ARTICLE 8
Contribution sur les ventes directes de
médicaments
Commentaire : cet article, profondément
amendé par l'Assemblée nationale, tend à instituer une
contribution sur les ventes de médicaments réalisées
directement par les laboratoires aux officines pharmaceutiques, sans passer par
le réseau des grossistes-répartiteurs de
spécialités pharmaceutiques.
I. LE DROIT EXISTANT
Les grossistes-répartiteurs assurent l'essentiel de l'approvisionnement
en médicaments des pharmacies d'officine, et une partie de celui des
hôpitaux. Leurs 200 établissements constituent l'interface
indispensable entre les 320 laboratoires fabricants et les 22.500 pharmacies,
les ventes directes ne constituant que 10 % des ventes totales.
La qualité du service assuré par les
grossistes-répartiteurs est garantie par une réglementation
stricte. Un arrêté du 3 octobre 1962 impose en effet à tout
grossiste-répartiteur :
- de déclarer son secteur d'activité aux pouvoirs publics ;
- de fournir tout médicament à tout pharmacien du secteur
déclaré dans les 24 heures ;
- de disposer en permanence d'un stock correspondant à un mois de vente
et comportant au moins les 2/3 des spécialités commercialisables.
Un décret en Conseil d'Etat actuellement en préparation,
porterait à 90 % des spécialités commercialisables
cette dernière obligation, conformément à la directive
européenne n° 92-25 du 31 mars 1992, relative à la
distribution en gros de médicaments à usage humain.
Ces règles sont assimilables à des obligations de service
public
. En pratique, le délai moyen de délivrance d'un
médicament commandé par un pharmacien est de 2 heures.
En outre, le prix public des médicaments remboursables étant
unique, la marge revenant aux grossistes répartiteurs est fixée
réglementairement. Elle s'élève à 10,74 % du
prix fabricant hors taxe (arrêté du 21 mai 1997).
Les ventes de médicaments assurées par les grossistes se sont
élevées en 1996 à 70 milliards de francs au total,
dont
49,5 milliards de francs
au titre des médicaments
remboursés.
Trois grossistes se partagent 75 % du marché. Il s'agit de :
- OCP, filiale du groupe CEHE => 42 % du marché
- Alliance Santé, filiale du groupe Pessina => 30 % du marché
- Phoenix, ex Schulze-Ratiopharm => 3 % du marché.
Le reste des ventes, soit 25 %, est réalisé par des
coopératives.
Les ventes directes de médicaments ont atteint quant à
elles
5,5 milliards de francs
en 1996, ce qui représente 10 %
du marché.
Sur ces 5,5 milliards, les
laboratoires pharmaceutiques
ont
réalisé
2 milliards de francs
de chiffre d'affaires, le
reste des médicaments ayant été distribué par les
dépositaires pour le compte des fabricants.
Les laboratoires prélèvent donc directement la marge des
grossistes de 10,74 %, sans avoir à supporter les mêmes
obligations de service public.
I. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PRÉSENT
ARTICLE
Le présent article propose de " rétablir
l'égalité de traitement entre les circuits de distribution en
permettant la récupération
a posteriori
d'une partie de la
marge du grossiste auprès des laboratoires pharmaceutiques ", selon
l'exposé des motifs du projet de loi.
Il propose en conséquence de créer une contribution assise sur
les ventes en gros des seuls laboratoires pharmaceutiques. Il importe de
rappeler à cet égard qu'une contribution sur les ventes en gros
de médicaments existe déjà. L'encadré
ci-après en rappelle les grands principes.
Contribution à la charge des établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques et des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques
Cette contribution est acquittée par les grossistes et
par les laboratoires pharmaceutiques
sur leurs ventes en gros de
médicaments
remboursables
. Assise sur le chiffre d'affaires
hors taxes réalisé auprès des pharmacies, cette taxe a
été crée de façon conjoncturelle par la loi portant
diverses dispositions d'ordre social du 31 juillet 1991 et
pérennisée par la loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier du 4 avril 1996. C'est, la loi de financement de
la sécurité sociale du 26 décembre 1996 qui a
étendu le champ d'application de cette contribution aux ventes directes
effectuées par les laboratoires pharmaceutiques.
