N° 648
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 mai 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille,
Par Mme Lauriane JOSENDE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (17ème législ.) : |
451, 1247 rect. et T.A. 98 |
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Sénat : |
532 et 649 (2024-2025) |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LES VILLES DE PARIS, LYON ET MARSEILLE SONT DOTÉES D'UNE ORGANISATION PARTICULIÈRE ET D'UN RÉGIME ÉLECTORAL SPÉCIFIQUE, QUE LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI ENTEND RÉFORMER
A. PARIS, LYON ET MARSEILLE : UN STATUT PARTICULIER DU POINT DE VUE DE LEUR ORGANISATION ET DU MODE D'ÉLECTION DES CONSEILLERS MUNICIPAUX, LIÉ À L'IMPORTANCE DE LEUR POPULATION
Les villes de Paris, Lyon et Marseille sont régies, depuis 1982, par un statut particulier, qui prévoit une organisation administration ainsi qu'un régime électoral spécifiques.
1. Une organisation administrative particulière
a) Les arrondissements : une division administrative propre à Paris, Lyon et Marseille
La loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, aujourd'hui codifiée dans le code général des collectivités territoriales, a instauré une organisation administrative particulière dans les villes de Paris, Lyon et Marseille, à travers la création d'une nouvelle division administrative : les arrondissements, qui peuvent être réunis pour former des groupes d'arrondissements (appelés « secteurs »).
L'organisation en arrondissements et secteurs à Paris, Lyon et Marseille1(*)
- La commune de Paris est divisée en 20 arrondissements municipaux. Depuis 20172(*), les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements ont été réunis en un unique secteur dénommé « secteur Paris centre ».
- La commune de Marseille est divisée en 16 arrondissements municipaux, formant 8 secteurs.
- La commune de Lyon est divisée en 9 arrondissements municipaux.
b) Les conseils d'arrondissement
Aux termes de l'article L. 2511-4 du code général des collectivités territoriales, chaque arrondissement ou groupe d'arrondissements est doté d'un conseil d'arrondissement, qui se réunit à la mairie d'arrondissement ou à la mairie de secteur. Ces conseils d'arrondissement et se superposent au conseil municipal (ou « conseil de Paris »).
Chaque conseil d'arrondissement est composé des conseillers municipaux (ou conseillers de Paris) et des conseillers d'arrondissement élus dans l'arrondissement ou le secteur3(*) et est présidé par un maire d'arrondissement4(*).
c) La répartition des compétences entre les conseils municipaux et les conseils d'arrondissement
Comme le prévoit l'article L. 2511-2 du code général des collectivités territoriales, le conseil de Paris et les conseils municipaux de Marseille et Lyon détiennent la clause de compétence générale et règlent respectivement « les affaires de la Ville de Paris (...) et celles des communes de Lyon et Marseille ».
Le même article précise cependant que, pour certaines attributions limitativement définies par la loi, les affaires de ces trois collectivités territoriales sont réglées par les conseils d'arrondissement.
Les conseils d'arrondissement disposent en premier lieu d'une compétence consultative. Ainsi, le conseil d'arrondissement est :
- saisi pour avis des rapports de présentation et des projets de délibération concernant les affaires dont l'exécution est prévue, en tout ou partie, dans les limites de l'arrondissement, avant leur examen par le conseil municipal ou par le conseil de Paris5(*) ;
- consulté sur le montant des subventions que le conseil municipal ou le conseil de Paris se propose d'attribuer aux associations dont l'activité s'exerce dans le seul arrondissement, ou au profit des seuls habitants de l'arrondissement6(*) ;
- consulté par le maire de la commune, avant toute délibération du conseil municipal ou du conseil de Paris portant sur l'établissement, la révision ou la modification du plan local d'urbanisme, lorsque le périmètre du projet de plan ou le projet de modification ou de révision concerne, en tout ou partie, le ressort territorial de l'arrondissement7(*) ;
- consulté dans les mêmes conditions avant toute délibération du conseil municipal ou du conseil de Paris portant sur un projet d'opération d'aménagement ou sur la suppression ou le rétablissement du droit de préemption urbain, lorsqu'ils concernent le ressort territorial de l'arrondissement8(*) ;
- donne son avis sur la liste des relogements prioritaires fixée par le conseil municipal ou le conseil de Paris en cas, par exemple, de péril, de sinistre ou de catastrophe9(*).
