B. DES INÉGALITÉS TERRITORIALES EN CONSTANTE AGGRAVATION
Cette offre de soins insuffisante est, en outre, inégalement répartie sur le territoire national.
Les inégalités d'accès aux médecins, notamment aux médecins généralistes, alimentent fréquemment le débat public. La densité de médecins libéraux pour 100 000 habitants varie fortement d'un département à l'autre : elle était, en 2022, inférieure à 60 dans les dix départements les moins bien dotés, et supérieure à 104 dans les dix départements les mieux dotés, soit un « rapport d'interdécile » de 1,7. Cet indicateur s'élevait à 2,7 pour les médecins spécialistes, révélant des inégalités encore plus importantes : Paris comptait 654 spécialistes pour 100 000 habitants quand les départements les moins denses, tels que la Meuse, en comptaient moins de 100.
Les autres professions de santé sont, de la même manière, inégalement réparties sur le territoire national. Les écarts interdéciles s'élèvent, entre départements, à 2 pour les sages-femmes, 2,1 pour les chirurgiens-dentistes, 2,8 pour les masseurs-kinésithérapeutes et 3 pour les infirmiers.
Ces données ne reflètent que partiellement les écarts existants, dans la mesure où les inégalités de répartition les plus fortes sont constatées à une échelle infradépartementale : les professionnels libéraux se concentrent, dans un même département, dans les zones littorales ou urbaines, tandis que des zones rurales ou suburbaines sont fréquemment délaissées. Certains territoires concentrent les difficultés : le ministère de la Santé estimait ainsi, en 2021, que 10 % de la population cumulait une mauvaise accessibilité à plusieurs professions de santé, et 3 % de la population une mauvaise accessibilité à l'ensemble des professions de santé de premier recours considérées. Les trois quarts de ces personnes vivaient dans des territoires ruraux.
Enfin, certaines de ces inégalités s'aggravent. Selon le ministère de la Santé, en 2022, les 10 % de la population les mieux dotés avaient accès à 5,6 consultations de médecin généraliste par an, quand les 10 % les moins bien dotés n'avaient accès qu'à 1,4 consultation. L'écart entre ces deux populations s'est creusé de 5 % entre 2022 et 2023. Entre 2012 et 2022, le nombre de médecins par département a augmenté dans des territoires déjà bien dotés, tels que les Hautes-Alpes et la Savoie, quand il diminuait fortement dans des départements déjà sinistrés, tels que l'Ariège et l'Ain.
Densités départementales pour
100 000 habitants
de professionnels libéraux en 2022
Source : Commission des affaires sociales du Sénat d'après des données de l'assurance maladie (2024)