IV. EXAMEN DU RAPPORT (5 NOVEMBRE 2025)

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons ce matin les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2026.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous présente ce matin mon analyse des prévisions macroéconomiques et de l'équilibre général du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

Je précise en préambule que mon exposé se fonde uniquement sur le texte initial déposé par le Gouvernement. Comme l'an dernier, l'Assemblée nationale n'a toujours pas terminé l'examen de la première partie du texte. Mais, cette fois, il est possible qu'elle adopte au moins la première partie du PLF, ou qu'elle n'en finisse même pas l'examen, de sorte que le Sénat pourrait avoir à se prononcer sur les mesures fiscales adoptées par l'Assemblée nationale. Vous avez suivi le feuilleton de ces mesures. Pour moi, c'est un peu comme si on jouait à la roulette russe avec chaque article du code général des impôts en attendant de voir où tout cela nous mène - en tout cas, pas sur les chemins de la stabilité ni du redressement des comptes publics.

Toujours est-il que les votes de l'Assemblée, mais aussi les engagements du Gouvernement, tant en dépenses qu'en recettes, n'ont à ce stade plus rien à voir avec le texte initial du PLF, ce qui, sur certains points, pourra avoir des conséquences sur l'exposé que je vais vous présenter.

Ce qui me paraît le plus marquant dans le projet de loi de finances initial qui nous est proposé, c'est que le Gouvernement effectue un pari sur la « levée des incertitudes ». Or, ce n'est pas en faisant des paris que l'on reprend son destin en main.

Que la prévision de croissance soit trop optimiste ne vous étonnera guère : le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) l'a déjà noté ; nous y sommes malheureusement habitués. Mais je crois important de souligner que, même en retenant les hypothèses favorables du Gouvernement, la croissance française, de 1 %, demeurerait inférieure de 0,5 point à la moyenne de la zone euro, et de 0,2 à 0,7 point à l'Allemagne. Notre grand voisin a traversé une crise passagère après la pandémie de covid-19, mais il pourrait rapidement nous distancer grâce à l'impact de ses plans d'investissement dans les infrastructures - 40 milliards d'euros par an pendant douze ans - et dans la défense. L'Allemagne dispose en effet de marges de manoeuvre que nous n'avons plus...

Je voudrais revenir rapidement sur l'estimation de l'effet de l'incertitude nationale sur le PIB, qui nous coûterait 0,3 point, c'est-à-dire 9 milliards d'euros en 2026. Les analystes sont formels : le simple fait d'adopter un budget ne dissipera pas toutes les incertitudes sur la politique économique. Du reste, il suffit de suivre les débats à l'Assemblée ou d'écouter nos ministres, qui juraient que jamais, au grand jamais, la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés (IS) sur les grandes entreprises ne serait prorogée au-delà de 2025... Qui, par ailleurs, est capable de nous dire quel est l'objectif de solde public du Gouvernement aujourd'hui ? Un gouvernement dont je rappelle qu'il est censé déterminer et conduire la politique de la Nation.

C'est pourquoi je crois que ce coût de l'incertitude ne doit pas nous conduire à accepter n'importe quoi, et surtout à voter un budget pour le simple principe de voter un budget. D'autant que les incertitudes à l'échelle mondiale restent fortes, plus fortes encore que pendant la crise du covid-19. Certes, la politique commerciale des États-Unis a eu un moindre impact que prévu à ce jour, mais nous assistons à un risque de report des exportations chinoises vers l'Union européenne, qui pourrait porter préjudice à certaines de nos filières en cas d'escalade commerciale supplémentaire.

Sur le plan interne, l'optimisme du Gouvernement frise la méthode Coué, notamment s'agissant de l'investissement des entreprises : ses hypothèses sont supérieures de deux points au consensus des économistes. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) prévoit même une baisse et non une hausse !

Autre sujet sur lequel le Gouvernement se montre optimiste : il prévoit une baisse de l'épargne, qui passerait de 18,4 % du revenu disponible brut à 17,8 %, par la vertu d'une sortie de crise. Nous pronostiquions déjà cela l'année dernière et les années précédentes, mais l'épargne n'a fait qu'augmenter. Notre niveau d'épargne financière a dépassé celui, traditionnellement très élevé, de l'Allemagne - c'est dire à quel point les Français sont devenus prudents.

Par ailleurs, deux tiers de la hausse de l'épargne proviendraient des seuls retraités, ce qui remet en cause la « théorie du cycle de vie », qui voulait que les jeunes s'endettent, les générations intermédiaires épargnent et les personnes âgées désépargnent.

Au-delà de ce tableau conjoncturel, il est inquiétant de constater que les fondamentaux de notre économie ne permettent pas d'espérer un redressement facile de nos comptes publics.

Un fait stylisé désormais bien connu depuis le rapport Draghi est le décrochage de l'Europe avec les États-Unis. On peut trouver toutes les circonstances atténuantes que l'on veut : ce décrochage ne date pas d'hier, il a commencé en 2005. Nous étions presque à la parité en revenu par habitant il y a vingt ans ; nous serons bientôt deux fois moins riches...

En matière d'emploi, je voudrais faire pièce à un mythe tenace : non, le taux de chômage n'a pas diminué plus vite en France que dans le reste de la zone euro depuis 2017 - c'est même plutôt l'inverse. Surtout, l'amélioration a été achetée en France à crédit, par de l'argent public et de manière non financée, ce que l'on constate aujourd'hui. Il en résulte que les créations d'emplois n'ont pas soulagé nos comptes publics à la hauteur de ce que nous aurions espéré.

