chez nous, ce qui n'est pas rassurant.
Très clairement, nous sommes, à ce stade, hostiles à la généralisation, raison pour laquelle nous ne voterons pas cette proposition de loi.
M. Jean-Claude Tissot. - Je remercie le rapporteur du travail effectué.
Cette proposition de loi entend déroger au principe général d'interdiction de pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques.
Nous considérons qu'il faut dissocier l'usage de la technique, d'une part, et les produits utilisés, d'autre part. Jamais nous ne refuserons le progrès quand celui-ci vient améliorer les conditions de travail. En revanche, jamais nous ne défendrons l'usage des pesticides.
Nous allons nous aussi nous appuyer sur l'Anses, qui, contrairement à ce qu'avance l'auteur de la proposition de loi, ne formule aucun avis tranché dans son rapport d'évaluation et semble même plutôt réservée, notamment au regard des dérives.
Nous sommes conscients qu'il existe une réelle difficulté liée à la spécificité de certains territoires à la topologie particulière. C'est surtout vrai dans les territoires ultramarins. Aussi, ce sujet mériterait une réflexion spécifique pour que des aménagements puissent être trouvés dès lors que toutes les garanties de sécurité pour l'homme et l'environnement ne seraient pas réunies.
Je termine par le droit à l'essai. La proposition de loi pourrait ouvrir l'autorisation d'épandage par drone pour toutes les cultures et toutes les parcelles en cas d'« avantages manifestes » à l'issue de l'expérimentation, et ce sans que l'on ait jamais à repasser devant le Parlement. Cela nous paraît dangereux.
Nous n'avons volontairement pas déposé d'amendements dans le cadre de l'examen en commission, mais nous en déposerons en séance publique. Pour l'heure, nous sommes contre ce texte, mais je ne doute pas de l'ouverture de notre rapporteur pour que nous puissions le voter en séance.
M. Pierre Cuypers. - Cette proposition de loi est vertueuse. Je suis agriculteur. Quand je me suis installé, on utilisait autour de 600 à 700 litres d'eau pour traiter un hectare de pommes de terre, soit entre 2 000 et 3 000 points d'impact de matière active au centimètre carré recto verso sur une feuille de pomme de terre.
Le mildiou se traite en fonction de la pluviométrie : quand elle est excessive, on ne peut pas protéger la plante, raison pour laquelle j'utilisais un hélicoptère d'une société du département voisin. On traitait alors à moins de cinquante litres d'eau à l'hectare.
Aujourd'hui, il est bien évident que l'on ne va pas traiter un champ de dix hectares de pommes de terre avec un drone ! Cela étant, il y a drone et drone. Les drones dont nous parlons aujourd'hui sont des drones professionnels. Ce ne sont pas des gadgets. On peut aujourd'hui, avec un drone, traiter à moins de cinquante litres d'eau à l'hectare, en utilisant des produits antidérive qui permettent justement que la molécule traite ces 2 000 à 3 000 points d'impact dont j'ai parlé, grâce à la turbulence et à la proximité de l'aéronef par rapport au sol.
Au-delà de la vigne, j'ai fait traiter les toitures des églises avec de l'antimousse, et cela marche ! On est alors à moins de dix litres.
Il me paraît exceptionnel que l'on puisse à la fois protéger l'individu, protéger la plante et éviter des coûts extraordinaires. Ce système est donc, pour moi, très vertueux.
Je voterai des deux mains ce texte. Ne refusons pas les innovations qui sont porteuses de progrès et de santé tant pour la plante que pour les hommes !
M. Patrick Chauvet. - Je veux, à mon tour, saluer le travail du rapporteur. Le groupe Union Centriste votera ce texte. De façon générale, il faut être très ouvert au principe de l'expérimentation ; le cas échéant, elle permet de montrer que ce que l'on a testé doit être abandonné.
Je suis persuadé, comme mon collègue Pierre Cuypers, que les nouvelles technologies amènent un progrès humain, sanitaire et environnemental.
Grâce à l'agriculture de précision, nous avons aujourd'hui des outils qui permettent de cartographier les départs de foyer de maladies sur les végétaux. Je pense que certains font un amalgame avec ce qui a pu exister à une certaine époque. Les technologies n'ont plus rien à voir avec ce qu'elles étaient ! Regardons de près ce qu'un drone peut apporter aujourd'hui.
