ARTICLE 13 bis
Aménagement du régime des donations
partage
Commentaire : le présent article a pour objet de
proroger d'un an le dispositif favorable aux donations partage.
A l'initiative du gouvernement, l'Assemblée nationale a
décidé de proroger d'un an le dispositif en faveur des donations
partages, mis en place, à l'initiative de votre commission des finances,
par la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier.
Ce dispositif prévoyait, notamment, l'instauration d'une période
transitoire pendant laquelle l'ensemble des donations réalisées
par les donateurs âgés de soixante-cinq révolus mais de
moins de soixante quinze ans bénéficierait des réductions
de droits applicables aux donateurs âgés de moins de soixante-cinq
ans. Cette période vient à expiration au 31 décembre 1997.
Le gouvernement propose de la proroger jusqu'au 31 décembre 1998.
Votre commission des finances se félicite que le dispositif qu'elle a
contribué à mettre en place soit ainsi prorogé et vous
demande d'adopter cet article sans modification.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 14
Aménagement du régime
d'aide fiscale
à l'investissement outre-mer
Commentaire : le présent article a pour objet
d'aménager le régime d'aide fiscale à l'investissement
outre-mer.
Cet article avait, dans sa
rédaction initiale
, pour seul objet
d'encadrer plus strictement certains aspects
du régime d'aide
fiscale à l'investissement outre-mer, dit " loi Pons ",
tout en
conservant,
dans leurs principes et leurs modalités,
les
composantes essentielles de ce dispositif
.
Dans un double souci de maîtrise de la dépense fiscale et
de limitation de l'avantage fiscal afférent aux investissements
outre-mer, l'Assemblée nationale a cependant décidé, en
outre, de
supprimer une des composantes essentielles de l'avantage fiscal
lié à l'investissement outre-mer
.
Mesurant l'enjeu d'une telle décision, votre commission des finances a
le devoir de
mettre en lumière
les conséquences
potentielles
de la suppression de cet avantage, avant de proposer au
Sénat une
démarche mesurée et responsable
dans ce
domaine.
I. UN DISPOSITIF INITIAL ACCEPTABLE
Dans sa rédaction initiale, cet article comportait, en effet
exclusivement des adaptations limitées dont l'économie
générale paraît acceptable.
Sur le plan formel tout d'abord, le présent article a pour objet de
scinder en deux ensembles distincts le dispositif actuellement en vigueur de
l'article 238
bis
HA du code général des impôts. Il
introduit donc deux articles nouveaux dans ce code respectivement
consacrés, l'un aux déductions ouvertes aux contribuables
relevant de l'impôt sur le revenu (article 163
duovicies
du code
général des impôts) et l'autre aux déductions des
contribuables relevant de l'impôt sur les sociétés (article
217
decies
du code général des impôts).
Ce transfert des dispositions de l'article 238
bis
HA du code
général des impôts n'est cependant pas effectué
" à droit constant ", puisqu'un certain nombre de
" corrections " accompagnent le transfert de ces
dispositions.
Ces corrections concernent :
· les investissements réalisés par les entreprises soumises
à l'impôt sur les sociétés (IS), pour lesquels les
subventions publiques seront exclues de la base
défiscalisable
;
· les investissements réalisés par les entrepreneurs
individuels et les sociétés soumises au régime fiscal des
sociétés de personnes, la déduction fiscale serait
pratiquée sur le revenu net global de l'investisseur et non sur les
résultats imposables de l'entreprise constituée à cet
effet. Cette mesure a pour objet
d'éviter de réduire la base
du revenu retenue pour le calcul du plafonnement de l'impôt de
solidarité sur la fortune
du montant des sommes déduites dans
le cadre d'investissements d'entreprises soumises à l'impôt sur le
revenu ;
· le régime de la délivrance de l'agrément est
précisé pour y intégrer explicitement le critère de
création ou de maintien de l'emploi
dans les DOM-TOM.
L'ensemble de ces mesures " correctrices " est apparu
acceptable
à votre commission des finances.
II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Au dispositif décrit ci-dessus, l'Assemblée nationale a
cependant apporté une modification substantielle. Celle-ci a en effet
supprimé le paragraphe III du texte proposé par cet article pour
l'article 163
duovicies
du code général des impôts.
