ARTICLE 12
Modification des tarifs des taxes intérieures de
consommation
sur les produits pétroliers et sur le gaz naturel
Commentaire : le présent article prévoit
:
- une augmentation spécifique des taux de la TIPP applicables à
l'ensemble des carburants routiers de 8 centimes par litre ;
- une augmentation générale des taux relatifs aux autres produits
pétroliers et assimilés ainsi que de la TICGN (taxe
intérieure de consommation sur le gaz naturel) à hauteur de la
hausse prévisible des prix à la consommation, c'est-à-dire
+1,3 %.
I. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
A. L'AUGMENTATION DU TARIF DE LA TIPP SUR LES CARBURANTS
ROUTIERS
Les carburants routiers - supercarburant plombé, supercarburant sans
plomb, essence et gazole - sont à l'origine d'environ 95 % des
recettes de la TIPP, ce qui explique le traitement particulier dont ils font
généralement l'objet à l'occasion de chaque loi de
finances.
Le présent article propose de relever, dans une proportion
supérieure de un point à l'inflation, le tarif qui leur est
applicable à compter du 11 janvier 1998, en le majorant de 8 centimes
par litre (soit 8 francs par hectolitre). Il s'agit d'une progression moyenne
de 2,3 %.
Le tableau ci-après retrace les taux votés pour 1997 et les
propositions du présent article, ainsi que les taux de progression :
La revalorisation ainsi proposée présente trois
caractéristiques:
Elle est plus élevée que celle opérée dans la loi
de finances pour 1997 (+ 7 centimes) et que celle opérée
dans la loi de finances pour 1996 (+ 5,71 centimes).
En valeur absolue, elle maintient l'écart de taxation existant entre le
supercarburant sans plomb, le super plombé, l'essence et le
gazole ; un tel " gel " des écarts marque une inflexion
par rapport à la loi de finances pour 1997, qui, pour montrer le souci
du Gouvernement de lutter contre la pollution, avait accru d'un centime
supplémentaire le tarif de la TIPP applicable au supercarburant
plombé.
Il convient de rappeler à cet égard que le supercarburant
plombé représente encore près de la moitié du
supercarburant vendu en France, alors qu'il en représente 5 %
seulement en Allemagne et n'est plus utilisé dans les pays nordiques.
De plus, à cette hausse annuelle de la TIPP s'ajoutera la TVA au taux de
20,6 % d'où une augmentation totale voisine de 10 centimes par
litre pour les supers et le gazole.
En valeur relative, elle revient à restreindre cet écart puisque
le taux de la TIPP applicable au gazole est plus faible. Ainsi, une hausse de 8
centimes correspond à une augmentation relative de la taxe sur le gazole
de 3,44 % contre 1,98 % pour le supercarburant plombé et
2,13 % pour le supercarburant sans plomb.
Néanmoins, il importe de souligner que la valeur significative pour le
consommateur est l'augmentation en valeur absolue et non l'augmentation en
valeur relative.
De plus, malgré cette disposition, l'avantage fiscal relatif
accordé au gazole fait de la France une exception au sein de l'Union
européenne.
Le tableau ci-après démontre, d'une part, le poids important de
la charge fiscale dans le prix des carburants vendus en France, et, d'autre
part, le poids très important des droits d'accises pesant sur les
supercarburants. S'agissant du gazole, la France se situe dans la moyenne
supérieure des pays de l'Union européenne.
Cette fiscalité " relativement " plus favorable du gazole
explique en grande partie la forte progression, au cours des dernières
années, de la consommation de ce produit par rapport aux autres
carburants routiers. Le graphique ci-après, qui retrace
l'évolution du rendement de la TIPP par type de carburant,
reflète cette progression :
B. L'AUGMENTATION GÉNÉRALE DE 1,3 %
DU TARIF DE LA TIPP APPLICABLE AUX AUTRES PRODUITS PÉTROLIERS ET DE LA
TICGN
1. Les dispositions initiales
Le présent article propose qu'à compter du 11 janvier 1998, le
tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits
pétroliers autres que les carburants routiers soit augmenté de
1,3 %.