Ces perspectives peuvent nous conduire à la paralysie, mais la réalité est que l'endettement nous conduit déjà à une certaine anesthésie. La dynamique de la dette publique est en effet très inquiétante et nous singularise des autres pays comparables sur la période post-covid-19. Cette hausse de l'endettement n'est pas due, comme on a pu nous le dire, à une perfect storm, à un effet « boule de neige » ou à un « pas de bol », mais simplement à l'accumulation de nos déficits passés. Ce sont nos politiques budgétaires et fiscales depuis 2020 qui en sont responsables et, surtout, celles menées depuis 2022, qui nous distinguent de nos partenaires européens.

Bruno Le Maire déclarait au début de l'année 2021 : « Je vais peut-être vous surprendre comme ministre des finances, mais je pense que [nous endetter] est une nécessité en période de taux bas. » Il en a résulté une forte hausse de notre stock de dette. Avec la hausse en cours des taux, l'aubaine se transforme en malédiction : elle entraîne une explosion de la charge de la dette, conséquence de ce recours immodéré à l'emprunt. Nous faisons à présent face à un véritable noeud coulant, avec une charge de la dette, toutes administrations publiques confondues, qui pourrait dépasser les 100 milliards d'euros en 2029 !

De plus, notre stock de dettes nous met à la merci d'un choc de taux : 1 % de hausse sur les obligations assimilables du trésor (OAT) se paie 32 milliards d'euros dix ans plus tard. Or, nos conditions de financement se sont dégradées rapidement : en seulement dix-huit mois, nous empruntons désormais plus cher que le Portugal, la Grèce ou l'Espagne, et notre courbe a désormais croisé celle de l'Italie.

Dans ces conditions, il faut agir dès ce budget, car tous les choix, parfois difficiles, que nous refusons aujourd'hui s'imposeront à nous et seront encore plus difficiles demain. La consolidation s'impose donc aujourd'hui, pour solder les erreurs passées, et davantage pour des raisons économiques que pour respecter les règles budgétaires européennes.

Le Gouvernement a abandonné la notion de tendanciel de hausse spontanée des dépenses, qui exagérait quelque peu les économies réalisées, pour en revenir à la notion plus classique d'effort structurel. L'effort structurel prévu est ainsi de 1 % du PIB potentiel, c'est-à-dire environ 30 milliards d'euros, dont 14 milliards de recettes nouvelles (0,5 % du PIB potentiel) et 17 milliards de modération des dépenses (0,6 % du PIB potentiel). Cela ne vous surprendra pas, cet effort me semble déséquilibré : il devrait porter davantage sur les baisses de dépenses et moins sur les hausses de recettes.

Comme à l'accoutumée, c'est à ce stade l'État qui serait le principal responsable du déficit public en 2026. Selon moi, chaque secteur institutionnel doit être mis à contribution à hauteur de sa responsabilité dans la dégradation de nos comptes publics. Or, ce n'est pas le cas dans ce budget pour 2026, qui prévoit une baisse de dépenses en volume de 1 % pour les administrations publiques locales et de 0,4 % pour les administrations de sécurité sociale, quand ces dépenses en volume augmenteraient de 1,6 % pour les administrations publiques centrales. C'est la raison pour laquelle le Sénat proposera de réduire à 2 milliards d'euros l'effort de redressement des comptes publics à la charge des collectivités territoriales, au lieu des 4 milliards prévus dans le texte initial.

Nous allons à présent examiner comment le contexte macroéconomique et les choix de finances publiques que je vous ai exposés se traduisent dans le projet de budget de l'État soumis au Parlement au travers du projet de loi de finances.

Pour résumer, je reconnais certains des efforts entrepris, mais ils me semblent encore insuffisants.

La dérive des comptes des années passées a laissé la place en 2025 à une réduction du déficit en loi de finances initiale (LFI), à 139 milliards d'euros, qui semble se confirmer en cours d'année à un niveau de 130,5 milliards d'euros, alors même que la prévision de croissance a été revue à la baisse. Non seulement la loi de finances initiale était en amélioration par rapport à 2024, mais son exécution est pour la première fois depuis 2020 meilleure qu'elle n'avait été anticipée. Cela ferait donc 25 milliards d'euros d'amélioration de solde par rapport à 2024.

Le décret d'annulation du 25 avril dernier a certainement joué un rôle dans la modération des dépenses, mais je dois aussi noter que la France a bénéficié d'un remboursement de prêt anticipé par la Grèce, soit une recette inattendue de 1,1 milliard d'euros.

Cette amélioration du déficit en 2025 permet de mettre en perspective l'amélioration de 6,1 milliards d'euros seulement du solde budgétaire prévue pour 2026. À première vue, on croirait que s'opposent un mouvement favorable - l'augmentation des recettes - et un mouvement défavorable - l'accroissement, dans le même temps, des dépenses.

En y regardant de plus près, les recettes non fiscales progressent parce que l'Agence nationale de la recherche (ANR) remboursera en 2026 un montant considérable de dotations qui lui avaient été consenties en 2011 dans le cadre des premiers programmes d'investissement d'avenir (PIA). Je note que, sans cette recette exceptionnelle et ponctuelle de 6,9 milliards d'euros, le déficit budgétaire de l'État ne s'améliorerait pas en 2026 ! Cet effet n'existe qu'en comptabilité budgétaire, car le remboursement d'un prêt ne modifie pas le déficit public.

S'agissant des recettes fiscales, leur augmentation résulte en partie d'effets de périmètre, comme la rebudgétisation de la TVA qui est actuellement affectée aux régions, mais aussi d'une augmentation de la pression fiscale avec une série de mesures sur lesquelles je reviendrai.

Du côté des dépenses, elles augmentent à cause des dépenses contraintes, notamment la charge de la dette et les contributions aux pensions, et des dépenses que je juge indispensables, en particulier l'augmentation des dépenses de défense.

Sur les autres ministères, les crédits diminuent de 1,2 milliard d'euros en valeur, ce qui doit être mis à l'actif de ce projet de loi de finances, même si cette baisse limitée est loin de compenser les hausses.

