ARTICLE 15
Plafonnement de la restitution de l'avoir fiscal
aux
personnes physiques
Commentaire : le présent article a pour objet
de plafonner la restitution de l'avoir fiscal à 500 F pour les
contribuables célibataires, veufs ou divorcés, et à
1.000 F pour les contribuables mariés et de corriger les revenus
des contribuables de l'année suivante lorsque l'avoir fiscal non
restitué a contribué à réduire le déficit
reportable.
A l'appui de cette mesure, le Gouvernement indique que la restitution de
l'avoir fiscal aux personnes physiques va au-delà de l'objectif
d'élimination de la double imposition pesant sur les
bénéfices distribués. Il cite en particulier le cas de 120
contribuables qui bénéficieraient de restitutions
supérieures à 1 million de francs.
Or, le plafonnement de la restitution de l'avoir fiscal à 500 ou
1.000 francs
pénalise
certes ces quelques 120 contribuables
pour lesquels le montant de l'avoir fiscal assorti à leurs dividendes
excède considérablement celui de leur revenus imposables et qui
bénéficient à ce titre d'un crédit d'impôt
important, mais aussi et
surtout
,
un grand nombre de retraités
dont les retraites sont modestes, et qui, en conséquence, ont
constitué un portefeuille d'actions substantiel en prévision de
leurs " vieux jours ". Au total, plus de 331.000
contribuables
verraient leur situation parfois sensiblement altérée, et
notamment les plus modestes d'entre eux.
Votre rapporteur s'est déjà élevé contre la
pratique constituant à légiférer pour quelques centaines,
voire parfois pour quelques dizaines, de contribuables. Le présent
article en est une nouvelle illustration
: il a pour objet de faire
obstacle à la restitution de l'avoir fiscal aux contribuables qui, par
le biais d'investissements défiscalisés et d'une gestion optimale
de leur patrimoine, réduisent leur revenu imposable à la portion
congrue, voire font apparaître des déficits.
Si cette pratique est critiquable, il convient alors de la poursuivre par le
biais de la procédure de l'abus de droit. Mais, en l'occurrence, la
restitution de l'avoir fiscal, dans sa totalité, est le corollaire de
l'inclusion de cet avoir fiscal dans les bases imposables du contribuable.
De plus, en ayant un impact significativement plus large que la cible
visée, non seulement le présent article donne un
signe
négatif aux actionnaires
au moment même où l'on
souhaite développer le capitalisme dit " populaire ", mais
il
pénalise la prévoyance, la prise de risques et le
financement des investissements dont notre économie a besoin.
Il importe enfin de noter que cette disposition intervient après que la
loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier a porté le taux de l'impôt
sur les sociétés à 41,66 % et donc déjà
atténué sensiblement la portée de l'avoir fiscal.
I. LE MÉCANISME DE L'AVOIR FISCAL
Rappelons que l'avoir fiscal a été institué pour
éviter une nouvelle imposition, entre les mains des actionnaires, des
bénéfices distribués qui ont déjà
été soumis à l'impôt sur les sociétés.
Il représente l'impôt sur les sociétés payé
par la société distributrice et vaut crédit d'impôt
imputable sur l'impôt sur le revenu dû par l'actionnaire.
Egal à la moitié des sommes distribuées, l'avoir fiscal
vient ainsi s'ajouter " virtuellement " au dividende pour
composer le
revenu imposable de l'actionnaire. Ce revenu est ensuite taxé suivant la
tranche marginale d'imposition du contribuable, et l'avoir fiscal est
retranché du montant de l'impôt brut.
Lorsque le montant de l'impôt est inférieur à celui de
l'avoir fiscal, le Trésor public restitue la différence au
contribuable. C'est cette différence que le présent article
propose de ne pas restituer au delà de 500 ou 1.000 F.
L'encadré ci-dessous précise le mécanisme de l'avoir
fiscal :
Sans avoir fiscal, on pourrait atteindre, pour un bénéfice
imposable de 100, avec un taux d'impôt sur les sociétés de
33,1/3 % et un taux marginal d'impôt sur le revenu de 35 %, une
charge fiscale moyenne de :
33,33 + 23,33 (35 % de 66,66) = 56,66
L'avoir fiscal réduit la charge fiscale pesant sur le
bénéfice distribué à :
33,33 + 1,67 = 35
Bénéfice 100
Impôt sur les sociétés -
33,33
Dividende net 66,66
Avoir fiscal
33,33
Revenu imposable 100
Impôt sur le revenu : (66,66 + 33,33) x 35 % - 35
Imputation de l'avoir fiscal +
33,33
Impôt à acquitter sur le dividende net - 1,67
Disponible après impôt : 66,66 - 1,67 65
Il y a ainsi correspondance entre le taux de l'IRPP applicable au contribuable
et l'impôt effectivement perçu sur le dividende.
Appliqué à partir de 1966, le mécanisme de l'avoir fiscal
n'a atteint son plein effet au plan national qu'en 1993, lorsque le taux de
l'impôt sur les sociétés a été fixé
à 33,33 %. En effet, comme l'indique l'exemple ci-dessus, à ce
taux le montant de l'avoir fiscal est strictement égal au montant de
l'impôt sur les sociétés acquitté par la
société. Ainsi, le dividende imposable entre les mains de
l'actionnaire est égal au bénéfice imposable au niveau de
la société. L'impôt acquitté par la
société a donc bel et bien été effacé.
Depuis que le taux effectif de l'IS est passé à 41,66 %,
le montant de l'avoir fiscal ne compense plus totalement, pour l'actionnaire,
le montant de l'impôt acquitté par la société. Il
faudrait en effet fixer le montant de l'avoir fiscal à 58,4 % du
dividende net pour supprimer toute double taxation.
Comme l'indique le tableau ci-après, près de 4 millions de
contribuables peuvent imputer un avoir fiscal sur leur impôt sur le
revenu.
Sur ces 4 millions, 1,18 million de contribuables (soit 30 %) se voient
restituer un crédit d'impôt, dont 73,8 % pour un montant
inférieur ou égal à 500 francs.
A l'exclusion donc de ces derniers et des couples qui se voient restituer
jusqu'à 1.000 francs d'avoir fiscal, ce sont au total,
331.647
contribuables
qui
seraient concernés par le plafonnement de la
restitution de l'avoir fiscal
, soit 20,7 % des contribuables qui touchent
un crédit d'impôt.
II. APPRÉCIATION DES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA
PRÉSENTE MESURE
Le présent article vise à contenir la restitution de l'avoir
fiscal dans la limite de l'impôt sur le revenu acquitté par les
contribuables majoré d'une somme de 500 ou 1.000 francs.