Les conseils d'arrondissement disposent également, dans certaines matières, d'une compétence décisionnaire. Comme le prévoit l'article L. 2511-16 du code général des collectivités territoriales, il revient ainsi au conseil d'arrondissement de :
- délibérer sur l'implantation et le programme d'aménagement des équipements de proximité, dont la réalisation est néanmoins subordonnée à une décision du conseil municipal ou du conseil de Paris ;
- gérer les équipements de proximité ;
Le conseil municipal ou le conseil de Paris peuvent également déléguer au conseil d'arrondissement la gestion de tout équipement ou de tout service de la commune ou de la Ville de Paris10(*).
Le pacte parisien de la proximité
À Paris, des compétences supplémentaires ont été confiées aux conseils d'arrondissement et à leurs maires, à travers l'adoption du « pacte parisien de la proximité », dont l'acte I a été adoptée en 2021, et l'acte II en 2025.
À titre d'exemple, les maires d'arrondissement de Paris :
- disposent d'une compétence en matière de propreté, et sont dotés à cet effet d'une enveloppe budgétaire pour conduire des actions de propreté (nettoyage de graffitis, par exemple) ;
- se prononcent sur les demandes de création de terrasse ;
- délivrent les « permis de végétaliser », dans le cadre de la démarche « Embellir votre quartier » ;
- définissent, avec la police municipale, des priorités et des parcours de tranquillité publique effectués par les agents de la police municipale sur leur territoire.
S'ajoutent à cela les compétences des maires d'arrondissement et, le cas échéant de leurs adjoints.
Ainsi, l'article L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales précise que la moitié des logements dont l'attribution relève de la commune ou de la Ville de Paris sont attribués par les maires d'arrondissement.
En outre, les maires d'arrondissement et leurs adjoints sont également chargés, dans l'arrondissement, des attributions relevant du maire de la commune ou du maire de Paris en matière d'état civil et d'affaires scolaires liées au respect de l'obligation scolaire11(*).
Enfin, les maires d'arrondissement émettent des avis12(*), par exemple sur toute autorisation d'étalage et de terrasse dans l'arrondissement13(*).
d) Une organisation administrative jugée conforme à la Constitution
Cette organisation administrative spécifique a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel14(*), qui a considéré :
- d'une part, que le principe de libre administration des collectivités territoriales ne faisait pas « obstacle à la création de conseils d'arrondissement élus et de maires d'arrondissement élus par ces conseils », ni à « l'attribution à ces organes de certaines compétences de décision et de gestion » ;
- d'autre part, « qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur d'instituer des divisions administratives au sein des communes ni d'instituer des organes élus autres que le conseil municipal et le maire ».
2. Un mode de scrutin spécifique
Paris, Lyon et Marseille sont dotés d'un régime électoral spécifique, fixé par la loi n° 82-1170 du 31 décembre 1982 portant modification de certaines dispositions du code électoral relatives à l'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, qui découle de leur organisation administrative.
a) L'élection des conseillers municipaux (ou conseillers de Paris) et des conseillers d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille
Ainsi, dans ces trois villes, les élections municipales sont organisées sur la base des arrondissements ou des groupes d'arrondissements - et non pas à l'échelle de la commune - et permettent d'élire en même temps les conseillers municipaux et les conseillers d'arrondissement.
(1) L'élection des conseillers municipaux et des conseillers de Paris
Par dérogation à l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales, le nombre de conseillers municipaux et de conseillers de Paris est fixé directement par la loi15(*) et s'établit à :
- 163 membres à Paris ;
- 73 membres à Lyon ;
- 101 membres à Marseille.
Les conseillers municipaux et conseillers de Paris sont élus selon les règles applicables aux communes de plus de 1 000 habitants16(*), à une différence près : l'élection se fait sur la base des arrondissements ou des groupes d'arrondissements, alors que dans les autres communes, les élections se font sur le territoire unique de la commune17(*).
Les élections municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants
Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes qui doivent comporter au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir - et au plus deux candidats supplémentaires -, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation18(*).
Aux termes de l'article L. 264 du code électoral, la liste « est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ».
Il s'agit d'un scrutin proportionnel empreint d'une logique majoritaire :
- si une liste obtient la majorité absolue au premier tour19(*), elle obtient un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir (prime majoritaire de 50 %). Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes - y compris la liste majoritaire - ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, suivant la règle de la plus forte moyenne ;
- en cas de second tour20(*), seules peuvent se présenter les listes qui ont obtenu 10 % des suffrages exprimés et les listes peuvent être « fusionnées » à condition d'avoir obtenu 5 % des suffrages exprimés au premier tour. La liste qui obtient la majorité relative à l'issue du second tour se voit attribuer un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.