Il faut aussi mettre à l'actif des gouvernements qui ont préparé ce budget l'amélioration de certaines pratiques budgétaires, avec la fin de la mission « Plan de relance » et la réduction progressive des reports de crédits. Sur ce point et quelques autres, je note avec satisfaction que les recommandations de la commission des finances du Sénat ont été suivies d'effets, ce qui montre qu'il faut parfois savoir faire preuve de persévérance pour être entendu.

La charge de la dette pèsera dès 2026 plus lourd dans le budget de l'État que les dépenses de défense, pourtant en forte croissance également. Elle équivaut à l'addition des crédits ministériels de la recherche et de l'enseignement supérieur, de la police, de la gendarmerie et de la justice.

Le renouvellement des emprunts contractés vers la fin des années 2010, lorsque les taux étaient au plus bas, sera particulièrement coûteux. La diminution du déficit budgétaire est insuffisante pour réduire le besoin d'emprunt parce que la dette existante doit être renouvelée à hauteur de 175 milliards d'euros en 2026. C'est pour cela que la France devra emprunter 310 milliards d'euros en 2026 : pour 1 euro de déficit, nous devrons emprunter 2,5 euros sur les marchés financiers. Le montant annuel des emprunts a ainsi augmenté de 12,4 milliards d'euros entre 2010 et 2019, puis de 50 milliards entre 2020 et 2026 : l'endettement ne se contente pas de croître, il s'accélère.

Il faut donc voir le budget qui nous est soumis comme un premier pas, qui devra être maintenu sur la durée et amplifié si l'on veut parvenir, dans quelques années, à renverser enfin les courbes et permettre à la puissance publique de retrouver des marges de manoeuvre.

Examinons à présent plus en détail les recettes de l'État. Elles font l'objet de nombreuses mesures dans ce projet de loi de finances, comme en témoigne la première partie du PLF, qui, avec 48 articles, est la plus fournie depuis 2006.

L'ensemble des recettes fiscales nettes et des recettes non fiscales dépasse, pour la première fois de l'histoire de notre pays, le seuil de 400 milliards d'euros. C'est un niveau record en valeur absolue, mais aussi en chiffres corrigés de l'inflation. La hausse des recettes fiscales, évaluée à 19,1 milliards d'euros, est liée à d'importantes mesures qui, je le note avec regret, conduisent à accroître la pression fiscale qui pèse sur nos concitoyens et sur nos entreprises.

La surtaxe d'IS sur les grandes entreprises - nous l'avons approuvée l'an dernier à la condition qu'elle disparaisse ensuite - serait prolongée et rapporterait 4 milliards d'euros. La contribution différentielle sur les hauts revenus serait également prorogée, une taxe sur les holdings patrimoniales serait créée, de même qu'une taxe sur les plastiques, une taxe sur les petits colis et un retour de la réforme de la franchise en base de TVA. Enfin, plusieurs « niches fiscales » seraient supprimées ou réduites. Le barème de l'impôt sur le revenu ne serait quant à lui pas indexé, ce qui accroîtrait son produit de près de 2 milliards d'euros. Au total, la méthode est connue : c'est l'outil fiscal qui est utilisé pour obtenir des recettes supplémentaires, dont certaines ont d'ailleurs vocation à disparaître à l'avenir - ou pas...

Je dirai quelques mots sur les grands impôts.

Le produit de l'impôt sur les sociétés reste à un niveau stable. Alors qu'un ministre avait prédit, s'appuyant sur les chiffres fragiles de 2022, que le produit de cet impôt croîtrait toujours plus grâce à la baisse des taux, nous constatons que c'est en fait un impôt très stable en euros constants, si l'on prend en compte dans les années 2010 l'effet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

S'agissant de la TVA, après avoir constaté, année après année, que l'État se défaisait de parts toujours plus importantes de cet impôt, qui est le plus productif et le mieux corrélé à l'activité économique, on relève un changement de direction : avec la fin de l'affectation de TVA aux régions, la part revenant à l'État repasse enfin juste au-dessus de 50 %.

Les autres recettes fiscales regroupent de très nombreuses ressources, dont deux blocs majeurs, les droits de donation et de succession, dont le produit a plus que doublé depuis 2014, et les accises sur l'énergie, c'est-à-dire les anciennes taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) et taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN). Le produit de ces dernières est affecté par la diminution tendancielle de la consommation de carburants, mais aussi par le transfert opéré pour financer la péréquation dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental (ZNI).

Les recettes non fiscales, quant à elles, bénéficient principalement de deux recettes temporaires : un versement plus important qu'en 2025 de la part de l'Union européenne, au titre du remboursement partiel du plan de relance, et le versement de l'Agence nationale de la recherche précédemment évoqué.

Les prélèvements sur recettes (PSR) augmentent pour leur part de manière notable. Celui à destination de l'Union européenne est contraint par les dépenses dues en application du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Quant à la hausse des PSR à destination des collectivités territoriales, elle correspond en réalité à des effets de structure - il s'agit en particulier de compenser, pour les régions, la fin de l'affectation de TVA.

Je relève en conclusion que les dépenses du budget général connaissent une évolution modérée, même si le contexte de hausse des taux et de tensions internationales doit conduire à aller plus loin encore dans la maîtrise des dépenses de l'État.

Hors défense, charge de la dette et contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits diminuent de 1,2 milliard d'euros. Cet effort, qu'il convient de saluer, est d'autant plus notable que les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » augmentent de 3 milliards d'euros à cause de la progression des charges de service public liées au prix de l'électricité. Il aura toutefois fallu attendre cinq ans après la crise du covid pour que les dépenses de l'État cessent de connaître des hausses annuelles incontrôlées, comme si l'argent tombait du ciel - cinq ans perdus, dont nous allons subir le contrecoup pendant de nombreuses années.

