TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. ROLAND LESCURE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE, ÉNERGÉTIQUE ET NUMÉRIQUE, ET MME AMÉLIE DE MONTCHALIN, MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS (15 OCTOBRE 2025)

Réunie le mercredi 15 octobre 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, et Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2026.

M. Claude Raynal, président. - Nous avons le plaisir de recevoir ce matin M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, et Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics, qui, tout juste renommés dans leurs fonctions dimanche, viennent nous présenter le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, délibéré hier matin en conseil des ministres. Je vous souhaite à l'un comme à l'autre la bienvenue et vous adresse tous mes voeux de réussite dans cette période qui, nous le savons, ne sera pas de tout repos.

L'objectif est ambitieux : faire adopter par le Parlement un budget pour la France d'ici au 31 décembre en répondant non seulement aux exigences de maîtrise des déficits et de la dette publique, mais aussi à la demande forte des Français d'une juste imposition des revenus et des patrimoines. Il vous faudra également rassurer face à l'incertitude pesant actuellement sur l'investissement des entreprises et sur la consommation des ménages.

Vous devrez donc trouver la bonne formule, laquelle, me semble-t-il, ne figure pas encore dans ce projet de loi de finances, tel qu'il a été transmis au Parlement. Et comment le pourrait-elle, alors que les grandes orientations budgétaires et fiscales ont, finalement, si peu varié depuis leur présentation en juillet par l'ancien Premier ministre François Bayrou ? Le Premier ministre actuel l'a reconnu en affirmant ceci : « nous savons déjà qu'à la fin, cela ne sera pas le budget Lecornu » ; « le budget qui sera voté ne sera pas le budget initial du Gouvernement ». Je ne peux que vous le confirmer...

Autant avais-je déploré, l'an dernier, un budget préparé à la va-vite, autant, cette année, la couleur était-elle annoncée depuis quelques semaines. Il est donc d'autant plus regrettable que ce budget soit transmis au Parlement au dernier jour permettant de l'adopter dans les délais constitutionnels, soit une semaine après le délai limite prévu par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), à savoir le premier mardi d'octobre.

Selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dont le président vient de nous présenter l'avis, le scénario macroéconomique pour 2026 repose sur des hypothèses optimistes compte tenu de l'orientation plus restrictive des finances publiques, qui pèserait davantage à court terme sur l'activité, et repose sur une hypothèse de reprise de la demande intérieure volontariste au regard, précisément, de ce contexte d'incertitude.

Monsieur le ministre, madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur cette rétroaction entre mesures d'économies, qu'il s'agisse de hausses d'impôts ou de coupes dans les dépenses, d'une part, et dynamisme de l'activité économique, d'autre part ? Dans le détail des recettes et des économies, dans quelle mesure votre budget et ses mesures nouvelles répondent-ils à l'objectif de produire davantage que défend, à en croire sa déclaration de politique générale, M. le Premier ministre ?

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. - La période que nous traversons a usé les mots, jusqu'à parfois les vider de leur sens. Je pèse chacun des miens ; ils m'engagent. L'instabilité de notre situation politique rend plus pressante encore notre responsabilité d'assurer stabilité, visibilité et confiance aux Français, aux ménages, aux entreprises, aux investisseurs.

Cela suppose, ce qui est un bon début, de doter la France d'un budget pour 2026. Cette exigence de responsabilité est collective. Notre premier devoir était de déposer ce projet de budget dans le respect des délais prévus par la Constitution. Nous sommes aujourd'hui dans les temps pour que les soixante-dix jours du débat parlementaire puissent avoir lieu.

Ce projet de budget est le fruit d'un travail de longue haleine. Je vous remercie, madame la ministre, pour le travail exceptionnel que vous avez accompli depuis que vous avez été nommée, le 23 décembre dernier. Je souhaite aussi saluer l'action exemplaire des agents de nos ministères, qui ont oeuvré sans relâche à la préparation du texte que nous vous présentons aujourd'hui, malgré les soubresauts du calendrier politique.

Ce budget tend à définir un point d'équilibre possible, sans exclure que d'autres soient envisageables. Il constitue un point de départ, et non le point d'arrivée. S'ouvre donc le chapitre des discussions parlementaires. Le Premier ministre l'a dit, nous serons à l'écoute de vos propositions. En outre, il s'est engagé à ne pas recourir à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pendant les débats. Nous sommes donc tous garants de l'aboutissement d'un compromis si nous voulons doter la France d'un budget pour 2026.

Toutefois, concession ne veut pas dire déraison. Justice fiscale ne veut pas dire surenchère fiscale. Le compromis politique que nous atteindrons ne fera pas de lui-même disparaître notre dette. Je serai donc intraitable sur notre trajectoire budgétaire.

Nous conserverons l'objectif d'un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2029. Ce n'est pas pour faire plaisir à Bruxelles. Jeudi et vendredi, à Luxembourg, mes collègues européens m'ont dit leur préoccupation quant à la situation française, mais ils soutiennent nos efforts de redressement et nous font confiance. Ce n'est pas non plus pour faire plaisir aux marchés financiers, même si cela est important pour notre souveraineté. Cependant, un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2029 permettra de stabiliser notre dette, alors même que notre objectif à toutes et à tous doit être sa décrue.

Voici donc la vision que je défendrai sans relâche : adopter un budget qui mette un coup d'arrêt à la hausse de la dette et rétablisse nos comptes publics, en préservant la croissance, l'emploi et la transition écologique, impératif absolu, avec un effort équitablement réparti.

Il y va de la pérennité de nos services publics comme de celle de notre modèle social. Il y va de la préservation de notre souveraineté et de la crédibilité de la signature de la France et de nos engagements envers nos partenaires européens et internationaux. Il y va de notre responsabilité face aux générations futures. Je connais bien le Sénat, puisque cela fait huit ans que nous oeuvrons ensemble, et sais que cette notion de responsabilité est inhérente à la manière dont vous travaillez.

Pierre Moscovici vous a dit que ce budget relève un peu d'une construction parfaite, d'un plan d'architecte, mais c'est vous qui en serez les bâtisseurs. Et afin de partager cette responsabilité commune et que nous soyons au même niveau d'informations, Amélie de Montchalin et moi-même vous transmettrons régulièrement des éléments sur les conséquences des dispositions qui auront été votées en commission comme en séance, en dépenses, en recettes et en déficit. Certes, certains amendements ne pourront être chiffrés en temps réel, mais ces estimations permettront d'éclairer vos débats. Elles devront être notre boussole, le fil d'Ariane des compromis qui émergeront.

En 2025, nous tous, les parlementaires - j'en étais à l'époque -, avons été au rendez-vous en adoptant un budget, avec une cible de déficit à 5,4 % du PIB. À ce stade de l'année, cet objectif est à portée de main. Notre responsabilité consiste à nous assurer que ce chiffre soit tenu.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Voilà qui nous change !

M. Roland Lescure, ministre. - Je tiens d'ailleurs à saluer les collectivités territoriales, qui ont accompli des efforts significatifs.

Il ne faut cependant pas nous en tenir à cela : toutes les administrations publiques ont des efforts à faire. Elles ont été au rendez-vous en 2025. Je voudrais saluer ici l'action de mon prédécesseur, Éric Lombard, qui, avec Amélie de Montchalin, a permis de faire voter le budget et d'avoir un pilotage renforcé de nos finances publiques. Nous poursuivrons cet effort de maîtrise de l'exécution du budget et de transparence renforcée auprès des représentants de la nation.

La croissance a résisté, avec un acquis de 0,6 % à l'issue du deuxième trimestre. Compte tenu des prévisions de la Banque de France et de l'Insee d'une croissance de 0,3 % au troisième trimestre, le total pour 2025 devrait atteindre 0,7 %, ce qui est conforme à la prévision du Gouvernement actualisée au printemps, contre 0,2 % en Allemagne. Notre taux de chômage reste stable à 7,5 %, proche de son plus bas niveau depuis quarante ans. La crise inflationniste est définitivement derrière nous, avec une inflation de 1,1 %, contre 2 % en 2024. Ainsi, le pouvoir d'achat des Français progresse de 0,8 % cette année, après 2,6 % en 2024.

Toutefois, nous ne sommes pas tirés d'affaire. Le contexte international incertain constitue un aléa important pour l'année prochaine. Malgré une lueur d'espoir au Proche-Orient depuis deux jours, la guerre persiste aux portes de l'Europe et le climat d'incertitude internationale affecte notre économie, sans compter les secousses liées aux droits de douane imposées par les États-Unis et aux pressions agressives de la Chine. Cela engendre des comportements plus attentistes de la part des ménages et des entreprises, dont l'investissement a fléchi cette année.

Cela étant, les fondamentaux de notre économie sont sains. Ainsi, pour l'année 2026, nous prévoyons une croissance de 1 %, en légère accélération tirée par la demande domestique, grâce à une inflation maîtrisée de 1,3 %, nettement inférieure à la moyenne européenne. Je vous rappelle que le taux d'épargne atteint 18 % en 2025, soit quatre points de plus qu'avant la crise de la covid, ce qui traduit une inquiétude. La baisse modeste du taux d'épargne que nous prévoyons marque un rétablissement de la confiance. Or les incertitudes politiques génèrent de l'inquiétude économique. Notre capacité à faire voter un budget en temps et en heure sera donc un gage très fort pour les marchés, pour nos partenaires européens et, avant tout, pour nos concitoyens.

Le point faible de notre pays n'est pas son économie, mais ses finances publiques, précisément ses dépenses. Ainsi, notre déficit public est le plus élevé de la zone euro en 2024, le troisième de l'Union européenne après la Roumanie et la Pologne. En 2029, nous serons les derniers de la zone euro, avec la Belgique, à voir notre déficit passer en dessous de 3 % du PIB. Notre dette, à la fin du premier trimestre, s'élevait à 114 % du PIB, la troisième la plus élevée derrière la Grèce et l'Italie. Au cours des deux dernières années, nous avons été dégradés par les principales agences de notation. Le 12 septembre, Fitch a retiré la France de la catégorie des émetteurs de très haute qualité. Nous avons changé de division...

Le coût de notre dette a augmenté significativement et le taux de nos obligations à dix ans dépasse de plus de 80 points de base celui de l'Allemagne, même si, depuis hier, cela va un peu mieux, car les marchés financiers considèrent que la stabilité politique est un gage de stabilité tout court. La charge de la dette de l'ensemble de nos administrations publiques était de 60 milliards d'euros l'année dernière, et atteindra 65 milliards cette année. L'année prochaine, elle approchera les 74 milliards d'euros.

