B. APRÈS QUELQUES ANNÉES DE BAISSE CYCLIQUE, LA CONTRIBUTION FRANÇAISE DEVRAIT REBONDIR DANS LES PROCHAINES ANNÉES

Malgré la baisse continue du PSR-UE depuis 2021, le montant exécuté en 2024 (22,3 milliards d'euros) reste supérieur au montant exécuté pour 6 des 7 années du précédent cadre financier pluriannuel (CFP), reflétant la forte progression du PSR-UE moyen de la France entre le CFP 2014-2020 (20,1 milliards d'euros par an en moyenne) et le CFP 201-2027 (26,2 milliards d'euros selon les dernières estimations de la direction du budget), hausse expliquée par l'effet du départ du Royaume-Uni, second contributeur net, associée au maintien de rabais accordés à divers pays dans le dernier CFP, dont la France est le premier financeur (1,5 milliard d'euros en 20245(*)).

Évolution du montant du prélèvement sur recettes au profit
de l'Union européenne entre 2014 et 2025

(en milliards d'euros)

26,2 Md€

20,1 Md€

* Les montants 2024 - 2027 sont prévisionnels.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Surtout, d'après les dernières projections de la direction du budget sur la base des informations communiquées par la Commission européenne, après une légère progression du PSR-UE en 2025 (23,1 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2025), dont le niveau a pu être contenu grâce à des produits exceptionnels (cf. supra), une forte progression du PSR-UE est attendue en 2026 (30,4 milliards d'euros en 2026) puis 2027 (32,4 milliards d'euros en 2027). Cette progression est sous-tendue par deux évolutions significatives.

1. Le coût de la révision de 2024 du cadre financier pluriannuel

D'une part, une révision du cadre financier pluriannuel a été adoptée le 29 février 2024 pour dégager des crédits pour tenir compte de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine, de la recrudescence du phénomène migratoire, de la forte inflation, tout en finançant la double transition écologique et numérique.

Conséquences financières de la révision à mi-parcours du CFP

(en milliards d'euros)

Priorité

Mécanisme

Montant

Ukraine

Subventions et provisionnements

17,0

Prêts

33,0

Total

50,0

Migrations / défis extérieurs

Fonds "Asile, migration et intégrations"

0,8

Instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas (IGFV)

1,0

Agence de l'Union européenne pour l'asile

0,2

Réfugiés syriens (Syrie, Jordanie, Liban)

1,6

Réfugiés syriens (Turquie)

2,0

Voisinage méridional

2,0

Balkans occidentaux

2,0

Total

9,6

Technologies stratégiques pour l'Europe

(« STEP »)

Fonds pour l'innovation

 

InvestEU

 

Conseil européen de l'innovation

 

Fonds européen de la défense

1,5

Coût de financement de Next Generation EU - mécanisme en cascade

0

Instrument de flexibilité

2,0

Réserve de solidarité et d'aide d'urgence

1,5

TOTAL PRIORITES

64,6

Dont prêts (facilité Ukraine)

33,0

Dont subventions

31,6

... financées par redéploiement6(*)

10,6

... financées par de nouveaux fonds

21,0

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

La révision du nouveau CFP a donc impliqué des nouveaux fonds à hauteur de 21 milliards d'euros, nécessitant un prélèvement additionnel de 3,6 milliards d'euros pour la France sur la période 2024-2027. Avec un surcoût estimé par la Cour des comptes à 700 millions d'euros en 2024, la hausse du PSR-UE attendue pour 2,9 milliards d'euros sur la période 2025-2027. Il s'agit toutefois d'estimations et le surcoût porté par les États contributeurs dépendra des redéploiements effectifs décidés lors des procédures budgétaires.

2. Des restes à liquider record fin 2023, qui alimenteront des hausses futures des contributions nationales

Le rapporteur spécial rappelle que l'exécution du budget de l'Union européenne donne systématiquement lieu à l'accroissement du stock de restes-à-liquider (RAL). Celui-ci découle de l'allongement du décalage entre l'engagement des dépenses et le versement des crédits de paiement. Cette évolution pourrait concentrer davantage les dépenses sur certains exercices et rendre plus complexe l'évaluation du PSR-UE.

Les RAL ont connu d'importantes progressions en 2021 (+ 13 %), 2022 (+ 32,6 %) et 2023 (+ 20 %) pour atteindre un niveau record de 543 milliards d'euros fin 2023. Près de 90 % des RAL ont été contractés après 2021, et 70 % d'entre eux concernent la rubrique 2 du CFP (politique de cohésion, en incluant la facilité pour la reprise et la résilience - FRR).

Engagements restant à liquider, par année d'origine et par type de financement

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes européenne

Le montant des RAL équivaut désormais aux crédits de paiement de deux exercices complets. Ce haut niveau de RAL est expliqué, sur le terrain, par plusieurs facteurs qui ont simultanément contribué à créer une complexité supplémentaire pour tous les organismes chargés de gérer et de contrôler les fonds, comme la lenteur de la mise en oeuvre de la plupart des fonds en gestion partagée dans le cadre du nouveau CFP et la mise en oeuvre de Next Generation EU, dont les fonds ont été sollicités en priorité.

La Commission européenne prévoit toutefois dans son rapport sur les prévisions à long terme du budget de l'UE (2024-2028) que le montant des RAL devrait progressivement décroître pour atteindre 323 milliards d'euros en 2027. Les restes à liquider de Next Generation EU seront notamment résorbés d'ici fin 2026, ces paiements devant être effectués à cette date sous peine d'être dégagés. Cette baisse anticipée des RAL devrait conduire à une augmentation des CP et, ce faisant, du niveau des contributions nationales.

Engagements restant à liquider, engagements et paiements
de la période 2007-2023 et prévisions pour les années 2024 à 2027

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes européenne

Le rapporteur spécial rappelle que la contribution de la France au budget de l'Union européenne représente en 2024 près de 7,2 % de l'ensemble des recettes fiscales françaises et qu'en valeur celle-ci sera appelée à dépasser les 32 milliards d'euros d'ici 2027. Il s'agit de montants très importants et qui représentent, par exemple, plus de trois fois les crédits dédiés à la mission « Justice » du budget de l'État.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial tient, à nouveau, à souligner deux points essentiels :

- d'une part, l'importance de valoriser le débat consacré à l'examen et au suivi du montant du prélèvement sur recettes en ouverture du projet de loi de finances ;

- d'autre part, le nécessaire renforcement de la qualité de la prévision par l'administration du montant du prélèvement sur recettes afin de réduire autant que possible les écarts en exécution.


* 5 Cf. Cour des comptes, analyse de l'exécution budgétaire, prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne, avril 2025.

* 6 Redéploiements provenant en particulier de l'instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale (4,5 milliards d'euros), du programme Horizon Europe (2,1 milliards d'euros), du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (1,3 milliard d'euros), de la PAC et des fonds de la politique de cohésion (1,1 milliard d'euros) et du programme de santé EU4Health (1 milliard d'euros).

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