A. L'AVOIR FISCAL N'EST PAS UN " CADEAU FISCAL "
1. L'objectif poursuivi par l'avoir fiscal
L'avoir fiscal a pour objet d'exonérer, en tout ou partie, le
contribuable du paiement de l'impôt sur les dividendes qu'il
reçoit dans la mesure où ces dividendes ont déjà
fait l'objet d'une imposition entre les mains de la société
distributrice.
L'objectif consiste à ce que le taux d'imposition des dividendes
distribués n'excède pas,
au total
22(
*
)
, le taux marginal de l'impôt
sur le revenu des personnes physiques. Si le taux marginal d'imposition de
l'actionnaire excède la taux de l'impôt sur les
sociétés acquitté par la société
distributrice, alors il paye la différence. Si en revanche, son taux
marginal d'imposition est inférieur au taux de l'IS, l'Etat lui
rembourse la différence.
Ainsi, si la société a acquitté l'impôt au taux de
33,33 % et si le taux marginal d'imposition de l'actionnaire est de 45 %,
ce dernier paiera :
(45 - 33,33) x dividende brut
En revanche, le contribuable dont le taux marginal d'imposition est de
10,5 % se verra restituer sous forme de crédit d'impôt la
somme égale à :
(33,33 - 10,5) x dividende brut.
Ainsi, seuls les contribuables dont le taux marginal d'imposition excède
le taux de l'impôt sur les sociétés acquittent un
impôt supplémentaire au titre de leurs dividendes.
Les contribuables déficitaires ne sont imposables que sur le montant de
leurs revenus de capitaux mobiliers (dividendes + avoir fiscal) minoré
de leur déficit. Si ce dernier est supérieur aux revenus de
capitaux mobiliers, alors, ces derniers ne sont pas imposés et la
totalité de l'impôt sur les sociétés acquitté
en amont par l'entreprise distributrice est reversée au contribuable
sous la forme de l'avoir fiscal.
Ce reversement n'est critiquable que si l'actionnaire réalise
" artificiellement " des déficits de façon à
toucher des crédits d'impôt.
2. Le mécanisme de l'avoir fiscal
Après avoir acquitté l'impôt sur les
sociétés sur son bénéfice, l'entreprise
décide de rémunérer ses actionnaires en distribuant une
partie de ce bénéfice net sous forme de dividendes.
A ces dividendes, ayant subi l'IS, est assorti un avoir fiscal
" virtuel " égal à 50 %, ce pourcentage
correspondant (plus ou moins) exactement au montant de l'IS acquitté par
la société. La somme de ces deux termes compose le revenu
imposable des actionnaires.
L'avoir fiscal attaché aux dividendes distribués est
" fictif " : les actionnaires ne le touchent en effet
pas
à cette étape du processus car cela obligerait l'Etat à
débourser d'importantes sommes en trésorerie, qui lui seraient
pour partie reversées par la suite sous forme d'impôt. Cet avoir
fiscal n'est donc versé qu'à la fin du processus, net
d'impôts. Les contribuables possèdent, à cette
étape, une créance sur le Trésor.
En effet, le revenu imposable des actionnaires est ensuite taxé suivant
la tranche marginale d'imposition des contribuables, comme s'il n'avait pas
subi d'imposition au niveau de l'entreprise au départ.
C'est seulement alors, que l'Etat rembourse sa dette : en effet si
l'avoir fiscal est inférieur au montant de l'impôt brut obtenu, le
contribuable n'acquitte au Trésor public que la différence. En
revanche, s'il est supérieur, l'Etat reverse à l'actionnaire le
solde : il s'agit alors d'un crédit d'impôt.
On constate donc que la restitution au contribuable du crédit
d'impôt correspondant au montant de l'avoir fiscal qui excède le
montant de l'impôt est, par construction, justifiée
dans sa
totalité
. C'est uniquement parce qu'il n'a pas
effectivement
versé l'avoir fiscal attaché aux dividendes au moment de leur
distribution, que l'Etat le reverse au contribuable après imputation de
l'impôt.
L'objectif poursuivi par l'avoir fiscal n'est atteint que si l'actionnaire
se voit restituer la totalité du montant de l'impôt
acquitté par la société en amont, y compris lorsque cette
somme excède la somme qu'il doit lui-même acquitter au titre de
l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
En plafonnant cette restitution à 500 ou 1.000 francs, le dispositif
proposé perd de vue l'objectif premier de l'avoir fiscal qui est de
faire concorder le taux applicable au contribuable et le taux effectivement
appliqué au dividende distribué.
Au demeurant la mesure ici proposée pénalise les titulaires des
revenus les plus faibles.
B. UNE MESURE INÉQUITABLE
Seuls les contribuables payant suffisamment d'impôt sur le revenu pour
" absorber " l'avoir fiscal continueront à se faire
restituer
la totalité de leur avoir fiscal " potentiel ". Les autres,
bien que la société ait déjà acquitté
l'impôt sur les bénéfices distribués, ne
récupéreront que 500 francs pour une personne seule et
1.000 francs pour un couple. Dans la pratique, ce seront donc les
contribuables les plus modestes qui pâtiront de la présente mesure.
Un seul exemple suffit à le démontrer.
Prenons le cas de deux personnes à la retraite et possédant
chacune un portefeuille d'actions leur rapportant des dividendes de
46.756 F par an. La première touche une pension de 32.000 F par an
et la seconde une pension de 100.000 F par an. Le tableau ci-après
décompose leur imposition respective.
Source :
commission des finances
Le présent dispositif conduira à plafonner le montant de l'avoir
fiscal du premier retraité, très peu imposé, à
500 F alors que le second pourra continuer à imputer
l'intégralité de son avoir fiscal sur le montant de son
impôt.
Ainsi, le premier retraité, dont les ressources globales étaient
de 8.430 francs par mois lorsque lui était restitué l'avoir
fiscal, verra son revenu amputé de 810 francs par mois.
En revanche, le retraité dont les revenus de pension atteignent
100.000 francs par an pourra continuer à imputer
l'intégralité de son avoir fiscal sur le montant de son
impôt.
C. UNE MESURE DISCRIMINATOIRE
Il convient de noter que cette mesure maintient une
discrimination
entre les contribuables résidant en France et les non
résidents
. En effet, en application de conventions internationales
destinées à éviter les double impositions, la France
accorde le remboursement de l'avoir fiscal à certains résidents
d'une trentaine de pays conventionnés (l'essentiel des pays
développés). Ces derniers continueront donc à se voir
restituer automatiquement les avoirs fiscaux.
En outre, le plafond de restitution ne s'appliquerait pas aux avoirs fiscaux
attachés aux produits procurés par les placements
effectués dans le cadre d'un PEA.
