II. UNE GESTION ARCHAÏQUE
A. UNE ORGANISATION PEU RATIONNELLE
1. Une seule négociation salariale
Une seule négociation salariale est menée, avec l'ensemble des syndicats représentatifs, par le ministre chargé de la fonction publique : elle concerne la fonction publique d'État, mais aussi les fonctions publiques territoriale et hospitalière, dont les contraintes sont différentes, soit au total 4 millions et demi d'agents. Compte tenu des effectifs de retraités et pensionnés, ce sont près de 9 millions de personnes au total qui relèvent de la politique salariale de la fonction publique. D'une part, il est difficile d'imaginer qu'un accord rationnel puisse être adopté dans ces conditions, d'autre part les conséquences budgétaires -qui dépassent donc l'État- d'un tel accord sont par définition considérables.
2. Une gestion parisienne
La gestion des effectifs est très peu déconcentrée : la plupart des concours sont nationaux, les commissions paritaires se tiennent au niveau ministériel ; même des décisions qui pourraient apparaître mineures telles que l'approbation des demandes individuelles de temps partiel des agents remontent aux administrations centrales.
3. Un solide cloisonnement
Chaque ministère gère ses propres effectifs à partir des emplois budgétaires qui lui sont attribués : d'où une grande difficulté à organiser une mobilité des agents, même si certains corps (administrateurs civils, attachés d'administration centrale...) ont une vocation interministérielle théorique.
D'où, également, une absence d'affectation rationnelle des effectifs : des emplois d'ouvriers sont supprimés au ministère de la Défense, alors que d'autres ministères ouvrent des concours pour recruter des personnels ouvriers.
Ce cloisonnement s'exerce jusqu'au niveau territorial où il reste exceptionnel qu'un agent puisse effectuer une mobilité, sur demande, entre plusieurs services du même département.
Il a également pour conséquence l'absence d'une connaissance satisfaisante des effectifs réels et des régimes de primes, par le ministre chargé de la fonction publique.
B. LES CONTRAINTES DU STATUT DE LA FONCTION PUBLIQUE
1. Les obstacles à l'allocation des ressources humaines
• La gestion par corps
Le cloisonnement de la fonction publique est considérablement renforcé par la gestion par corps : il en existe 1.200, dont chacun a ses perspectives de carrière et son système indemnitaire propre, qui sont autant d'obstacles à une mobilité qui devrait pouvoir s'organiser à partir de détachements ou de mises à disposition.
• Les créations et suppressions
d'emplois
Les suppressions d'emplois de fonctionnaires en cours de carrière ne pouvant être pratiquées -aucun licenciement ni aucune mobilité forcée n'étant compatible avec le statut de la fonction publique- les suppressions ne sauraient donc jouer que sur les départs à la retraite non remplacés : or le nombre de départs annuels est de 46.000, dont 30.000 pour la seule Éducation nationale. Cette marge de manoeuvre vint d'ailleurs d'être encore réduite par le dispositif conventionnel, approuvé par le législateur, relatif aux cessations anticipées d'activité.
Par ailleurs les créations d'emplois doivent être soigneusement maîtrisées, puisqu'elles représentent un engagement budgétaire aussi long que la vie d'un fonctionnaire, la carrière puis la pension étant prises en charge par l'État.
2. L'absence d'indicateurs de gestion
La connaissance des effectifs réels par ministère -les effectifs réels pouvant être moins élevés que les emplois budgétaires si certains sont vacants, ou plus élevés s'il y a rémunération en "surnombre"- est en général très lacunaire, la base de la gestion étant d'une part la grille d'emplois budgétaires du ministère, d'autre part la carrière individuelle des agents, sans qu'il y ait recoupement de ces informations, et encore moins gestion prévisionnelle.