B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Une diminution en gestion imputable à la quasi-suppression du programme de transformation
L'article 162 de la loi de finances pour 2024 prévoyait d'introduire la possibilité pour les entreprises de l'audiovisuel public de bénéficier d'avances finançant des « actions de transformation » identifiées dans les contrats d'objectifs et de moyens (COM).
D'après les documents budgétaires, l'enveloppe additionnelle dédiée à ces projets de transformation s'élevait à 200 millions d'euros sur trois ans, dont 69 millions d'euros au titre de 2024.
L'essentiel de ces financements conditionnels devait être affecté à France Télévisions (pour un montant de 45 millions d'euros) et, dans une moindre mesure, Radio France (à hauteur de 15 millions d'euros) et aux autres sociétés, à l'exception de TV5 Monde.
Une partie de ces financements a été débloquée dès le début de l'année 2024. Le décret d'annulation de février 2024 précité a ensuite annulé 20 millions d'euros sur les 69 millions d'euros initialement prévus. Les montants annulés ont été répartis au prorata de ceux initialement prévus. France Télévisions devait ainsi percevoir 32 millions d'euros, Radio France 10 millions d'euros, France Médias Monde 3,6 millions d'euros et enfin l'Ina 2,8 millions d'euros.
Le solde a ensuite été annulé par la loi de finances de fin de gestion. En conséquence, seuls 19 millions d'euros ont été attribués en 2024 aux différentes sociétés.
Exécution des crédits des programmes de transformation en 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Le rapporteur spécial n'avait que peu d'attentes vis-à-vis des programmes de transformation tels qu'ils avaient été présentés en 2024, dans la mesure où ceux-ci ne pouvaient en aucun cas être assimilés à une réelle réforme. Une part conditionnelle n'aurait pu être réellement positive que par un renforcement important des critères de performance. Le projet annuel de performances annexé au PLF 2024 se contentait d'indiquer, pour le seul indicateur du programme 848 (avancement des projets de transformation prioritaires) que « la cible 2024 sera définie pour chacun des projets de transformation prioritaires dans les COM 2024-2028 en cours de finalisation qui préciseront les indicateurs de suivi de la réalisation de ce projet ».
Force est de constater que la réduction du montant des programmes de transformation, déjà initialement marginal, a entériné leur faible ambition. À défaut d'une attribution des crédits sur la base de la performance des projets, ceux-ci n'auront finalement principalement servi que de marge d'ajustement budgétaire. Leur suppression en LFI pour 2025 n'aura fait que confirmer ce constat.
2. L'épineuse question de la trajectoire financière, dans un contexte d'incertitudes sur l'organisation de l'audiovisuel public
Les contrats d'objectifs et de moyens (COM), devant couvrir pour France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA la période 2024-2028, initialement conclus dès mi-2023, n'ont été finalisés qu'en juin 2024.
Le résultat de cette transmission tardive est la très courte vie des données chiffrées figurant dans les contrats, caducs dès leur signature. À peine quatre mois après la conclusion des contrats, les crédits votés pour 2025 sont largement inférieurs à la trajectoire des COM.
Comparaison de l'exécution 2024 et de
la trajectoire financière prévue
dans les COM
2024-2028
(en millions d'euros)
|
Prévision COM 2024 |
Exécution 2024 |
Variation COM / exécution |
Prévision COM 2025 |
Prévisions LFI 2025 |
Variation COM / exécution |
France Télévisions |
2 555,10 |
2 535,50 |
- 19,60 |
2 618,20 |
2 505,83 |
- 112,37 |
Radio France |
654,70 |
657,08 |
2,38 |
680,00 |
652,13 |
- 27,87 |
France Médias Monde |
275,30 |
300,93 |
25,63 |
285,10 |
303,88 |
18,78 |
INA |
103,50 |
105,18 |
1,68 |
105,60 |
104,96 |
- 0,64 |
Total |
3 588,60 |
3 598,69 |
10,09 |
3 688,90 |
3 566,81 |
- 122,09 |
Source : commission des finances d'après les COM
Aucun projet d'actualisation de ces contrats, dans une perspective d'efforts demandés à l'audiovisuel public, n'est réellement en cours, dans la mesure où l'incertitude sur le devenir de la réforme de l'audiovisuel public paralyse les discussions et empêche toute vision pluriannuelle.
3. La nécessité pour l'information et le contrôle du Parlement du maintien d'un compte de concours financiers
La Cour des comptes, relayant un point de vue qui a pu être émis par la direction du budget, note que « le maintien de comptes de concours financiers (CCF) dans le cadre de la réforme du financement de l'audiovisuel public a pu questionner »7(*).
Le rapporteur général Jean-François Husson a pourtant répondu à ces interrogations en indiquant, lors des débats en séance publique sur le PLF pour 2025, être défavorable à la volonté du Gouvernement de supprimer le compte de concours financiers.
En effet, le compte de concours financier a pour avantage de garantir une information complète du Parlement par le biais des documents budgétaires et son maintien constitue un enjeu de qualité du débat démocratique. Si l'audiovisuel public n'était plus financé par le CCF, les informations, portant pourtant sur un enjeu crucial et d'un montant conséquent, seraient dilués dans le tableau général des taxes affectées.
Si, d'un point de vue strictement juridique et comme le souligne la Cour, « un financement via la première partie du PLF aurait été envisageable », il aurait été dommageable pour le contrôle et le suivi de ce compte. La Cour des comptes elle-même n'aurait pu se pencher sur l'exécution des financements affectés à l'audiovisuel public dans le cadre d'une note d'exécution budgétaire.
La Cour note que « les CCF n'ont pas pour objet direct de permettre un financement avec des montants déterminés à l'euro en provenance de la TVA (et pas un pourcentage) ». Pour autant, ce système était appliqué dans le cadre du régime transitoire depuis 2022, sans que cela n'ait suscité de difficulté. Antérieurement, la redevance transitait également par le CCF, qui n'avait pas davantage la vocation à accueillir une part dynamique de ressources affectées. Quant aux craintes d'inconstitutionnalité du système, elles ont été aplanies par la décision du Conseil constitutionnel sur la LFI pour 20258(*), dans laquelle le Conseil n'a pas vu d'inconvénient au système actuel.
Enfin, et comme le souligne la Cour elle-même, le CCF permet de garantir un paiement mensuel des douzièmes, permettant aux sociétés d'audiovisuel public de disposer d'une ressource stable et prévisible.
* 7 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2024 Mission Avances à l'audiovisuel public.
* 8 Décision n° 2025-874 DC du 13 février 2025 (Loi de finances pour 2025).