Si ces indicateurs sont inquiétants, ils ne sont pas irrémédiables. Ils nous invitent à une action résolue et immédiate. D'autres avant nous l'ont fait : le Canada et la Suède dans les années 1990 et, plus récemment, la Grèce, le Portugal, l'Espagne et l'Italie. Nous aussi, nous pouvons y parvenir. Ce budget nous met sur ce chemin en fixant une trajectoire de redressement ambitieuse, mais atteignable. Nous prévoyons donc une réduction du déficit des administrations publiques à 4,7 % pour 2026 ; notre dette publique atteindra 118 % du PIB, soit deux points de plus que cette année, et le programme de financement de l'État sera de 310 milliards d'euros.

Au regard de tous ces indicateurs et du risque encouru, notre devoir à tous et notre responsabilité, à Amélie de Montchalin et à moi, c'est d'être intraitables sur le respect de notre trajectoire budgétaire. Cet objectif est cohérent avec un retour du déficit sous les 3 % à l'horizon 2029.

Ce budget est d'équité ; il mobilise les plus fortunés. C'est un budget souverain, ce qui est important pour le ministre de l'industrie que j'ai été durant deux ans et demi. Je salue Sébastien Martin, qui m'a rejoint pour être chargé de ce dossier important. L'industrie est la colonne vertébrale de notre souveraineté. C'est la raison pour laquelle nous proposons de poursuivre la baisse des impôts de production. Ainsi, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) baissera de 1,3 milliard d'euros en 2026. Il ne s'agit pas d'un cadeau pour les grands patrons, mais bien d'un investissement dans 300 000 entreprises pourvoyeuses de millions d'emplois partout en France afin de de poursuivre la réindustrialisation de notre pays, parce que l'industrie est le nerf de la guerre.

L'innovation est également au coeur de notre stratégie industrielle depuis des années. Nous avons des ingénieurs et des chercheurs de qualité. J'en profite pour saluer les travaux de Philippe Aghion, qui a reçu avant-hier le prix Nobel d'économie, sur le rôle crucial des politiques économiques en soutien à l'innovation, qui visent à encourager la recherche et à faciliter l'émergence d'entreprises innovantes. C'est pourquoi les moyens en faveur de la recherche seront accrus. Le crédit d'impôt recherche (CIR), atout clé pour notre compétitivité depuis quarante ans, sera préservé.

Ce budget, enfin, poursuit le verdissement de notre économie. Dans un environnement budgétaire contraint, chaque euro compte : notre maître mot en la matière est l'efficacité, qu'elle soit budgétaire, économique ou environnementale. Nous prévoyons 500 millions d'euros de nouveaux engagements pour la décarbonation de l'industrie et 500 millions d'euros pour la production d'hydrogène décarboné. Nous avons relancé MaPrimeRénov' le 30 septembre dernier et nous la pérennisons, en finançant une partie de son coût par la hausse du volume des certificats d'économie d'énergie. Nous continuons à soutenir la production d'énergie renouvelable, tout en mettant à contribution les installations ayant bénéficié d'un soutien important par le passé.

Le projet de budget que nous vous présentons est responsable dans son ambition de redressement et équitable dans la répartition de l'effort. Il est réaliste, bien qu'ambitieux, dans ses orientations. Ce budget lucide concilie les urgences d'aujourd'hui et les besoins de demain. Je souhaite profondément que le compromis vers lequel nous nous dirigerons préserve ces équilibres. Je serai le garant déterminé de notre impérieux devoir de redresser les finances de ce pays : face à chaque « plus », il nous faudra trouver un « moins ». Ce texte est désormais le vôtre. Discutez-le, critiquez-le, amendez-le et, je l'espère de tout mon coeur, votez-le ! Offrez un budget à la France !

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. - Politiquement, le moment est nouveau : il est temps d'assumer le fait que nous n'avons pas de majorité absolue et que c'est bien au Parlement d'exercer toutes ses prérogatives, alors que le monde a changé. Pour assurer la stabilité et la prospérité du pays, comme je suis souvent venue vous le dire ces derniers mois, il nous faut trouver un chemin d'efficacité et, surtout, d'humilité.

Nous avons la responsabilité de trouver des solutions, des compromis et, avant tout, un budget pour la nation avant le 31 décembre. Vous aurez, comme en février 2025, beaucoup de pouvoir : celui d'aider le pays à bâtir ce compromis. Nous l'avons fait une fois et nous pouvons, à mon sens, le refaire.

Vous me connaissez : ma méthode a été de vous dire toute la vérité et d'être la plus transparente possible avec vous. Cela a permis de bâtir le compromis du mois de février. Depuis, au travers des comités d'alerte et des auditions - je tiens à remercier M. le président et M. le rapporteur général de nos échanges nourris -, nous avons obtenu ensemble un résultat : celui d'avoir tenu notre cible de déficit pour 2025. De manière assez solide, crédible et réaliste, comme l'a reconnu Pierre Moscovici - mais restons humbles, car il peut encore se passer beaucoup de choses -, le déficit atteint 5,4 % du PIB. Ce n'est ni un miracle ni de la magie, c'est de la méthode : au compromis a succédé, tous les mois, un suivi des recettes et des dépenses par Éric Lombard et moi. Nous avons informé le Parlement des ajustements et décisions en cours. Cela est essentiel à la confiance entre nous et afin de bâtir le compromis suivant.

Ce budget est un projet. Cela tombe bien, car sur tous les documents, il est mentionné : « projet de loi de finances ». Ce n'est donc pas le point d'arrivée. Il s'agit d'une base pour préserver notre souveraineté en réduisant une nouvelle fois notre déficit, tout en ayant bien conscience que ce n'est qu'une étape vers la stabilisation, puis la baisse, de notre dette par rapport à notre PIB. Il manifeste le double engagement de concilier les priorités stratégiques du pays et celles du quotidien des Français.

Ce budget contient des choix forts. D'abord, celui de réinvestir dans notre défense et notre sécurité, avec 6,7 milliards d'euros de plus pour nos armées, 600 millions de hausse pour le ministère de l'intérieur et 200 millions supplémentaires pour le ministère de la justice. Les priorités sont la lutte contre la criminalité organisée, le narcotrafic et l'insécurité.

Nous assumons aussi de poursuivre nos investissements pour l'éducation nationale, en recrutant les jeunes au niveau de la licence et non plus du master, afin de mieux les former. Nous assumons d'investir dans la recherche. Même si les hausses concernées ne sont pas considérables, c'est un choix politique que de poursuivre ce soutien.

Nous assumons, enfin, de continuer notre appui à la transition écologique et énergétique, ainsi que le fait de regarder en face le coût du vieillissement, qui va nous amener à augmenter nos dépenses de santé et d'autonomie de 5 milliards d'euros l'année prochaine.

Dans cette optique, il nous faut cependant retrouver des marges de manoeuvre, ce que nous assumons également. Bien loin d'un rabot généralisé, nous avons fait des choix. Ainsi, chaque ministre pourra vous indiquer où se trouvent les augmentations et réductions de moyens. Il ne s'agit pas de faire des calculs arithmétiques boutiquiers, mais bien de remettre les politiques publiques au centre des arbitrages, même si les choix sont parfois difficiles. Cela amène à une baisse des crédits des ministères hors défense, ainsi qu'une diminution des dépenses de fonctionnement en valeur hors ministères régaliens avec, par exemple, 20 % de moins sur les dépenses de communication. Une partie de la baisse des crédits concerne la lutte contre la fraude, en particulier s'agissant du compte personnel de formation (CPF).

Sur la sécurité sociale, notre choix est de stabiliser le poids de notre dépense de santé dans le PIB, qui a augmenté d'un point depuis la période du covid et augmente cette année encore. Cette part s'accroît en raison de la forte dynamique des médicaments, ainsi que de la croissance de 6 % sur un an des arrêts maladie et des indemnités journalières, aboutissant à une progression de plus de 25 % en quelques années.

Nous devons encore travailler sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais là aussi, nous cherchons à maîtriser nos dépenses. Sur les retraites et les prestations, nous avons fait le choix de ne pas procéder à une revalorisation au niveau de l'inflation, qui serait de 1,3 % l'année prochaine. Toutefois, pour les retraites, la seule démographie, avec 330 000 retraités de plus, décès compris, entraînera des dépenses supplémentaires de 6 milliards d'euros. Il nous faut assumer nos obligations vis-à-vis des générations qui arrivent à la retraite, mais aussi tenir compte du coût de ce virage démographique.

Là où l'État, hors défense, s'impose une stabilité des dépenses en valeur, ou « zéro valeur », nous proposons que les dépenses de fonctionnement des collectivités augmentent de 2,4 milliards d'euros, tandis que leurs recettes s'accroîtraient de 4,2 milliards d'euros. La différence, à peu près 2 milliards d'euros, serait consacrée aux investissements ou à l'épargne. La croissance des dépenses de fonctionnement sera certes limitée à l'inflation, donc à un niveau moindre qu'au cours des années précédentes, mais elle existe. Il n'y a donc pas de saignée, c'est-à-dire une baisse nette.

Nous faisons également un effort de simplification des normes. Vous m'avez souvent interrogée sur le décret « tertiaire » ou sur des normes qui créent des dépenses contraintes. Pour une valorisation d'environ 1,6 milliard d'euros, nous souhaitons réviser un certain nombre de normes, non pas pour ignorer nos objectifs, mais pour simplifier la manière, par exemple, de rénover les bâtiments publics et les écoles. Aujourd'hui, les surcoûts liés à l'excès de normes découragent les maires de s'engager dans ces grands projets nécessaires.

Enfin, sur la fiscalité, nous aurons ensemble de très nombreux débats, dans la plus grande transparence possible. Nous pourrons nous retrouver sur quatre sujets.

Premièrement, nous voulons mettre fin à la dérive liée au maniement par certains contribuables des holdings : le détournement d'une fiscalité pensée pour le monde de l'entreprise afin de se constituer un patrimoine personnel. Pour ce dernier, la fiscalité est connue : le plan d'épargne en actions (PEA), l'assurance vie et le prélèvement forfaitaire unique (PFU). Nous proposons donc de taxer les actifs de holdings non investis dans les PME européennes, dans des entreprises ou au service de l'innovation.

