II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

La mission « Plan de relance » s'est fondée sur des procédures dérogatoires au droit budgétaire commun : une part importante des crédits sont transférés à des opérateurs ou à d'autres programmes budgétaires, de sorte que la consommation des crédits sur la mission « Plan de relance » ne reflète que très indirectement leur décaissement réel au profit de la mise en oeuvre des politiques publiques visées.

En outre des reports de crédits très importants éloignent le niveau des crédits disponibles de ceux autorisés en loi de finances initiale.

A. DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS TRÈS IMPORTANTS VIENNENT ÉLOIGNER LA RÉALITÉ DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DE LA THÉORIE DES OUVERTURES DE CRÉDITS EN LOI DE FINANCES

Les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale (21,8 milliards d'euros en 2021, 13,0 milliards d'euros en 2022, 4,4 milliards d'euros en 2024, 0 euro en 20253(*)) ne donnent qu'une vision très incomplète des crédits réellement mis à la disposition des gestionnaires de programme.

En effet, il faut ajouter les crédits supplémentaires ouverts en loi de finances rectificative (4,9 milliards d'euros en 2021) et les crédits reportés de l'année précédente (0,3 milliard d'euros en 2021, 6,2 milliards d'euros en 2022, 6,0 milliards d'euros en 2023, 5,7 milliards d'euros en 2024 et 4,1 milliards d'euros en 20254(*)), et retrancher les crédits transférés à d'autres missions du budget général (1,7 milliard d'euros en 2022, 0,6 milliard d'euros en 2023 et 0,4 milliard d'euros en 2024).

Mouvements de crédits sur la mission « Plan de relance »
de 2021 à 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Malgré la forte diminution des dépenses, les reports de crédits sont restés à un niveau remarquablement proche des années précédentes.

Alors que les reports de crédits représentaient déjà 36,0 % des crédits totaux et un peu plus de la moitié des dépenses en 2022, ils ont atteint un niveau égal à 84,6 % des crédits totaux et 2,5 fois plus élevé que les dépenses en 2024.

Reports de crédits de 2023 vers 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des arrêtés de report

En fait, ces reports étaient largement inutiles.

Sur le programme 364 « Cohésion », par exemple, un arrêté pris le 12 mars 2024 a reporté 215 millions d'euros en autorisations d'engagement et 869 millions d'euros en crédits de paiement de 2023 vers 2024, minorés de 171 millions d'euros en crédits de paiement par deux décrets de transferts pris le 26 juin et le 28 novembre 2024. Or la consommation, sur ce programme, a été négative en autorisations d'engagement (voir infra) et très inférieure à la prévision en loi de finances initiale pour ce qui concerne les crédits de paiement (82,6 millions d'euros contre 179 millions d'euros).

D'une manière générale, le faible niveau des besoins a été confirmé par des mesures de surgel de crédits d'un niveau très élevé : 2 574,2 millions d'euros sur le programme 362, 678,4 millions d'euros sur le programme 363 et 326,9 millions d'euros sur le programme 364, lesquels, au lieu de faire l'objet d'une annulation intégrale en loi de finances de fin de gestion, ont été largement reportés à 2025. La loi de finances de fin de gestion n'a en effet annulé que 150 millions d'euros, sur le programme 364.

Non seulement les reports n'étaient pas nécessaires, mais la demande de crédits en loi de finances initiale avait elle-même largement dépassé les besoins.

Or le Gouvernement poursuit cette pratique en 2025, puisque le présent projet de loi de résultats n'annule aucun crédit sur ce programme5(*). Plusieurs décrits pris avant le 15 mars 2025 ont reporté 644 millions d'euros non consommés vers plusieurs programmes du budget général, car le programme 364 n'existe plus dans la maquette budgétaire en 2025.

Reports du programme 364

(en millions d'euros)

Date du décret

Montant annulé sur le programme 364

Programme destinataire

7 mars 2025 (1)

142,6

Multiples

7 mars 2025 (2)

384,0

Multiples

11 mars 2025

12,9

230 « Vie de l'élève »

13 mars 2025 (1)

103,7

Multiples

13 mars 2025 (2)

0,6

157 « Handicap et dépendance » et 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » et

Total

643,8

 

Source : commission des finances, à partir des décrets de report

Ces reports croisés sont en outre difficilement compréhensibles, car regroupés dans la plupart des décrets avec des annulations et reports de crédits portant sur d'autres programmes budgétaires.

À titre d'exemple, l'un des arrêts de report pris le 7 mars 2025 regroupe des reports de crédit portant sur les missions « Engagements financiers de l'État », « Plan de relance », « Recherche et enseignement supérieur » et cinq programmes de la mission « Économie », dont un report de crédits de 1 839 millions d'euros sur le programme de financement des opérations patrimoniales du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État »6(*).


* 3 Alors que le projet de loi de finances pour 2025 prévoyait une ouverture de crédits de 169 millions d'euros en crédits de paiement uniquement, le Sénat a annulé cette ouverture de crédits, ce qui a été ensuite confirmé en commission mixte paritaire.

* 4 Hors reports de 0,6 milliard d'euros du programme 364, supprimé en 2025, vers d'autres programmes du budget général (voir infra).

* 5 Pour être parfaitement précis, le présent projet de loi propose l'annulation de 0,96 euro sur le programme 364, car les montants reportés ont été égaux au montant des crédits non consommés arrondi à l'euro inférieur.

* 6 La comparaison des montants annulés et réouverts sur chaque programme semble toutefois indiquer que les crédits annulés sur le programme 364 au titre de 2024 sont ouverts en 2025 sur les programmes 134 « Développement des entreprises et régulations », à hauteur de 22,6 millions d'euros, et 343 « Plan France Très haut débit », à hauteur de 120,0 millions d'euros, de la mission « Économie ».

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