C. LE FONDS NATIONAL D'AMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE (CHAPITRE 44-10 ET 65-00)
1. Une création de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire fragilisée dès la première année
Institué par l'article 33 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et mis en oeuvre par anticipation dès le 1er janvier de cette année dans le cadre de la loi de finances initiale pour 1995, le FNDAT a été créé pour regrouper six fonds qui apparaissaient distinctement jusqu'en 1994 dans le budget de l'Aménagement du territoire :
ï FIAT (Fonds d'intervention pour l'aménagement du territoire),
ï GIRZOM (Groupe interministériel pour la restructuration des zones minières)
ï FAD (Fonds d'aide à la décentralisation des entreprises privées),
ï FRILE (Fonds régionalisé d'aide aux initiatives locales pour l'emploi),
ï FIAM (Fonds d'intervention pour l'auto développement de la montagne),
ï FIDAR (Fonds interministériel de développement et d'aménagement rural).
En loi de finances initiale pour 1995, le FNADT avait été doté de moyens d'engagement supérieurs de près de 20 % à ceux accordés à ces 6 fonds l'année précédente.
a). Les principes de gestion : globalisation et fongibilité
Le gouvernement est allé, dans la pratique, plus loin que la loi d'orientation ne le prévoyait puisque le nouveau FNADT regroupe, outre les crédits des six fonds spécialisés expressément visés par l'article 33, également ceux afférents à divers démembrements de la DATAR : les commissariats à l'industrialisation, le réseau IFN (Invest in France Network) ainsi que l'association "Entreprises et territoires".
Le choix de la fongibilité totale des crédits d'intervention et d'équipement de l'aménagement du territoire est une volonté forte du gouvernement.
La globalisation jointe à une plus grande déconcentration vise, en effet, une plus grande souplesse de gestion, gage d'efficacité et de rapidité.
La DATAR s'est donc opposée à ce que la nomenclature d'exécution des chapitres FNADT repose sur une ventilation décalquée sur les fonds auxquels le FNADT s'est substitué. Le chapitre 65-00 "Fonds national d'aménagement et de développement du territoire" regroupe ainsi simplement quatre lignes fonctionnelles en exécution :
- crédits à gestion centralisée - aides à la décentralisation (ex-FAD),
- crédits à gestion centralisée - autres,
- crédits à gestion déconcentrée - contrats de plan État-région,
- crédits à gestion déconcentrée - autres.
L'impact de la globalisation et de la fongibilité des crédits rassemblés sous le FNADT est toutefois sensiblement limité par le caractère figé des crédits contractualisés en 1993. Tel est le cas de :
- 100 % des crédits (1) de l'ancien GIRZOM fondu dans le FNADT ;
- 90 % des crédits (1) du FRILE ;
- 70 % des crédits (1) du FIDAR (370 millions de francs sur 530 millions de francs) ;
- 30 % des crédits (1)1 ( * ) du FIAT.
En outre, les enveloppes dites des « commissaires de massif » prélevées jusqu'alors sur la dotation particulière de la DATAR (titre IV) ont été maintenues à leur niveau de l'exercice précédent diminué du montant du "gel" de 10% imposé à toutes les dépenses ordinaires en début d'exercice 1995 (soit, en fin de compte, une dotation de 31,5 millions de francs).
b). Les principes d'affectation : une double ventilation
Les dotations inscrites sur le FNADT font l'objet d'une double ventilation :
- entre crédits afférents aux contrats de plan État-Région et crédits non contractualisés ;
- entre crédits inscrits sur la section générale, gérés par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, et ceux dont la gestion sont déconcentrés auprès des préfets de région.
Sur le premier point, les crédits du FNADT mobilisés pour le financement des contrats de plan État-Région représentent 950 millions de francs par an. Dans ce total, environ 115 millions de francs sont destinés à des opérations interrégionales (Bassin parisien, régions de montagne). Le reliquat, soit un peu moins de 835 millions de francs, fait l'objet d'une répartition entre chacune des régions.