Deuxièmement, nous pourrions nous rassembler autour de la taxe sur les petits colis. Il est en effet inacceptable que les commerces de toute la France soient confrontés à une concurrence très déloyale due à l'inondation de biens produits dans des circonstances sociales et environnementales très dégradées et qui, par ailleurs, sont à 80 % des produits non conformes, que ce soit en matière de sécurité ou de qualité, ou encore parce qu'il s'agit de contrefaçons.

Troisièmement, sur les niches fiscales et sociales, nos propositions ne sont que le strict reflet de vingt ans de rapports parlementaires, de la Cour des comptes ou du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur des dispositifs obsolètes ou mal ciblés. Nous aurons ces débats.

Quatrièmement, nous entendons lutter activement contre la fraude, notamment sociale, en musclant notre arsenal juridique.

En conclusion, ce budget prévoit un déficit de 4,7 % du PIB. Il tend à définir un choix pour réconcilier nos besoins et nos moyens, les contraintes d'aujourd'hui et la protection de demain et des générations futures, et chercher une forme d'équité entre les générations, entre les secteurs et entre les acteurs publics. C'est un projet : une fois ce cadre posé, les équilibres comme la manière de faire peuvent changer. Vous me trouverez au banc pour accompagner ce qui sera un moment de compromis.

Nous aurons donc des débats sur le pouvoir d'achat, sur les entreprises, sur la fiscalité, sur les services publics, sur la transition écologique. Désormais également en charge de la fonction publique, je m'engagerai résolument pour qu'il y ait, en porte-étendard de nos décisions, non pas des slogans, mais bien une vision claire des conséquences de ce que nous bâtissons ensemble.

Nous devons tout faire pour que les Français retrouvent de la stabilité, pour leur donner un budget. Nous devons le faire avec la détermination et le sens collectif que nous leur devons.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue dans notre commission, qui adore travailler et débattre. Il est heureux que vous souhaitiez le faire, mais cela n'est ni plus ni moins que la norme : le Gouvernement propose, nous débattons et nous votons : nous n'allons pas inventer l'eau tiède !

Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, la réalité des faits, c'est le déficit fort préoccupant de nos comptes publics. Les comptes sont à la dérive : qui les assume et quelles en sont les raisons ? Nous avons conduit une mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023. Vos réponses permettront un débat plus serein, indispensable à tout compromis.

La France a changé de division, dites-vous : en termes sportifs, cela s'appelle une relégation ! Quant à l'image de la France, il est certes agréable que des Français aient obtenu deux prix Nobel, mais si un prix devait concerner les comptes publics, nous ne pourrions que le voir passer...

Ma circonspection est grandissante sur la « méthode Macron » : baisser les impôts de production et l'imposition des sociétés, celle des hauts patrimoines et celle des ménages pour constater, quelques années plus tard, que faute de mesures d'économies simultanées, il faut réintroduire des ersatz de ces prélèvements, sous forme de dérogations ou de rustines temporaires, souvent complexes et génératrices de rentes pour ceux qui savent manoeuvrer dans le code général des impôts.

Mettez-vous à la place des entreprises et de nos concitoyens : de quelles visibilité, lisibilité et, surtout, mises en perspectives bénéficient-ils pour leurs décisions stratégiques ? Je m'étonne d'ailleurs du niveau particulièrement élevé des prévisions d'investissement associées au PLF 2026, à rebours de ce que l'on entend dans le monde de l'entreprise.

En réalité, à quoi avons-nous assisté ? À une baisse de l'impôt sur les sociétés avant la mise en place d'une surtaxe exceptionnelle sur celui-ci ; à une trajectoire de baisse de la CVAE, étalée, puis reportée, puis anticipée ; à une suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), suivie de la création d'une taxe sur les holdings patrimoniales ; à une réforme des retraites présentée comme inéluctable, puis suspendue, suspension devant être compensée financièrement, mais sans proposition concrète à ce stade...

Il n'est pas surprenant, dans ce contexte, que les entreprises reportent leurs investissements et que les ménages épargnent 19 % de leur revenu, un niveau jamais atteint. Il manque, de toute évidence, un cap. La feuille de route exposée par le Premier ministre en septembre - « certains impôts augmenteront, mais d'autres diminueront » - ne me semble pas aller dans le sens d'une réelle clarification. L'automne arrive, les temps brumeux aussi...

Je m'interroge, premièrement, sur ce projet de budget qui comporte quatre-vingts articles, soit 70 % de plus que dans le PLF 2023 et trois fois plus d'articles fiscaux qu'alors. Cela donne à réfléchir, l'effort d'équilibre pour l'exercice 2025 ne venant que des recettes fiscales. Or l'on ne cesse de nous répéter que les circonstances sont inédites, que ce gouvernement « de mission » a pour seul objectif de faire adopter un budget et qu'il faudrait pour cela trouver le plus petit dénominateur commun. Par ailleurs, alors que le temps d'examen de ce budget sera particulièrement contraint, n'est-il pas contre-productif de présenter un texte aussi dense ?

Deuxième interrogation : sur 30 milliards d'euros d'effort structurel de réduction du déficit, le HCFP nous dit que 17 milliards d'euros proviennent de baisses de dépenses et que près de 14 milliards d'euros correspondent à de nouvelles hausses d'impôts. Ne faudrait-il pas faire porter davantage l'effort sur la dépense publique qui a, malheureusement, fortement augmenté depuis 2019 ? Le Gouvernement est-il ouvert à davantage de mesures de baisse de dépenses permettant d'alléger cette fichue charge fiscale pesant sur nos concitoyens ?

Par ailleurs, dans sa déclaration d'hier, le Premier ministre a indiqué qu'il ne serait « pas le Premier ministre du dérapage des comptes publics ». Pouvez-vous confirmer que l'objectif du Gouvernement, pour 2026, reste bien un déficit public de 4,7 % du PIB et non de presque 5 % du PIB ? Je rappelle que la France s'était engagée, dans le cadre du plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT), à atteindre un déficit de 4,6 % du PIB pour l'année qui vient. Surtout, cette cible correspond à la trajectoire que nous nous sommes fixée pour revenir à 3 % en 2029, afin d'éviter une hausse incontrôlée de notre dette publique.

Je rappelle que la loi de programmation des finances publiques, adoptée le 18 décembre 2023, soit il y a moins de deux ans, prévoyait un déficit public à 4,4 % du PIB en 2024, contre 5,8 % réalisé ; pour 2025, 3,7 % contre 5,4 % ; enfin, pour 2026, 3,2 % - bien en dessous de 5 % donc - contre 4,7 % à 5 % prévus actuellement.

Au sein de la commission des finances, nous devons contempler la brutalité incontournable des chiffres, avec laquelle il n'est malheureusement pas possible de faire des compromis. Compte tenu du noeud coulant de la hausse de la charge de la dette, qui pourrait approcher les 110 milliards d'euros en 2029, les choix difficiles que nous refusons de faire aujourd'hui pourraient devenir impossibles demain. Or nous avons un grand besoin de marges de manoeuvre pour investir dans l'innovation, la défense et la transition écologique, sans oublier le domaine régalien. Pouvez-vous donc nous rassurer sur vos intentions ? Prévoyez-vous de mettre à jour le PSMT pour nous dire à quel rythme la cible de 3 % en 2029 sera atteinte, ce qui serait un gage de crédibilité ?

Par ailleurs, sur l'exécution budgétaire en 2025, confirmez-vous l'atteinte de la cible de déficit de 5,4 % cette année ? L'exposé général du PLF indique que la part attribuée à l'État des recettes de TVA diminuerait de 4,5 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale, principalement en raison de la baisse de la croissance des emplois taxables et de la consommation des ménages. Or il n'est pas habituel que la TVA diminue, alors que la croissance est positive.

En outre, chaque mot compte, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Or vous avez affirmé que le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution ne serait pas utilisé pendant les débats. Le sera-t-il à leur issue ?

M. Roland Lescure, ministre. - Peut-être n'avons-nous pas inventé l'eau tiède, monsieur le rapporteur général, mais l'eau est un peu plus chaude que d'habitude : renoncer à l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution marque un changement de méthode. Bien sûr, nous respecterons la Constitution. Le Premier ministre a mentionné le non-recours pour l'ensemble de la procédure budgétaire. L'obtention d'un résultat dépendra donc de nous tous. Au cours des trois années précédentes, à l'Assemblée nationale, où je siégeais, les votes étaient vus comme étant sans conséquence en raison de l'usage de cet instrument. Cette fois-ci, nous devrons être conscients de l'impact des mesures votées. Voilà une nouveauté.

Qui assume ? Amélie de Montchalin et moi assumons le point où nous sommes aujourd'hui. Depuis 2017, j'ai été président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, ministre de l'industrie et vice-président de l'Assemblée nationale. J'assume le bilan, mais n'oublions pas le positif : chômage au plus bas depuis quarante ans, usines qui rouvrent, crédibilité sans égale de la France, pays le plus attractif d'Europe depuis six ans. Mais j'assume aussi le moins positif, notamment notre situation budgétaire.

Vous avez, tout comme nous, travaillé sur les raisons du déficit : multiples crises, mais aussi erreurs de prévision ayant entaché notre capacité à atteindre les objectifs votés, comme le montrent les écarts observés en 2023 et en 2024. Nous faisons en sorte que cela ne se reproduise pas avec, notamment, le cercle des prévisionnistes, mais aussi des mécanismes d'alerte. Au moins, pour 2025, nous semblons respecter les prévisions. Cela n'implique pas de le faire sur toutes les lignes : ainsi, pour la TVA, nous sommes en dessous, mais pour l'impôt sur les sociétés, nous les dépassons.

Certes, la France a été reléguée, mais il faut viser la remontée. Le Canada était bien plus bas que nous durant les années 1990, mais ils sont revenus en ligue des champions avec une notation AAA. C'est donc possible et nous devons y arriver.

Vous avez eu raison d'insister, monsieur le rapporteur général, sur la lisibilité et la visibilité à moyen terme, pour les entreprises comme pour les ménages. Or nous souhaitons que ces derniers puisent dans leur épargne.