Les crédits des missions régaliennes - missions « Défense » bien sûr, mais aussi « Sécurités » et « Justice » - sont préservés, ainsi que, en euros courants, les crédits relatifs à l'éducation et à la recherche.

Les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » diminuent en raison, notamment, de la réduction de l'enveloppe prévue pour les aides à l'alternance et aux demandeurs d'emploi. La baisse des crédits de la mission « Cohésion des territoires » résulte également des réformes des aides personnelles au logement (APL) et du financement de la rénovation des logements privés.

L'effort devra toutefois être renforcé et pérennisé, car les années récentes de dépenses inconsidérées ne constituent pas une référence pertinente. Je vous propose, dans la droite ligne des travaux menés par le Sénat avant l'été, une comparaison avec la dernière année au cours de laquelle l'objectif de 3 % de déficit a été atteint, à savoir l'année 2019. Cela permet de relativiser les baisses ou la stabilité des crédits affichées sur certaines missions aujourd'hui, car presque toutes conserveront, en 2026, des crédits supérieurs à ceux de 2019. Et je précise qu'il s'agit d'une comparaison en euros constants : les chiffres de 2019 ont été retraités de l'inflation et des modifications de périmètre entre missions.

Cette hausse en volume de la quasi-totalité des missions du budget général traduit un phénomène d'accoutumance à l'extension toujours plus poussée du champ d'intervention de l'État : toute dépense nouvelle, présentée comme temporaire, est rapidement perçue comme normale et définitive. Or, il faut le répéter : l'impératif de maîtrise de la dépense publique devrait le pousser à revenir, hors dépenses prioritaires, au champ qui était le sien en 2019.

Cet effort devra tout particulièrement concerner les politiques portées par les opérateurs de l'État. En effet, les financements publics des opérateurs sont passés de 50,7 milliards d'euros en 2019 à 73,3 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026, après avoir atteint un maximum de 80,6 milliards d'euros en 2024. Cela nécessite bien entendu une réflexion de fond sur les politiques que doit ou ne doit pas porter l'État, car une simple suppression des opérateurs aurait surtout pour effet de reporter ces charges sur l'État lui-même.

Enfin, les emplois de l'État continuent de croître : les effectifs augmentent de près de 8 500 emplois en 2026, en parfaite contradiction avec l'objectif de la loi de programmation des finances publiques, qui visait une stabilité de l'emploi de l'État et de ses opérateurs sur la période 2023-2027.

Certes, vous avez pu entendre les ministres présenter, lors de leur audition ici même, une diminution des emplois de 3 000 équivalents temps plein (ETP), mais c'était une présentation contestable, voire trompeuse : pour parvenir à ce résultat, le Gouvernement rassemble artificiellement l'État et les caisses de sécurité sociale, tout en omettant les créations d'emploi dans l'éducation nationale. Il est regrettable que le Gouvernement ait recours à de tels expédients de communication alors qu'il est facile de consulter les chiffres dans les documents budgétaires.

Mes chers collègues, ce projet de budget, comme celui qui a été présenté l'an passé, témoigne d'une prise de conscience manifeste de la nécessité de rétablir les finances publiques et prévoit un certain effort sur les dépenses. J'en donne acte au Gouvernement.

Toutefois, je considère que l'effort reste encore insuffisant, et très inférieur à celui qui avait été accompli l'an dernier. Le projet de loi de finances repose en outre sur une quantité excessive de ressources temporaires, il crée trop de nouvelles recettes fiscales et ne présente pas assez de perspectives pour un recentrage de l'État sur ses missions indispensables.

La maîtrise du budget est pourtant la condition de notre liberté d'action. Le Sénat, avec notre commission des finances et ses rapporteurs spéciaux, devra, une nouvelle fois, jouer pleinement son rôle dans le débat. La France a besoin de stabilité et ce n'est pas la copie budgétaire mouvante d'un gouvernement sans boussole qui peut la lui offrir.

M. Vincent Delahaye. - J'aurais préféré que le titre du diaporama mentionne le « déséquilibre » plutôt que « l'équilibre » général...

J'aborderai trois points.

Le premier concerne la composition de la croissance. Quelle est la part de la dépense publique dans le taux de croissance prévu ? À mon sens, la dépense publique entraîne un ralentissement de la croissance de la TVA.

Le deuxième point porte sur les prévisions de recettes, qui me surprennent. Le rapporteur général juge-t-il crédibles les prévisions en matière de TVA ? Idem pour les 9 milliards d'euros de recettes supplémentaires d'impôt sur le revenu. Je m'interroge également sur les 7 milliards d'euros d'apport de l'Agence nationale de la recherche aux recettes de 2026. A-t-elle encore des réserves ? Avons-nous repris la totalité de ses dotations ou seulement une partie ? Si nous n'en avons repris qu'une partie, est-ce suffisant ?

Enfin, troisième point, on note que les efforts portent principalement - en 2025, c'était à 100 % - sur les recettes. Pour ma part, j'estime qu'ils devraient porter à 100 % sur les dépenses. Les administrations publiques centrales prévoient d'augmenter ses dépenses en volume de 1,6 % en 2026, alors que celles des collectivités locales doivent a priori diminuer, et les effectifs de l'État sont en augmentation de 8 500 équivalents temps plein (ETP) : les efforts sont, à ce stade, vraiment insuffisants.

M. Albéric de Montgolfier. - Je partage l'analyse du rapporteur général. On nous parle des déficits de la sécurité sociale et des collectivités, mais l'origine des déficits réside, à plus de 83 %, dans l'accumulation des déficits primaires de l'État, année après année. Réduire ce déficit primaire devrait être le premier objectif.

En tant que rapporteur spécial du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », je sais que le sujet n'est pas de savoir si nous remboursons notre dette, mais si nous sommes capables de payer plus de 100 milliards d'euros d'intérêts à une échéance relativement brève.