La suppression de ce paragraphe entraîne la
disparition de
l'exception
à la " tunnélisation "
des
déficits provenant d'activités relevant des
bénéfices industriels et commerciaux (BIC) non professionnels qui
subsistait en faveur des investissements outre-mer.
Ainsi, les investissements outre-mer seraient, en cas d'adoption
définitive de cette mesure, soumis au régime résultant de
l'article 72 de la loi de finances pour 1996.
A cet égard, il s'agit tout d'abord de
rappeler la signification
de ce qu'il est communément convenu d'appeler
la
" tunnélisation " des déficits BIC non
professionnels
, avant de souligner les
lourdes conséquences de
son application aux investissements en outre-mer
.
A. LA " TUNNÉLISATION " DES DÉFICITS BIC NON
PROFESSIONNELS
L'article 72 de la loi de finances pour 1996 a, en effet,
aménagé les modalités d'imputation des déficits
relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) en
pratiquant une distinction entre les BIC professionnels, pour lesquels la
possibilité d'imputation du déficit sur le revenu global a
été maintenue et les BIC non professionnels, pour lesquels les
déficits ne peuvent plus s'imputer que sur des
bénéfices de même nature
(" tunnélisation ")
.
Il s'agissait en effet de
supprimer un " levier
fiscal " à
l'investissement des particuliers dans le domaine industriel et commercial
,
qui bénéficiait en particulier au secteur de l'hôtellerie,
dans la mesure où l'équipement hôtelier apparaissait en
France comme étant en surcapacité.
Concrètement, cette " tunnélisation " des
déficits BIC non professionnels
empêche le contribuable de
déduire ces déficits de son revenu global, ce qui en pratique
revient à supprimer un avantage fiscal
, puisque, dans la
quasi-totalité des cas, les contribuables ne disposent pas des revenus
industriels et commerciaux sur lesquels ils pourraient imputer leurs
déficits industriels et commerciaux.
Cette disposition prévoyait explicitement une
exception en faveur
des investissements outre-mer, en raison des contraintes économiques
particulières de ces territoires et de la nécessité d'y
attirer des investissements privés
.
Cette exception a été prévue dans la mesure où la
possibilité de déduire les déficits BIC du revenu global
constitue un complément essentiel du dispositif spécifique
d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer, dit " loi
Pons ".
Or, la suppression de ce " deuxième étage " de
l'incitation fiscale à l'investissement outre-mer que comporte le
présent article est de nature à entraîner une importante
diminution de ces investissements.
B. UNE MESURE LOURDE DE CONSÉQUENCES POUR L'INVESTISSEMENT
OUTRE-MER
Au regard des conditions économiques prévalant en outre-mer,
force est de constater que l'existence d'un
puissant " levier
fiscal "
est une
condition déterminante de
l'investissement
sur ces territoires.
En effet, la
décision d'investir en outre-mer
ne relève
pas, en général, de la pure rationalité économique,
dans la mesure où il s'agit d'un contexte très risqué pour
l'investissement. Investir en outre-mer, du point de vue de l'investisseur,
relève en effet fondamentalement d'une
logique de capital-risque
.
Les " marchés " que constituent ces territoires comportent
en
effet des caractéristiques difficiles dues, en particulier, à
leur faible dimension et à l'environnement très concurrentiel
dans lequel il se trouvent.
C'est pourquoi les Gouvernements successifs ont tenté de
remédier au très faible flux d'investissement productif
qui caractérisait ces territoires en instituant un régime d'aide
fiscale.
A cet égard, il convient de citer quelques extraits du rapport
d'information de M. Alain Richard, alors rapporteur général de la
commission des finances de l'Assemblée nationale, sur la
fiscalité dans les départements d'outre-mer (n° 2215 du
11 juillet 1991). Les conclusions de ce rapport sont en effet d'autant plus
marquantes qu'elles ont été rédigées par une
personnalité qu'on ne peut guère suspecter de complaisance et
à une époque où le système d'incitation fiscale
n'avait pas encore été redéfini.