Je serai le garant de nos objectifs pour 2029. Nous sommes là pour mettre en oeuvre la stratégie de moyen terme sur laquelle nous nous sommes engagés auprès de la Commission européenne, et nous devons la tenir. Il ne s'agit pas de faire plaisir à Bruxelles, même si les ministres des finances de la zone euro ont les mêmes préoccupations que nous. Nous agissons surtout pour nos concitoyens. Afin de stabiliser la dette, nous devons atteindre un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2029, et pour donner de la visibilité, il faut lever les incertitudes politiques et s'appuyer sur des prévisions ambitieuses, mais crédibles. C'est le cas : nous sommes en ligne avec le consensus pour l'année prochaine.

Ce budget prévoit un déficit de 4,7 % du PIB. Dans le cadre des débats budgétaires, j'aimerais que devant chaque « plus » l'on retrouve un « moins ». Toutefois, le Premier ministre a affirmé qu'il était essentiel de rester sous les 5 %. On ne peut pas entrer dans une négociation en annonçant que tout est fixé. Par ailleurs, les 5 % ne sont pas un fétiche ; mais si l'on veut atteindre les 3 % en 2029, nous ne pouvons pas trop relever la marche. Nous construisons un escalier dont les marches doivent être égales.

Enfin, au 1er janvier prochain, nous aurons 8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires incompressibles, du fait de la charge de la dette. D'ailleurs, la Commission européenne retire cette dernière des mesures de dépense, se concentrant sur les éléments sur lesquels nous avons la main. Pour atteindre une réduction de 17 milliards d'euros, il faut donc faire un effort de 25 milliards d'euros.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Votre question principale porte sur nos ambitions en termes d'économies. La France est toujours intéressée par les impôts, la dépense apparaissant plus intangible.

Nous avons fait le choix, tout d'abord, de ne pas faire de rabot. Notre budget, qui n'est qu'un projet, est construit sur le principe du zéro valeur pour les dépenses de l'État hors défense, c'est-à-dire aucune croissance en euros sonnants et trébuchants. Au sein de chaque mission, vous trouverez des économies, mais aussi des hausses de dépenses, le tout aboutissant à des dépenses de fonctionnement et de crédits ministériels en baisse, hors défense.

Pour les collectivités, nous faisons le choix du « zéro volume » pour les dépenses de fonctionnement, c'est-à-dire une hausse limitée à l'inflation, soit un effort réel, mais moindre que celui de l'État.

Quant aux dépenses de santé, nous visons une part de PIB stable. L'effort est donc différencié entre ces trois versants.

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a clairement affirmé que, pour atteindre un déficit à 3 % du PIB en 2029, la France, pendant trois ans, devait avoir une dépense totale stable en volume hors charge de la dette. Ce projet de budget suit cette ligne, puisque la dépense totale, en volume, augmente de 0,3 %, tandis que notre dépense totale primaire, c'est-à-dire hors charge de la dette, évolue de 0 % en volume. C'est assez inédit.

Bien évidemment, la croissance ne peut qu'aider, de même qu'une reprise de l'activité. Mais cette proposition est intéressante et éloignée de ce qu'ont fait la Grèce, l'Italie et l'Espagne sous les ordres de la troïka avec, par exemple, une baisse des retraites en valeur. Nous, nous les stabilisons, en assumant que les nouveaux retraités ne subissent pas de baisse de pension par rapport aux anciens. La hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités devrait atteindre 1,1 %, contre 1,7 % pour leurs recettes. Ce n'est pas du tout ce que la troïka proposait pour les collectivités portugaises...

Sur la fiscalité, j'assume notre choix d'une hausse du taux de prélèvements obligatoires à 43,9 % du PIB. Et nous assumons sa concentration sur les grandes entreprises, les plus fortunés, les holdings et les niches fiscales bénéficiant aux ménages les plus aisés. Cependant, ce taux reste inférieur aux 44 % enregistrés en 2019. Le déficit était alors inférieur à 3 % du PIB et la sécurité sociale à l'équilibre. Par conséquent, nous devons aboutir à une réduction des dépenses, que nous avons enclenchée. Ainsi, en 2025, les dépenses publiques représentaient 56,8 % du PIB, contre 56,4 % prévus pour 2026. La part des dépenses dans le PIB diminue alors et celle de la fiscalité augmente, tout en restant inférieure au niveau de 2019.

Pourquoi tant d'articles, monsieur le rapporteur général ? Pour bâtir un compromis, il faut être clairs, avec des études d'impact et des textes. Habituellement, un projet de loi comporte quatre-vingts articles une fois adopté, dont seulement vingt étaient présents dans le texte initial, le reste étant adopté par des amendements, parfois déposés par un ami député ou sénateur... Si l'on croit à la transparence et aux pouvoirs du Parlement, sans usage de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, ni au début, ni au milieu, ni à la fin de l'examen du texte, nous vous devons un travail sérieux et des articles amendables.

Bien des mesures sont d'ailleurs le fruit de vos travaux, ainsi que de ceux du CPO ou de la Cour des comptes, remontant parfois à des décennies. Les rapports s'empilent, sans que nous en tirions les conséquences : je serai, au banc, ouverte à transcrire leurs recommandations dans le PLF.

Enfin, j'ai lancé une mission afin de comprendre l'origine du décalage, qui semble désormais structurel, entre croissance et TVA. L'on a d'abord pensé à un problème d'élasticité, puis aux exportations... Désormais, nous devons examiner la question de la fraude ou des franchises de TVA. J'ai demandé à mes équipes une vision plus transversale et créative. Je présenterai les résultats de ces travaux et, surtout, j'espère pouvoir proposer des solutions. Par ailleurs, si nous sommes en dessous de la prévision pour la TVA, nous la dépassons dans d'autres domaines. Ainsi, le caractère crédible et réaliste de nos prévisions, selon le HCFP, montre que nous avons été sérieux et méthodiques. Nous continuerons, parce que nous vous le devons.

M. Vincent Delahaye. - Vous avez mentionné les travaux parlementaires. Je signale que, en juillet, j'ai présenté le rapport intitulé L'aide médicale de l'État, une réforme nécessaire.

Sur les recettes, il nous a été promis le détail des prévisions sur la TVA. J'espère qu'il en sera de même pour l'impôt sur le revenu. En effet, les recettes de ce dernier devraient augmenter de 9 milliards d'euros en 2026, à quoi s'ajouteraient 12 milliards d'euros supplémentaires pour la TVA. Je trouve ces hausses, de plus de 10 %, très optimistes.

Quant aux dépenses du budget général de l'État, elles augmentent de 13,5 milliards d'euros, soit 3,1 %, le triple de l'inflation, quand les collectivités sont limitées à une fois... En outre, le personnel employé par l'État augmenterait de 8 800 postes, pour une diminution totale de 3 700 postes, sécurité sociale incluse, soit 10 000 postes économisés sur celle-ci. Pourriez-vous nous le confirmer ?

Enfin, quel est le détail de l'effort demandé aux collectivités territoriales ? Atteint-il 2 milliards d'euros ou 5 milliards d'euros ?

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Hier, le Premier ministre a évoqué un nouvel acte de la décentralisation, disant qu'il ne faut pas décentraliser des compétences, mais des responsabilités, avec des moyens budgétaires et fiscaux, ainsi que des libertés, y compris normatives. Si c'est bien le cas, vous trouverez au sein du groupe Les Indépendants - République et Territoires des alliés fidèles. Mais quel est le sens, alors, des coupes dans les budgets de nos collectivités à travers ce projet de loi de finances ? La suppression d'un échelon serait-elle à l'ordre du jour ?

Ensuite, sur les holdings patrimoniales, ne risquons-nous pas de briser l'élan d'acculturation des business angels dans notre pays, ainsi que du financement des start-up et des petites entreprises ?

Enfin, notre groupe émet un satisfecit sur la mesure tendant à taxer les petits colis, qui reprend un amendement de Pierre Jean Rochette et moi-même déjà adopté par le Sénat.

Mme Christine Lavarde. - Nous souscrivons à votre constat sur l'économie, monsieur le ministre. Cependant, il appelle à un véritable sursaut. Or il ne nous semble pas que revenir sur la réforme des retraites soit un acte responsable.

Par ailleurs, vous vous déclarez satisfait du niveau du chômage, alors que nous enregistrons 6 400 dépôts de bilan d'entreprise en septembre, ce qui est un record.

Madame de Montchalin, vous avez déclaré, le 16 juin dernier, devant cette commission : « D'aucuns diront qu'il nous faut des recettes ; d'autres, dont je suis, estiment que l'on pourrait commencer par réduire la hausse de la dépense. » Or, compte tenu du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE), des dépenses liées à la défense et de la charge de la dette, nous relevons une hausse des dépenses de l'État sur le périmètre du budget général et du prélèvement sur recettes au profit des collectivités. Pour trouver la baisse annoncée, il faut inclure les comptes spéciaux et les budgets annexes, pour aboutir à une réduction des crédits. Nous n'avons donc pas la même lecture que vous sur le budget de l'État...

Sur le sujet des agences, il nous manque le « jaune opérateurs ». Cela étant, après un examen rapide des plus grosses agences, je ne retrouve pas les baisses de dépenses promises. Si j'approuve votre action sur le budget de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), tendant à le rendre plus transparent, je n'identifie pas de baisse de la dépense. Et il est désobligeant pour des parlementaires de lire que le budget d'intervention sera déterminé en décembre par le conseil d'administration...

Enfin, sur un plan technique, le 16 juin dernier, vous vous disiez favorable au fait de ne plus parler en points de PIB, par souci de transparence. Or c'est toujours le cas, la dépense étant la seule donnée macroéconomique libellée en milliards d'euros.

J'émets toutefois un satisfecit aux équipes de la direction du budget : je constate que des amendements, jugés inopérants l'année dernière, sont désormais repris dans le projet de loi de finances, par exemple sur la fiscalité du petit nucléaire...

M. Pierre Barros. - J'espère que les débats sur le projet de loi de finances iront jusqu'au bout. Cependant, la copie initiale annonce la couleur. Même sans utilisation de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, restent tout de même ses articles 47 et 34, ainsi que le vote bloqué et la seconde délibération... Si les débats n'aboutissent pas en raison de telles méthodes, vous en serez comptables !

Ce PLF est explosif, notamment pour les collectivités. Par exemple, sur le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), vous proposez une ponction plus forte sur les communes, portée à 720 millions d'euros contre 250 millions d'euros l'année dernière, ainsi qu'un abaissement du seuil d'éligibilité. Plus de communes seront donc prélevées, ainsi que tous les EPCI, et les reversements seront lissés sur cinq ans au lieu de trois. Cela servirait à abonder le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), sans reversement si la croissance des dépenses est supérieure à celle du PIB plus un point, soit 1,7 % pour 2026, ce qui est très ambitieux. Sur ce point, il y aura débat, combat, et chacun votera !