Si l'on observe un départ de foyer sur cinquante ares d'une parcelle d'une dizaine d'hectares, il est très efficient économiquement de n'épandre les produits que sur cette surface, et cela sert l'environnement et l'humain.
On peut débattre ici des conditions d'application, mais il faut aussi penser à celles et à ceux qui pratiquent ces traitements tous les jours. Aucun jeune ne s'engagera si l'on revient aux pratiques pénibles ou dangereuses du passé !
Le développement durable, c'est l'équilibre entre le social, l'humain, l'économique et l'environnemental. Quand ces différentes causes sont servies, on est en plein dans le développement durable. Nous y sommes !
M. Vincent Louault. - Le rapporteur a très bien présenté les choses.
Le problème est que l'on part d'une législation aérienne. Or, aujourd'hui, une rampe de pulvérisateur de traitement n'est pas plus haute que le seuil de vol d'un drone. C'est aussi cela le paradoxe !
Aucun agriculteur ne prend plaisir à traiter ! Il faut remplir le pulvérisateur, s'habiller comme un cosmonaute, enfiler un masque, nettoyer l'appareil, prendre une douche... On ne le fait pas par plaisir ; on le fait par nécessité. En outre, tout cela coûte de l'argent.
La technologie du futur, c'est l'identification des maladies dès qu'elles arrivent. Ce qu'il faudra, demain, c'est être capable de traiter la première infection de pucerons cendrés, sur la surface concernée, pour éviter que tout le champ n'y passe.
L'expérimentation proposée est évidemment une nécessité, mais il faudra aller plus loin. Comme d'habitude, nous allons voter sur une proposition a minima. Sans mauvais jeu de mots, je dirais que cela ne vole pas bien haut !
M. Daniel Gremillet. - Je rejoins beaucoup de ce qui a été dit, en particulier par Vincent Louault, Patrick Chauvet ou Pierre Cuypers, et je veux remercier le rapporteur.
Le vote de ce texte donnera un signal très fort sur la recherche et l'innovation. C'est cela qu'il faut retenir ! Si l'on ne donne pas ce signal, on n'avancera pas.
Il convient d'apporter des réponses à toutes les questions légitimes qui ont été posées, mais la proposition de loi me semble vraiment essentielle pour l'évolution de notre agriculture et la sécurité alimentaire et environnementale. Je la soutiens sans réserve.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Ce texte, qui a suscité beaucoup de débats à l'Assemblée nationale, est un compromis. Je comprends qu'il puisse y avoir des réticences, mais évoquons le contexte.
Nous ne voulons pas généraliser l'expérimentation. Seules des parcelles à forte pente sont concernées, de 20 % ou plus, avec des produits de biocontrôle, des produits autorisés en agriculture biologique et à faible risque. Il n'est pas question de généraliser, même s'il faudra réfléchir plus avant pour les bananeraies, car se pose un vrai problème de rentabilité à terme.
Sont donc concernées des pentes très abruptes, avec des produits autorisés ; nous n'autorisons pas tout. Je ne comprends pas le rejet exprimé par certains, car l'Assemblée nationale a trouvé un bon compromis. Le rapport de l'Anses montre l'intérêt de poursuivre l'expérimentation, notamment dans ses conclusions générales. On ne peut pas se priver de l'opportunité que représentent les drones, il faut continuer à innover.
Qui va piloter ces engins ? La réglementation exige une formation adéquate. Celui qui réalisera le traitement devra disposer d'un certificat individuel de produits phytopharmaceutiques, dit Certiphyto. Il s'agira certainement d'entreprises spécialisées. Le ministère de l'agriculture prendra par arrêté les mesures nécessaires afin d'assurer ces formations.
Traiter par drone permettra en outre d'économiser des volumes par rapport au traitement terrestre.
Force est de constater qu'une amélioration des buses antidérive et une altitude moindre engendreraient moins de dérives. Actuellement, les drones peuvent épandre à des hauteurs faibles, inférieures à 3 mètres.
Nous avons interrogé les viticulteurs en bio. Ils demandent eux-mêmes que l'on puisse traiter par drone dans les pentes à 20 %. Rendez-vous compte de la dangerosité des traitements terrestres, notamment en cas de mauvaises conditions météorologiques. Pour le bio, seuls les traitements préventifs sont possibles, si bien qu'après un fort épisode de pluie, qui lessive les produits, il faut automatiquement « recouvrir » les végétaux. Cependant, après un orage, quand la terre est meuble, se rendre dans des parcelles avec 20 % de pente est très dangereux. Ne nous privons pas de l'opportunité d'utiliser un drone, et ainsi de sécuriser l'opérateur.