"
Ces critiques ne sont pas infondées, mais doivent être
maniées avec précaution. Somme toute, elles s'appliquent à
l'ensemble des aides fiscales et de plus elles restent difficiles à
évaluer concrètement, surtout si l'on admet que
l'abaissement
du seuil de rentabilité est la
condition sine qua non
de la
réalisation effective de l'investissement
." (p. 32)
"Quoiqu'il en soit, le légitime souci d'éviter quelques
dérapages réels
ne doit pas conduire à remettre en
cause un dispositif qui, globalement, fonctionne correctement
." (p.
36)
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : LA NÉCESSITÉ D'UNE
DÉMARCHE RESPONSABLE
On peut en récuser le principe, mais force est de constater que la
puissance de l'incitation fiscale fonde, pour l'essentiel, la
décision d'investir en outre-mer
.
A cet égard, la
fragilité économique et sociale de ces
territoires commande à la plus extrême prudence
lorsqu'il
s'agit de modifier l'équilibre du système d'incitation fiscale
à y investir et,
a fortiori
, lorsqu'il est question de
réduire la portée de ce dispositif.
C'est pourquoi, après avoir souligné l'importance des effets de
cette incitation fiscale, votre commission des finances vous proposera
d'amender le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.
A. LA "LOI PONS" : UN DANGEREUX PROCÈS EN SORCELLERIE
1. Les grandes règles du régime d'aide fiscale à
l'outre-mer
Le mécanisme institué par la loi Pons prévoit un
régime d'aide fiscale en faveur des investissements productifs
réalisés dans les départements et les territoires
d'outre-mer. Ce dispositif a été institué par la loi de
finances rectificative du 11 juillet 1986. Il a, depuis lors, été
modifié à plusieurs reprises par les textes suivants :
la loi de finances pour 1992 du 30 décembre 1991 qui a notamment
instauré la procédure d'agrément dans certains secteurs
économiques ;
la loi de finances rectificative pour 1993 du 22 juin 1993
la loi de finances pour 1994 du 30 décembre 1993
la loi de finances pour 1996 du 30 décembre 1995
Comme on le voit, ce dispositif qui a pour objet d'accorder une aide fiscale
aux investissements réalisés dans des secteurs
considérés comme prioritaires pour le développement
économique et social de l'outre-mer a donc été
régulièrement modifié afin d'adapter ce dispositif
à ces objectifs.
Ce régime fiscal comporte
deux aspects selon que l'investissement est
effectué par une entreprise ou par une personne physique
.
Le principe pour
les entreprises est une déductibilité de
leurs résultats imposables du montant des investissements qu'elle
réalisent
de façon directe ou par voie d'apports au capital
de sociétés soumises à l'impôt sur les
sociétés et qui exercent une activité dans les secteurs
éligibles à l'aide.
Les
personnes physiques
bénéficient quant à elle
d'une
réduction d'impôt
pour les souscriptions au capital
de sociétés qui réalisent des investissements dans ces
mêmes secteurs. Dès l'origine, ce dispositif prévoyait que
cette réduction d'impôt était égale à 50 % du
montant de l'investissement effectué pour les années 1986
à 1989, Cette réduction revenant
à 25 % pour les
revenus des années 1990 à 2005
.
Le montant de cette
économie d'impôt s'imputant par cinquième sur l'impôt
dû au titre de l'année de réalisation de l'investissement
et les quatre années suivantes
(article 199
undecies
du code général des
impôts).
A cet ensemble,
s'ajoute la possibilité de déduire les
déficits industriels et commerciaux non professionnels du revenu
global
. Or, c'est cette possibilité que l'Assemblée nationale
a décidé de supprimer.
C'est pourtant la combinaison de ces deux avantages qui forme
l'efficacité du " levier fiscal " d'incitation à
l'investissement outre-mer.
2. Un enjeu essentiel : l'équilibre économique et social de
l'outre-mer
Quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur la
" puissance "
de l'incitation fiscale, force est de constater que celui-ci est à
l'origine, en 1996, d'un flux d'investissements qui a atteint 5,6 milliards de
francs, soit un montant supérieur à celui du budget de
l'outre-mer lui-même, dont le montant s'élève à 5,2
milliards de francs en 1998.