M. Thomas Dossus. - Vos interventions font tomber la fable d'un budget écrit à la craie blanche, auquel nous pourrions tous contribuer... Nos débats seront en fait très cadrés.

Outre l'usage du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, renoncez-vous également aux secondes délibérations, mal vécues au Sénat l'an dernier, et qui ont précédé la chute du gouvernement Barnier ?

Quant à la suspension de la réforme des retraites, dépendra-t-elle d'un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), conditionnant ainsi l'adoption de celui-ci, ce qui nous poserait problème vu les orientations prises, ou d'un texte de loi, et selon quel calendrier ?

Enfin, le Haut Conseil pour le climat (HCC) a alerté, cet été, sur la sortie de la trajectoire carbone prévue par les accords de Paris. Nous vous avions mis en garde, l'an dernier, sur des réductions portant sur les crédits consacrés à l'écologie. Aujourd'hui, vous annoncez une stabilité de ceux-ci et une division par deux du fonds vert. Dans ces conditions, comment la trajectoire climatique de la France sera-t-elle respectée ? À Bruxelles, des discussions ont même lieu sur une modification des objectifs, c'est-à-dire une annulation de nos engagements, ce qui ne manque pas de nous inquiéter à l'approche d'une COP de Belém qui ne s'annonce guère positive.

M. Didier Rambaud. - Dans mon groupe, le Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), siègent de nombreux élus ultramarins. Je me fais donc leur porte-parole quant à la portée de l'article 7 tendant à réformer le régime d'aide fiscale à l'investissement productif outre-mer, contre lequel ils sont vent debout. Pour une économie de 350 millions d'euros, la cohésion de ces territoires est en jeu - mes collègues parlent de suicide social, de bombe, d'un projet dangereux.

Par ailleurs, j'approuve le principe de la transformation de l'abattement de 10 % sur les pensions de retraite en un forfait de 2 000 euros par personne. En effet, je ne supporte pas la sacralisation des retraités, qui ne sont pas un monde homogène. En particulier, beaucoup vivent mieux que leurs enfants. Néanmoins, certains, qui touchent des retraites inférieures à 1 700 euros, paieront plus d'impôts. Le forfait devrait aboutir à une économie de 800 millions d'euros. Quel serait le coût s'il était fixé à 2 500 euros ?

M. Thierry Cozic. - Madame la ministre, monsieur le ministre, vous consacrez beaucoup d'énergie à ignorer l'éléphant dans la pièce : la taxation des plus aisés. Initialement, j'ai beaucoup apprécié la nouvelle taxe de 2 % sur le patrimoine des holdings. Mais en Macronie, le diable est dans les détails : en effet, le dispositif tend à exonérer presque toute la fortune détenue dans les holdings. Par exemple, la taxe ne s'appliquerait ni aux titres de participation, comme des actions Hermès, ni aux immeubles utilisés pour une activité, comme les bureaux. Ainsi, comme pour la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité, vous avez imaginé tous les moyens de neutraliser son rendement et au moins 90 % de la fortune des milliardaires ne sera pas concernée. Vous avez dit vous inspirer de la taxe sur les holdings en vigueur aux États-Unis depuis 1937, mais vous omettez de préciser que celle-ci ne contient aucune exonération. Pour nous faire avaler la mesure, vous promettez un rendement de 1 milliard d'euros. Mais si l'on suit l'exemple de la contribution sur la production d'électricité dont je viens de parler, le montant atteindrait plutôt quelques centaines de millions d'euros...

En définitive, ce projet de loi de finances comprend vingt-neuf nouvelles mesures fiscales, de la hausse de l'imposition des retraités aux écotaxes. Cependant, aucune ne fait entrer les milliardaires dans le champ de la solidarité nationale. Encore une fois, vous restez sourds à la demande de justice fiscale. Pendant les débats, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain veillera à y remédier.

Mme Isabelle Briquet. - Les collectivités sont grandement mises à contribution.

L'article 11 accélère le rythme de suppression de la CVAE, pourtant repoussée à 2030 par la loi de finances pour 2025, une compensation à l'euro près via la TVA étant annoncée. Or la dynamique de celle-ci est à la baisse. Quelles garanties apporterez-vous en matière de compensation ? Cette dernière sera-t-elle territorialisée, pour ne pas pénaliser les territoires industriels ? Surtout, comment justifiez-vous l'aggravation de la dette par des baisses d'impôt non compensées ?

Ensuite, je relève la création du fonds d'investissement pour les territoires (FIT), fusion de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et de la dotation politique de la ville (DPV). C'est l'occasion pour le Gouvernement de réduire le montant total de 200 millions d'euros, soit 12 %, ce qui s'ajoute à la baisse de 150 millions d'euros de 2025.

En outre, ce nouveau dispositif, aux critères d'éligibilité curieux, constitue un second mécanisme d'encadrement des dépenses. Ainsi, en 2026 et en 2027, l'enveloppe par département des communes éligibles à la DETR ne pourra être inférieure à celle de 2025, de même que pour la DPV. Qui, alors, supporte la baisse des dotations ?

Mme Frédérique Espagnac. - En tant que rapporteure spéciale de la mission « Économie », j'associe Thierry Cozic à ma question sur le montant de l'enveloppe allouée au déploiement de la fibre, de 250 millions d'euros, quand la Cour des comptes recommande un minimum de 343 millions d'euros. Comment justifiez-vous cet écart ?

Au-delà de la baisse de la dotation aux collectivités évoquée par Isabelle Briquet, je suis inquiète quant aux critères d'éligibilité. Ainsi, seules les communes et les EPCI ruraux au sens de l'Insee seront éligibles. Beaucoup de communes éligibles à la DETR ne le seront donc pas dans le nouveau dispositif. En outre, les communes n'ont presque plus d'autres aides. Ainsi, dans mon département, le préfet a décidé d'un plafonnement de l'aide aux communes. Je ne vois donc pas comment les communes rurales et de montagne pourront faire face à leurs difficultés. Le groupe socialiste s'opposera fermement à la suppression de la DETR.

Enfin, je reprends les propos de mon collègue sur les outre-mer : ce qui se prépare est une bombe sociale. Nous ne pouvons l'accepter !

Mme Nathalie Goulet. - Nous allons aborder, au Sénat, un « tunnel antifraude », ce qui est une bonne nouvelle. Ainsi, le 5 novembre, sera examiné un texte issu de la commission d'enquête constituée aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, présidée par Raphaël Daubet, et qui contient des dispositifs de lutte contre le blanchiment. Seront ensuite présentés le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, puis le projet de loi de finances.

Madame la ministre, comment tout cela s'organisera-t-il ? Consentirez-vous, s'agissant du texte relatif à la fraude qui sera examiné en première lecture au Sénat, à nous laisser de la latitude, en particulier au vu des difficultés que vous pourriez rencontrer à l'Assemblée nationale ? Qu'en sera-t-il pour le PLF et le PLFSS ? Il ne faudrait pas que le dispositif destiné à lutter contre la fraude soit par trop morcelé, et donc illisible. Rappelons-nous que le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions de la loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques...

M. Roland Lescure, ministre. - Madame la sénatrice Lavarde, s'il convient de dresser un constat sans concession et lucide de la situation, il ne faut pas pour autant nier nos atouts. Aujourd'hui, l'économie française ne se porte pas si mal. Au deuxième trimestre 2025, nous avons fait mieux que l'Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'ensemble de la zone euro, et ce grâce aux entrepreneurs, aux salariés et aux exportateurs. La courbe de nos exportations a commencé à se redresser et nous retrouvons des marges de manoeuvre dans ce secteur.

Aujourd'hui, nous faisons face à de très fortes incertitudes et la pression politique doit diminuer pour que les investissements repartent. Mais, encore une fois, les choses ne vont pas si mal.

Le nombre de défaillances d'entreprises est certes élevé, mais je dois préciser que les chiffres du mois de septembre émanent d'un cabinet de conseil et que ceux de la Banque de France pour la période n'ont pas encore été publiés.

Il est vrai que 67 000 défaillances d'entreprises, c'est considérable ; nous vivons l'heure de vérité du « quoi qu'il en coûte ». Durant la crise de la covid, nous avons évité ces défaillances, qui désormais augmentent. Plus précisément, les chiffres du deuxième trimestre 2025 indiquent une hausse de 2 % sur un an des défaillances, dont un grand nombre concernent des entreprises d'un seul salarié, c'est-à-dire des auto-entrepreneurs, dont l'activité est très volatile.

J'en viens à la réforme des retraites, que j'ai soutenue. J'ai participé à un gouvernement qui l'a défendue et qui a failli tomber pour cette raison ! Pour autant, sa suspension est le prix du compromis que nous devons faire. Or la culture du compromis, le Sénat l'a davantage que l'Assemblée nationale ; il conviendrait de prendre exemple sur vous... Grâce à ces pas en avant, à ces victoires pour les uns qui sont forcément des défaites pour d'autres, nous disposerons d'un budget d'ici à la fin de l'année, ce qui permettra de rassurer tout le monde et de rendre 2026 lisible pour les entrepreneurs, les investisseurs et nos partenaires européens. Cela en vaut la peine !

S'agissant des impôts de production, malgré toutes les baisses que nous avons décidées, ils sont cinq fois plus importants en France qu'en Allemagne - 3,5 points de PIB contre 0,7 point dans ce pays. C'est énorme ! Pour les investisseurs internationaux, c'est l'un des freins à l'investissement sur le sol français. Bien que nous soyons contraints, nous devrons faire tout ce qui est possible pour les diminuer. Par ailleurs, le crédit d'impôt recherche (CIR) est un élément moteur pour ces investisseurs, car il permet d'ouvrir des centres de recherche employant des ingénieurs et des chercheurs ; il faut donc le maintenir.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Je commencerai mon propos en évoquant les prévisions en matière de TVA et d'impôt sur le revenu. Le projet prévoit des mesures de périmètre sur la TVA, notamment une mesure liée à la dotation globale de fonctionnement (DGF) des régions - un montant de 5 milliards d'euros. Par ailleurs, nos prévisions sont toutes revues dans le détail par le Haut Conseil des finances publiques, présidé par le Premier président de la Cour des comptes, lequel a considéré qu'elles n'étaient pas décorrélées de la croissance prévue, mais que cette dernière était quelque peu élevée. Je le rappelle, la différence entre la prévision du consensus économique et la nôtre est de 0,1 point. Cela signifie que notre modèle de prévision est juste. Par ailleurs, il faut distinguer les données brutes et les données nettes, c'est-à-dire hors dégrèvements, niches fiscales et remboursements. On compare souvent des éléments qui ne sont pas tout à fait comparables.

