ARTICLE 19
Mise sous conditions de ressources des allocations
familiales
Commentaire : cet article tend à créer un
plafond de ressources pour les allocations familiales, qui serait fixé
à 25.000 francs pour un couple, avec des majorations de 7.000 francs
pour les couples biactifs ou les familles monoparentales et de 5.000 francs par
enfant à partir du troisième.
I. LA MESURE PROPOSEE
Le premier alinéa du
paragraphe I
du présent article
complète l'article L. 521-1 du code de la sécurité
sociale, qui dispose simplement, dans sa rédaction actuelle, que
"les
allocations familiales sont dues à partir du deuxième enfant
à charge résidant en France."
Un deuxième alinéa pose le principe d'un plafond de ressources,
fixé par décret, et de sa modulation en fonction du nombre
d'enfants.
Un troisième alinéa pose le principe de la majoration du plafond
lorsque les deux membres du couple disposent d'un revenu professionnel ou que
la charge des enfants est assurée par une personne seule.
L'Assemblée a complété le texte proposé pour
l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale par un
alinéa selon lequel
"les événements susceptibles de
modifier le revenu professionnel tels que divorce, décès ou
chômage sont,
dans les meilleurs délais
, pris en compte
pour l'attribution de ces allocations".
L'objectif de cette disposition
paraît louable, mais son caractère réellement normatif
douteux.
Le cinquième alinéa prévoit l'indexation du plafond de
ressources sur l'indice des prix hors tabac, comme la BMAF, et le
sixième alinéa pose le principe d'allocations
différentielles lorsque les ressources du couple n'excèdent le
plafond que d'un montant limité, afin de prévenir les effets de
seuil.
Le
paragraphe II
transpose ces règles à l'article L.
755-11, qui définit les allocations familiales dans les
départements d'Outre-mer. En effet, le régime des prestations
familiales dans les DOM est spécifique : les allocations familiales sont
versées dès le premier enfant, tandis que les prestations sous
conditions de ressources sont versées avec des plafonds
inférieurs de 10,39 % à ceux de la Métropole.
L'Assemblée nationale a modifié le texte initial afin que les
plafonds de ressources soient strictement identiques en Métropole et
dans les DOM, alors que le Gouvernement avait fait part de son intention de
fixer des plafonds de ressources inférieurs pour les DOM.
Le
paragraphe IV
étend les règles de plafonnement des
allocations familiales aux personnels de l'Etat et des collectivités
locales visés à l'article L. 755-10 du code de la
sécurité sociale.
Selon les indications fournies par le Gouvernement, le plafond de ressources et
ses majorations seront fixés par voie réglementaire aux niveaux
suivants :
- 25.000 francs pour le revenu net mensuel au-delà duquel les
allocations ne seront plus versées ;
- 7.000 francs pour la majoration prévue au bénéfice des
couples biactifs et des familles monoparentales ;
- 5.000 francs pour la majoration prévue pour chacun des enfants
à partir du troisième.
Le jeu combiné de ces règles aboutirait aux seuils d'exclusion
suivants :
Seuils d'exclusion des allocations familiales
Famille monoactive |
2 enfants |
3 enfants |
4 enfants |
Plafond à partir duquel les allocations sont réduites par un mécanisme différentiel |
300.000 F |
360.000 F |
420.000 F |
Seuil de suppression des allocations |
311.083 F |
385.300 F |
459.500 F |
Famille biactive ou monoparentale |
2 enfants |
3 enfants |
4 enfants |
Plafond à partir duquel les allocations sont réduites par un mécanisme différentiel |
384.000 F |
444.000 F |
504.000 F |
Seuil de suppression des allocations |
395.083 F |
469.300 F |
543.500 F |
Enfin, le
paragraphe V,
qui a été
ajouté par l'Assemblée nationale, dispose que
"la mise en
oeuvre d'un plafond de ressources pour le versement des allocations familiales
prévue au présent article est transitoire.
Elle s'appliquera jusqu'à ce que soit décidée une
réforme d'ensemble des prestations et des aides fiscales aux familles,
que le Gouvernement mettra en oeuvre, dans un objectif de justice et de
solidarité, après avoir réorienté le système
existant."
Cette déclaration d'intention dépourvue de toute portée
normative n'a évidemment pas sa place dans le code de la
sécurité sociale. Mais elle traduit le fait que le Gouvernement
n'a pas convaincu sa propre majorité, et que celle-ci a voté la
mise sous conditions de ressources des allocations familiales avec des remords.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
La mesure qui fait l'objet du présent article a été
présentée par le Gouvernement comme une mesure "de
solidarité" alors qu'il s'agit manifestement d'une mesure de pure
économie, dont le rendement attendu s'élève à 4
milliards de francs.
Votre commission des finances a bien conscience de la
gravité de la situation financière de la branche famille, mais
estime que les mesures nécessaires pour réduire son
déficit prévisionnel
de -11,8 milliards de francs ne
peuvent pas se limiter à une redistribution entre les familles les plus
modestes et les familles aisées.
Par ailleurs, le Gouvernement a délibérément ignoré
l'avis des organisations principalement intéressées. En effet, la
CNAF, par la voix de son président, M. Jean-Paul Brobst, a
exprimé sa préférence pour une fiscalisation des
allocations familiales, dont le produit estimé à 6 milliards de
francs serait ensuite recyclé au profit de la branche famille d'une
manière ou d'une autre. Pour sa part, l'UNAF a présenté
des contre-propositions tendant à maintenir les allocations sans
condition de ressources et à moduler le plafond du quotient familial.
Enfin, sur le fond, la mesure proposée par le présent article
apparaît contraire aux fondements de la politique familiale, qui repose
sur une logique d'équité horizontale, pour un même niveau
de revenu, entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n'en ont pas.
Votre rapporteur pour avis veut citer à ce propos un extrait de
l'analyse consacrée dernièrement au plafonnement des allocations
familiales par l'OFCE
12(
*
)
,
organisme qui n'est pas réputé systématiquement hostile
à la politique du Gouvernement :
"Le projet de plafonnement des
allocations familiales soulève la question de la situation des familles
avec enfants, de revenus moyens ou élevés. Certains estiment
qu'en période d'aggravation de la fracture sociale et de
difficultés des finances publiques il serait souhaitable de supprimer
leurs allocations familiales (qui déjà ne représentent
qu'une faible part de leur revenu) et de remettre en cause le quotient familial
pour concentrer l'aide sur les plus pauvres (ou pour réduire le
déficit public).
Pourtant, la comparaison avec les personnes sans enfants de même niveau
de salaires montre que ces familles ne sont en rien favorisées : l'aide
apportée par les allocations est faible par rapport au coût des
effectif des enfants ; le quotient familial correspond à la logique de
l'impôt progressif et non pas à un privilège fiscal.
Certes, ces familles ne sont pas les plus à plaindre, mais elles ne
bénéficient en rien d'allocations exorbitantes ou de
privilèges fiscaux. En plus de leur travail, elles contribuent à
préparer les générations futures.
Il serait
profondément malsain que les cadres subissent des pertes de niveau de
vie trop importantes en ayant des enfants. La société a besoin
d'enfants à tous les niveaux de revenus
. Le plafonnement des
allocations familiales aurait pour effet d'aggraver la disparité des
niveaux de vie entre cadres, avec et sans enfants."
Décision de la commission : votre commission vous propose la
suppression de cet article.