J'attire votre attention sur le fait que nous parlons de grandes masses financières : toute modification a un impact considérable. Si les taux augmentent de 0,1 point, cela représente, à terme, 3,2 milliards d'euros. S'ils augmentent de 1 %, c'est plus de 32 milliards d'euros qu'il faudra trouver...

Or les taux risquent de rester à un niveau élevé, et ce pour deux raisons.

D'abord, parce qu'en raison de la dégradation de notre notation nous nous privons d'un certain nombre d'investisseurs : ils n'investiront plus dans la dette française pour des raisons prudentielles.

Ensuite, parce que, à ce niveau de montants financiers, une étincelle peut tout de suite avoir de lourdes conséquences. Souvenez-vous de ce qui s'est passé en Grande-Bretagne et en Italie. Les banquiers que j'ai entendus dans le cadre de mes travaux me disent tous que nous sommes arrivés à de tels niveaux de dette que les taux peuvent, à tout moment, monter à 5 % ou 7 %.

Nous allons donc continuer à payer notre dette durablement plus cher.

M. Marc Laménie. - Avons-nous une idée des conséquences financières, en termes d'endettement, des aides mises en place au moment de la crise du covid-19 ?

Les crédits de la défense sont en augmentation de 6,7 milliards d'euros. Ce secteur est une priorité, et il représente aussi des emplois, directs et indirects. Mais cela n'est pas toujours bien compris par l'opinion publique.

On évoque l'augmentation de l'épargne des ménages : quelles en sont les conséquences ?

M. Christian Bilhac. - On peut résumer ce projet de loi de finances par la formule : « le rabot sanctuarisé. » Le rabot, instrument mythique de Bercy, a été ressorti : excepté la défense, on rabote tout ! Ce budget aurait pu être fait par un élève de CM1 avec une petite calculette.

Et pourtant les Français se plaignent : du secteur de la santé, qui est dans un état catastrophique ; de la sécurité, qui est une de leurs préoccupations principales ; du système éducatif, qui dégringole dans le classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), établi par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Les maires se plaignent de ne rien pouvoir faire, d'être freinés, bloqués, par l'administration. On entend le même discours chez les agriculteurs et les chefs d'entreprise. Récemment, lors de la visite d'une cave coopérative, on m'a expliqué qu'entre l'adoption du projet en conseil d'administration et l'inauguration, il s'était passé neuf ans !

Et on ne fait rien pour remédier à cette situation. On conserve tous nos opérateurs, une administration pléthorique, des doublons, des triplons, des quadruplons dans tous les domaines !

Le rapporteur général nous dit que la suppression des opérateurs conduirait à aggraver la charge qui pèse sur le reste du secteur public ; je n'en suis pas certain.

Prenons l'exemple du logement. Si l'on supprimait l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et tous les « machins » qui gravitent autour du ministère du logement, leurs crédits pourraient être gérés par les départements, peut-être en recrutant des personnels supplémentaires, mais qui ne seraient pas aussi nombreux que les effectifs de tous ces organismes.

Autre exemple, les Ehpad, qui sont sous le double contrôle du conseil départemental et de l'agence régionale de santé (ARS). Pourquoi ce double contrôle, qui fait perdre un temps considérable aux directeurs de ces établissements ?

Des économies peuvent être faites sur le budget de l'État. Les frais de structure, les frais administratifs, sont les seuls à n'être jamais rabotés, ils sont intouchables : on rabote donc toujours l'opérationnel.

Enfin, je souhaiterais savoir si les 401 milliards d'euros de recettes fiscales incluent la totalité de la TVA, ou seulement la moitié ?

M. Grégory Blanc. - Il est inquiétant d'entamer la discussion du budget en partant d'une prévision de croissance de 1,4 %, qui est loin, à la fois, du consensus des économistes et des constats du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Cela signifie qu'il va falloir trouver des marges de manoeuvre dans la discussion budgétaire pour respecter la trajectoire que le pays s'est fixée.

En dehors des dépenses pour la dette et la défense, il n'y a rien dans ce budget qui permette de préparer l'avenir, notamment en relançant la demande. Le rendement des impôts liés à la consommation est en baisse ; je pense notamment à l'ex-TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques). S'agissant de la TVA, des interrogations demeurent.

Des impôts créés l'année dernière et prétendument temporaires sont reconduits. Nous aurait-on menti ? Ce qui était temporaire a-t-il vocation à devenir permanent ? Concernant la surtaxe « Barnier » d'impôt sur les sociétés, faudrait-il repenser le système de manière plus permanente au regard de la baisse des impôts assis sur la consommation ? Il en est de même pour la contribution différentielle sur les hauts revenus : faut-il envisager les choses dans une trajectoire plus large ?

Par ailleurs, rien dans ce budget ne vise à encourager la désépargne, pour relancer la consommation et, partant, la TVA. Comment abordons-nous ce sujet ?

Enfin, je m'associe aux propos de Christian Bilhac sur les collectivités. Celles-ci vont supporter près de la moitié des économies attendues. Le Sénat peut-il considérer cela comme normal, alors même que les transferts de charges continuent ? Je songe aux polices municipales, pour lesquelles un projet de loi nous sera bientôt soumis, ou aux charges sociales assumées par les départements.

M. Thierry Cozic. - Ce projet de loi de finances, qui traduit un budget d'austérité, est un texte de souffrance pour les Français : il cherche dans la poche de ceux qui n'ont pas créé de problème des solutions qui ne fonctionnent pas.