Concernant les dépenses de l'État, les crédits budgétaires ministériels passent de 326 milliards à 331 milliards d'euros, soit une augmentation de 5 milliards. Le budget du ministère de la défense est en hausse de 6,7 milliards d'euros, et ceux des autres ministères en baisse de 1,5 milliard. Le périmètre des dépenses de l'État, hors charge de la dette, augmente de 10 milliards d'euros.

En d'autres termes, sachant que le budget des armées doit augmenter de presque 7 milliards d'euros et que notre pays doit contribuer au budget européen à hauteur de 5,7 milliards d'euros supplémentaires, on constate, toutes arguties comptables mises à part, une baisse effective des crédits ministériels, hors crédits de la défense, de 1,5 milliard d'euros.

Si l'on excepte l'éducation nationale et la réforme de la formation des enseignants, le nombre des emplois publics est en baisse d'environ 3 000 postes : 2 000 sur le périmètre de l'État et 1 000 sur celui des caisses de sécurité sociale. Les emplois qui relèvent de mon ministère, celui des finances publiques, diminuent également, soit une baisse de 550 effectifs qui fait suite à la réorganisation d'ores et déjà engagée. En tant que ministre de la fonction publique, je considère que comptabiliser le nombre d'emplois comme s'il s'agissait de bâtons n'a aucun sens si l'on n'a pas une vision des politiques publiques, des services publics et de leur organisation.

La hausse de 8 000 emplois que l'on observe inclut donc la réforme du recrutement des enseignants : le fait que nous les recrutions deux ans plus tôt donne l'impression qu'il y en a beaucoup. Nous avons souhaité, aussi, accompagner les écoles rurales. Pour autant, cette dynamique, que le ministre de l'éducation nationale vous présentera, est maîtrisée.

L'effort de 5 milliards d'euros demandé aux collectivités s'inscrit dans une analyse tendancielle : si l'on conservait les règles fiscales et de dépenses actuelles, les dépenses de fonctionnement augmenteraient à peu près de 6,5 milliards d'euros. Nous proposons que ces dépenses progressent de 2,4 milliards d'euros, ce qui correspond à la hausse de l'inflation. Les dépenses de fonctionnement des collectivités sont donc, dans notre projet de budget, en augmentation de 1,1 %. Quant aux recettes globales des collectivités, elles augmentent de 1,7 %, soit + 4,2 milliards d'euros.

Il s'agit d'un effort certain pour les collectivités, mais celui de l'État est quasiment double en proportion, puisque nous nous astreignons à un zéro valeur - nous ne répercutons ni l'inflation ni la hausse du PIB.

Concernant le Dilico, nous proposons d'instaurer une différenciation lors du reversement aux collectivités afin d'inciter celles-ci à investir davantage. Nous souhaitons valoriser les dépenses d'investissement par rapport à celles de fonctionnement. Vous aurez l'occasion de débattre de ce mécanisme.

Concernant la taxe sur les holdings, sur laquelle m'ont interrogé Mme Paoli-Gagin et M. Cozic, nous ne souhaitons pas vider le dispositif de sa substance. Vous connaissez mon engagement sur ce sujet : les mécanismes fiscaux à l'oeuvre montrent que notre système permet aujourd'hui, légalement, d'utiliser la fiscalité des entreprises à des fins d'optimisation de la fiscalité sur le patrimoine personnel. Nous souhaitons exclure du champ de la taxe tous les éléments qui correspondent à un investissement productif - le capital-investissement, les PME européennes, etc. Soyez donc rassurée, madame Paoli-Gagin, nous protégeons l'investissement productif.

Nous assumons, monsieur Cozic, de ne pas inclure dans l'assiette de la taxe les titres de participation. Les seules personnes concernées par la non-fiscalisation des titres de participation sont celles qui exercent un contrôle sur l'entreprise. Si j'investis dans l'entreprise Accor alors que mon métier n'a rien à voir avec l'hôtellerie, cet investissement sera considéré non pas comme un titre de participation, mais comme un placement financier, et sera donc taxé. En revanche, si j'investis en tant qu'actionnaire actif dans une entreprise qui est mon outil de travail, alors cet investissement ne sera pas taxé. Il s'agit de distinguer entre l'investissement, par lequel on s'engage dans l'entreprise, et le placement, qui est similaire à celui que nous faisons tous en souscrivant un PEA ou une assurance vie.

Sur le plan immobilier, les bureaux qui servent, au sein d'une holding, aux activités professionnelles ne seront pas taxés. En revanche, un chalet ou un avion qui serait utilisé à des fins personnelles sera taxé. La ligne de partage est claire. Elle l'est tout autant entre la trésorerie qui est utile à l'entreprise, au réinvestissement, et celle qui est destinée à être transmise, dans le cadre du pacte Dutreil par exemple.

Le rendement de cette taxe serait de 1 milliard d'euros ; selon le député Jean-Paul Mattei, qui connaît bien le sujet, ce chiffre serait sous-estimé. Il y aura débat...

Madame Lavarde, 60 % des dépenses de l'État correspondent à des transferts effectués au bénéfice de la sécurité sociale, des collectivités, des entreprises et des ménages. Ces transferts bénéficient donc à l'économie réelle, raison pour laquelle il est difficile de réduire ces dépenses.

Concernant les opérateurs de l'État, nous avions identifié des économies à hauteur de 2 milliards d'euros et une diminution possible de 1 700 équivalents temps plein (ETP). Elles concerneraient l'Agence française de développement (AFD), les chambres de commerce, des parcs nationaux pouvant être fusionnés, l'Institut national de la consommation, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Ce travail a passablement souffert du contexte politique, mais le Premier ministre souhaite reprendre plusieurs desdites propositions.

Nous allons établir le tableau liminaire, en milliards d'euros, et nous vous le transmettrons afin que vous disposiez d'un document lisible.

Concernant le fonds vert et l'écologie, les crédits de paiement (CP) de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », hors engagements contractuels liés à la transition écologique et aux contrats d'énergies renouvelables - ces charges augmentent avec les prix de l'énergie, que nous ne contrôlons pas -, augmentent de 0,5 %, et les autorisations d'engagement (AE) de 5,7 % pour atteindre 24,2 milliards d'euros. Par ailleurs, les certificats d'économie d'énergie (C2E) sont en hausse de 2,5 milliards d'euros ; ils devraient atteindre à terme 9,5 milliards d'euros. Nous débattrons de la répartition des dépenses et des crédits. Nous ne sacrifions donc pas nos dépenses « vertes ».

Pour ce qui est du fonds vert, nous tenons compte du cycle électoral - en l'occurrence les élections municipales de 2026. Il en est d'ailleurs de même, à hauteur de 200 millions d'euros, en ce qui concerne les dotations des collectivités que nous fusionnons.

Madame la sénatrice Briquet, la CVAE ne bénéficie plus aux collectivités - certains s'en plaignent, d'ailleurs, en particulier à ma droite... - ; en conséquence, elle n'a pas d'impact sur leurs recettes.

Concernant les outre-mer, je souhaite rappeler quel est le contexte général.

Le budget des outre-mer est de 5 milliards d'euros. Une grande part de ces crédits provient des exonérations prévues dans la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom). Les crédits effectifs dépensés dans ces territoires pour l'accès à l'eau, le logement, la cohésion sociale, en bref les politiques publiques, représentent moins de la moitié du budget des outre-mer. À ces 5 milliards d'euros de crédits budgétaires, qui incluent cette compensation pour charges sociales exonérées, il faut ajouter 5,5 milliards d'euros correspondant à des niches fiscales. La proposition que nous faisons dans le projet de loi de finances aurait, sur ces niches fiscales, un impact de 100 millions d'euros en 2026, sur un total de 5,5 milliards d'euros. Par ailleurs, nous proposons une réforme de la Lodéom dont l'impact serait de 350 millions d'euros, sur un total de 1,5 milliard. Vous en débattrez.

Le projet de loi que nous présentons contient aussi des dispositions relatives à la transcription des mesures sur la vie chère outre-mer, à la stratégie quinquennale pour reconstruire et développer Mayotte, aux nouveaux moyens techniques et humains dédiés à la sécurité et à la lutte contre la criminalité organisée ou au soutien exceptionnel à la Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, nous stabilisons les crédits de paiement en matière de logement, alors même, comme je le disais à l'instant, que le cycle électoral pourrait justifier une baisse.

Avec la ministre des outre-mer, nous sommes prêtes à travailler avec les élus ultramarins, territoire par territoire, car nous considérons que les outre-mer ne sont pas des variables d'ajustement. Pour autant, il convient d'aménager les niches fiscales dont le ciblage n'est pas satisfaisant. Nous mènerons un travail très sérieux à cet égard.

J'en viens à la réforme de l'abattement fiscal des retraités.

Cet abattement représente aujourd'hui 10 % des revenus avec, pour un couple, un plafond de 4 400 euros. La réforme que nous proposons est de nature sociale, car un quart des ménages retraités en seraient bénéficiaires, les gagnants étant les plus modestes d'entre eux. Par ailleurs, 84 % du rendement proviendraient des 20 % de retraités les plus aisés. Cette réforme permettra donc une redistribution.

L'abattement actuel est anti-progressif : plus vos revenus sont élevés, plus vous en bénéficiez. Un abattement forfaitaire, en revanche, bénéficie davantage aux retraités modestes qu'à ceux qui sont aisés. Pour de nombreux ménages, cet abattement sera plus généreux qu'il ne l'est aujourd'hui.

Concernant la fibre, je vais me pencher sur cette différence entre 250 millions et 343 millions d'euros qui a été évoquée, avant de vous répondre...