Ceux qui s'opposent à cette mesure me semblent avoir une position dogmatique... Je le dis d'autant plus facilement que je travaille en bio.
Comme l'a dit Patrick Chauvet, il faut trouver une position équilibrée entre économie, environnement et santé, en particulier la santé des opérateurs.
Il nous faudra faire des efforts pour les bananeraies. Les traitements se font encore à dos d'hommes, dans des pentes de 20 %, avec une combinaison étanche, des gants, des bottes, un masque, avec trente kilos sur le dos ; il faut asperger les feuilles des bananiers sur leur partie supérieure. Résultat : malheureusement, les opérateurs traitent sans protection, mettant leur santé en jeu.
Nous aurons le débat en séance. Mon cher collègue Tissot, vous voulez proposer des amendements, mais, pour ma part, je souhaite un vote conforme. Je refuserai donc tous les amendements, car l'Assemblée nationale a trouvé un bon compromis ; et étant donné le calendrier politique, n'oublions pas qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras...
M. Jean-Claude Tissot. - Nous ne sommes pas contre le progrès et contre l'utilisation de nouveaux matériels, mais tout dépend du produit projeté. Si j'ai bien compris, il ne sera pas possible d'utiliser les drones dans des pentes à moins de 20 %.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Tout à fait.
M. Franck Montaugé. - Dans mon département, la topographie est très diversifiée, à l'intérieur même de parcelles uniques. Dans certaines parcelles, il y a des parties plates comme des pentes de plus de 20 %. Comment fait-on ? Chez moi, c'est le Piémont !
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Une pente à 20 %, c'est une pente très importante ! Il faut avant tout assurer la sécurité des opérateurs. Je ne sais pas, pour parler du cas précis de M. Montaugé, comment la mesure sera interprétée.
M. Franck Montaugé. - Tout cela sera décliné réglementairement... Nous ne sommes pas sortis de l'auberge.
Connaissons-nous l'accidentologie ? Dans mon département, régulièrement, des tracteurs se renversent.
Avons-nous des connaissances précises sur les maladies - souvent des cancers - causées par les produits de traitement ? Disposons-nous de statistiques, avec une évolution dans le temps ?
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Nous n'avons pas de chiffres sur l'accidentologie, mais nous pouvons facilement imaginer le danger que court celui qui traite avec des engins mécanisés sur des pentes à plus de 20 %.
Au sujet des maladies, il s'agit là d'autoriser les produits phytopharmaceutiques les moins dangereux.
M. Daniel Salmon. - Le droit à l'essai concerne-t-il toutes les parcelles ?
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Le droit à l'essai concerne certaines cultures pour lesquelles l'usage de drone présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l'environnement. Une éventuelle généralisation n'interviendrait qu'après une évaluation des résultats par l'Anses.
M. Daniel Salmon. - Merci pour ce beau plaidoyer pour la bio et les produits de biocontrôle, certes, mais on sent bien la volonté d'étendre l'expérimentation, quelles que soient les pentes, quels que soient les produits. Cela viendra dans un deuxième temps, car il en va toujours ainsi.
J'en viens aux entreprises spécialisées. On parle beaucoup de partage de la valeur et de revenu : qui va encore capter une partie de la valeur ? La technologie, oui, mais il faut examiner qui est gagnant.
M. Vincent Louault. - Le principe dérogatoire à l'interdiction d'épandage aérien n'existe que pour un cas : la démoustication. Ainsi, pour les humains, on démoustique, avec des pyrèthres soi-disant naturels, alors qu'ils ne le sont pas du tout : et de traiter par avion et par drone autour de zones habitées ! Qu'en est-il du principe de précaution ?
J'ai un peu de mal à comprendre que l'on refuse cette expérimentation aux agriculteurs, alors qu'on l'autorise sur des populations dans le sud.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - En séance, les débats seront riches. Nous en avons eu la preuve.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement de suppression COM-1 et je souhaite que cette proposition de loi soit votée conforme.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 2
L'article 2 demeure supprimé.
La proposition de loi est adoptée sans modification.