L'effort de consolidation budgétaire qui est demandé est estimé à une trentaine de milliards d'euros : 17 milliards d'euros de baisse de dépenses et 14 milliards d'euros de hausse de recettes, dans une période de croissance atone - celle-ci devrait être de 0,7 % selon l'OFCE. Nous savons que l'austérité freine la croissance. Vouloir corriger le déficit par la baisse des dépenses publiques a donc un effet récessif deux fois plus fort que si cela était fait par une hausse de la fiscalité.

Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? C'est le résultat de huit ans de macronisme : nous avons là les fruits de la politique de l'offre. Les 60 milliards de recettes manquantes chaque année représentent un déficit record hors période de crise. Les dividendes et les rachats d'actions explosent, et le nombre de milliardaires s'accroît fortement. Dans le même temps, le nombre de défaillances d'entreprises est de 68 000 et le taux de chômage repart à la hausse.

L'austérité n'est acceptable que si l'effort est justement réparti, en fonction des capacités contributives de chacun. En l'état, ce projet de loi de finances n'est satisfaisant pour personne, car il pénalise ceux qui n'ont pas contribué à la crise des finances publiques.

Nous avons appris que la majorité sénatoriale voulait effacer l'ensemble des recettes fiscales votées à l'Assemblée nationale, lesquelles permettent aux classes moyennes et populaires de se délester un peu du fardeau imposé par le budget Lecornu. Mes chers collègues, vous voulez laver plus blanc que blanc !

Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que nous ne toucherions pas aux recettes. Dans le même temps, vous annoncez que l'effort sur les collectivités sera diminué à hauteur de 2 milliards d'euros. L'an dernier, j'avais émis des réserves sur le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), que j'estimais mal calibré. Aujourd'hui, le Gouvernement l'utilise au détriment des collectivités. À l'avenir, elles seront ponctionnées sans aucune certitude de retour. Comment, sans recettes nouvelles, comptez-vous diminuer l'effort demandé aux collectivités et équilibrer le budget ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je partage l'ensemble des observations du rapporteur général.

On entend dire que l'importance du taux d'épargne des retraités montrerait que le niveau des pensions est trop élevé en France. À ma connaissance, il n'existe pas de statistiques sur le taux d'épargne des retraités, mais seulement des statistiques d'épargne par âge. Les 60-69 ans, dont beaucoup sont retraités, ont un taux d'épargne identique à celui des 50-59 ans, et on observe que le taux d'épargne des plus de 70 ans augmente.

Toutefois, je voudrais attirer l'attention sur le fait que les plus de 70 ans ne sont pas une catégorie homogène. Ainsi, il faut différencier ceux qui sont locataires et ceux qui sont propriétaires de leur logement, voire qui disposent d'un patrimoine financier ou immobilier important. Le niveau des prix de l'immobilier serait une explication aussi plausible, si ce n'est davantage, que celle du niveau des pensions pour expliquer le niveau du taux d'épargne des retraités.

M. Vincent Capo-Canellas. - Nous abordons un exercice budgétaire qui sera particulièrement compliqué cette année. Il le sera pour les raisons financières rappelées par le rapporteur général, mais aussi pour des raisons politiques. C'est sans doute un projet de budget mal né, dans un contexte d'incertitude et de volatilité, en particulier à l'Assemblée nationale.

Nous sommes face à un dilemme. D'un côté, nous ressentons la nécessité, le besoin, l'envie de corriger, et de corriger fortement, le budget, tout en sachant que les réformes prennent du temps et qu'elles interviendront plutôt après l'élection présidentielle. De l'autre, nous souhaitons que les apports du Sénat demeurent dans le texte final. Car il faut garder à l'esprit que la commission mixte paritaire pourrait être conclusive.

Monsieur le rapporteur général, en ce qui concerne l'exécution 2025, vous faites le pari que nous tiendrons bien les 5,4 % de déficit. Il devrait y avoir un acquis de croissance : quel en sera l'impact ?

Nous entendons beaucoup de choses sur le coût de l'incertitude. Pour que nous puissions évaluer la situation - faut-il un compromis et quel en sera le prix ? -, il serait bon que vous puissiez nous éclairer.

Je m'interroge également sur le chiffrage des mesures votées à l'Assemblée nationale. Certaines doivent inévitablement, me semble-t-il, être corrigées. Pourrons-nous parvenir à une forme d'équilibre ?

Enfin, nous savons que c'est rarement au stade du projet de loi de finances que l'on peut baisser les dépenses ; cela se fait en amont. Quelle est donc, selon vous, l'élasticité en matière de dépenses ?

M. Emmanuel Capus. - Monsieur le rapporteur général, votre travail sur le projet de loi de finances présente un intérêt tout particulier cette année. En effet, si la commission mixte paritaire n'était pas conclusive, c'est bien le budget qui nous a été présenté que le Gouvernement promulguerait par voie d'ordonnance.

Cependant, ce n'est pas la version que nous devrions examiner en séance, puisque le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé qu'il souhaitait transmettre la version amendée. Votre rapport porte sur le budget initial. Au stade où nous en sommes, la discussion étant presque terminée à l'Assemblée nationale sur la première partie, comment imaginez-vous « l'atterrissage » du budget, à la suite de la frénésie d'amendements fiscaux du Rassemblement national et de la gauche à l'Assemblée nationale ?

Je relève l'augmentation très importante du nombre d'ETP - 5 400 - à l'éducation nationale. Il me semblait que le baby-boom de l'an 2000 était passé, et que le nombre d'élèves scolarisés était en baisse. Qu'est-ce qui justifie une telle hausse ?

M. Michel Canévet. - Alors que les chefs d'entreprise mettent sur pause leurs investissements et que le contexte est très anxiogène, une croissance de l'ordre de 1 % est-elle réaliste ?

Il est étonnant d'envisager que l'apport des administrations de sécurité sociale au PIB puisse être positif en 2026. On peut en effet s'attendre à ce que le déficit soit au moins aussi important que celui de cette année. Cette contribution de 0,1 % est-elle plausible ?