Madame la sénatrice Goulet, vous aurez toute latitude pour déposer des amendements sur le texte relatif à la fraude. Les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas des outils que le Conseil constitutionnel considère comme viables pour ce type de dispositions. Je préconise donc que nous travaillions plutôt dans le cadre du texte sur la fraude, afin de donner une vision globale. Nous sommes prêts à accueillir une grande partie des propositions issues de la commission d'enquête dont vous étiez le rapporteur.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Concernant la taxe sur les petits colis postaux, et au vu de l'ampleur de l'effort que doivent fournir les douanes, pourquoi se limiter à une taxe de 2 euros sur chaque colis expédié ? Quel délai vous donnez-vous pour convaincre la Commission européenne d'instituer des droits de douane sur les colis de moins de 150 euros ?

Pierre Moscovici nous a dit tout à l'heure qu'en 2025 le redressement du déficit avait reposé exclusivement sur les prélèvements obligatoires, lesquels représentent cette année 14 milliards d'euros de l'effort, contre 17 milliards pour les dépenses. Vous engagez-vous à ne pas accepter une dégradation de cette répartition ?

Quelle est la ventilation, entre âge de départ et nombre de trimestres, du coût pour 2026 et 2027 de la suspension de la réforme des retraites ?

Dans le code de la sécurité sociale, à compter de quelle génération l'âge de la retraite sera-t-il fixé à 64 ans ?

Mme Florence Blatrix Contat. - La baisse de 3,3 milliards d'euros des niches fiscales concerne essentiellement les ménages, les étudiants, les retraités, et elle épargne largement les entreprises. Or la commission d'enquête sénatoriale sur les aides aux entreprises a démontré que ces niches coûtaient 43 milliards d'euros et qu'il fallait les rationaliser.

Le Comité d'évaluation des politiques d'innovation (Cnepi) a certes indiqué que le CIR avait des effets positifs pour les PME, mais que ce n'était pas avéré pour les grandes entreprises. Pourquoi n'a-t-on pas cherché à supprimer ce crédit d'impôt dans les cas où il est moins efficient ?

Si la création d'une taxe spécifique sur les emballages non recyclés va dans le bon sens, elle s'accompagne d'une augmentation trop lourde de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur le stockage et la valorisation énergétique. Cette hausse pourrait représenter de 260 millions à 480 millions d'euros supplémentaires d'ici à cinq ans, pour atteindre 1,2 milliard d'euros. Le paradoxe est total : vous prétendez verdir la fiscalité, mais in fine ce sont les collectivités et les contribuables locaux qui supporteront cette charge. Les metteurs sur le marché de produits jetables demeurent largement épargnés. Dans votre projet, à peine 100 millions d'euros issus de la TGAP seraient réaffectés au fonds économie circulaire. Pourquoi le Gouvernement choisit-il, à nouveau, de faire peser le coût de la transition écologique sur les collectivités plutôt que sur les producteurs de déchets ?

Mme Ghislaine Senée. - Je reviens sur le sujet de la taxe Zucman. Les mesures que vous présentez, notamment la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, permettront-elles de « rétablir la balance », alors que la situation actuelle est très défavorable à nos concitoyens ? Pouvez-vous nous assurer que les foyers particulièrement ciblés par la taxe que vous proposez paieront leur impôt à hauteur de leurs capacités financières, comme le dispose l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?

J'aimerais partager votre optimisme sur la vitalité des entreprises. Les défaillances sont à un niveau jamais été atteint depuis 2009, à l'époque de la crise des subprimes. Les petites entreprises sont très inquiètes. Or le CIR bénéficie surtout aux grandes entreprises, lesquelles profiteront aussi de la réduction de la surtaxe dite Barnier, quand les PME souffrent de l'inondation de notre marché par les produits chinois. Par ailleurs, les crédits de la mission « Travail et emploi » vont diminuer à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Que comptez-vous faire, de manière très concrète, pour ces PME en très grande difficulté ?

M. Pascal Savoldelli. - Le CIR représente entre 6,6 milliards et 7 milliards d'euros d'argent public. Les cinquante premières entreprises bénéficient de 45 % du bénéfice du dispositif ; les deux cents premières, les deux tiers. Le ruissellement vers l'ensemble des entreprises n'est pas au rendez-vous : il faut corriger cela.

Ghislaine Senée a évoqué les défaillances d'entreprises. La CGT a recensé 300 plans de sauvegarde de l'emploi et estime à 300 000 le nombre d'emplois menacés. Les 13 000 emplois de la métallurgie et les 4 000 de l'industrie chimique ne sont pas des auto-entrepreneurs... Il faut le dire, les 211 milliards d'euros d'aides publiques versées aux entreprises ne ruissellent pas !

Vous nous dites que vous n'utiliserez pas le 49.3 - dont acte. Supposons que l'Assemblée nationale adopte de nouvelles recettes. Le Gouvernement s'engage-t-il alors à relever, à la même hauteur, le niveau des dépenses dans le tableau d'équilibre ? Comment ventilerez-vous ces nouveaux crédits ?

Pourquoi ne vous est-il pas venu à l'esprit de toucher au pacte Dutreil ? En cas de transmission d'une entreprise à un héritier ou à un donataire, l'exonération des droits de mutation est de 75 %. Il faut réduire la voilure !

M. Michel Canévet. - Le groupe de l'Union Centriste est attaché au respect de la trajectoire dans laquelle nous sommes engagés en ce qui concerne les comptes publics. Les « pays du Club Med » ont réussi à améliorer significativement leur situation. La France, quant à elle, est parmi les plus mauvais élèves de l'Europe : nous ne pouvons l'accepter.

Pour tenir la trajectoire, différentes mesures peuvent être mises en oeuvre. Nous ne sommes pas opposés à l'instauration de nouvelles formes de taxation dès lors que celles-ci contribuent au développement économique, via une amélioration de la compétitivité de l'économie de notre pays.

Nous demandons qu'un effort soit fait en matière de lutte contre les fraudes de toute nature et l'évitement fiscal. En ce sens, la taxation sur les holdings qui est proposée nous paraît aller dans le bon sens.

Le rendement de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, que nous avons adoptée cette année, a été évalué à 8 milliards d'euros. Allons-nous effectivement encaisser cette somme ? Idem pour les 2 milliards d'euros de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Lors les débats sur l'instauration d'une taxe supplémentaire sur les « ultrariches », certain ont imaginé des rendements totalement farfelus. Il faut ramener les choses à leur juste réalité.

M. Bernard Delcros. - Votre budget intègre plusieurs mesures de justice fiscale qui vont dans le sens de ce qu'a défendu le groupe Union Centriste ces dernières années. Nous nous en réjouissons ; elles sont d'ailleurs attendues par nos concitoyens.

Ma première question porte sur les rachats d'actions. Nous avions fait des propositions lors des précédents budgets : la mesure a finalement été mise en place dans le projet de loi de finances pour 2025, via une taxe de 8 % sur ces opérations. Le rendement n'est pas au rendez-vous, car la taxation est assise sur la valeur vénale des actions et non sur leur valeur réelle. Or nous savons qu'il y a un décalage très important - de 1 à 1 000, voire de 1 à 2 000 - entre ces deux valeurs. Quand nous avions mis en avant ce point l'année dernière, vous aviez évoqué une question de compatibilité avec le droit européen. Quelles pistes pourrions-nous suivre pour lever cet obstacle ?

Ma seconde question concerne les collectivités. Si je me réjouis que vous ayez préservé le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), dont l'effet de levier est important, je suis en revanche opposé à la disparition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) - c'est bien de cela qu'il s'agit. En effet, seront éligibles au nouveau fonds d'investissement pour les territoires des communes rurales, bien sûr, mais également des villes dès lors qu'elles répondent aux critères de population des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Comme son nom l'indique, la DETR était, quant à elle, réservée aux communes rurales. Pour moi, il s'agit donc bel et bien d'une disparition de la DETR. Et je ne parle même pas du montant global, qui passe de 1,6 milliard à 1,4 milliard d'euros... C'est un très mauvais message qui est adressé aux territoires ruraux.

Mme Sylvie Vermeillet. - Ma première question concerne le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », dont je suis la rapporteure spéciale. Les pensions civiles et militaires représenteront 66 milliards d'euros en 2026 ; le CAS « Pensions » s'élèvera, lui, à un peu plus de 69 milliards d'euros. L'État devra augmenter son taux de contribution employeur, de 78 % à 82,28 %. Comment répartirez-vous les 69 milliards d'euros du CAS « Pensions » ? Uniformément sur l'ensemble des ministères ou en imputant à chaque ministère ce qui relève de ses pensions ?

Ma seconde question concerne les CEE, qui sont abondés de 2,5 milliards d'euros. La Cour des comptes a indiqué, dans un rapport de juillet 2024, que leur reconduction ne pouvait perdurer sans réforme d'ampleur. Le dispositif est coûteux pour des effets difficilement estimables, puisque les économies d'énergie sont surestimées d'au moins 30 % et que la lutte contre la fraude est quasi inexistante. Allez-vous réformer le dispositif ?

M. Roland Lescure, ministre. - Madame la sénatrice Carrère-Gée, je rappellerai que le Premier ministre a parlé hier de suspension, et non d'abrogation. Suspendre, ce n'est pas abroger. Abroger, c'est faire sauter la caisse, et pour longtemps. Suspendre jusqu'à l'élection présidentielle, c'est se donner le temps d'avoir un débat, dans le cadre d'une conférence sociale, sur l'élaboration de réformes alternatives qui permettraient de garantir dans la durée le financement du modèle de retraite par répartition, auquel nous sommes tous attachés.

Je tiens à saluer le Premier ministre, qui a fait cette annonce importante, mais aussi l'ensemble des groupes républicains à l'Assemblée nationale, qui étaient contre la dissolution et qui ont décidé de faire des efforts pour aller les uns vers les autres. Boris Vallaud et Laurent Wauquiez ne sont d'accord sur pas grand-chose ; je les ai pourtant entendus dire hier qu'ils étaient prêts à débattre grâce aux avancées faites par le Gouvernement. Tel est le prix de la stabilité politique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Mais quel en est le coût ? À partir de quelle génération s'appliqueront les 64 ans ?

M. Roland Lescure, ministre. - Le Premier ministre a évoqué un coût de 400 millions d'euros en 2026 et de 1,8 milliard d'euros en 2027.