D. L'AVOIR FISCAL EST RESTITUÉ DANS LA QUASI TOTALITÉ DES
PAYS EUROPÉENS OÙ IL EXISTE
Le tableau ci-après compare les régimes d'imposition des
dividendes des pays de l'Union européenne. On y constate que l'avoir
fiscal existe dans tous les pays européens qui ne pratiquent pas une
retenue à la source sur les dividendes distribués, et même
dans certains de ces derniers (Allemagne, Espagne), et y est remboursable
partout (notamment en Italie et Allemagne) sauf en Espagne.
Régime d'imposition des dividendes reçus par
les personnes physiques
résidentes d'un Etat de l'Union
européenne
PAYS |
Les principes généraux d'imposition |
L'avoir fiscal ou le crédit d'impôt imputables sur l'IR |
ALLEMAGNE |
Prélèvement d'une
retenue à la source de
26,87 % (2).
|
Avoir fiscal égal à
42,85 % du dividende
brut (RALS comprise), imputable sur l'IR et remboursable le cas
échéant.
|
AUTRICHE |
Prélèvement d'une retenue à la source de 25 % libératoire. |
La retenue à l source est libératoire de l'IR |
BELGIQUE |
Prélèvement d'une
retenue à la source de
25 % libératoire (4).
|
Régime
général : pas d'avoir fiscal
et de crédit d'impôt au titre de la retenue à la source.
|
DANEMARK |
Prélèvement d'une retenue à la source libératoire de 25 % jusqu'à 33.800 DS (29.900 FF) de dividendes par personne et par an et de 40 % au-delà (5) |
La retenue à la source est libératoire de l'IR. |
ESPAGNE |
Prélèvement d'une
retenue à la source de
25 %.
|
Avoir fiscal et crédit
d'impôt au titre de la
retenue à la source, imputable sur l'IR global.
|
FINLANDE |
Les dividendes augmentés de l'avoir fiscal (100 % de l'IS au taux de 28 %) sont inclus dans le revenu imposable à l'IR au titre des "revenus du capital". Imposition particulière à l'IR au taux de 28 % |
Avoir fiscal, égal à 38,88 % du dividende, imputable sur l'IR. |
FRANCE |
Les dividendes, augmentés de l'avoir fiscal (100 % de l'IS au taux de 33,33 %) (1), sont inclus dans le revenu imposable à l'IR au titre des revenus de capitaux mobiliers |
Avoir fiscal égal à 50 % des sommes distribuées, imputables sur l'IR et remboursable le cas échéant. |
GRÈCE |
Pas de retenue à la source et exonération du bénéficiaire à raison des dividendes de source grecques. |
Non |
IRLANDE |
Imposition des dividendes
majorés d'un crédit
d'impôt égal à 47,25 % de l'IS (au taux de 36 %) ou
égal à 50 % de l'IS (au taux de 10 %).
|
Crédit d'impôt de
26,58 % du dividende si
taux de l'IS égal à 36 % et de 1/18 du dividende si taux de l'IS
égal à 10 %.
|
ITALIE |
Prélèvement d'une
retenue de 10 %
|
Régime
général : avoir fiscal et
crédit d'impôt au titre de la retenue à la source
imputables sur l'IR.
|
LUXEMBOURG |
Prélèvement d'une
retenue e 25 %.
|
Avoir fiscal : non.
|
PAYS-BAS |
Prélèvement d'une
retenue à la source de
25 %.
|
Avoir fiscal : non.
|
PORTUGAL |
Retenue à la source au taux
de 25 %, libératoire
d'IR, sauf option pour l'imposition selon le barème
général de l'IR. Dans ce cas, attribution d'un avoir fiscal
égal à 60 % de l'IS d'Etat au taux de 36 % et retenue
à la source de 25 %.
|
Avoir fiscal égal à 33,75 % du dividende brut (retenue comprise) et crédit d'impôt au titre de la retenue imputable sur l'IR (si option pour ce régime). |
ROYAUME-UNI |
Imposition des dividendes majorés d'un crédit d'impôt égal à 50,76 % de l'IS au taux de 33 %. |
Crédit d'impôt de 25 % du dividende imputable sur l'IR et remboursable, le cas échéant. |
SUÈDE |
Prélèvement
d'une retenue à la source de
30 % si actions nominatives uniquement.
|
Avoir
fiscal : non.
|
(1) Indépendamment de la majoration de 10 % du taux
de l'IS.
(2) 25 % + majoration "exceptionnelle" de 7,5 %, soit 25 +
1,87 = 26,87 % (à compter du 1/1/95).La majoration
exceptionnelle de 7,5 % devrait être réduite à
5,5 % le 1/1/98.
(3) Indépendamment de la majoration de 7,5 % du montant de l'IS.
(4) La retenue s'élève à 15 % sur dividendes d'actions
cotées émises à compter du 1/1/94, d'actions non
cotées émises à compter du 1/1/94 correspondant à
des apports en numéraire, enregistrées nominativement
auprès d'établissements financiers, d'actions fiscalement
privilégiées, sous certaines conditions et de parts de SICAV
belges de distribution.
(5) Pour déterminer le seuil annuel de 33.800 CD, le montant des
dividendes est globalisé avec le montant de plus-values à long
terme ( 3 ans) sur cession d'actions de sociétés
danoises ou étrangères et d'obligations convertibles.
(6) Impôt dit de substitution prélevé sur les distributions
au titre des droits de succession.
III. IL CONVIENT D'ALLER AU DELÀ DES ASSOUPLISSEMENTS
DÉJÀ APPORTÉS DANS LE TEXTE
A. LES ASSOUPLISSEMENTS DÉJÀ PRÉVUS SONT
INSUFFISANTS
1. La déduction, en cas de déficit reportable, de la fraction non
restituée de l'avoir fiscal
Le projet de loi prévoit que lorsque l'avoir fiscal pris en compte pour
le calcul du revenu global est supérieur au montant de ce revenu, la
fraction non restituée de cet avoir fiscal est retranchée des
revenus de l'année suivant celle de la perception des dividendes, dans
la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
Il s'agit de corriger les revenus des contribuables de l'année suivante,
lorsque l'avoir fiscal non restitué a contribué à
réduire le déficit reportable. Ainsi, lorsque le déficit a
été artificiellement réduit par un avoir fiscal qui n'est
restitué qu'en partie, il est possible de reporter la fraction non
restituée de l'avoir fiscal sur les revenus de l'année suivante.