Mme Ghislaine Senée. - Les débats, notamment à l'Assemblée nationale, montrent une véritable contradiction. On ne parle que de dette et de charge de la dette, mais on refuse la taxe Zucman, et donc la taxation des ultra-riches, et on annonce le gel de la réforme des retraites. Dans l'esprit des Français, cela se résume par toujours moins de recettes et toujours plus de dépenses...

Monsieur le rapporteur général, j'ai noté votre volonté de limiter la contribution des collectivités à 2 milliards d'euros. Pour sa part, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) évoque une amputation de 7,6 milliards d'euros. Nous sommes tout à fait favorables à votre proposition, mais comment comptez-vous parvenir à ce résultat ?

M. Pascal Savoldelli. - Des comparaisons sont faites avec les années passées, mais tous les budgets précédents avaient bien été adoptés. On ne peut pas s'exonérer des choix qui ont été faits, même s'il est normal que la commission des finances ne mette pas en exergue le fait que le Sénat ait voté les budgets Attal, Barnier et Bayrou... Nous évoquerons lors des débats les responsabilités des uns et des autres.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'exercice budgétaire, qui n'est déjà pas simple, est rendu encore plus complexe par le fait qu'il faut essayer d'anticiper toutes les situations. Nous préparons donc les arbitrages sur une deuxième version, amendée, du budget - sera-t-elle le fruit des votes actuels ou y aura-t-il une seconde délibération ? Il faut faire intervenir des constitutionnalistes ; au paradis de l'invention, nous n'avons pas encore tout vu !

Monsieur Delahaye, vous avez ressorti le marronnier du « déséquilibre » général !

En ce qui concerne la croissance, je pense qu'elle est un peu surestimée. Nous avons eu une bonne surprise au troisième trimestre de cette année : la croissance a été dopée par trois secteurs d'activité, que sont la défense nationale, l'aéronautique et la santé. Mais là nous n'envisageons que 1 %, ce qui n'est tout de même pas énorme...

J'entends ceux qui estiment que l'augmentation des recettes fiscales permet d'augmenter la croissance. Lors d'une table ronde avec des économistes, j'ai fait remarquer que, les années passées, nous aurions dû avoir une très forte croissance vu les dépenses publiques très importantes mobilisées au bénéfice des Français... Il faut plutôt faire le pari d'une croissance qui repose sur les moteurs de l'économie que sont les acteurs économiques : la première entreprise de France - l'artisanat -, les TPE, les PME, les ETI et l'agriculture. C'est ainsi que la vie économique se développe dans les territoires.

Par conséquent, le Gouvernement et les entreprises auraient intérêt à nouer un nouveau pacte de confiance et de croissance. Si l'on donnait un coup d'accélérateur en s'appuyant sur les grands secteurs que je viens d'évoquer, la croissance serait plus forte dans les territoires, car l'industrie n'est pas dans les villes. Tel est le pari qu'il faut aujourd'hui relever, en faisant preuve d'imagination et d'audace.

S'agissant des prévisions de recettes de TVA et d'impôt sur le revenu, je n'ai pas de raison de remettre en cause les chiffres qui nous ont été communiqués.

En ce qui concerne l'ANR, il reste 11 milliards d'euros de dotations, qui seront normalement conservées par certains opérateurs qui continuent à utiliser les intérêts.

Sur les effectifs, les efforts sont insuffisants. Concernant l'éducation nationale, le nombre d'enfants scolarisés baisse considérablement, et cette tendance va s'accentuer à la rentrée de 2026. En effet, on a constaté un décrochage du nombre des naissances en 2023 : ces enfants doivent entrer à la maternelle en 2026.

Monsieur de Montgolfier, nous sommes parfaitement d'accord sur le risque d'accident de crédit. Il faut faire attention, car il y a là un enjeu de souveraineté. Le rapport que vous nous aviez présenté montrait qu'il ne faut pas forcément s'inquiéter outre mesure que les investisseurs étrangers achètent de la dette : paradoxalement, c'est un signe de confiance.

Monsieur Laménie, s'agissant du niveau important du taux d'épargne, plusieurs raisons peuvent être avancées. L'inflation a permis une épargne de précaution, et on constate que ce sont bien sûr les ménages les plus aisés qui ont tendance à épargner davantage. On assiste également à une remise en cause de la théorie du cycle de vie, qui voudrait que les plus âgés d'entre nous désépargnent.

Il faut effectivement trouver des dispositifs pour mobiliser cette épargne. Je suis frappé de voir à quel point les personnes âgées pensent avant tout à leurs petits-enfants, c'est-à-dire aux jeunes générations. Sur ce point, nous avons certainement des choses à imaginer.

Monsieur Bilhac, je ne partage pas votre avis sur le rabot pour des raisons factuelles, mais nous sommes en revanche d'accord sur un point : il n'y a pas le début du commencement d'un mouvement de simplification. C'est un véritable sujet sur lequel je vous invite à prendre des initiatives.

Nous allons, pour notre part, essayer d'aider le Gouvernement à lutter contre l'empilement des normes et des contraintes qui ralentissent les procédures et augmentent les coûts. Je citerai deux exemples : Notre-Dame de Paris et les jeux Olympiques. Grâce à des dispositions singulières, nous avons pu agir beaucoup plus rapidement, avec efficacité et en tenant les budgets. Il faut en tirer des enseignements : nous ne l'avions pas fait après la pandémie de covid-19, et nous avons laissé repartir la folle machine... Je confirme que les annonces de la ministre Amélie de Montchalin sur ce sujet ne sont, pour l'instant, suivies d'aucun effet.

Pour répondre à la question précise que vous m'aviez posée, je vous indique que la part de TVA affectée à l'État représente 51 %, contre 46 % l'an passé.