Ce dispositif a donc atteint l'objectif qui lui était assigné en
faisant naître un flux d'investissement productif privé qui
était presqu'inexistant avant la création de l'aide fiscale. A
cet égard l'analyse faite, dès 1991, par M. Alain Richard est
essentielle.
"Sur un plan général, la défiscalisation est certes une
aide publique et entre dans la panoplie des transferts de l'Etat vers ces
départements. Mais même dans cette optique, la
défiscalisation a tout de même
un mérite inestimable
comparée à la subvention. Elle ne correspond pas à une
logique d'assistance mais, au contraire, stimule l'initiative et favorise les
adaptations
. S'il s'agit d'une aide dispendieuse, et personne ne peut le
contester, il n'en reste pas moins qu'elle soutient un développement
économique plus sain que celui qui résulte des simples transferts
sociaux." (Alain Richard, rapport précité p. 36)
Le tableau suivant, extrait du dernier rapport annuel de la direction
générale des impôts sur la mise en oeuvre de
l'agrément prévu en faveur des investissement dans certains
secteurs économiques outre-mer, met en évidence la
répartition sectorielle et géographique de ces
investissements
..
3. Un dispositif fortement encadré
Votre commission des finances tient à souligner son attachement au
dispositif de " moralisation " qui a été introduit avec
l'institution d'un mécanisme d'agrément délivré par
les services de la direction générale des impôts.
L'institution de ce mécanisme a en effet permis de répondre
à des abus qui avaient marqué la première phase
d'application de la " loi Pons " et qui ont contribué à
ternir l'image de cette incitation fiscale.
Ce système d'agrément permet en effet de contrôler la mise
en uvre de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer. Le tableau
ci-dessous présente l'économie de ce dispositif :
B. UN APPEL À LA RESPONSABILITÉ
Au regard de la gravité de l'enjeu pour l'outre-mer, votre commission
des finances a choisi d'adopter une démarche responsable.
Elle considère en effet qu'il serait dangereux de décider,
subitement, d'une importante modification de l'équilibre du dispositif
d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer, sans avoir
évalué au préalable ses conséquences et, surtout,
sans avoir étudié les modalités de remplacement de ce
dispositif, dont il convient de rappeler qu'il est, en tout état de
cause, " borné " dans le temps puisqu'une date butoir a
été fixée à l'année 2001.
Si la commission des finances émet un jugement nuancé sur le
concept de dépense fiscale, elle souhaite néanmoins qu'un
débat serein puisse être retrouvé au sujet du régime
d'aide fiscale à l'investissement outre-mer afin d'éviter une
mise en cause, involontaire, des investissements privés outre-mer, dont
il faut rappeler qu'ils sont économiquement préférables
à un système de subventions et d'assistance.
C'est pourquoi votre commission des finances vous propose d'adopter un
amendement
ayant pour objet de soustraire à la
tunnélisation les secteurs et les opérations qui seraient les
plus pénalisés.
En effet, pour certains secteurs tels que l'industrie et les transports, cette
exception n'est pas indispensable car, en pratique, il s'agit
d'opérations dites locatives
, dans lesquelles les investisseurs
font l'acquisition d'un bien pour le louer à une entreprise
située outre-mer avec des pertes d'exploitations modérées.
Pour ces opérations locatives seules certaines charges doivent
continuer à bénéficier d'une soustraction à la
" tunnélisation " pour que les investissements dans ces
secteurs ne soient pas pénalisés
.
Il s'agit des charges indispensables à la mise en place de ces
opérations locatives dans la limite de 15 % du montant de
l'investissement et de celles créées par la limitation des
amortissements déductibles des loueurs d'équipements.
En revanche, il est des
secteurs particulièrement importants pour le
développement de l'outre-mer et notamment l'hôtellerie, le
tourisme et les énergies renouvelables (stations géothermiques,
éoliennes notamment)
où les investissements ne peuvent
être réalisés sur le mode locatif en raison d'une
durée d'amortissement trop longue et des importantes pertes
d'exploitation qui caractérisent l'investissement dans ces secteurs.
C'est pourquoi l'amendement prévoit
une exception à la
tunnélisation pour les pertes d'exploitation enregistrées dans
ces secteurs
.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article ainsi amendé.