L'exemple ci-après permettra de mieux comprendre la justification d'une
telle disposition :
Soit un commerçant assujetti à l'impôt sur le revenu et
ayant enregistré un déficit industriel et commercial de
200.000 francs. S'il a parallèlement reçu des dividendes
pour un montant de 140.000 francs, sa base imposable sera la suivante :
Dividende 140.000 F
Abattement forfaitaire de 8.000 F - 8.000 F
Avoir fiscal
70.000 F
Revenus de capitaux mobiliers 202.000 F
Bénéfice industriel et commercial -
200.000 F
Revenu net global
2.000 F
Il ne paye pas d'impôt et, en vertu du présent article, l'avoir
fiscal lui est restitué à hauteur de 500 F. Or, s'il n'avait pas
ajouté l'avoir fiscal au montant de ses revenus, ce contribuable
n'aurait pas été imposable, mais il aurait pu reporter le montant
de son déficit sur les cinq années suivantes.
La présente disposition lui permet de reporter la fraction de l'avoir
fiscal qui ne lui est pas restituée, soit 70.000 - 500 =
69.500 francs, sur son revenu de l'année suivante.
Néanmoins, cette opération de report n'est possible qu'à
la condition que l'avoir fiscal pris en compte pour le calcul du revenu net
global soit supérieur au montant de ce revenu.
Cette restriction risque de donner lieu à des discriminations entre
épargnants, comme l'indique le tableau ci-après :
Source : commission des finances
Les deux situations examinées sont presque identiques, le seul
différentiel étant de 2.000 francs sur le revenu imposable.
Mais, dans le premier cas, l'avoir fiscal est inférieur au revenu
imposable : aucun crédit d'impôt n'est reportable. Dans le
second cas, le contribuable a la possibilité de déduire de ses
revenus de valeurs mobilières de l'année suivante un montant de
54.208 francs.
2. La déduction de l'assiette de la CSG de la fraction non
restituée de l'avoir fiscal
Comme indiqué plus haut, l'avoir fiscal est inclus dans le revenu
imposable de l'actionnaire.
Trois impôts sont perçus au titre de l'impôt sur le revenu
sur une assiette composée du dividende et de l'avoir fiscal :
- l'impôt sur le revenu des personnes physiques,
- la contribution complémentaire de 1 %,
- le prélèvement social de 1 %.
L'avoir fiscal est déduit de ces trois impôts, ou, le cas
échéant, restitué, ce qui efface l'impôt assis sur
l'avoir fiscal non restitué.
Néanmoins, deux prélèvements sont supportés au
titre de contributions sociales, sur la même assiette, mais ne peuvent en
revanche être compensés par l'avoir fiscal. Il s'agit de :
- la CSG au taux de 7,5 %,
- la CRDS au taux de 0,5 % (soit 0,75 % du dividende perçu).
Le plafonnement de l'avoir fiscal à 500 et 1.000 francs pouvait
poser problème pour ces deux derniers impôts, dans la mesure
où l'avoir fiscal ne s'impute pas sur leur montant.
En effet, dans le cas précédent, le premier retraité
aurait du ajouter le montant de l'avoir fiscal, soit 23.378 francs à son
revenu imposable, mais n'aurait pu en récupérer que la
moitié, c'est-à-dire 13.000 francs. Il aurait donc
acquitté les impôts précités sur 10.378 francs
de revenus purement " virtuels ".
Lors de l'examen de l'article 15 à l'Assemblée nationale,
M. Christian Sautter a répondu à M. Philippe Auberger qui
l'interrogeait sur l'assujettissement de l'avoir fiscal non restitué
à la CSG :
"
M. Auberger a posé un vrai problème
qui appelle
une vraie réponse. Il est vrai qu'il y aurait anomalie à
assujettir à la CSG un avoir fiscal qui ne serait pas perçu.
L'assiette de la CSG sera corrigée. Le Gouvernement déposera un
amendement en ce sens lors de l'examen du projet de loi de financement de la
sécurité sociale
. "
C'est l'objet d'un paragraphe III nouveau à l'article 3 du projet de loi
de financement de la sécurité sociale relatif à
l'augmentation du taux de la CSG qui précise que "
l'avoir
fiscal non utilisé en application des dispositions de l'article 158 bis
du code général des impôts est déduit de l'assiette
de la contribution
".
Néanmoins, la logique appellerait une exclusion similaire de l'avoir
fiscal non restitué de l'assiette de la CRDS.
B. LES AMÉLIORATIONS POSSIBLES
Le Gouvernement aurait pu décider de ne plus restituer l'avoir fiscal.
En instituant deux seuils de plafonnement de 500 francs et 1.000 francs,
il a affaibli la logique de sa décision pour ne pas porter atteinte
à la situation de 79 % des titulaires de dividendes qui se voient
restituer un avoir fiscal inférieur à ces seuils.
Il en reste néanmoins 20 % dont le montant de la restitution
excède ces seuils, soit 331.647 contribuables. Or, on l'a vu, le
plafonnement de la restitution suscite des inégalités d'autant
plus critiquables que ce sont les titulaires de faibles revenus qui
apparaissent les plus pénalisés.
A défaut d'une réforme d'ampleur de l'avoir fiscal, il demeure
envisageable, malgré toutes les réserves que votre rapporteur a
déjà exprimées à l'égard de l'institution de
seuils, de majorer les plafonds de façon à porter de 79 à
95 % le nombre de contribuables dont la situation resterait
inchangée après l'adoption du présent article, et de
réserver la restitution de l'avoir fiscal aux contribuables qui ne
minorent pas " artificiellement " leurs revenus par des
dispositifs
défiscalisés.
Votre commission vous propose un amendement en
ce sens.
Il importe d'autre part de permettre
sans condition
, l'imputation sur
les revenus de l'année suivante lorsque l'avoir fiscal non
restitué à contribué à réduire le
déficit reportable.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé.
ARTICLE 16
Plafonnement de l'exonération des
produits des titres non cotés détenus dans un plan
d'épargne en actions
Commentaire : le présent article a pour objet de
limiter à 10 % le rendement exonéré des titres non
cotés placés dans un PEA, à l'exception toutefois des
parts de sociétés coopératives régies par la loi de
1947.
A une nuance près, le dispositif proposé est le même que
celui que l'Assemblée nationale avait adopté sur le projet de loi
de finances rectificative pour 1996.
I. LA SITUATION ACTUELLE DU PEA
Votre rapporteur général a consacré de larges
développements au plan d'épargne en actions à l'occasion
du précédent débat sur ce thème
23(
*
)
. Il n'est donc pas utile d'y
revenir, sinon pour mentionner deux évolutions récentes :
les statistiques établies par la Banque de France à fin juin
1997, et les nouveaux prélèvements prévus par le projet de
loi de financement de la sécurité sociale.
A. L'ÉVOLUTION RÉCENTE DU PEA
Le PEA a connu un rebond récent, lié sans doute aux
privatisations et à l'aggravation de la taxation des plus-values sur
valeurs mobilières. La dernière enquête de la Banque de
France montre que 2,7 millions de PEA sont actuellement en fonctionnement
(+ 2 % sur un trimestre). Leur encours à fin juin 1997
s'élevait à 246 milliards de francs, en hausse de 26 %
sur un an.