Les enveloppes régionalisées allaient en 1995, en métropole, de 10 millions de francs (Ile-de-France) à 218,5 millions de francs (Nord-Pas-de-Calais, compte tenu des crédits du GIRZOM entièrement contractualisés et fondus dans le FNADT, soit 121 millions de francs en 1994).
S'agissant ensuite de la répartition des crédits du FNADT entre une section générale et une section locale, la première contiennent les moyens destinés en priorité au financement d'actions d'une certaine importance ou à caractère exemplaire. C'est également sur la section générale que sont imputés les crédits pour le financement de programmes interrégionaux ainsi que ceux destinés aux aides à la décentralisation d'entreprises ( 2 ( * ) )
Enfin, la circulaire du 21 avril 1995 relative aux pays prévoit que si les territoires sélectionnés ne perçoivent aucune dotation incitative, une assistance technique et une capacité d'expertise peuvent en revanche leur être fournies grâce à des crédits dégagés sur la section générale du FNADT.
Les autres interventions sont financées sur la section locale dont le poids relatif est prépondérant.
Environ 55 % des moyens d'engagement (3 ( * )) affectés au FNADT devaient, en effet, être déconcentrés en 1995, soit 1.334,52 millions de francs. En pratique, ce taux de déconcentration était plus élevé puisque les crédits contractualisés à vocation interrégionale sont en fait délégués aux préfets de région après avoir transité par la section générale.
A côté des dotations de contrat de plan dont l'affectation présente un caractère automatique (834,52 millions de francs (4 ( * )) , les préfets de région devaient disposer en 1995 de 500 millions de francs (5 ( * )) pour financer des actions non contractualisées. Cette marge de manoeuvre accordée aux représentants de l'État était nouvelle, les crédits des fonds absorbés par le FNADT faisant jusqu'à présent l'objet d'attributions centralisées, décidées par les CIAT ou la DATAR.
Cette enveloppe à gestion déconcentrée doit être répartie chaque année entre les régions :
- dans une proportion de 75 % au prorata de la population comprise dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire (PAT) ou dans les territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP),
- dans une proportion de 25 % au prorata de la superficie régionale comprise dans les zones éligibles à la PAT ou dans les TRDP.
Ce dernier critère permet une prise en compte spécifique des zones rurales peu densément peuplées (Champagne, Bourgogne, Sud-est).
La région Ile-de-France ne reçoit aucune dotation au titre de l'enveloppe déconcentrée libre d'affectation. L'attribution dont le montant devait être, en 1995, le plus élevé était celle de la région Nord-Pas-de-Calais, avec 40 millions de francs. Toutefois, l'attribution par habitant la plus forte était celle de la région Corse (27 francs, soit une enveloppe de 6 millions de francs), suivie du Limousin (22 francs).
Enfin, le décret du 19 avril 1995, formalisant des décisions prises en CIAT en 1987, a prévu deux régimes en matière de taux de subventionnement à partir des crédits du FNADT :
- section à gestion locale déconcentrée (hors études et restructuration des zones minières) : de 30 % à 80 % ;
- section générale et part de la section locale consacrée aux financements d'études et d'opérations de restructuration des zones minières : aucun taux plancher ni plafond, subventionnement jusqu'à 100 %.
Pour conclure cette présentation, votre rapporteur s'interroge, en l'absence d'un premier bilan d'activité du FNADT, sur le contenu des actions financées en 1995 par le fonds. Plusieurs exemples attestent, en effet, à ses yeux, de la persistance des pratiques de "saupoudrages" des dotations et de la mise à l'écart d'actions structurantes au bénéfice d'opérations de prestige ayant peu à voir avec l'aménagement du territoire.
c) Les annulations sur le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (les arrêtés du 28 juin et du 15 novembre 1995)
Elles ont porté en priorité sur la principale innovation du FNADT : la section déconcentrée libre d'emploi. Un total de 333,4 millions de francs d'annulations a été imputé sur ces lignes sur une masse globale de 524,9 millions de francs de moyens d'engagement supprimés.
Compte tenu des dépenses déjà déléguées aux préfets au 30 juin sur la fraction libre d'emploi (166,6 millions de francs), les crédits disponibles ont été nuls pour cette fraction au cours du second semestre 1995.