Monsieur Grégory Blanc, vous avez fait une erreur : la prévision de croissance est de 1 %, et non de 1,4 %, qui correspond au taux d'inflation sous-jacente. Normalement, les chiffres qui nous sont transmis concernant les impôts sur la consommation comme la TVA s'avèrent plutôt exacts.

Monsieur Cozic, vous avez évoqué les éléments de langage qui vont vous guider pendant l'examen du projet de loi de finances en séance publique : « austérité », « souffrance »... Nous sommes en désaccord sur le lien entre croissance économique et dépense publique. Je le répète, quand on voit le niveau de croissance obtenu après une telle débauche d'argent public ces dernières années, on peut se dire qu'il y a peut-être d'autres chemins à emprunter... C'est le message que nombre de Français nous envoient.

Concernant les efforts, nous allons avoir le débat budgétaire. Nous parlons là du tome I du rapport général, gardons-en un peu pour la suite !

Madame Carrère-Gée, en ce qui concerne le taux d'épargne des retraités, les statistiques ont un mérite : celui de donner des ordres de grandeur. Il faut cibler les mesures ; nous regrettons de ne pas l'avoir fait lors de la crise sanitaire. Nous évoquons le sujet de la surépargne depuis plusieurs années. Si de grands théoriciens, qui sont d'ailleurs à la tête des banques, nous expliquent que ce n'est pas le cas, que toute l'épargne est mobilisée, il me semble au contraire que nous pouvons peut-être mieux la mobiliser, afin qu'elle crée davantage de richesses.

Monsieur Capo-Canellas, vous avez parlé d'un projet de loi de finances « mal né ». Comment les choses vont-elles maintenant se passer ? Si vous m'aviez posé la question la semaine dernière, je vous aurais peut-être fait une réponse différente de celle que je vais faire aujourd'hui ou que je ferai demain, car il s'est passé bien des choses incongrues en huit jours à l'Assemblée nationale... Je ne suis pas certain que nous soyons au bout de nos surprises.

Nous allons essayer de produire une copie qui soit dans la lignée des travaux habituels du Sénat : je pense notamment à notre volonté de baisser le niveau des dépenses publiques.

C'est l'Assemblée nationale qui donne le « la », avec le Gouvernement, qui « détermine et conduit la politique de la Nation ». Le Premier ministre étant nommé par le Président de la République, il a déposé le projet de loi de finances plus qu'il ne l'a proposé. Je vois davantage de changements de pied que des lignes directrices. Il est tout de même plus facile de travailler lorsque le cadre ne bouge pas que lorsqu'on ne cesse de le modifier, tout en ajoutant des touches de peinture ici ou là...

J'en viens aux questions sur l'exécution du budget 2025. Je pense que l'objectif de déficit public de 5,4 % du PIB a toutes les chances d'être tenu, au prix, d'une part, des gels et surgels mis en place par le Gouvernement et, d'autre part, d'un non-respect partiel de la copie votée par le Parlement en commission mixte paritaire. Cela doit donc nous inciter à faire preuve de vigilance.

Comme il nous est difficile de chiffrer les mesures votées à l'Assemblée nationale, je reprends les montants avancés par le Gouvernement. Il semblerait que, à ce stade, ces mesures soient évaluées à 36 milliards d'euros.

Nous proposerons des baisses de dépenses, et je note, mes chers collègues, que vous vous employez à le faire sur vos missions, avec plus ou moins de réussite. Ce n'est jamais facile, mais il faut prendre du muscle pour gagner en performance. Les chiffres de la croissance, de la dette et du commerce extérieur montrent que la France n'est pas vraiment la première de la classe en Europe.

Monsieur Savoldelli, vous avez indiqué la ligne qui serait la vôtre durant la discussion du budget.

Monsieur Canévet, la croissance de 1 % est-elle atteignable ? Par rapport aux prévisions, elle est fixée à un niveau un peu élevé, mais il faut toujours faire preuve d'ambition. Je souhaite que nous ayons de bonnes surprises, à l'instar de ce qui s'est passé au troisième trimestre de cette année.

La croissance doit être portée par les acteurs économiques. Il faut travailler davantage pour gagner davantage, avec plus de personnes en activité. Entre les générations qui prennent leur retraite aujourd'hui et celles qui entrent dans la vie active, il y a un différentiel d'au moins 100 000 unités. Or il existe 500 000 emplois non pourvus. Nous marchons sur la tête !

Madame Senée, vous avez mis en exergue la taxe Zucman et la suspension de la réforme des retraites. Heureusement, il n'y a pas que cela ! Je ne fais pas partie de ceux qui opposent une génération à une autre. Il faut plutôt essayer de faire converger les points de vue.

J'évoquerai rapidement le sujet des retraites. J'ai entendu, lors du débat sur la réforme des retraites, que, entre 62 et 64 ans, c'était les plus belles années de la vie. Comme j'ai dépassé cet âge, cela m'attriste, mais je vous remercie, mes chers collègues, d'avoir contribué à rendre ces deux années particulièrement agréables !

Les collectivités doivent faire un effort de 4,6 milliards d'euros dans la copie du Gouvernement. La situation est la même que l'an dernier, lorsqu'on nous avait annoncé un effort de 5 milliards d'euros sans tenir compte d'un certain nombre d'autres paramètres : indices, revalorisation des salaires, Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Nous proposons un effort de de 2 milliards d'euros - et il serait bon que le Sénat le fasse de manière unanime.

Si l'on considère l'évolution de la dette entre 2019 et 2026, sur 40 euros d'augmentation, les collectivités pèsent pour 1,1 euro. Je propose donc au Gouvernement de s'occuper en priorité des 38,90 euros restants. Quant à nous, nous ferons notre part du travail. Ce ne sera pas facile, mais nous y arriverons. Nous proposerons d'autres solutions, y compris par rapport au dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) que nous avions imaginé.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur général.

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