L'attrait de la simplicité a initialement primé sur la
réalité de l'avantage fiscal puisque le montant moyen des PEA
à la fin de juin 1997 était de 90.000 francs, soit un
montant plus faible que la moyenne des comptes de titres (159.000 francs),
mais ces comptes peuvent contenir tous types de titres, à la
différence du PEA.
Compte tenu des avantages fiscaux existants pour la détention d'actions
(notamment les abattements de 8.000 francs et 16.000 francs sur les
dividendes), le PEA n 'a un intérêt significatif que pour des
montants élevés. Toutefois, cet intérêt relatif tend
à s'accroître à mesure que la taxation des plus-values sur
valeurs mobilières voit ses seuils baisser et son taux augmenter.
Il faut se réjouir du succès du PEA, favorable à
l'entrée de l'investissement long en actions dans les habitudes de
placement des particuliers.
B. LES NOUVEAUX PRELEVEMENTS PUBLICS SUR LE PEA
Actuellement, les revenus et plus-values produits sur un PEA subissent la
contribution sociale généralisée au taux de 3,4 % et
la contribution au remboursement de la dette sociale au taux de 0,5 %,
lors de la sortie normale du plan après cinq ans. Pour les durées
inférieures à cinq ans, s'ajoute aux prélèvements
sociaux une pénalité fiscale spécifique destinée
à encourager l'épargne de moyenne durée.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998
propose d'instituer une CSG à 7,5 % et d'appliquer au PEA un
prélèvement nouveau de 2 %, la CRDS restant inchangée
à 0,5 % (la durée de cette dernière contribution
étant par ailleurs augmentée).
II. UN DISPOSITIF SENSIBLEMENT IDENTIQUE AU PRECEDÉNT
A. UN PLAFONNEMENT DU RENDEMENT EXONÉRÉ
Il consiste à limiter à 10 % du prix d'acquisition les
revenus des titres de capital d'une société non cotée (ou
cotée sur le marché "hors-cote") qui sont exonérés
d'impôt sur le revenu dans le cadre du PEA. Ce plafond concerne les
dividendes, avoir fiscal ou crédit d'impôt inclus.
C'est le même dispositif que celui que l'Assemblée nationale
avait adopté dans la loi de finances rectificative pour 1996, à
une exception près : les intérêts de parts de
sociétés coopératives seraient exemptés de la
mesure. Cette exemption fait suite à une demande des banques mutualistes
dont de nombreux salariés ont logé les parts dans un PEA.
Le Sénat avait obtenu le rejet de cette disposition en commission
mixte paritaire
.
B. UNE MOTIVATION JUSTIFIÉE, UNE MAUVAISE SOLUTION
Extrêmement simpliste, ce dispositif obéit aux mêmes
motivations que lors des discussions précédentes : au
travers de divers montages, certains associés ou actionnaires de petites
sociétés, des cabinets d'audit notamment, ont abusivement
transformé une grande part de leurs rémunérations sous la
forme de dividendes versés au titre d'actions logées dans un PEA.
Votre rapporteur général ne peut que rappeler qu'il condamne
ces abus avec la plus grande fermeté.
Toutefois, le dispositif proposé encourt toujours la même
critique
: il utilise la loi, règle de portée
générale, pour réprimer les abus commis par quelques-uns
contre l'esprit des textes relatifs au PEA. Ce faisant, il risque de
sanctionner des épargnants de bonne foi, alors que les dissimulateurs
pourront recourir à d'autres astuces pour échapper à
l'impôt (s'ils ne sont pas déjà partis à
l'étranger).
Certes, la critique peut être atténuée sur deux points.
D'une part, le dispositif porte sur les revenus de 1997. Le débat qui a
eu lieu au Parlement, les articles de presse, l'instruction fiscale parue le
30 avril 1997 atténuent l'aspect "prise au piège" que
pouvait avoir la proposition présentée fin 1996. Les
épargnants habiles, mais honnêtes, ont dû mettre fin
à leurs pratiques depuis le début de 1997. D'autre part,
l'exemption des titres de coopératives répond partiellement au
souci de ne pas affecter les petits porteurs de titres de grandes entreprises.
Mais ces atténuations ne sauraient emporter la conviction : la loi ne
doit pas être utilisée pour réaliser ce que
l'administration et le juge peuvent faire mieux qu'elle. De surcroît, il
ne faut pas oublier que le PEA doit être bloqué cinq ans, et qu'il
est désormais soumis à 10 % de prélèvements
sociaux. Enfin, un impôt de 10 % du prix d'acquisition ne tient
aucun compte de la valorisation des titres.
C. LA PROCÉDURE D'ABUS DE DROIT EST-ELLE RÉELLEMENT
INEFFICACE ?
La parution d'une instruction fiscale relative aux
abus de droit
en
matière de PEA, qui s'appuyait clairement sur les travaux de
l'Assemblée nationale et du Sénat, pouvait laisser penser que
l'administration fiscale était prête à tenter d'utiliser
cette notion, qu'elle juge en général peu efficace
24(
*
)
.
Votre rapporteur général observe que le dispositif
proposé par le présent article n'est pas totalement substituable
à cette instruction. En effet, si cet article tend à
empêcher les abus commis sur les dividendes, il n'empêchera pas
ceux qui pourraient l'être sur les plus-values : minoration de la valeur
des titres, achetés-vendus pour éviter les perceptions de
coupons, politique de valorisation de l'actif au détriment de la
distribution...
Votre rapporteur général veillera donc à la bonne
application de cette circulaire.
Constante dans ses positions, votre commission ne peut que proposer le rejet
de cet article.
Décision de la commission : votre commission vous demande de
supprimer cet article.
ARTICLE 17
Régime fiscal des produits des
contrats d'assurance-vie
et des bons de capitalisation
Commentaire : dans le souci de rééquilibrer
la taxation des revenus du capital et celle des revenus du travail, le
présent article propose de limiter, à compter du
1
er
janvier 1998, l'exonération des produits des
contrats d'assurance-vie et assimilés de plus de huit ans à
30.000 francs par an pour un célibataire, veuf ou divorcé et
à 60.000 francs par an pour un couple marié. Au-delà de
ces seuils, ces produits seraient soumis à une taxation forfaitaire au
taux de 7,5 %. Des dispositions spécifiques sont prévus pour les
contrats en cours. La modification du régime fiscal des produits lors
d'un rachat partiel, initialement envisagée, a été
abandonnée. Enfin, dans le but de favoriser la mobilisation de
l'épargne vers les petites et moyennes entreprises et les entreprises
innovantes, les produits des contrats d'assurance-vie investis en titres non
cotés ou cotés sur le nouveau marché seraient
exonérés d'impôt sur le revenu.