Madame la sénatrice Senée, vous avez évoqué la nécessité d'aider les petites et moyennes entreprises, notamment pour faire face à une concurrence internationale très forte. Oui, il faut les aider, et nous l'avons déjà beaucoup fait. Notre pays connaît un niveau historique de créations d'entreprises, et ce depuis quelques années. Mais le libre-échange n'est pas une religion : il s'agit d'un modèle économique qui ne fonctionne que si tout le monde joue le jeu. Nous avons commencé à agir sur ce point, avec la taxe sur les petits colis et la clause de sauvegarde sur l'acier. Cette dernière mesure est une décision européenne très importante, à laquelle j'ai beaucoup oeuvré lorsque j'étais ministre de l'industrie, pour protéger nos aciéries, pour produire de l'acier non seulement made in Europe, mais aussi plus vert - je sais que vous y êtes sensible.

Les bonus automobiles sont aujourd'hui réservés à des véhicules produits en Europe, ce qui était interdit il y a encore trois ans. Nous avons convaincu la Commission européenne qu'il fallait intégrer le bilan carbone de la production automobile. Le leasing social concerne des véhicules produits en Europe. Aujourd'hui, le véhicule électrique le plus vendu en France est la Renault 5 : elle est fabriquée à Douai. Je suis convaincu que l'on peut à la fois faire croître la production et faire décroître les émissions.

Monsieur le sénateur Savoldelli, la France est le pays qui taxe le plus les entreprises et qui les aide le plus. Je remercie votre collègue Fabien Gay pour le travail qu'il a accompli comme rapporteur de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants. Les aides versées aux entreprises à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d'euros - je ne donnerai pas de chiffre, car les avis sur la question sont partagés - représentent de l'argent public. Nous vous devons la transparence en la matière, et c'est ce que nous ferons dans le cadre des exercices budgétaires à venir.

N'oublions jamais que nous sommes le pays qui taxe le plus et qui aide le plus. Je suis satisfait que la CVAE baisse de 1,5 milliard d'euros, mais, quand on soustrait l'ensemble des aides que nous apportons aux entreprises des taxes qu'elles paient, nous continuons de prélever davantage que partout ailleurs en Europe. De mon point de vue, le CIR est donc un outil extrêmement utile, qu'il faut préserver.

Nous avons créé 130 000 emplois industriels, après en avoir détruit des millions pendant des années. Il faut continuer sur cette lancée. Je ne vais pas crier victoire, mais nous avons au moins stabilisé la situation ; nous ne sommes plus en train de détruire notre appareil productif. Depuis trois ans, nous ouvrons plus d'usines dans notre pays que nous n'en fermons.

Concernant l'impôt sur les sociétés, monsieur le sénateur Canévet, nous aurons « la vérité des prix » sur la surtaxe à la fin de l'année, au moment du dernier acompte. Le montant sera peut-être un peu en dessous de 8 milliards d'euros. Nous disposons des chiffres du premier semestre : ils sont légèrement supérieurs à nos prévisions, notamment du fait de bénéfices plus importants que prévu en 2024.

Monsieur le sénateur Delcros, la taxe sur les rachats d'actions fait partie des taxes qui ont vocation à s'étendre si elles marchent bien. J'ai été investisseur pendant vingt-cinq ans : je déteste les entreprises qui rachètent leurs actions. Avec l'argent gagné, on peut faire mieux qu'améliorer le bénéfice par action. Il est préférable d'augmenter le bénéfice ou les dividendes, de continuer à investir dans l'économie. Soyons clairs, l'objectif de cette taxe est d'aller vers son extinction, parce que nous souhaitons désinciter les entreprises à faire ce type d'opérations. Se pose la question de l'assiette : si vous avez trouvé la pierre philosophale qui consiste à s'éloigner de la valeur vénale en allant vers la valeur de marché, qui est très volatile, nous sommes preneurs...

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Madame Carrère-Gée, concernant les petits colis, nous avons réussi à trouver un accord sur l'union douanière : à partir du 1er janvier 2028, une taxation pourra être appliquée aux colis qui ne sont pas soumis à des droits de douane. Cela nécessitera un travail très important ; nous sommes d'ailleurs candidats pour accueillir l'Autorité douanière de l'Union européenne à Lille.

Pourquoi 2028 ? Quand M. Trump annonce qu'il décide de taxer les importations, les bureaux de poste cessent d'envoyer des colis aux États-Unis tant la mise en place de ces droits de douane est complexe à réaliser en raison de l'énorme volume à traiter.

Par ailleurs, 80 % des biens que nous importons ne sont pas conformes, soit parce qu'ils ne respectent pas les normes de sécurité, soit parce qu'ils sont issus de la contrefaçon, soit parce que leur valeur déclarée n'est pas conforme. Il faut donc mener des contrôles. Deux options se présentent : soit nous utilisons les impôts des honnêtes contribuables pour payer les scanners, les douaniers et la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) ; soit nous demandons à ceux qui nous envoient ces biens de payer les contrôles. C'est ce que nous mettons en place avec la redevance sur les petits colis.

La France, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg se sont coordonnés. Notre objectif est de mettre en oeuvre cette taxe le 1er janvier 2026 ; des débats auront donc lieu dans chaque parlement. Mais nous avons surtout obtenu un accord en Conseil Ecofin (affaires économiques et financières) il y a quelques mois pour que l'ensemble des pays européens instituent une taxe de 2 euros par article à partir du 1er novembre 2026. Les colis arrivent massivement en France, en Belgique et aux Pays-Bas : nous sommes inondés de produits, mais nous sommes aussi devenus une plateforme pour toute l'Europe. Si nous sommes les seuls à taxer, les colis arriveront de l'autre côté de la frontière et le problème ne sera en rien résolu.

Le calendrier est donc le suivant : les redevances le 1er novembre 2026, les droits de douane le 1er janvier 2028. Pourquoi ne pas avoir prévu un montant supérieur à 2 euros par article ? Parce que, dans le droit actuel, la taxe doit être proportionnée aux dépenses de contrôle.

Sur les aides aux entreprises, comme l'a dit le ministre de l'économie et des finances, nous vous devons la transparence. J'irai même plus loin : il faut faire preuve de transparence à l'égard du comité social et économique (CSE). Une loi de 2008, qui n'est toujours pas appliquée, prévoit qu'il n'est pas possible d'avoir accès au guichet d'aides publiques si les minima de branche sont inférieurs au Smic. Il faut mettre cette mesure en oeuvre.

Il faut aussi aller plus loin dans les outils de partage de la valeur : les distributions d'actions gratuites devraient être soumises à des taux minimaux quand elles concernent toute l'entreprise et à des taux majorés quand les dirigeants sont les seuls concernés. Nous devons progresser sur de nombreux sujets - partage de la valeur, intéressement, protection et transparence du dialogue social -, parce que les entreprises touchent des aides ; néanmoins, ces aides sont une contrepartie à des impôts beaucoup trop élevés pour permettre aux entreprises d'être compétitives.

Sur les déchets, votre question concerne l'article 21 du projet de loi de finances. Avant tout, je veux vous faire remarquer, puisque vous êtes les premiers à ne cesser de me demander de la simplification, que cet article en comprend une très importante : la TVA sera désormais de 5,5 % sur toutes les activités de collecte et de traitement des déchets. Auparavant, on comptait soixante-dix catégories, ce qui était totalement illisible et très coûteux pour les collectivités. L'État compensera les éventuelles diminutions de recettes liées à cette baisse de TVA.

La France est le pays ayant les plus mauvais résultats en matière de recyclage du plastique. Elle paie 1,6 milliard d'euros d'amendes à la Commission européenne. Nous ne recyclons que 26 % du plastique, contre 42 % dans le reste de l'Union européenne. Il ne me semble donc pas absurde que l'incinération et la mise en décharge continuent d'être largement désincitées, sinon on ne recycle pas !

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'incinération des déchets peut servir à alimenter les réseaux de chaleur.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Certes, mais de nombreux incinérateurs ne sont pas branchés à des réseaux de chaleur : il s'agit alors d'une perte sèche.

J'en viens au débat sur la taxe Zucman. Notre proposition permet-elle de lutter contre des abus d'utilisation du droit commercial et fiscal pour se constituer un patrimoine personnel ? Elle constitue, selon moi, un très grand progrès. Permet-elle de taxer les biens professionnels des entrepreneurs ? C'est là le coeur du débat. Notre gouvernement a fait le choix de dire non.

Monsieur le sénateur Savoldelli, j'ai beaucoup aimé votre question ! Vous me demandez si une augmentation des recettes votée par les députés conduirait automatiquement à des dépenses à se répartir. Mais la procédure budgétaire n'est pas faite ainsi. C'est seulement à la fin de vos délibérations que l'on établit le solde. Il n'y a pas de cagnotte !

M.  Pascal Savoldelli. C'est bien vous qui arbitrez le tableau d'équilibre !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je n'arbitre pas le tableau d'équilibre : je transpose le résultat de vos débats dans un tableau. Si je pouvais arbitrer, il n'aurait pas été nécessaire d'avoir recours au 49.3 !

Monsieur Delcros, je vous remercie de votre satisfecit sur le FNADT. En ce qui concerne la DETR, l'article de fusion préserve l'enveloppe pour les communes rurales. Ce sujet nous occupera largement, mais il n'est pas écrit que les communes rurales seront pénalisées par la fusion. J'ai repris une demande que vous aviez formulée depuis des mois. Vous avez en effet tous souhaité que le préfet de département soit l'acteur central et unique, afin d'assurer la cohérence de l'ensemble des demandes de soutien à des projets de territoire. Nous tenons compte du cycle électoral dans lequel nous nous trouvons ; cette fusion n'est pas un moyen déguisé de réaliser des économies.

Enfin, s'agissant du CAS « Pensions », madame la sénatrice Vermeillet, nous essayons de sortir de la dialectique entre ce qui correspond à l'équivalent d'une cotisation retraite et ce qui est l'équivalent d'une cotisation d'équilibre. C'est la suite du fameux débat lancé par M. Bayrou lorsqu'il était Premier ministre sur le coût caché des retraites. Ce coût caché n'existe pas, mais nous essayons de rendre la discussion plus compréhensible. L'étape suivante consistera à transcrire cela en chiffres. Il faut que nous cessions de faire ce que vous avez décrit, c'est-à-dire de faire monter le taux, ce qui correspond simplement à un ajustement de la subvention d'équilibre. L'année 2026 est donc, à mon sens, une année intermédiaire. Les services se préparent à mettre en place cette réforme structurelle en 2027. Dans l'intervalle, nous conservons le mécanisme actuel, perfectible et peu lisible, qui entraîne de nombreuses polémiques inutiles.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie pour les premières explications que vous nous avez apportées sur le projet de loi de finances pour 2026.

Partager cette page