Répartition des annulations sur le fonds national et de développement du territoire
(28.06.95)
• Chapitre 44-10
Section nationale : 19,3 millions de francs ;
Section déconcentrée, fraction libre d'emploi : 20,6 millions de francs.
Total : 39,9 millions de francs.
•
Chapitre 65-00 (autorisations de
programme)
:
Section nationale : 17 2,2 millions de francs ;
Section déconcentrée, fraction libre d'emploi : 31 2,8 millions de francs.
Total : 485 millions de francs.
L'arrêté d'annulation du 15 novembre dernier a donc porté par définition sur certains reports de l'exercice 1994 ainsi que sur les crédits restant disponibles sur la section nationale après la première répartition du début de l'année.
Une enveloppe de 19,42 millions de francs a ainsi été annulée le 15 novembre sur le chapitre 44-10 après l'annulation de 39,90 millions de francs le 28 juin. Au total, la réduction des crédits représente 14,41 % des dotations ouvertes en loi de finances sur ce chapitre.
Sur le chapitre 65-00, ce sont 235 millions de francs d'autorisations de programme et 75 millions de francs de crédits de paiement qui ont été annulés après la ponction de 485 millions de francs d'autorisations de programme et de 153,30 millions de francs de crédits de paiement en juin.
Au total, le FNADT-subventions d'investissement connaît une diminution de 35,87% des autorisations de programme et de 16,33% des crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale.
2. Une amputation accentuée des moyens d'engagement du FNADT dans le projet de loi de finances initiale pour 1996
Le projet de loi de finances pour 1996 propose de consolider les fortes réductions imposées par l'arrêté d'annulation du 28 juin 1995 sur le chapitre 65-00 : les autorisations de programme s'établissent à 1,5 milliard de francs, en diminution de près de 25 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 1995, mais de seulement 0,9 % par rapport à l'enveloppe disponible à l'issue de la loi de finances rectificative du 4 août 1995.
De même, la contraction des crédits de paiement correspondants (1,2 milliard de francs demandés) atteint - 11,9 % par rapport au budget initial de 1995 et - 1,1 % par rapport au dernier collectif budgétaire.
Le projet de loi de finances pour 1996 dépasse, en revanche, les limites atteintes par la loi de finances rectificative du 4 août dernier pour l'amputation des crédits du FNADT inscrits sur le titre IV : les dotations du chapitre 44-10 ne s'élèvent plus, en effet, qu'à 335 millions de francs, en diminution de 18,6% par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 1995 et encore de près de 10 % par rapport à l'enveloppe disponible au terme de la loi de finances rectificative du 4 août 1995.
Globalement, si l'on ne tient pas compte du tout récent arrêté d'annulation du 15 novembre dernier, les moyens d'engagement (6 ( * )) affectés au Fonds national d'aménagement du territoire sont donc en diminution constante : 2.418,5 millions de francs inscrits en loi de finances initiale pour 1995, 1.893,6 millions de francs au terme de la loi de finances rectificative du 4 août 1995 et 1.843,2 millions de francs demandés dans le présent projet de loi de finances initiale.
La répartition interne des économies ainsi réalisées n'est pas encore connue, mais il est clair qu'à l'instar de ce qui s'est passé en 1995, celles-ci ne pourront porter que sur la fraction hors contrat de plan État-Région et, au premier chef, sur la principale innovation du FNADT, la partie déléguée de cette fraction libre d'emploi.
* 1 Base 1994.
* 2 Actions auparavant financées à partir du FAD, l'un des six fonds spécialisés absorbés par le FNADT. Ces attributions sont exceptionnellement décidées non par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, mais par le comité interministériel d'aide à la localisation des activités (CIALA).
* 3 Dépenses ordinaires + autorisations de programme
* 4 Correspondant à la part des financements des contrats de plan individualisée région par région et signalée plus haut.
* 5 40 millions de francs sur le titre IV et 460 millions de francs sur le titre VI.
* 6 Les moyens d'engagement regroupent les dépenses ordinaires du titre IV et les autorisations de programme du titre VI