I. LA SITUATION ACTUELLE
En grande partie grâce à son régime fiscal, l'assurance-vie
constitue l'un des placements financiers favoris des ménages
français.
A. IMPORTANCE ÉCONOMIQUE ET DIFFÉRENTS TYPES D'ASSURANCE
VIE
En 1996, dix millions trois cent mille ménages français, soit
quasiment un ménage sur deux (45 %), détenaient un ou plusieurs
contrats d'assurance-vie.
Les opérations d'épargne-assurance, concernées par le
présent article représentaient 435 milliards de francs de
souscriptions nouvelles en 1996, sur un encours total de 2.630 milliards de
francs.
On rappelle que les bons ou contrats d'assurance-vie sont des placements
financiers, généralement émis pour une longue durée
(huit ans au moins), moyennant le versement d'un intérêt et d'une
participation aux bénéfices qui ne sont pas mis en paiement
chaque année, mais capitalisés jusqu'à
l'échéance du contrat. Ces bons ou contrats comportent une
possibilité de remboursement anticipé dont la contrepartie est
éventuellement une diminution du rendement attendu. Le montant de ce
remboursement correspond à la valeur de rachat, variable annuellement,
dont le montant figure au contrat.
Au terme du placement, c'est à dire soit lors du décès du
souscripteur, soit à l'échéance, soit lors du
remboursement anticipé, le souscripteur (ou son
bénéficiaire en cas de décès) reçoit son
capital, diminué des frais et augmenté des intérêts
ou produits capitalisés au cours de la vie du contrat.
Sur demande du souscripteur, l'assureur peut, dans certaines conditions
précisées contractuellement, procéder au rachat partiel du
contrat. Le souscripteur est alors remboursé d'une partie de son
épargne moyennant une réduction du capital du contrat qui
continue néanmoins d'exister.
D'un point de vue juridique, l'on distingue, d'une part, les contrats à
prime unique et à versements libres et, d'autre part, les contrats
à versements périodiques.
Comme leur nom l'indique,
les contrats à prime unique
sont
constitués d'un versement unique lors de la souscription du contrat ; le
souscripteur n'a plus alors qu'à attendre le dénouement du
contrat au terme convenu pour encaisser le produit capitalisé sur
plusieurs années de ce versement. Les bons de capitalisation entrent
dans cette catégorie.
Les contrats à versements libres
fonctionnent comme des contrats
à prime unique mais offrent de surcroît la possibilité de
compléter le versement initial à tout moment, ce qui leur donne
une grande souplesse d'utilisation dans la mesure où les nouveaux
versements ne modifient pas le terme normal du contrat, ni sur le plan civil,
ni sur le plan fiscal.
Les
contrats à prime périodique
prévoient que le
souscripteur fasse des versements à des échéances
convenues conventionnellement. Ces contrats constituent la forme la moins
moderne de l'assurance-vie et ne représentent plus que 27 % de
l'ensemble des contrats.
D'un point de vue économique, la distinction la plus importante passe
entre
les contrats en francs et ceux en unités de compte
. Par
opposition aux premiers, les contrats en unités de compte sont ceux dont
les garanties sont exprimées par référence à un ou
plusieurs supports : parts ou actions de valeurs mobilières ou
immobilières (SICAV, actions, parts de FCP, parts de SCI). L'assureur
garantit un nombre de parts, et non la valeur des parts, de sorte que c'est
l'assuré qui assume le risque de placement. En contrepartie, les
contrats en unités de compte permettent une gestion active et assurent,
en règle générale, des rendements plus
élevés que les contrats en francs. Les contrats multisupports
sont ceux dont l'un des supports peut être en francs ou en devises.
Les contrats en francs représentaient en 1996 86 % des contrats
souscrits et 73,7 % des cotisations collectées. Toutefois, les contrats
en unités de compte connaissent depuis quelques années des taux
de progression plus élevés et devraient voir leur part dans
l'ensemble augmenter significativement au cours des prochaines années.
B. RÉGIME FISCAL DE L'ASSURANCE-VIE
Jusqu'en 1996, le régime fiscal de l'assurance-vie comportait trois
avantages :
1) une prime à l'entrée :
les primes versées
actuellement sur les contrats d'assurance-vie conclus pour une durée
d'au moins huit ans ouvraient droit à une réduction d'impôt
égale à 25 % dans une limite de 4.000 francs majorée de
1.000 francs par enfant à charge.
Cet avantage a été supprimé, en deux étapes,
par les lois de finances pour 1996 et 1997.
Désormais, les contrats
d'assurance-vie, quelle qu'en soit la nature, (primes périodique ou
versements libres) souscrits à compter du 5 septembre 1996, n'ouvrent
plus droit à une réduction d'impôt à l'entrée.
2) l'exonération d'impôt sur le revenu après huit ans de
détention ;
cette exonération est valable quel que soit le
nombre de contrats souscrits par un même contribuable et sans limitation
de versement.
De façon plus précise le régime fiscal au regard de
l'impôt sur le revenu est le suivant :
Les produits des bons ou contrats d'assurance-vie souscrits à compter
du 1
er
janvier 1983 doivent, en principe, être compris par le
bénéficiaire dans la déclaration d'ensemble de ses revenus
établie au titre de l'année de l'encaissement pour être
soumis à l'impôt dans les conditions de droit commun.
Le bénéficiaire peut, toutefois, opter pour le
prélèvement libératoire dans les conditions prévues
à l'article 125 A du code général des impôts ou,
s'il est domicilié hors de France, être obligatoirement soumis
à ce prélèvement.
Cette option, ouverte seulement aux personnes physiques doit être
exercée pour chaque contrat au plus tard au moment du versement des
sommes dues à l'établissement payeur. L'option est
irrévocable.
Pour la détermination du taux du prélèvement applicable,
il est tout d'abord opéré une distinction selon que le
bénéficiaire révèle ou ne révèle pas
son identité et son domicile fiscal à l'établissement
payeur. Lorsque le bénéficiaire ne révèle pas son
identité et son domicile fiscal, le taux de prélèvement
est fixé à 50 %.
S'il révèle son identité et son domicile fiscal, le taux
du prélèvement est fixé, pour les contrats souscrits
depuis le 1
er
janvier 1990 :
- à 35 % lorsque la durée du contrat est inférieure
à quatre ans ;
- à 15 % lorsque la durée du contrat est comprise entre huit et
quatre ans.
Ils sont exonérés d'impôt au-delà de huit ans.
3) l'exonération de droits de succession pour les sommes
versées à un tiers dans le cas du dénouement du contrat
par décès du souscripteur.
Cependant, pour les contrats
souscrits après le 20 novembre 1991, les primes versées
au-delà de 70 ans sont assujetties aux droits de succession pour la
fraction dépassant 200.000 francs.
