TRAVAUX EN COMMISSION
Désignation du
rapporteur
(Mercredi 21 mai 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - J'en viens au troisième point de notre ordre du jour. Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi visant à élargir la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leurs ports, déposée le 10 février dernier par notre collègue Nadège Havet ainsi que par Michel Canévet et Yves Bleunven, ses collègues du Finistère et du Morbihan, membres du groupe Union centriste.
En s'inspirant du modèle des sociétés aéroportuaires créées par l'article 7 de la loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports, l'article 35 de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports a donné la possibilité aux collectivités territoriales et leurs groupements de prendre des participations dans des sociétés portuaires dont l'activité principale est d'assurer l'exploitation commerciale d'un ou plusieurs ports situés dans leur ressort géographique.
C'est suivant ce modèle « économique » que la Société Portuaire « Brest Bretagne » - renommée « Brest Port » -ou la société portuaire « Port de Bayonne » ont été créées avec des prises de participation des collectivités territoriales et des chambres de commerce et d'industrie (CCI) anciennement concessionnaires de ces ports. Ces sociétés portuaires sont ainsi dotées d'une assise financière large qui permet le financement des investissements d'infrastructures, de modernisation ou de transition que les CCI n'étaient pas en mesure de porter seules.
Plusieurs projets de création de ce type de structure sont à l'étude, notamment en Bretagne, en raison, d'une part, de l'arrivée à échéance de plusieurs délégations de service public et, d'autre part, du souhait de créer des entités regroupant plusieurs ports de pêche, pour gérer, par exemple, les ports de pêche de Roscoff à Saint-Brieuc ou la pêche en Cornouaille.
Toutefois, le droit en vigueur ne permet pas la création de sociétés portuaires dans ces cas d'espèce. En effet, l'article 35 de la loi de 2006 que j'ai citée ne concerne que les 18 ports (17 métropolitains et 1 en outre-mer) mentionnés à l'article 30 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales - c'est-à-dire les anciens ports non autonomes de l'État transférés aux collectivités territoriales, principalement les régions, en 2007. Or, depuis cette date, de nombreux autres ports ont été transférés aux collectivités territoriales, notamment en application de la loi NOTRe de 2015, sans pouvoir pour autant bénéficier de cette possibilité.
L'objectif principal de cette loi est donc de permettre à toutes les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire et, ainsi, d'avoir les capacités pour investir afin d'améliorer la performance économique, environnementale et sociale de leurs ports.
Cette proposition de loi s'inscrit et complète le travail « au long cours » de notre commission dont l'ambition est de contribuer à ce que la performance de nos ports soit en adéquation avec les atouts maritimes de la France. Les travaux de notre collègue Didier Mandelli en témoignent. Il avait en effet été rapporteur, en 2021, avec notre ancienne collègue Martine Filleul de la mission d'information sur la première stratégie nationale portuaire (SNP) et, la même année, rapporteur de la proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français. Cette proposition de loi était la traduction législative des recommandations du rapport d'information de notre ancien collègue Michel Vaspart. Depuis son adoption par le Sénat, ce texte qui n'a pas connu de suite n'est toujours pas arrivé à bon port si j'ose dire.
Le Président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) a demandé l'inscription de la proposition de loi élargissant la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leurs ports à l'ordre du jour du Sénat. Le Gouvernement a donné une suite favorable à cette demande en l'inscrivant à l'ordre du jour d'une semaine qui lui est réservée par priorité et, signal positif, en engageant la procédure accélérée le 14 mai dernier.
L'examen de ce texte en commission est prévu mercredi 11 juin prochain et en séance publique mercredi 18 juin.
En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de l'auteure de la PPL, notre excellente collègue Nadège Havet et je vous propose de la désigner en qualité de rapporteure.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Examen du
rapport
(Mercredi 11 juin 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - J'en viens à notre dernier point d'ordre du jour et nous abordons l'examen de la proposition de loi élargissant la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leurs ports et je cède à la parole à notre collègue Nadège Havet qui va nous présenter ses travaux préparatoires.
Ce texte a été déposé le 10 février dernier par notre collègue Nadège Havet, qui en est également rapporteure, M. Michel Canévet, sénateur du Finistère, et M. Yves Bleunven, sénateur du Morbihan, tous deux membres du groupe Union Centriste.
Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance a été fixé par la Conférence des présidents au lundi 16 juin prochain à 12 heures. L'examen en séance publique aura lieu le mercredi 18 juin au cours de l'après-midi. Je vous rappelle que le président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) a demandé l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour des travaux du Sénat, le Gouvernement a donné une suite favorable à cette demande en l'inscrivant à l'ordre du jour d'une semaine qui lui est réservée par priorité et, signal positif, en engageant la procédure accélérée le 14 mai dernier.
Cette proposition de loi complète le travail au long cours de notre commission dont l'ambition est de tout mettre en oeuvre pour que la performance de nos ports soit en adéquation avec les atouts maritimes de la France. Nos précédents travaux de 2021, qu'il s'agisse du rapport d'information relatif à la première stratégie nationale portuaire (SNP) ou de la proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français toujours en attente d'examen par nos homologues de l'Assemblée nationale, portaient principalement sur l'organisation et le développement de nos grands ports maritimes. La proposition de loi que nous examinons s'intéresse plus particulièrement à nos ports décentralisés, maillons essentiels de l'aménagement et de l'emploi de nos territoires côtiers.
En effet, son objectif est de permettre à tous ces ports de bénéficier de la possibilité de créer des sociétés portuaires pour assurer leur exploitation.
Si cette possibilité a déjà été utilisée par les régions Bretagne et Nouvelle-Aquitaine pour la gestion du port de Brest et du port de Bayonne, l'article 35 de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports réservait cette possibilité aux 18 ports - 17 ports métropolitains et 1 port en outre-mer - non autonomes et d'intérêt national dont la propriété et la compétence de gestion avaient été transférées par l'État aux collectivités territoriales et à leur groupement par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales lors de l'acte II de la décentralisation.
Rien ne s'oppose à ce que cette limitation soit supprimée. Hormis les 11 grands ports maritimes et quelques ports d'intérêt particulier relevant encore de l'État, la compétence de création, d'aménagement et d'exploitation des ports maritimes, et pour certains d'entre eux la propriété, ont été transférées aux collectivités territoriales par les lois de décentralisation de 1983 et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe. Elles doivent pouvoir, si elles le souhaitent, utiliser cet outil polyvalent. C'est tout l'objet de cette proposition de loi.
Je salue le travail de la rapporteure Nadège Havet.
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, ce texte vise avant tout nos ports maritimes décentralisés.
On peut en dénombrer plus de 600 en France, dont 470 ports de plaisance, 100 ports de pêche et halles à marée et 50 ports de commerce. Si ces ports décentralisés ne représentaient, en 2024, que 22 % du tonnage total de marchandises, 78 % passant par les grands ports maritimes, ils dominent à hauteur de 75 % le secteur du transport roulier et du transport de passagers. Certaines régions ne sont d'ailleurs dotées que de ports décentralisés, comme la Corse, la Bretagne et l'Occitanie.
Si ces ports sont un maillon essentiel pour le développement économique et l'attractivité de nos territoires, la loi de 2006 limite à 18 d'entre eux la possibilité d'être gérés par une société portuaire. Pourtant, le modèle de société portuaire permet de renforcer l'implication des collectivités territoriales concédantes et leur participation dans la stratégie de développement de leurs ports en devenant concessionnaires. La participation des collectivités dote également ces sociétés portuaires d'une assise financière large qui permet le financement des investissements d'infrastructures, de modernisation ou de transition que les chambres de commerce et d'industrie (CCI) n'étaient pas ou plus en mesure de porter seules.
Le modèle de société portuaire présente en outre de nombreux avantages par rapport aux autres modèles à la disposition des collectivités. À la différence du modèle de la société publique locale, il permet aux CCI de participer à son capital. Celles-ci peuvent ainsi apporter à la société portuaire leur expertise, leur connaissance du tissu économique de proximité et leur capacité de projection à l'international. À la différence du modèle de société d'économie mixte, il permet, si les conditions du code de la commande publique sont remplies, de bénéficier des dérogations liées aux contrats de quasi-régie. Ainsi, le contrat de concession, en cas de recours au modèle de la société portuaire, ne devra pas faire l'objet d'une procédure de mise en concurrence.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple des ports de pêche du pays de Cornouaille, qui sont à l'origine de cette proposition de loi. Ces 7 ports de pêche représentent la première place de pêche fraîche française avec 20 % de la pêche nationale et la moitié de la pêche bretonne. Ils rassemblent 1 600 marins et près de 10 000 emplois dans les principaux domaines maritimes. Ces ports de pêche, comme beaucoup de leurs homologues français, ont dû faire face à plusieurs chocs exogènes : Brexit, covid, flambée du prix des carburants, plan de sortie de flotte et dernièrement fermeture spatio-temporelle du golfe de Gascogne pour protéger les dauphins communs des captures accidentelles.