Le taux de cette contribution est, aux termes de l'article L. 138-2 du
code de la sécurité sociale, fixé trimestriellement selon
un barème progressif qui dépend du taux de progression du chiffre
d'affaires par rapport à l'année
précédente :
- 1,5 % si le chiffre d'affaires s'accroît d'au moins 6 % ;
- 1,35 % si la progression de ce CA est comprise entre 5 % et moins
de 6 % ;
- 1,2 % si cette progression est comprise entre 2 % et moins de
5 % ;
- 1,2 % si cette progression est comprise entre 0 % et moins de
2 % ;
- 0,75 % si la diminution du CA est comprise entre 0 % et moins de
3 % ;
- 0,5 % si le chiffre d'affaires diminue de plus de 3 %.
Le produit de cette contribution est réparti entre les régimes
d'assurance maladie qui financent le régime des praticiens et
auxiliaires médicaux conventionnés. Il a atteint 869 millions de
francs en 1996 et est estimé à 881 millions de francs pour 1997.
La contribution prévue par le présent article est strictement
calquée, pour son assiette, son mode de recouvrement et son mode de
versement, sur la contribution présentée ci-dessus. Elle s'en
distingue néanmoins sur deux points :
- son produit est versé à la caisse d'assurance maladie des
travailleurs salariés ;
- son taux est unique.
Initialement fixé à 6,63 %, ce taux a été
porté à 2,5 % par les députés
. Dans son
rapport
2(
*
)
, le rapporteur de la
commission des affaires sociales, M. Claude Evin, fait en effet valoir
qu'après soustraction de cette contribution au taux de 6,63 % et du
taux maximum de remise que les grossistes-répartiteurs sont
autorisés à consentir à leurs clients (2,5 %) au taux
limite de marge des grossistes-répartiteurs (10,74 %), il ne serait
resté que 1,61 % du prix fabricant hors taxe pour
rémunérer le circuit de distribution du laboratoire
pharmaceutique. Sur cette marge brute, il aurait fallu de surcroît
prélever la contribution sur les ventes en gros. Une telle mesure aurait
risqué, selon M. Evin, de compromettre sérieusement l'avenir
des ventes directes de médicaments remboursables.
Un taux de 2,5 % préserve en revanche une marge brute de
5,74 % aux laboratoires, avant contribution.
Pour gager la perte de recettes induite par la diminution du taux de la
contribution et maintenir constante le produit attendu de la présente
disposition, soit 300 millions de francs,
les députés ont
majoré de 0,22 % chacun des taux de la première contribution
sur les ventes en gros
de spécialités pharmaceutiques.
Ils ont en outre invité le Gouvernement à engager une
réflexion au cours de l'année qui vient sur l'ensemble du
problème de la distribution du médicament. Le rapporteur du
projet de loi a ainsi estimé qu'une "
remise à plat
était nécessaire pour que la mission de service public soit
garantie et que la distribution se fasse dans de bonnes
conditions
".
Votre commission des finances souscrit entièrement à ce point de
vue. Il apparaît en effet qu'en tentant de répondre au souci
légitime d'égaliser les conditions de concurrence entre les
grossistes-répartiteurs et les laboratoires pharmaceutiques, le
présent article accroît parallèlement la charge pesant sur
les ventes en gros de médicaments, donc sur les
grossistes-répartiteurs, ce qui est en partie contradictoire avec
l'objectif recherché.
En outre, votre rapporteur rappelle, comme il l'avait relevé lors de
l'institution de la contribution sur les ventes en gros, qu'une taxe de ce type
n'est pas intellectuellement satisfaisante. En effet, il ne s'agit pas d'un
outil de régulation des prix, qui sont fixés administrativement,
ni de modération des dépenses de médicaments, qui ne sont
pas prescrits par les redevables de la taxe. Il s'agit en fait de
réinjecter dans le circuit une partie des fonds de l'assurance maladie
gaspillés par la surconsommation pharmaceutique propre à la
France.
Cette taxe risquerait enfin de pénaliser les 27 dépositaires, qui
agissent comme prestataires
3(
*
)
pour le compte des fabricants, en amenuisant leur commission de prestation.
Il convient donc, avant toute institution d'une taxe sur les ventes
directes, de mettre à plat les conditions de la concurrence, afin
d'évaluer le coût exact de la mission de service public
assurée par les grossistes répartiteurs. Il sera ensuite loisible
au Gouvernement de mettre à la charge des laboratoires un
prélèvement spécifique pour égaliser les conditions
de concurrence.
Décision de la commission : votre commission émet un avis
défavorable à l'adoption de cet article dans sa rédaction
actuelle et propose d'adopter l'article tel qu'amendé par la Commission
des affaires sociales.