II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT ET LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article modifie le régime fiscal des contrats
d'assurance-vie. Mais il doit être mis en cohérence avec les
articles 3 et 6 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale qui modifient de façon substantielle les
prélèvements sociaux des revenus du capital, y compris
l'assurance-vie.
A. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES DU RÉGIME FISCAL
Initialement l'article 17 prévoyait trois séries de
modifications :
1. La modification de l'assiette de l'imposition en cas de rachat partiel
Actuellement, en cas de rachat partiel d'un contrat d'assurance, seule une
fraction des sommes retirées est soumise à l'impôt au motif
qu'en pareille hypothèse, l'épargnant est réputé
appréhender à la fois une fraction des primes et une fraction des
produits capitalisés qui seuls constituent le revenu imposable.
Supposons par exemple, un rachat partiel d'un montant de 50.000 francs
effectué peu avant la quatrième année suivant la
souscription d'un contrat à prime unique d'un montant initial de 200.000
francs et d'une valeur totale de rachat de 250.000. Les sommes
remboursées se décomposent, au prorata, en 40.000 francs de
capital et 10.000 francs d'intérêts taxables au taux de 35 % soit
3.500 francs.
Le paragraphe I
du projet de loi de finances prévoyait un
aménagement de ces règles d'assiette, de sorte qu'en cas de
rachat partiel, l'épargnant soit réputé appréhender
en priorité les produits capitalisés acquis depuis la
souscription.
Dans l'exemple cité ci-dessus, le montant du rachat partiel serait
réputé porter en priorité sur les produits
capitalisés soit 50.000 francs et ainsi l'imposition serait de 17.500
francs.
Cette disposition
qui devait rapporter l'essentiel du rendement de cet
article (190 millions de francs sur 200 millions escomptés pour 1998)
a été supprimée, à l'initiative du gouvernement,
lors de la discussion du projet devant l'Assemblée nationale
2. L'imposition des produits attachés aux contrats d'au moins huit
ans
Le
paragraphe II
de l'article 17 du projet de loi prévoit de
supprimer l'exonération d'impôt sur le revenu dont
bénéficient les contrats d'assurance-vie au bout de huit ans
.
Ces produits seraient désormais taxés à l'impôt sur
le revenu lors du dénouement (rachat partiel ou total) du contrat.
Toutefois,
deux tempéraments
sont prévus :
-
la taxation serait atténuée par rapport à la taxation
de droit commun
grâce, d'une part, à un
abattement
spécifique de 30.000 francs
(60.000 pour les couples mariés)
et, d'autre part, à un
taux réduit de
prélèvement
. En effet, au-delà de l'abattement, les
produits imposables des bons ou contrats d'une durée au moins
égale à huit ans pourraient, sur option du contribuable,
être soumis à un prélèvement libératoire
à un taux de 7,5 % (contre 15 % pour le taux de droit commun) hors
prélèvements sociaux (dont on a vu qu'ils
s'élèveraient à 10 % pour 1998) ;
-
seuls les contrats nouveaux,
souscrits après le 15 septembre
1997 (cette date a été repoussée au 25 septembre
après l'examen à l'Assemblée nationale)
seraient
taxés
. Les contrats en cours continueraient à
bénéficier de l'exonération à la condition
qu'aucune prime ne soit versée à compter de cette date s'il
s'agit de contrats à versements libres ou que l'épargnant se
borne à verser les primes convenues s'il s'agit de contrats à
prime périodique. Dans le cas contraire, les produits attachés
à ces contrats seraient soumis à l'impôt sur le revenu,
mais uniquement pour la partie acquise après le 1
er
janvier
1998.
Ce dispositif a été quelque peu assoupli, à l'initiative
du gouvernement, lors de l'examen du projet de loi de finances à
l'Assemblée. Outre la modification de la date déjà
évoquée, ces assouplissements consistent, pour l'essentiel,
à admettre le maintien de l'exonération d'impôt sur le
revenu pour les produits afférents, d'une part, aux
versements
programmés
effectués à la suite d'un engagement
antérieur sur les contrats à versements libres du 26 septembre
1997 au 31 décembre 1997 et, d'autre part, aux
versements
exceptionnels
effectués sur tout type de contrat au cours de la
même période sous réserve que ces derniers versements
n'excèdent pas 200.000 francs.
3.Le maintien du régime actuel pour les contrats d'assurance-vie
majoritairement investis dans le capital risque
Jusqu'à présent, la structure d'investissement des fonds
collectés dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie n'avait pas
d'incidence au regard des règles d'imposition des produits à
l'impôt sur le revenu : le même régime s'applique aux
contrats en francs et aux contrats en unités de compte.
Or, le dernier alinéa du paragraphe II du présent article
prévoit que les produits attachés aux bons ou contrats en
unités de compte principalement investis dans des opérations de
capital risque
25(
*
)
seraient
exonérés d'impôt sur le revenu en cas de rachat
au-delà d'une durée de huit ans. En cas de rachat partiel ou
total avant l'expiration de la huitième année, les produits de
ces contrats seraient imposables dans les conditions de droit commun.
B. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES DES PRÉLÈVEMENTS
SOCIAUX
1.La CSG et le CRDS
Les produits capitalisés des bons ou contrats de capitalisation et
placements de même nature sont soumis à la contribution pour le
remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 % depuis le
1
er
février 1996 et à la contribution sociale
généralisée (CSG) au taux de 3,4 % depuis le
1
er
janvier 1997 :
- lors de leur inscription au contrat pour les contrats en francs (en pratique,
chaque année) ;
- lors du dénouement du contrat (ou d'un rachat partiel) pour les
contrats en unités de compte.
L'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale prévoit de faire passer le taux de la CSG à 7,5 %.
2.Les prélèvements spécifiques aux revenus de capitaux
mobiliers
Outre la CSG et le CRDS, les produits capitalisés des bons ou contrats
de capitalisation et placements de même nature, lorsqu'ils sont soumis
à la taxation forfaitaire de 35 % ou de 15 % (ou en cas d'imposition au
barème), subissent :
- un prélèvement social de 1 % prévu à l'article
1600-0 F du code général des impôts au profit de la Caisse
nationale d'allocation vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) ;
- une contribution sociale de 1 % prévue à l'article 1600-0 A du
code général des impôts au profit de la Caisse nationale
d'allocation familiale (CNAF).
Lorsque les bons ou contrats ont plus de huit ans, ils sont actuellement
exonérés de ces prélèvements.
L'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale,
fusionne ces deux prélèvements en un nouveau
prélèvement dont le taux serait de 2 % et l'assiette identique
à celle de la CSG. Le résultat est que les contrats
d'assurance-vie et les bons de capitalisation, même lorsqu'ils sont
dénoués plus de huit ans après leur souscription,
subiraient ces prélèvements spécifiques.