Chaque arrondissement élit donc un nombre de conseillers municipaux ou de conseillers de Paris fixé par la loi21(*) sur des bases démographiques. À titre d'exemple, à Paris, 8 conseillers de Paris sont élus dans le secteur « Paris centre » et 4 conseillers de Paris sont élus dans le 5e arrondissement.
Les conseillers de Paris et conseillers municipaux siègent également au conseil de l'arrondissement ou du secteur dans lequel ils ont été élus22(*).
(2) L'élection des conseillers d'arrondissement
Les conseillers d'arrondissement sont élus en même temps que les conseillers municipaux ou conseillers de Paris23(*), sur les mêmes listes d'arrondissement ou de secteur.
Le nombre de conseillers d'arrondissement dans chaque arrondissement ou secteur est le double du nombre de conseillers municipaux ou de conseillers de Paris dans l'arrondissement ou le secteur, sans toutefois pouvoir être inférieur à dix ni supérieur à quarante24(*).
Ainsi, lors des élections municipales, des listes comprenant à la fois les candidats au conseil central et au conseil d'arrondissement sont établies dans chaque arrondissement ou secteur de Paris, Lyon et Marseille. Chaque liste comprend autant de candidats qu'il y a à pourvoir dans le secteur de sièges de conseiller municipal (ou de conseiller de Paris) et de sièges de conseiller d'arrondissement.
(3) L'attribution des sièges
Comme le précise l'article L. 272-5 du code électoral, lors des élections municipales à Paris, Lyon et Marseille, il est d'abord procédé à l'attribution des sièges de conseiller municipal ou de conseiller de Paris, en suivant l'ordre de présentation des listes, selon les règles exposées supra.
Les sièges de conseiller d'arrondissement sont ensuite répartis dans les mêmes conditions entre les listes, dans l'ordre de présentation de la liste, en commençant par le premier des candidats non proclamé élu membre du conseil de Paris ou du conseil municipal.
Il en résulte que le conseil municipal (ou conseil de Paris) est composé d'une partie des élus de chaque arrondissement ou groupe d'arrondissements.
b) L'élection des maires d'arrondissement et du maire de la commune
Les maires de Paris, Lyon et Marseille ainsi que leurs adjoints sont élus parmi les membres du conseil municipal ou du conseil de Paris25(*), selon les règles de droit commun26(*).
Le maire d'arrondissement est ensuite élu au sein du conseil d'arrondissement, huit jours après l'élection du maire de la commune ou du maire de Paris27(*).
* 1 Article L. 2511-3 du code général des collectivités territoriales.
* 2 Loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.
* 3 Article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales.
* 4 Article L. 2511-25 du code général des collectivités territoriales.
* 5 Article L. 2511-13 du code général des collectivités territoriales.
* 6 Article L. 2511-14 du code général des collectivités territoriales.
* 7 Article L. 2511-15 du code général des collectivités territoriales.
* 8 Ibid.
* 9 Article L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales.
* 10 Article L. 2511-17 du code général des collectivités territoriales.
* 11 Article L. 2511-26 du code général des collectivités territoriales.
* 12 Article L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales.
* 13 Article L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales.
* 14 Décision n° 82-149 DC du 28 décembre 1982 sur la loi relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale.
* 15 Articles L. 2512-3 et L. 2513-1 du code général des collectivités territoriales.
* 16 La loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité, qui étend aux communes de moins de 1 000 habitants les règles actuellement applicables aux communes de plus de 1 000 habitants, entrera en vigueur à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux.
* 17 Article L. 254 du code électoral.
* 18 Article L. 260 du code électoral.
* 19 Article L. 262, alinéa 1er du code électoral.
* 20 Article L. 262, alinéa 3 du code électoral.
* 21 Tableaux n° 2, 3 et 4 annexés au code électoral.
* 22 Article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales.
* 23 Article L. 271 du code électoral.
* 24 Article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales.
* 25 Articles L. 2122-1 et L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales.
* 26 Articles L. 2122-7 à L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales.
* 27 Article L. 2511-25 du code général des collectivités territoriales.