On remarque en effet que, depuis la loi de finances pour 1992, et
conformément à la directive communautaire n° 92/81 dite
" directive structures ", l'augmentation du tarif de la taxe
intérieure de consommation sur le gaz naturel livré à
l'utilisateur final n'est plus effectuée en même temps que celle
du tarif de la TIPP, qui concerne les seuls produits pétroliers, mais
fait l'objet d'une disposition séparée.
Le montant de l'actualisation, soit 1,3 % correspond au taux de la hausse
prévisible des prix pour 1998, tabac inclus.
2. Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale
Les députés ont réduit de 5,7 et 5,9 centimes
respectivement les taux de la TIPP sur le GPL (mélange spécial de
butane et de propane), d'une part, et sur le gaz naturel comprimé
destiné à être utilisé comme carburant, d'autre
part. Il s'agit par ces baisses respectives de 7,77 % et 8,68 %,
d'encourager le développement du parc de véhicules utilisant ces
deux carburants " propres ".
Le rapporteur général de la commission des finances de
l'Assemblée nationale rappelle à cet égard que la
diminution de la TIPP sur le GPL, de un franc par litre en janvier 1996, semble
avoir produit ses fruits puisque le nombre de stations délivrant du GPL
est passé de 600 en 1995 à 730 fin 1996. 200 stations
supplémentaires devraient ouvrir en 1997. Les ventes de GPL ont par
ailleurs considérablement crû (36.413 tonnes en 1996 contre 21.174
en 1995, soit une hausse de 72 %).
II. QUELLES ORIENTATIONS POUR L'AVENIR ?
A. LE RÉÉQUILIBRAGE DE LA FISCALITÉ DU GAZOLE SUR
CELLE DES AUTRES CARBURANTS DOIT ÊTRE PROGRESSIVEMENT
ENGAGÉ
La nécessité de rééquilibrer la fiscalité du
gazole par rapport à celle des autres carburants routiers ne fait plus
de doute.
Les arguments sont connus. Ils ressortent du rapport sur l'utilisation du
gazole transmis par le Gouvernement au Parlement en octobre 1996, en
application de la loi de finances pour 1996 :
le différentiel de taxation entre le super sans plomb et le gazole est,
à 1,43 F/l, de loin le plus élevé d'Europe
(l'écart de prix TTC est de près de 1,8 F/l en faveur du
gazole) ;
par ailleurs, la France est avec le Portugal le seul pays d'Europe qui
favorise les possesseurs de véhicules diesel par le biais du mode de
calcul de la puissance fiscale qui constitue l'assiette de la vignette ;
ces deux dispositions, combinées avec la possibilité ouverte aux
entreprises de déduire à hauteur de 50 % la TA qui a
grevé leur consommation de gazole pour certains
véhicules
17(
*
)
, ont eu
pour conséquence d'orienter le choix des consommateurs vers les
véhicules diesel : la part du diesel dans l'ensemble du parc
automobile français est de 36 % et 41 % des nouvelles
immatriculations de véhicules particuliers concernent le diesel.
Or, les inconvénients des particules en suspension émises par les
véhicules diesel sur la qualité de l'air sont
avérés par de nombreuses études convergentes.
De plus, la déformation de la structure de consommation des carburants
sous l'effet de la fiscalité fait diverger de plus en plus lourdement la
demande par rapport aux possibilités de l'outil de raffinage
français. Cela se traduit par l'obligation d'importer du gazole et
d'exporter, à bas prix, le surplus d'essence, d'où un
affaiblissement de ce secteur économique.
Par ailleurs, le développement du carburant le moins taxé (le
gazole) au détriment du plus taxé (le super) altère
significativement les recettes de l'Etat. Une réduction de
l'écart actuel au niveau de l'écart moyen constaté dans
l'Union européenne générerait un supplément de
recettes de l'ordre de 14 milliards de francs.
Enfin, les raisons qui justifiaient le maintien d'une fiscalité plus
favorable pour le gazole ont disparu : en effet, les progrès
réalisés par la motorisation diesel ont considérablement
accru leurs performances et le souci de maintenir l'indépendance
énergétique de la France en privilégiant les
véhicules les plus économes en carburant est moins prioritaire
qu'il ne l'a été.