Les tableaux ci-après montrent l'imposition actuelle des produits
d'assurance-vie et l'imposition projetée en prenant en compte les
dispositions du présent article ainsi que celles du projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
Il faut en retenir que le taux d'imposition normal des produits
d'assurance-vie passerait de 3,9 % à l'heure actuelle à 17,5 % si
l'ensemble des dispositions qui nous sont proposées sont adoptées.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Sur la forme, on observera que le gouvernement a demandé à
l'Assemblée nationale de ratifier les termes de son communiqué de
presse intervenu entre le dépôt du projet de loi et son examen en
séance publique. Votre commission des finances souligne les limites de
cette façon de légiférer.
Sur le fond, votre commission des finances vous demande de rejeter le
présent article pour les raisons suivantes :
En premier lieu, il s'agit
d'une mesure qui contribue à inverser la
hiérarchie normale de la fiscalité de l'épargne en
défavorisant l'épargne longue, la plus utile à
l'économie et en favorisant l'épargne liquide, qui continue
d'être détaxée
. Ce non sens fiscal incitera les
ménages à placer leur épargne sur les livrets
défiscalisés et augmentera ce faisant les coûts de
financement de notre économie.
On peut en effet se demander pour quelles raisons les épargnants
accepteraient de bloquer leurs avoirs pendant huit ans dans l'assurance-vie,
alors qu'aux niveaux actuels de taux d'intérêts, les livrets
d'épargne défiscalisés leur assurent parfois un rendement
comparable. De surcroît la mesure proposée conduira à
raccourcir la durée des contrats en cours, puisque les épargnants
dont les contrats ont plus de huit ans auront tout intérêt
à procéder à des rachats partiels afin de "maximiser" leur
franchise de 30.000 /60.000 francs, alors qu'ils ont actuellement
intérêt à le laisser continuer.
Supposons par exemple un couple ayant souscrit un contrat d'assurance-vie en
francs et à prime unique au 1
er
janvier 1998 et
décidant de le dénouer en une seule fois le 2 janvier 2006. Si
l'on suppose que la rentabilité du produit est en moyenne de 5,5 %, et
que les frais d'entrée sont d'environ 5 %, le produit net d'impôt
d'un tel placement serait, au bout de huit ans, de 265.975 francs, soit
à peine 11.500 francs de plus que si le couple avait placé son
argent sur un livret A (en supposant que le taux du livret reste à 3,5
%). La prime ainsi donnée à l'épargne bloquée
apparaît assez faible, alors même qu'en cas de besoin
anticipé des fonds la pénalité serait forte.
En second lieu,
cette mesure tend à priver les épargnants
d'un moyen efficace de se constituer un complément d'épargne en
vue de la retraite
, alors même que le gouvernement a refusé de
prendre les décrets d'application de la loi sur les fonds de pension,
privant ainsi cette loi de tout effet, sans pour autant proposer de solutions
alternatives au problème des retraites.
Ensuite,
cette mesure fait courir un risque important pour le financement
du déficit budgétaire
. En 1996, les entreprises d'assurance
ont souscrit 52 % des émissions obligataires du Trésor. Or
l'année 1998 semble particulièrement mal choisie pour
procéder à une réforme d'ensemble de l'assurance-vie dans
la mesure où arriveront à échéance près de
100 milliards de francs de contrats souscrits en 1990, soit le double des
"tombées" habituelles.
Par ailleurs, au moment où la libre prestation de services en
matière d'assurances commence à se développer et à
la veille de l'euro, la taxation accrue de l'assurance-vie
pousse à
la délocalisation des épargnants français
.
Déjà des documents publicitaires de compagnies européennes
faisant l'éloge du secret bancaire dont les épargnants peuvent
jouir en dehors de la France sont distribués sur le territoire national.
La mesure proposée
ne répond à aucune logique fiscale
cohérente
. Le taux et les modalités d'imposition constituent
une cote mal taillée entre l'exonération actuelle et le taux
normal de 15 %. Pourquoi ce compromis ? On peut penser que ce taux
intermédiaire sera relevé et que le plafond d'abattement de
30.000- 60.000 francs sera abaissé en fonction des besoins
budgétaires du moment.
En outre, la mesure proposée est d'une
grande complexité
.
Le contrôle des abattements ne pourra être effectué que par
l'administration car un contribuable peut être détenteur de
plusieurs contrats auprès de sociétés d'assurance-vie
différentes. Comment d'ailleurs une société d'assurance
pourra-t-elle organiser le prélèvement de 7,5 % sans
connaître la situation fiscale d'ensemble de ses clients ? Dans le
même ordre d'idées, chaque entreprise d'assurance sera dans
l'obligation d'ouvrir, pour chaque contrat, un contrat bis destiné
à accueillir les nouveaux versements. Chaque contrat aura donc à
partir du 1
er
janvier 1998 deux compartiments : l'un correspondant
à l'épargne acquise précédemment dont les
intérêts capitalisés (y compris ceux à venir) ne
seront pas fiscalisables après 8 ans ; le deuxième destiné
à recevoir les nouveaux versements dont les produits capitalisés
seront fiscalisables après huit ans à compter de la date d'effet
initiale du contrat. Immanquablement, cette plus grande complexité
entraînera des coûts de gestion qui seront supportés par
l'ensemble des souscripteurs.
Accessoirement, on observera que le maintien de l'exonération pour les
contrats d'assurance-vie investis majoritairement en actifs risqués
supposerait la mise en place de produits spécifiques ne correspondant
pas à la physionomie traditionnelle de ce type de placement et pour
lesquels devraient être appliquées des règles
spécifiques en matière de démarchage. On peut même
penser que de tels contrats tomberaient sous le coup des dispositions du code
des assurances et, notamment de son article L. 131-1 aux termes duquel :
"les
unités de compte doivent être constituées de valeurs
mobilières ou d'actifs
offrant une protection suffisante de
l'épargne investie
".
Pour la troisième année consécutive, le paysage fiscal de
l'assurance-vie se trouve à nouveau bouleversé sans qu'il soit
tenu compte du rôle majeur qu'elle joue dans le financement de
l'économie. Cette
instabilité fiscale
rend impossible de
fonder un calcul économique rationnel et d'ores et déjà,
la réforme proposée a entrainé un gel des versements,
voire des retraits anticipé de l'épargne disponible.
Enfin, tous ces risques sont pris pour un
rendement budgétaire qui
devrait être en 1998 de l'ordre de 10 millions de francs
et qui ne
devrait pas dépasser en "régime de croisière", c'est
à dire d'ici huit ans, environ un milliard de francs.
Décision de la commission : votre commission vous demande de
supprimer le présent article.