La hausse des coûts et la baisse des volumes pèsent sur le concessionnaire qui exerce cette activité « à ses risques et périls » alors que ses ressources financières baissent et que les besoins en investissements augmentent. Si une indemnisation du concessionnaire est envisageable au titre de la théorie de l'imprévision, la fixation du montant de cette indemnisation donne lieu à des négociations fastidieuses entre le concessionnaire et son concédant et ne compense pas toutes les pertes enregistrées par le concessionnaire.
La participation des collectivités aux côtés de la CCI permettrait ainsi une mutualisation des risques, une simplification des relations et des négociations entre concédant et concessionnaire, et permettrait de renouveler les contrats de concessions sans que l'équilibre financier soit trouvé aux dépens du concédant ou de l'effort d'investissement. Toutefois, le droit en vigueur ne permet pas la création d'une société portuaire pour gérer de façon mutualisée ces 7 ports.
Il convient de faire sauter ce verrou législatif qui ne se justifie plus. L'objet de cette proposition de loi n'est pas de supprimer les autres modèles de gestion déjà cités, mais de permettre à toutes les collectivités qui, après une étude des coûts et des avantages des différents modèles et en fonction de leurs particularismes locaux, trouveraient le modèle de la société portuaire le plus pertinent, de le faire.
En conséquence, l'article unique de ce texte vise à modifier l'article 35 de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports qui instaure le modèle de société portuaire. Il supprime la référence à l'article 30 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui en limite le champ. Il clarifie et met en cohérence les autres dispositions de l'article 35 de la loi de 2006 précitée pour tenir compte de cette suppression. Enfin, il met à jour, à droit constant, les références à des articles abrogés de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite Sapin, et du code du travail.
Je vous proposerai un amendement visant à rendre cette dernière mise à jour compatible avec les exigences qui découlent du droit européen de la commande publique, notamment les mesures de mise en concurrence lors des opérations d'attribution ou de modification des contrats de concession.
M. Michel Canévet, auteur de la proposition de loi. - Il y a eu dans le domaine portuaire de grandes lois de décentralisation. À l'issue de la première vague de décentralisation qui s'est achevée en 1986, un certain nombre de ports de pêche ont été transférés aux collectivités territoriales. Puis, en 2004, une seconde vague de décentralisation a visé les principaux ports d'intérêt national. La loi de 2006 a institué les sociétés portuaires pour gérer de façon optimale les ports ainsi transférés. Toutefois, le périmètre de cette loi est trop restreint, puisqu'il ne concerne que les ports transférés en 2004. Dans la mesure où le dispositif de sociétés portuaires est adapté spécifiquement à la gestion des ports, nous avons souhaité que l'ensemble des ports de notre pays puisse en bénéficier. Tel est l'objet de notre proposition de loi.
M. Jean-François Longeot, président. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer qu'il inclut les dispositions relatives à la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leurs ports ; à la possibilité pour les chambres de commerce et d'industrie de participer au capital d'une société portuaire ; aux modalités de cession ou d'apport d'une concession à une société portuaire et aux conséquences sur les contrats et conventions des personnels transférés.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE
Mme Nadège Havet, rapporteure. - Comme je l'ai indiqué lors de la présentation de mon rapport, les alinéas 6 et 7 de l'article unique de la proposition de loi qui nous est soumise tirent les conséquences, à droit constant, de l'abrogation des articles 38 et 40 de la loi Sapin, mentionnés dans la loi de 2006.
Toutefois, il est apparu nécessaire que cette mise à jour respecte les exigences imposées par le droit européen de la commande publique, notamment les dispositions de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession. En effet, les opérations d'attribution et de modification des contrats de concession ne peuvent pas être dispensées des procédures de mise en concurrence sans une appréciation au cas par cas.
L'amendement COM-1 vise donc à rendre conformes les dispositions de cette proposition de loi au droit européen de la commande publique en supprimant les dérogations envisagées.
Ces opérations d'attribution ou de modification des contrats de concession pourront toutefois toujours être réalisées sans être précédées d'une procédure de mise en concurrence si elles remplissent les conditions de la quasi-régie, telles qu'elles sont prévues dans le code de la commande publique.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort de la commission est repris dans le tableau ci-dessous :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
Mme HAVET, rapporteure |
COM-1 |
Mise en conformité avec le droit européen de la commande publique |
Adopté |