Certes, un rééquilibrage trop abrupt entre la fiscalité du
gazole et celle des autres carburants risquerait de pénaliser
indûment tous les utilisateurs de véhicules diesel et l'industrie
automobile française. Mais
il convient, de continuer, comme le
Sénat l'a fait à deux reprises, à adresser des signes aux
consommateurs et aux constructeurs pour qu'ils adaptent leurs comportements.
C'est d'ailleurs l'avis du rapporteur de la commission des finances de
l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, qui écrit dans son
rapport
18(
*
)
:
" Le souci de protéger l'environnement et la santé des
Français permet de conclure à la nécessité d'un
rééquilibrage de la fiscalité sur les
carburants. "
C'est pourquoi, dans la continuité de ses travaux, votre commission a
donné mandat à votre rapporteur général de lui
présenter, lors de sa prochaine réunion, un amendement d'appel
éventuellement similaire à celui qu'elle avait
déposé lors de la discussion de la loi de finances pour 1996. Il
s'agissait de réduire, par rapport aux augmentations proposées
par le présent article, la hausse du taux de la TIPP proposée
pour le supercarburant sans plomb et pour le supercarburant plombé (dans
une moindre mesure pour celui-ci), et d'accroître à due proportion
le taux de la TIPP sur le gazole.
En outre, pour ne pas pénaliser les transporteurs routiers, cet
amendement d'appel exonérerait les véhicules utilitaires lourds
de la fraction de l'augmentation excédant celle prévue par le
Gouvernement.
B. LA RÉFORME DU MODE DE CALCUL DE LA PUISSANCE FISCALE
DES VÉHICULES DOIT ÊTRE MISE EN OEUVRE
Il importe de rappeler que
le rapport sur les modalités de calcul de
la puissance fiscale des véhicules demandé par le Sénat
dans la loi de finances pour 1997 n'a toujours pas été
déposé par le Gouvernement
. Or la loi lui faisait obligation
de déposer ce rapport avant le 30 juin 1997.
Là encore, le rapporteur général de la commission des
finances de l'Assemblée nationale rejoint votre commission des finances
pour estimer que "
ce dossier ne saurait rester en
l'état
".
En effet, les règles permettant de déterminer la puissance
fiscale des véhicules, sur laquelle trois taxes sont assises (vignette,
carte grise et taxe sur les véhicules de société),
figurent dans des circulaires ministérielles, notamment du 28
décembre 1956 et du 23 décembre 1977, auxquelles l'article 35 de
la loi de finances rectificative pour 1993 a donné valeur
législative.
Ces règles reposent sur l'équation suivante : P = m (0,0458
C
/K) 1,48
Dans cette formule, m est un coefficient qui vaut 1 pour l'essence et 0,7 pour
le gazole, C représente la cylindrée du moteur et K est un
paramètre caractérisant la transmission du mouvement.
Il en ressort qu'à cylindrée égale, les voitures
à moteur diesel bénéficient d'un double avantage par
rapport aux voitures à moteur essence :
un coefficient 0,7 au lieu de 1,
un paramètre K plus favorable, les moteurs diesel tournant en
général moins vite que les moteurs essence.
Dans ces conditions, la puissance fiscale d'un moteur diesel est de 20 à
30 % inférieure à celle d'un moteur essence correspondant,
ce qui signifie un écart de 1 à 2 CV dans le bas de gamme, de 2
à 3 CV dans le milieu de gamme, et de 3 à 5 CV dans le haut de
gamme.
Ces dispositions techniques entraînent des écarts de taxation,
pour la vignette et les cartes grises, difficilement compréhensibles au
regard des catégories de véhicules concernées. Ainsi, une
Peugeot 406 diesel (SV 2 l TD) acquitte-t-elle 458 francs de vignette seulement
contre 1.086 francs pour la Peugeot 406 essence (SV 1,8 l auto). Pour la carte
grise l'écart est de 560 francs.
Votre commission s'étonne donc du manque de diligence montré par
le Gouvernement dans la remise de ce rapport et rappelle que la distorsion de
concurrence engendrée par le mode de calcul de la puissance fiscale des
véhicules appelle une adaptation rapide des textes en vigueur.
Décision de la commission : votre commission a
réservé son vote sur cet article, pour les raisons figurant dans
le commentaire ci-dessus.